COMITÉ DES PRODUITS

GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL SUR LA VIANDE

SOUS-GROUPE DES CUIRS ET PEAUX

Sixième session

Le Cap (République sud-africaine), 9-11 novembre 1998

DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR DES CUIRS ET PEAUX BRUTS ET DU CUIR TANNÉ EN AFRIQUE






I. INTRODUCTION

1. Le Sous-Groupe des cuirs et peaux, à plusieurs occasions, a fait part de sa préoccupation face aux problèmes que connaît le secteur des cuirs et peaux bruts en Afrique. A sa troisième session, en 1992, il a demandé qu'une étude soit entreprise sur la commercialisation des cuirs et peaux en Afrique qui mettrait l'accent sur les problèmes et obstacles qui touchent le secteur des cuirs et peaux bruts et du cuir tanné dans la région. A sa dernière session (cinquième session, Bologne, Italie) en mai 1996, le Sous-Groupe a demandé à la FAO de favoriser les activités visant à améliorer le secteur des cuirs et peaux dans les pays en développement et au Secrétariat de la FAO d'appuyer ces travaux. Comme la sixième session a lieu en Afrique, il est justifié d'accorder à ce secteur une attention particulière.

2. Le présent document passe en revue la situation du secteur des cuirs et peaux bruts et du cuir tanné dans certains pays d'Afrique. Il présente des données historiques pour aider à examiner les mesures qui pourraient être prises pour promouvoir le développement du secteur afin d'optimiser la contribution qu'il peut apporter à l'économie des pays concernés.

3. Le document traite uniquement des manières traditionnelles provenant de bovins, moutons et chèvres. Les peaux d'autruches, de reptiles, de poissons et de divers animaux chassés ne sont pas étudiées, bien que ces produits soient susceptibles de beaucoup se développer dans certains pays d'Afrique.

II. PRODUCTION ET COMMERCE
DES CUIRS ET PEAUX BRUTS

4. Le cheptel total des animaux d'élevage (bovins, moutons et chèvres) en Afrique est de 523 millions de têtes, soit 16,7 pour cent du total mondial (voir Tableau 1).

Tableau 1. Cheptel (en millions de têtes) (moyenne 1992-94)

 

Bovins

Moutons

Chèvres

Total

Afrique

Monde entier

Part de l'Afrique
(en pourcentage)

180,7

1 434,5

12,6

177,7

1 104,6

16,1

164,8

594,7

27,7

523,2

3 133,8

16,7

5. Toutefois, l'Afrique n'assure que 10,7 pour cent du nombre de cuirs et peaux produits dans le monde (voir Tableau 2). Si l'on prend en considération la taille réduite et la qualité relativement médiocre des peaux, la contribution de l'Afrique aux approvisionnements mondiaux est encore plus faible.

Tableau 2. Production de cuirs et peaux (en millions de pièces)

 

Bovins

Moutons

Chèvres

Total

Afrique

Monde entier

Part de l'Afrique
(en pourcentage)

17,8

279,4

6,4

50,3

511,6

9,8

44,9

267,9

16,8

113

1 059

10,7

6. La valeur totale des exportations africaines de cuirs et peaux, de cuir tanné et de produits en cuir a augmenté d'environ 115 pour cent entre 1978 et 1995, mais ces exportations représentent moins de un pour cent du commerce international total de ce groupe de produits.

7. Cette production relativement faible des pays africains s'explique notamment par les facteurs culturels, les infrastructures et la fixation des prix de la matière brute.

i) Facteurs culturels

8. Les schémas culturels et le style de vie des producteurs traditionnels de bétail en Afrique, même s'ils sont en rapide évolution, ne sont généralement pas adaptés à l'élevage commercial et constituent souvent une base médiocre pour la production industrielle de viande et de cuirs et peaux. Les propriétaires de grands troupeaux de bovins et de petits ruminants élèvent ces animaux souvent pour montrer qu'ils sont riches et pour répondre à des objectifs traditionnels tels que "l'assurance-vie", la dot et la viande pour les festivités. La consommation régulière de viande en Afrique subsaharienne est très faible, puisqu'on l'estime à environ 10 kg par personne et par an en Ethiopie et en Ouganda et à 13 kg au Kenya. Cela ne représente qu'un dixième de la consommation des pays d'Europe et d'Amérique du Nord.

ii) Infrastructures

9. Des infrastructures médiocres, y compris l'absence de routes correctes, la faiblesse des installations pour des traitements anti-parasitaires et soins vétérinaires, l'absence dans les villages d'installations d'abattage et de séchoirs, d'adduction d'eau et d'hygiène a des effets majeurs sur la qualité des peaux brutes en provenance d'Afrique. La putréfaction est un problème particulièrement grave. Les cuirs et peaux qui ont commencé à se putréfier ne peuvent même plus servir à fabriquer du cuir de qualité médiocre. En Ouganda par exemple, les méthodes usuelles de conservation des peaux sont le séchage au sol et sur des fils ou des poteaux, ce qui signifie séchages intermittents et réhumidification, et par conséquent une mauvaise conservation. Le taux de rejet de peaux de moutons et de chèvres est élevé. Dans certaines zones, les exportateurs achètent maintenant des peaux brutes fraîches à traiter par la saumure ou directement afin de réduire le gaspillage.

iii) Classement et structures des prix

10. Dans de nombreux cas, les prix payés pour les cuirs et peaux ne correspondent pas à la catégorie de la matière première. Dans certains pays, les prix sont fixés de manière imprévisible, toutes les catégories se vendent cher lorsque les approvisionnements sont faibles, mais les catégories inférieures ne trouvent aucun débouché certaines autres années. Les producteurs ne sont pas encouragés en permanence à améliorer la qualité de leurs produits. Il en résulte que la qualité, les quantités produites et les prix payés restent faibles. Il est vraisemblable que, compte tenu des habitudes traditionnelles de consommation, les taux d'abattage dans les pays d'Afrique n'augmenteront pas beaucoup. Le respect de structures appropriées de classement et de fixation des prix inciterait toutefois à apporter un plus grand soin à la réduction du gaspillage et à l'amélioration de la qualité. Ainsi, les producteurs primaires seraient mieux rétribués et les cuirs et peaux bruts, le cuir tanné et les produits en cuir d'Afrique seraient davantage exportés.

III. CHAUSSURES ET ARTICLES EN CUIR

11. Tous les pays africains avaient, avant l'époque coloniale, un artisanat du cuir produisant les articles nécessaires dans la société traditionnelle tels que gourdes pour l'eau, vêtements, boucliers, cordages en cuir et éléments de décoration, mais cet artisanat a cessé de se développer. Aujourd'hui, l'artisanat produit essentiellement des "articles d'aéroport" de médiocre qualité pour les touristes, alors que la fabrication moderne et mécanisée d'articles en cuir est lente à se développer. Certaines sociétés, en particulier Bata, ont créé à la fin des années 60 des fabriques de chaussures pour les marchés locaux et disposaient d'un certain nombre d'usines efficaces dans plusieurs pays d'Afrique. Certaines de ces usines fonctionnent encore mais d'autres ont été fermées en raison de problèmes économiques. D'autres, par exemple, en Egypte, en Tanzanie, au Soudan, ont été nationalisées mais elles n'ont pas toujours été bien entretenues.

12. La production de chaussures et d'articles en cuir à partir d'éléments importés est possible dans certains pays lorsque les éléments peuvent être importés en franchise de droits. Toutefois, ce type d'opérations doit faire face à une concurrence serrée de la part des pays d'Extrême-Orient et d'ailleurs.

13. Les industries de la chaussure et des articles en cuir sont tout à fait adaptées aux petites et moyennes opérations industrielles et elles ont des processus de fabrication à très forte intensité de main-d'oeuvre. Il existe encore un potentiel considérable de développement, du fait de l'approvisionnement en matières premières et des coûts de main-d'oeuvre favorables.

14. Pour favoriser le développement industriel de ce secteur, les pays d'Afrique doivent attirer des investissements étrangers et stimuler la coopération avec la plupart des pays ayant des industries beaucoup plus développées. Les investissements étrangers seront davantage attirés si le niveau des capacités industrielles est amélioré et si un climat politique et industriel stable s'offre aux investisseurs potentiels.

15. Le succès de la formation d'ouvriers, de contremaîtres, de techniciens, de créateurs et d'entrepreneurs par Tanning and Production Centre for Shoes Industry (TPCSI) au Kenya est un exemple encourageant, qui pourrait être repris dans d'autres pays d'Afrique.

IV. COMMERCIALISATION DES PRODUITS EN CUIR

16. Les pays d'Afrique font face à des difficultés particulières lorsqu'ils essaient de pénétrer sur les marchés mondiaux. Ils ont peu de données statistiques fiables sur les cuirs finis et les produits en cuir, et ont des difficultés à collecter, évaluer et diffuser des informations sur les marchés. Des gammes de produits adaptées doivent être créées pour répondre aux exigences de la mode et produire les couleurs et textures des différents types de matériaux recherchés par les consommateurs.

17. Les importateurs ont en général besoin de cuirs et peaux bruts de bonne qualité, bien conservés et correctement classés. Ces dernières années, les exportations de cuirs et peaux bruts d'Afrique ont diminué, en partie à cause des politiques commerciales restrictives adoptées par certains pays qui ont limité les disponibilités à l'exportation. Les nouvelles tanneries nationales ont peut-être besoin d'un soutien pour être opérationnelles, mais les restrictions à l'exportation ont souvent entraîné des baisses de la qualité du stock brut national en raison des faibles prix payés par les tanneries locales.

18. Les cuirs semi-ouvrés, tels que les peaux traitées par la saumure et les peaux en bleu se vendent en général assez facilement. Toutefois, à mesure que la matière première subit des transformations ultérieures, à partir des cuirs en croûte et des peaux prêtes à être travaillées, les marchés deviennent plus étroits et plus complexes. Les cuirs en croûte doivent être préparés conformément à la demande des clients, ce qui impose une coopération étroite entre le fournisseur et le client. En particulier, les clients doivent savoir que la qualité du matériau brut, ses propriétés physiques et son grain, son tannage, y compris la souplesse et la qualité au toucher du produit, correspondent exactement à leurs besoins.

19. Les tanneries qui commercialisent des cuirs finis pour les usines de chaussures et autres industries de produits en cuir s'adressent à un marché beaucoup plus exigeant. Des facteurs tels que la date de livraison, la qualité et l'aptitude à suivre l'évolution de la mode deviennent plus importants. Les acheteurs internationaux, influencés par les besoins de leurs clients, cherchent à instaurer des liens avec les tanneurs et avec les agents de commercialisation qui doivent être en mesure de respecter des délais de livraison spécifiques et de fournir des matériaux conformes aux spécifications convenues.

20. Rares sont les cas où les usines ont été en mesure de commencer à exporter des produits en cuir. L'Ethiopie est l'un des seuls pays d'Afrique subsaharienne où la production de vêtements en cuir et autres produits a atteint un niveau raisonnable et certaines usines éthiopiennes sont en mesure d'exporter vers les pays industrialisés.

V. CONCLUSIONS

21. L'industrie africaine des cuirs et produits en cuir a un vaste potentiel de développement, qui repose sur des cheptels importants, et des sources de matières premières autochtones et renouvelables dans un certain nombre de pays. La qualité inhérente de certains des cuirs et peaux est bonne et, dans certains cas, excellente. Sa mise en valeur bénéficierait directement aux producteurs primaires locaux, y compris les éleveurs et les agriculteurs, et cela créerait des emplois et contribuerait à économiser des devises en réduisant les importations de produits en cuir.

22. Toutefois, il y a des obstacles majeurs au développement de cette industrie. Les peaux sont souvent endommagées du fait de pratiques d'élevage inappropriées. Les installations, l'équipement et les qualifications requises pour l'abattage sont insuffisants dans de nombreux pays. La structure des prix payés pour les peaux brutes n'encourage pas toujours les producteurs à produire du matériel de bonne qualité.

23. Il y a différentes façons d'affronter les problèmes auxquels le secteur africain des cuirs et peaux et cuir tanné est confronté. Traditionnellement, on a essayé d'améliorer ce secteur en Afrique en investissant directement dans les infrastructures, la formation, etc. à l'initiative des gouvernements et des organisations internationales. Toutefois, il devient de plus en plus difficile de mobiliser les financements requis pour ces projets, et la privatisation de l'industrie qui a lieu dans de nombreux pays rend souvent cette démarche inappropriée.

24. On pense que l'industrie privatisée sera mieux à même de contribuer au développement de ce secteur à l'avenir. En Ethiopie, par exemple, deux des tanneries d'Etat ont maintenant été privatisées. Une fois que les problèmes d'ajustement initiaux auront été surmontés, les industries restructurées devraient être en mesure de produire des articles de meilleure qualité et de développer le traitement et la fabrication des cuirs.

25. De nombreux pays étudient avec soin le cadre des politiques dans lequel fonctionne ce secteur. Les stimulants et les freins qu'entraînent certaines politiques visant à l'économie nationale et les échanges, ainsi que les structures commerciales de prix, peuvent être décisifs. Sur ce dernier point, une proposition de projet d'amélioration des systèmes de fixation des prix et de classement, à financer par le Fonds commun pour les produits de base, devrait être examinée par le Sous-Groupe à cette session (document CCP: ME/HS/98/8). Les politiques et structures qui encouragent et facilitent les exportations peuvent aussi influencer le développement du secteur. Certains pays ont choisi de limiter les exportations de leurs matières premières afin d'encourager le développement de leurs industries de transformation, mais ces politiques peuvent avoir un effet négatif sur la production des cuirs et peaux. Cette question figure aussi à l'ordre du jour de la session (voir document CCP: ME/HS 98/4). La promotion de foires commerciales et la production d'annuaires commerciaux facilitent les contacts commerciaux entre exportateurs et importateurs potentiels et peuvent donc contribuer sensiblement au développement du secteur.

26. Les efforts de l'industrie elle-même ne sont pas négligeables. L'ONUDI a encouragé le développement d'associations nationales et régionales des cuirs et peaux et cuir tanné, ce qui a entraîné la création, en Afrique orientale et australe, d'organismes par lesquels l'industrie peut jouer un rôle actif dans son propre avenir, en influençant les politiques gouvernementales et en participant directement aux activités de développement.

27. La coopération entre les gouvernements et l'industrie et, le cas échéant, entre les pays de la région, pourrait être un maillon dans la promotion de l'expansion des échanges commerciaux africains. Des efforts de coopération pourraient être dirigés vers la mise en commun de l'information et des compétences avec des pays qui possèdent des technologies de pointe, et vers la promotion des produits africains dans les pays importateurs.