COMITE DES PRODUITS

Soixante-deuxième session

Rome, 12 - 15 janvier 1999

PROBLÈMES COMMERCIAUX AUXQUELS DOIVENT FAIRE FACE LES PETITS ÉTATS INSULAIRES EN DÉVELOPPEMENT

1. Le présent document résume une étude de la FAO à paraître sous peu sur le nouvel environnement commercial mondial, découlant notamment de l'Accord sur l'agriculture du Cycle d'Uruguay, et son incidence sur les échanges de produits agricoles de 33 petits Etats insulaires en développement et Etats côtiers de faible altitude (PEID)1. Il examine les avantages comparatifs confirmés des PEID sur les marchés internationaux, pour ce qui concerne les produits de l'agriculture, des pêches et des forêts et analyse les conséquences de l'Accord sur l'agriculture pour leur commerce extérieur.

2. On soutient fréquemment que les PEID souffrent de handicaps spécifiques dus à la combinaison de divers facteurs tels que: exiguïté du territoire, difficulté d'accès, dispersion géographique, vulnérabilité aux catastrophes naturelles et marché interne limité, outre les problèmes généraux que connaissent tous les pays en développement2. Comme pour l'ensemble des pays en développement, on retrouve dans le groupe des PEID une certaine diversité de niveaux de développement économique et de compétitivité sur les marchés agricoles. Dans les PEID à revenu plus élevé, où le PIB par habitant est supérieur à 6 000 dollars (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Bahreïn, Barbade, Chypre, Jamaïque et Malte), l'agriculture joue un rôle assez restreint dans l'économie, assurant moins de 10 pour cent du PIB et moins de 20 pour cent de l'emploi. En revanche, dans le groupe des pays les moins avancés (Cap-Vert, Comores, Guinée-Bissau, Haïti, Maldives, Samoa, Sao Tomé-et-Principe, Iles Salomon et Vanuatu), où le revenu par habitant est inférieur à 1 500 dollars, l'agriculture peut assurer jusqu'à 50 pour cent du PIB et 75 pour cent de l'emploi.

3. Les PEID sont, dans l'ensemble, exportateurs nets de produits agricoles. Les exportations de produits agricoles des PEID représentent environ 103 pour cent de la valeur de leurs importations de produits agricoles, mais à l'intérieur de ce groupe, on note de très forts écarts avec moins de 5 pour cent pour Antigua-et-Barbuda et plus de 200 pour cent pour Cuba (où les exportations représentent, en valeur, le double des importations). Neuf PEID sont des exportateurs nets de produits agricoles (Belize, Cuba, Fidji, Guyana, Maurice, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Iles Salomon et Vanuatu). Les exportations de produits agricoles des PEID sont en général fortement concentrées sur un petit nombre de denrées et de marchés et dépendent en général d'accords commerciaux préférentiels. La plupart des PEID n'ont pas d'avantages comparatifs révélés pour l'ensemble de la production agricole, mais plusieurs ont un avantage comparatif pour des produits agricoles spécifiques.

4. En 1994-95, la valeur totale des exportations agricoles des PEID était d'environ 8,2 milliards de dollars E.-U. contre 7,9 milliards dix ans auparavant. En 1994-95, la part de Cuba dans les exportations agricoles des PEID était de 45 pour cent et ce pays, avec Chypre, la République dominicaine, Fidji, Maurice et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, assurait près de 80 pour cent du total des exportations agricoles des PEID. Si la valeur des exportations agricoles des PEID n'a guère progressé au cours des dix dernières années, la valeur de leurs importations agricoles a en revanche pratiquement doublé, passant de 4,3 milliards de dollars au début des années 80 à 8 milliards de dollars en 1994-95. En valeur réelle, les prix de la plupart des denrées exportées par ces pays ont baissé dans les années 80 et stagné dans les années 90. L'indice des prix réels (1980=100) pour le sucre est tombé à 25 en dix ans. Sur la même période, l'indice des prix réels de la banane est tombé à 92 et celui des produits pour boissons tropicales à 37. Depuis le début des années 90, la tendance à la baisse des prix de ces denrées s'est atténuée ou inversée, de sorte qu'en 1998, les indices des prix réels étaient estimés respectivement à 23, 90 et 51.

5. La plupart des PEID bénéficient d'un accès préférentiel aux principaux marchés des pays développés, dans le cadre d'arrangements spéciaux - Convention de Lomé de l'UE pour les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et Caribbean Basin Initiative des Etats-Unis - ou du Système généralisé de préférences (SGP) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Selon des études récentes réalisées par la CNUCED et la FAO, les effets bénéfiques découlant des différents accords commerciaux préférentiels se concentrent sur quelques pays et quelques produits et souvent, les bénéficiaires, y compris les PEID, n'ont pas été en mesure d'exploiter pleinement les opportunités qui leur étaient offertes3. En outre, certaines clauses préférentielles de ces accords commerciaux ont été contestées à l'OMC.

6. L'Accord sur l'agriculture réduit les obstacles à l'importation de produits agricoles sur de nombreux marchés, selon la clause de la nation la plus favorisée, ouvrant des possibilités pour les produits primaires, mais aussi pour les produits transformés à valeur ajoutée provenant de producteurs à faible coût de revient4, y compris nombre de PEID. Toutefois, comme la majeure partie des exportations agricoles des PEID bénéficie d'un accès préférentiel aux marchés des pays développés, les réductions tarifaires appliquées au titre de la clause de la nation la plus favorisée pourraient réduire la marge de préférence accordée aux exportations des PEID. L'Accord sur l'agriculture entraînerait des pertes de préférences dont le montant ne serait pas important globalement, mais il est probable que certains produits et pays soient plus touchés que d'autres5. Pour les PEID, les préférences commerciales liées à deux produits, le sucre et la banane, revêtent une importance essentielle, même si les dispositions de l'Accord sur l'agriculture n'ont touché que légèrement la plupart des préférences accordées pour ces produits6. Si ces produits se retrouvaient dans la liste des produits soumis à libéralisation, la situation pourrait toutefois changer.

7. L'Accord sur l'agriculture impose également des disciplines qui régissent le recours aux soutiens intérieurs et aux subventions à l'exportation dans un grand nombre de gros producteurs et exportateurs de produits agricoles des zones tempérées. Cela pourrait porter à une hausse des cours mondiaux des aliments et réduire la disponibilité d'importations alimentaires subventionnées pour certains PEID7. La légère hausse des cours internationaux des produits alimentaires attendue à la suite de l'Accord sur l'agriculture ne s'est pas concrétisée jusqu'à présent et cet Accord n'est responsable ni de la forte hausse des prix des céréales en 1995-96 ni de leur net fléchissement en 1998-998. Il semble que le coût des importations de produits alimentaires des PEID ait augmenté jusqu'à la campagne de commercialisation en cours, mais une baisse pouvant aller jusqu'à 10 pour cent est prévue pour 1998/99, sous l'effet combiné d'un fléchissement des cours mondiaux et d'une augmentation des expéditions d'aide alimentaire.

8. Vingt-quatre PEID sont membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), quatre ont le statut d'observateur et ont fait une demande d'adhésion et un autre, le Cap-Vert, a le statut d'observateur mais n'a pas, à ce jour, présenté de demande d'adhésion. Lors des négociations du Cycle d'Uruguay, les pays en développement pouvaient opter pour la consolidation des mesures tarifaires et non tarifaires à leurs équivalents tarifaires, ou pour des consolidations tarifaires "au niveau plafond" sans tenir compte des équivalents tarifaires. La plupart des PEID ont choisi cette deuxième option, en consolidant leurs plafonds tarifaires, souvent à des niveaux très élevés. Un seul pays (Chypre) était tenu de prendre des engagements concernant le soutien interne ou les subventions à l'exportation. Même si les engagements du Cycle d'Uruguay n'étaient en général pas lourds de conséquences pour les PEID, certains d'entre eux ont entrepris d'importantes réformes économiques depuis les années 80, soit unilatéralement, soit dans le cadre d'accords régionaux, notamment afin de libéraliser les politiques commerciales. Tous les PEID, qu'ils aient ou non entrepris activement des réformes, se trouvent confrontés à des défis et des opportunités dans le nouvel environnement commercial mondial.

9. Il convient de préciser, en guise de conclusion, que cette analyse n'a pas pris en compte les problèmes spécifiques des PEID pris séparément ni les effets particuliers du Cycle d'Uruguay ou d'autres événements survenus sur la scène internationale. Pour répondre au défi actuel, il faudrait absolument réaliser une étude plus détaillée des incidences sur l'agriculture et la sécurité alimentaire des pays et régions pris séparément, afin d'identifier à la fois les ajustements à court terme et la stratégie à long terme nécessaires pour faire face aux changements prévus.

10. A court terme, les PEID devraient s'attacher plus particulièrement à tirer pleinement profit des opportunités commerciales actuellement disponibles à des conditions de faveur et de l'ouverture des marchés rendue possible par le Cycle d'Uruguay. La communauté internationale, y compris la FAO, a un rôle à jouer pour aider les gouvernements et le secteur privé des PEID à mieux comprendre les opportunités et obligations découlant du système commercial international.

11. A plus long terme, les PEID devront concentrer leurs efforts sur l'amélioration de leur compétitivité pour leurs exportations de produits agricoles traditionnels et sur la diversification au profit d'autres denrées ou de produits à plus haute valeur. Les PEID devront être compétitifs sur les marchés mondiaux et, dans cette optique, ils pourraient tirer profit d'études approfondies sur leurs avantages comparatifs en matière de production et d'exportation de produits agricoles, y compris sur les possibilités de diversification vers des produits et des marchés en expansion rapide ou vers des produits transformés à plus haute valeur. De telles analyses devraient s'inspirer de l'expérience d'autres pays et tenter d'identifier les facteurs qui ont freiné la compétitivité.

12. Nombre de PEID devront bientôt participer aux prochaines négociations de l'OMC et, simultanément, à des pourparlers pour la conclusion d'accords préférentiels et régionaux qui revêtent pour eux une grande importance. La communauté internationale a un rôle à jouer pour aider les PEID à renforcer leur capacité institutionnelle pour une participation efficace aux négociations et à améliorer leur capacité d'analyse pour l'évaluation des diverses options possibles.

13. Le Comité des produits est invité à présenter ses observations sur cette brève analyse des paragraphes 2 à 8, ainsi que sur les conclusions des paragraphes 9 à 12, et à se prononcer sur le suivi nécessaire.

1 Le groupe à l'étude comprend les membres de la FAO qui font partie de l'Alliance des petits Etats insulaires plus Bahreïn et la République dominicaine: Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Bahreïn, Barbade, Belize, Cap-Vert, Iles Cook, Comores, Cuba, Chypre, Dominique, République dominicaine, Fidji, Grenade, Guinée-Bissau, Guyana, Haïti, Jamaïque, Maldives, Malte, Maurice, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Samoa, Sao Tomé-et-Principe, Seychelles, Iles Salomon, Suriname, Tonga, Trinité-et-Tobago et Vanuatu.

2 Par exemple: Déclaration de la Barbade, Conférence mondiale sur le développement durable des petits Etats insulaires en développement, avril 1994; Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation, Rome, novembre 1996; Secrétariat pour les pays du Commonwealth, A Future for Small States: Overcoming Vulnerability, 1997; et vingt-neuvième session de la Conférence de la FAO, novembre 1997 (C 97/REP).

3 R. Sharma, The Impact of the Marrakesh Agreement on Trade of Agricultural Products in ACP Countries, Division des produits et du commerce international, FAO, juillet 1997.

4 J. Linland, The Impact of the Uruguay Round on Tariff Escalation in Agricultural Products, Division des produits et du commerce international, FAO, février 1997.

5 Yamazaki (1996) estimait que l'Accord sur l'agriculture se traduirait par une perte potentielle pour l'ensemble des pays en développement de 632 millions de dollars E.-U. en dollars de 1992 (environ 25 pour cent de la valeur totale des marges préférentielles au cours de cette année), les pertes les plus fortes étant concentrées dans le secteur des fruits et fruits à coque, des produits pour boissons tropicales et des épices.

6 Le sucre représente plus de 30 pour cent des recettes tirées des exportations agricoles de la République dominicaine et de la Jamaïque et plus de 50 pour cent de celles de la Barbade, de Fidji, de Maurice et de Saint-Kitts-et-Nevis. L'exportation de bananes représente plus de 75 pour cent des exportations agricoles totales de la Dominique et de Sainte-Lucie.

7 "Incidences du Cycle d'Uruguay sur l'agriculture", FAO, 1995.

8 La hausse des prix de 1995-96 s'explique principalement par la réduction des stocks dans l'UE et aux Etats-Unis (réduction liée à des réformes compatibles avec les changements convenus lors du Cycle d'Uruguay), des déficits de production dus à la sécheresse aux Etats-Unis et en Australie, l'augmentation des importations de la Chine et l'entrée de fonds de placement sur les marchés des produits de base. Le niveau actuellement faible des prix est, quant à lui, dû à des récoltes records et à la baisse de la demande d'importation en Asie. Voir également document CCP 99/12.