Le Sénégal célèbre sa première victoire dans la lutte pour l’éradication de la mouche tsé-tsé

Le projet FAO/AIEA intègre avec succès des techniques de contrôle des naissances des insectes au profit du secteur de l’élevage.

Points clés

Suite à la mise en œuvre, pendant quatre ans, d’un programme d'éradication, basé notamment sur des techniques nucléaires, la région des Niayes au Sénégal est quasiment débarrassée de la mouche tsé-tsé qui décimait jusqu’alors le bétail. La mouche tsé-tsé est un insecte hématophage responsable de la mort de plus de trois millions de têtes de bétail en Afrique sub-saharienne chaque année, une perte annuelle estimée à 4 milliards d’USD. Elle transmet des parasites qui provoquent la maladie du dépérissement appelée nagana chez les bovins. Dans certaines régions d'Afrique, la mouche provoque également la maladie du sommeil chez l’homme (plus de 75 000 cas recensés), qui affecte le système nerveux central et entraîne des troubles de l’orientation, de la personnalité et de l'élocution, ainsi que des convulsions, des difficultés à marcher et à parler, voire la mort. Un programme pluriannuel du Gouvernement du Sénégal qui bénéficie du concours financier des États-Unis et de l'appui technique du Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) s’efforce d’éradiquer progressivement la mouche tsé-tsé à l’aide d’une méthode appelée Technique de l’insecte stérile (TIS). Le programme bénéficie du soutien de la FAO, par le biais de sa Division mixte avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à Vienne.

Il y a quatre ans, dans la région des Niayes, près de Dakar, capitale du Sénégal, débutait une campagne de lutte contre la mouche tsé-tsé – un parasite transmettant une maladie qui décime le bétail – visant à éradiquer complètement cet insecte ravageur.

«Cela fait un an que je n’ai pas vu une seule mouche tsé-tsé», déclare Oumar Sow, éleveur. «Avant, la situation était tout autre; à certaines périodes, leur nombre augmentait, en particulier pendant la saison froide. Les mouches constituaient une véritable nuisance pour nos animaux et nous devions bien choisir le moment de la traite. Maintenant, nous n’avons plus ce problème».

Empêcher la reproduction
Le Sénégal a intégré avec succès une technique de contrôle des naissances des insectes, qui utilise les radiations pour stériliser les mouches mâles et ainsi réduire la population des mouches au fil du temps. La technique a déjà permis d’éradiquer la population de mouches dans un secteur de la région des Niayes; dans un autre, elle a permis d’atteindre un taux d'éradication de 98 pour cent, et cette technique sera mise en œuvre dans une troisième zone en 2016, explique Baba Sall, responsable du projet au Ministère de l’élevage et des productions animales.

«L'éradication des mouches permettra d'améliorer sensiblement la sécurité alimentaire et de contribuer au progrès socio-économique», souligne-t-il, ajoutant que la recherche effectuée sur 227 fermes indiquait que les revenus des populations rurales dans les Niayes devraient augmenter de 30 pour cent.

«La vie s’est non seulement améliorée pour les animaux, mais également pour les agriculteurs», déclare Loulou Mendy, un éleveur de porcs de la région. «Maintenant, nous pouvons même dormir à l’extérieur sous les étoiles. C’était impensable avant à cause des piqûres des mouches tsé-tsé.»

Le Sénégal fait partie des 18 pays africains infestés par la mouche tsé-tsé; sa superficie infestée s’étend sur environ 60 000 km2. La phase opérationnelle de la campagne contre la mouche tsé-tsé a commencé dans la région des Niayes près de la capitale Dakar en 2011.

Selon Marc Vreysen, Chef du laboratoire de lutte contre les insectes ravageurs, Division mixte des techniques nucléaires dans l'alimentation et l'agriculture FAO/AIEA, cette région a été choisie par le gouvernement sénégalais car elle est particulièrement adaptée pour les races de bovins qui produisent plus de lait et de viande que ceux d'autres régions. Cependant, la nagana provoque une baisse de la fertilité et une perte de poids, qui se traduit par un recul de la production de viande et de lait et un affaiblissement des animaux au point qu'ils ne peuvent plus servir ni aux labours ni au transport des produits, engendrant ainsi des répercussions sévères sur la production agricole.

La stérilisation à l’aide des techniques nucléaires montre des résultats positifs
La stérilisation à l’aide des techniques nucléaires est la plus efficace quand la population de mouches a été au préalable réduite de manière significative au moyen de techniques classiques mais qu’il reste encore quelques insectes qui résistent, explique M. Vreysen. «Les mouches mâles stérilisées vont chercher les femelles vierges où qu'elles soient, ce qui permettra de décimer les populations tsétsé dans ces régions.»

Le projet a démarré au Sénégal en 2006 par une étude de faisabilité soutenue par l'AIEA, la FAO, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et le Gouvernement du Sénégal à travers l'Institut sénégalais de recherche agricole et la Direction des services vétérinaires; l’étude visait à évaluer la possibilité de créer une zone libérée de la mouche tsé-tsé dans la région des Niayes. L'étude a révélé que 28,7 pour cent des bovins souffraient de graves problèmes de santé à cause de la mouche tsé-tsé. Les lâchers de mouches mâles stériles ont commencé en 2012, après une période de trois ans d'essais pilotes, de formation, de préparation et de suppression des populations de mouches tsé-tsé dans la région.

Contrôler les naissances des mouches grâce à la science
La technique de l'insecte stérile (TIS) est une méthode de lutte contre les ravageurs qui utilise les radiations ionisantes pour stériliser les mouches mâles produites en masse dans des laboratoires spécialisés. Les mâles stériles sont ensuite lâchés au sol ou par voie aérienne dans les zones infestées, où ils s'accouplent avec des femelles sauvages sans engendrer aucune descendance, ce qui permet, à l'issue d'opérations répétées, d'anéantir les populations de mouches sauvages. La TIS fait partie des techniques de lutte les plus respectueuses de l’environnement et elle constitue généralement la dernière étape d’une campagne intégrée visant à éradiquer ces insectes.

La Division mixte FAO/AIEA soutient quelque 40 projets de terrain appliquant la TIS dans le cadre du programme de coopération technique de l'AIEA, comme celui du Sénégal, dans différentes parties d’Afrique, d’Asie, d’Europe et d’Amérique latine. Elle a déjà éradiqué avec succès la mouche tsé-tsé de l'île d’Unguja, à Zanzibar, tandis que le Projet d'éradication de la mouche tsé-tsé en Éthiopie est parvenu à réduire de 90 per cent les populations dans certaines parties du sud de la vallée du Rift.

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