Page précédente Table des matières Page suivante


CHAPITRE 18 - Mortalités de poissons causées par les facteurs de l'environnement en Afrique

153

18.1

Déplétion de l'oxygène dissous dans les étangs

 
 La déplétion en oxygène dissous apparaît dans les étangs hautement productifs, fortement chargés en poissons, durant une période prolongée de temps chaud et calme, avec des températures diurnes approchant ou excédant 30°C et des températures nocturnes normalement au-dessus de 18°C mais ordinairement bien au-dessus de 20°C. Le taux d'oxygène dissous peut, durant cette période, tomber la nuit et pendant les premières heures de la matinée en dessous de 2 mg d'O2/litre. C'est un niveau très bas, même pour des poissons tels que la carpe et de nombreux Tilapia, relativement peu exigeants en oxygène. Une fréquente déplétion en oxygène place le poissons en état de stress, réduit par conséquent son appétit et accroît sa vulnérabilité aux maladies, particulièrement à celles causées par des bactéries et par des champignons. Des mortalités massives dans des étangs chargés densément sont un phénomène fréquent pendant la saison chaude dans les piscicultures d'Israël et du Sud des EtatsUnis. 
 La température chaude de l'eau, une alimentation intense et une fertilisation fréquente accélèrent la production primaire, aboutissant à des blooms phytoplanctoniques, plus communément de cyanophycées. Des blooms algaux denses empêchent la pénétration de la lumière dans les couches profondes et au fond de l'étang. Ces couches deviennent anaérobies; la photosynthèse pendant le jour reste limitée dans ces étangs à la couche très superficielle et la production diurne totale en oxygène par photosynthèse n'est pas suffisante pour compenser la demande nocturne. Dans les étangs peu profonds, l'action du vent peut produire un mélange suffisant pour rompre la stratification et accroître par conséquent partout la production par photosynthèse afin de compenser la demande nocturne. Le même effet peut être obtenu par un brassage et une aération artificiels, en utilisant par exemple des aérateurs à pales ou des bulleurs. 
 Les poissons phytoplanctonophages tels que la carpe chinoise Hypophthalmichthys molitrix, s'ils sont chargés en nombre suffisant, peuvent améliorer la situation en consommant la surproduction de phytoplancton et en permettant ainsi à la lumière de pénétrer dans les couches aquatiques les plus profondes. 
 On s'est aperçu que la déplétion en oxygène dans les étangs, avec des mortalités de poissons massives et consécutives, apparaissait suite à des mortalités brutales du bloom algal. La décomposition des algues accroît la demande en oxygène, qui est trop élevée pour être efficacement compensée par la photosynthèse. Des mortalités de poissons suivant les mortalités de cyanophycées ont été signalées au Maroc, en Israël, en Turquie, et en Inde. La cause de ces mortalités algales est jusqu'alors inconnue. Le manque de nutrients azotés ou de micro-éléments ou encore de vitamines peut être une cause, comme également une épidémie virale, les cyanophages. La mortalité périodique des algues peut être atténuée par l'application fréquente de fertilisants azotés (ammoniums liquides ou solides) associée à des mesures propres à mélanger l'eau pour éviter une stratification. 
 Les blooms algaux peuvent être éliminés par l'emploi d'algicides tels que le sulfate de cuivre à la dose de 1,5 ppm. Toutefois, l'usage des algicides peut produire le même effet que la mortalité naturelle des algues et une déplétion en oxygène due à la décomposition des algues mortes. C'est pourquoi l'application d'un algicide doit être entreprise avec une extrême précaution. La déplétion en oxygène doit être prévenue simultanément par une aération artificielle et par le renouvellement de l'eau de l'étang.154

18.2

La production de toxines par les algues

 
 Certaines algues planctoniques peuvent produire des toxines extraou intracellulaires. Les premières sont excrétées dans l'eau alors que les secondes ne sont libérées qu'après la mort et la décomposition des algues. Elles ne sont produites qu'en certaines conditions. La teneur et l'action des toxines produites ne sont pas nécessairement directement corrélées avec la quantité d'algues présentes dans l'eau. Les toxines doivent être souvent activées par des co-facteurs physico-chimiques de l'eau. 
 De nombreuses espèces de Dinoflagellés sont connues pour produire des toxines extracellulaires. Parmi celles-ci, Prymnesium parvum apparaît communément en Israël dans des étangs où la salinité de l'eau est supérieure à 1 ppt; elle cause des pertes considérablesen poissons. En conditions optimales de salinité, de température et de lumière, les blooms se développent au bout de trois à cinq jours. Les premiers signes de toxicité chez les poissons se manifestent par leur concentration en bancs et, souvent, par des bonds hors de l'eau. Les exotoxines accroissent la perméabilité des branchies en perturbant la balance osmotique. La présence de cette toxine est déterminée par des bio-essais utilisant Gambusia affinis qui est même plus sensible que la carpe à cette toxine. 
 La lutte contre Prymnesium est engagée en utilisant des composés ammoniaqués (ammoniaque liquide ou sulfate d'ammoniaque) ou du sulfate de cuivre, le choix des agents chimiques étant déterminé par la température et le pH ambiants. Des instructions détaillées pour l'application de ces agents sont données par Sarig (1971). 
 Quelques Cyanophycées sont toxiques et apparaissent sur des étendues assez vastes, entraînant une mortalité dans les populations aquatiques. L'effet de l'excrétion de substances toxiques sur le poisson est difficile à observer du fait que les blooms de C yanophycées et leur mortalité causent une déplétion en oxygène qui entraîne également une mortalité massive des poissons. L'effet toxique létal de ces algues a été démontré en laboratoire en utilisant des souris et des rats blancs, des grenouilles et des carpes communes. 

18.3

Effet des basses températures de l'eau

 
 On a démontré que la réponse immunitaire de tous les vertébrés poïkilotermes est dépendante de la température. Les basses températures retardent ou abolissent complètement la production d'anticorps. La température critique en dessous de laquelle la réponse immunitaire fait défaut varie avec les espèces de poissons. Les espèces d'eau chaude comme la carpe ne produisent pas d'anticorps s'ils sont tenus dans une eau en dessous de 12°C, alors que la truite arc-en-ciel produira encore des anticorps à des températures aussi basses que 5°C. La température critique des espèces tropicales est apparemment plus élevée mais elle n'a pas été mesurée jusqu'alors. Une dépendance similaire de la température a été démontrée en ce qui concerne le taux de reconstitution des tissus chez le poisson.
Les poissons tropicaux tels que les Cichlidés et les Clariidés atteignent leur tolérance thermique limite dans le sud et le nord de l'Afrique. Ces poissons sont vulnérables et peuvent succomber quand la température de l'eau s'abaisse en dessous de 13°C comme cela arrive au cours des mois d'hiver, particulièrement dans les collections d'eau petites et peu profondes. Déjà, aux températures inférieures à 17°C ces poissons diminuent leur activité et cessent de se nourrir. Toutefois, certaines espèces de cichlidés, ordinairement celles qui sont indigènes dans ces régions, tolèrent mieux les basses températures que les espèces introduites des régions tropicales. A des températures de 15°C, ou en dessous, ces poissons sont affaiblis ou même stressés et deviennent sensibles aux maladies.155
Les dégradations de la peau dues aux manipulations ne réussissent pas à guérir. Elles sont facilement infectées par des bactéries et plus communément par Saprolegnia, champignon parasite de la peau. Les pisciculteurs en Israël, où Tilapia est élevé en intensif, sont invités à éviter les manipulations de Tilapia pendant les périodes froides. 
On a signalé que durant la saison froide, les Tilapia en étang comme en lacs succombent à de fortes infections causées par le protozoaire Childonella, accompagné par Trichodina, Costia et Glosatella. Ces infections peuvent aussi être accompagnées d'une infection bactérienne à caractère septicémique. 
Les poissons subtropicaux comme la carpe commune, bien que tolérant les basses températures, diminueront néanmoins leur activité générale et leur alimentation. Au-dessous de 13°C, ils deviennent également plus sensibles aux maladies et aux infections. Toutefois, les températures basses de l'eau réduisent également le taux de reproduction des microbes et des parasites pathogènes. Cependant le réchauffement graduel de l'eau, au début du printemps, ou même par intermittence en hiver, peut devenir critique pour ces poissons. Il accroît l'activité et la reproduction des agents pathogènes avant que les poissons aient pu reprendre leur activité normale de la période chaude et leur pouvoir immunologique. Pendant ces périodes, il est probable que se manifesteront l'explosion de maladies microbiennes et fongiques ainsi que des infections par des protozoaires ectoparasites, particulièrment Ichthyophthirius (section 5.2). 
REFERENCES:1, 10, 11, 165, 186, 238, 249, 254, 257, 258. 

Page précédente Début de page Page suivante