Agenda de la Alimentación Urbana

Construction de la gouvernance alimentaire de Brazzaville, grâce à une coopération Sud-Sud avec les villes de Douala et de Pointe-Noire

08/04/2021

Brazzaville, capitale de la République du Congo, connait une croissance démographique sans précédent ; sa population a augmenté de 134% entre 2000 et 2020 pour atteindre 2 388 millions habitants, alors que la progression de la population de la République du Congo se limitait à 76% sur la même période. Ainsi en 2020, Brazzaville concentre 42% de la population nationale[1].

En corollaire à cette urbanisation galopante, les milieux naturels proche de la capitale sont affectés (artificialisation de ses sols, ou effondrement des massifs forestiers environnant par exemple) et l’accès à l’alimentation devient un enjeu à part entière. La production alimentaire domestique en produit frais est complétée par d’importantes importations notamment en produits animaux. La distribution est en pleine évolution avec le développement de grandes surfaces au côté de marchés traditionnels. La prévalence de l’obésité est en nette progression[2] et la résilience alimentaire de la ville est fragile[3].

Brazzaville souhaite relever ces défis et améliorer son système alimentaire urbain. C’est ainsi que la capitale du Congo a signé le Pacte de Milan de politique alimentaire urbaine (MUFPP). Comme les 210 autres villes signataires du Pacte de Milan, Brazzaville entend construire sur son territoire un système alimentaire durable et plus inclusif, en développant les productions agricoles urbaines et périurbaines, tout en renforçant les liens entre zones urbaines et rurales, en construisant des circuits d’approvisionnement et de distribution qui permettent un accès à une alimentation saine et diversifiée pour tous, ou encore en améliorant la gestion des déchets alimentaires. Les villes signataires du Pacte de Milan s’attachent à mettre en place des organes de gouvernance multi-acteurs, capables d’appréhender la complexité des systèmes alimentaires et de proposer des actions croisant l’ensemble des secteurs potentiellement concernés (urbanisme, transport, éducation, santé, économie, environnement, …). 

Le Pacte de Milan vise également à faciliter le dialogue entre ces villes, afin de partager initiatives et innovations et d’accélérer les changements.

C’est dans cet esprit que Brazzaville a accueilli, en juin 2018, le 2ème Forum des Maires de l’Afrique francophone signataires du Pacte de Milan sur la politique alimentaire urbaine. Douze villes et collectivités d’Afrique francophone ont débattu de leurs expériences sur la durabilité et la résilience des systèmes alimentaires urbains. En octobre de la même année, en conformité avec les recommandations émanant du Forum, la municipalité de Brazzaville a demandé l'appui technique de la FAO pour établir un mécanisme solide de gouvernance et de coordination du système alimentaire urbain au sein de la municipalité. La FAO a soutenu cette demande dans le cadre de son Agenda Alimentaire Urbain qui vise à instaurer des systèmes alimentaires durables et une meilleure nutrition au travers de l’action des collectivités locales. La FAO privilégie en particulier les coopérations de ville à ville et a encouragé, dans ce projet, les échanges de connaissances sur la gouvernance alimentaire urbaine avec Douala (Cameroun) et Pointe-Noire (République du Congo). S’appuyant sur l’Agenda Alimentaire Urbain de la FAO et les expériences des villes de Douala et de Pointe-Noire, Brazzaville avait pour objectif de mettre en place une “Direction d’Agriculture et d’Alimentation Urbaine” en vue de définir et de conduire des politiques et programmes agricoles et alimentaires au niveau de son territoire.

En 2019, des délégations Brazzavilloises se sont rendues dans ces deux villes et ont pu analyser et étudier les éléments suivants :

  • Comment assurer le contrôle de la qualité sanitaire des aliments distribués et consommés sur la commune et comment apporter un conseil technique aux agriculteurs et aux éleveurs urbains (à partir de l’expérience acquise par la direction de l’agropastorale et de la sécurité alimentaire de la ville de Pointe-Noire) ;
  • Comment réaliser le diagnostic rapide d’un système alimentaire urbain ; comment mettre en place une plateforme multi-acteurs de concertation alimentaire, et comment élaborer une stratégie alimentaire urbaine (à partir de l’expérience acquise par la Communauté Urbaine de Douala qui avait conduit ces processus en 2017 et 2018).

Riche de ces enseignements, le maire de Brazzaville a réuni en octobre 2019 un atelier de concertation, prélude à la mise en place de sa plateforme multi-acteurs. Différents partenaires, concernés par le système alimentaire de Brazzaville (autorités locales et représentants économiques et sociaux) ont débattu des enjeux prioritaires pour la sécurité alimentaire de la ville pouvant donner lieu à un premier plan d’actions: foncier urbains et péri-urbains à vocation agricole, usage des pesticides et développement de l’agriculture biologique, amélioration des conditions de vente sur les marchés urbains.

En novembre 2019, un séminaire a réuni à nouveau les villes de Brazzaville, Douala et Pointe-Noire, avec la participation de la ville d’Oyo (Congo). Ces travaux se sont déroulés en présence d’universitaires et de chercheurs[4] susceptibles de contribuer à la formulation, au suivi et à l’évaluation de la future politique publique suivant ainsi l’expérience développée par Douala.

Si la pandémie de COVID-19 a freiné la fin des travaux en 2020, elle a aussi illustré la dépendance de certaines filières aux importations, notamment les produits carnés, ainsi que le rôle déterminant du secteur du transport dans l’approvisionnement alimentaire de la ville. Très réactifs aux mesures prises de mars à mai 2020 pour freiner la pandémie, les maraîchers périurbains et les distributeurs traditionnels ont démontré leur capacité d’adaptation en réorganisant leur mode de livraison et de commercialisation. Autant d’apprentissages qui permettent à Brazzaville de penser l’amélioration de sa résilience alimentaire (voir l’article écrit à ce sujet). 

Grâce au renforcement des capacités de la municipalité par la FAO dans le cadre de la collaboration entre villes, le Président du Conseil Départemental et Municipal, Maire de Brazzaville, M. Dieudonné Bantsimba, par arrêté, a formellement mis en place la nouvelle Direction de l’Agriculture et de l’Alimentation Urbaine (D2AU). Plus qu’un symbole et qu’un acte administratif, cet arrêté traduit l’engagement politique de long terme que vient de prendre Brazzaville pour conduire une politique alimentaire urbaine, durable et inclusive, en cohérence avec sa forte croissance démographique. Un projet de plan d’action a été formulé pour définir les priorités des actions de la D2AU. Il vise six orientations telles que l’amélioration du cadre institutionnel et la sécurisation du foncier agricole ; la mise en place de mécanismes favorables à l’entreprenariat agricole et alimentaire ; l’accès à une alimentation saine pour tous, l'agriculture urbaine durable ; ou encore la gestion des pertes et gaspillages alimentaires. Le maire doit maintenant défendre ce plan auprès du Conseil Départemental et Municipal de Brazzaville, en définir les actions prioritaires avant de l’adopter et de financer son programme.

Depuis 2015, grâce à l’engagement des trois Maires successifs, l’ambition de la commune s’est progressivement affinée. Enrichie par les échanges entre villes, conduits dans le cadre d’une coopération Sud-Sud soutenue par la FAO, Brazzaville est désormais prête à mettre en œuvre une stratégie alimentaire urbaine ambitieuse, en pleine cohérence avec l’Initiative Villes Vertes lancée par la FAO en septembre 2020.



[1] Les donnés sur la population à Brazzaville et au Congo sont issues du Département des affaires économiques et sociales des Nations unies, [en ligne] https://population.un.org/wup/Download/, consulté le 19 mars 2021

[2] Profil épidémiologique et clinique de l’obésité de l’enfant à Brazzaville (Congo), Jean Robert Mabiala Babela et al., Novembre 2011, Cahiers de Nutrition et de Diététique 46(5):259-262 (2011)

[3] Comme l’ont illustré les mesures prises par la République du Congo pour lutter contre la pandémie de COVID-19 de mars à mai 2020.

[4] L’Université de Douala, l’École Nationale Supérieure d’Agronomie et de Foresterie (ENSAF) de Brazzaville, et l’Institut national Recherche Agronomique (IRA) du Congo