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2. RESUME, CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

2.1 RESUME ET CONCLUSIONS

La production halieutique en 1990 du Rwanda est estimée à 3.100 t, dont 48% environ provient du lac Kivu. Le Rwanda est un importateur net de poisson mais le volume de poisson séché importé est inconnu. Cependant, la disponibilité apparente en poisson

Bien que la consommation per caput ne soit pas connue avec précision, la mission estime qu'elle doit s'approcher en moyenne de 0,8 kg/an. Elle semble être beaucoup plus importante en zone urbaine qu'en milieu rural, sauf aux bords des lacs où la population consomme le poisson de moindre valeur marchande souvent difficile à commercialiser.

La pêche, activité économique marginale au Rwanda jusque dans les années 70 a vu son rôle s'accroître grâce au développement de la pêche au lac Kivu. Au cours des dernières années, le projet de développement de la pêche au lac Kivu, exécuté par la FAO (projet RWA/87/012), a eu un impact considérable dans la zone d'activité en termes de création d'emplois et d'augmentation de la consommation de poissons.

Le potentiel total des plans d'eau bien que fort mal connu est estimé à 5.400 t environ. Le solde de 2.300 t de poisson non encore exploité serait représenté selon les dernières informations statistiques, par 800 t d'Isambaza du lac Kivu, par les stocks importants d'Haplochromis, et enfin par le manque à gagner provoqué par la surpêche chronique des Tilapia dans la plupart des plans d'eau rwandais.

L'augmentation de la production d'Isambaza semble conditionnée par la structure des réseaux de distribution et de commercialisation. En effet ceux-ci ne permettent actuellement que la distribution des produits séchés dont la faible valeur marchande ne justifie pas une augmentation des investissements. En revanche, la mise en place de circuits de commercialisation de l'Isambaza frais pourrait favoriser l'intensification de sa production.

L'exploitation à grande échelle des Haplochromis et leur transformation en farine devraient faire l'objet d'une étude de marché, considérant leur faible valeur commerciale et la concurrence directe avec le poisson séché importé.

En ce qui concerne l'établissement souhaitable d'une production maximale équilibrée, l'administration devrait bénéficier prochainement d'un instrument juridique rédigé par la FAO, dont l'utilisation devrait toutefois être sujette à une attention particulière de manière à tenir compte des aspects socio-économiques de certaines pêcheries.

La production de l'aquaculture, de Tilapia essentiellement, atteint 1,6% de la production nationale, soit 60 t.

Le nombre exact de pêcheurs ainsi que leur statut ne sont pas connus. On estime toutefois à 3.600 le nombre total de pêcheurs actifs au Rwanda (sont exclus les pêcheurs occasionnels). Certains groupements à vocation coopérative se sont établis, mais, par manque de formation et d'encadrement des opérateurs, et aussi, suite à des problèmes internes, ceux-ci ont été un échec. Aussi, certaines pêcheries semblent souffrir du manque d'organisation des pêcheurs.

De manière générale, le tissu socio-économique de l'industrie de la pêche est assez mal connu. Il est urgent que des études soient effectuées, en particulier sur les lacs du Mugesera et du Bugesera, de manière à pouvoir répartir de manière optimale les ressources allouées à la pêche.

La demande nationale en poisson, est en progression, et peut être approximativement segmentée en 3 grandes catégories:

Une quantité importante de poisson séché importée de Tanzanie alimente les marchés rwandais. Les consommateurs apprécient ce produit qu'ils achètent généralement en petites quantités à un prix plus avantageux que le poisson séché produit localement. De ce fait, il n'est pas certain que le poisson séché importé fasse concurrence aux produits locaux tels que la farine de poisson séché vendue à titre expérimental, ou l'Isambaza séché.

Les interventions dans le domaine des pêches et de l'aquaculture depuis dix ans ont été canalisées par des projets de développement. Mais les moniteurs agricoles qui devraient suivre l'activité des pêches sont en général mal formés en la matière et peu suivis.

A l'exception du projet de développement de la pêche au lac Kivu et du projet Ihema (qui ont été mis en oeuvre sur des plans d'eau où la pêche était inexistante et où l'effort est désormais contrôlé), et à l'exception des projets piscicoles, les autres projets se sont basés sur des objectifs souvent trop ambitieux d'augmentation de la production. Les résultats ont été partout mitigés et souvent remis en cause.

La marge de manoeuvre étroite dans laquelle a dû se mouvoir jusqu'ici la Division pêche et aquaculture, avec un personnel réduit, sans moyens logistiques et sans budget propre, ne lui a pas permis de planifier le développement du secteur d'une manière efficace et coordonnée, ni d'évaluer régulièrement son évolution.

La collecte de données statistiques et leur analyse qui sont essentielles à une planification effective ont jusqu'à présent manqué au niveau national.

Dans le domaine de la recherche et de la formation, il est souhaitable que la Division pêche et aquaculture collabore plus étroitement avec l'Université de Butare, de façon à établir une liste de priorités dans le domaine de la recherche appliquée. Le BUNEP et les 3 laboratoires de recherche nationaux - Rwasave, Gisenyi et Muhazi - devraient participer aux séances de coordination. En ce qui concerne la formation à l'étranger, il serait souhaitable que celle-ci réponde mieux aux besoins du pays, et que la Division pêche et aquaculture soit consultée en la matière.

2.2 RECOMMANDATIONS

2.2.1 Domaines prioritaires d'intervention de l'administration

Les domaines prioritaires d'intervention de l'administration des pêches en matière de développement et d'aménagement des pêcheries devraient être les suivants:

  1. limitation de l'effort de pêche dans tous les lacs rwandais (sauf Kivu et Ihema), avec pour objectifs l'augmentation des captures, notamment de Tilapia, et l'amélioration des revenus des pêcheurs;

  2. des dispositions devraient être prises rapidement afin que les pêcheurs puissent disposer de devises en quantité suffisante pour importer régulièrement des filets réglementaires.

  3. une extension de type artisanal des réseaux de commercialisation de l'Isambaza frais du lac Kivu, afin d'encourager, par la création d'un marché porteur, un développement de la pêche;

  4. la poursuite des recherches concernant l'introduction de nouvelles espèces susceptibles de s'intégrer dans les écosystèmes lacustres de manière avantageuse (prédateur se nourrissant d'espèces non exploitées), et de répondre aux besoins du marché rwandais.

2.2.2 Orientation des projets en cours

Afin de tendre vers les objectifs fixés par le Gouvernement, la mission recommande que les projets existants dans le secteur des pêches et de l'aquaculture soient maintenus, afin de bénéficier de leurs acquis. Les projets en cours doivent être maintenus et parfois réorientés comme suit:

  1. le projet de développement de la pêche au lac Kivu se termine en décembre 1991, mais une entité de développement pourrait lui succéder. Dans la mesure où la partie productive de cette entité devrait fonctionner de manière autonome, la mission recommande qu'à terme les prix du poisson acheté aux pêcheurs soient libéralisés. Par ailleurs, ceci devrait se faire parallèlement à un petit projet d'encouragement à la vente de l'Isambaza frais par des entrepreneurs privés artisanaux. Un programme limité de crédit et des campagnes d'information et de formation des groupes pourraient être mis en place par le projet. Enfin, le laboratoire de recherches de l'actuel projet devrait continuer ses activités et mettre son expertise au service des centres en place sur les autres plans d'eau.

  2. le projet d'“étude d'empoissonnement des lacs Bulera et Ruhondo”, doit être reformulé. La fermeture temporaire des lacs devrait être respectée, et les modalités de délivrance des licences de pêche devraient être élaborées avec les pêcheurs et les autorités communales. Les populations de pêcheurs ciblées par le projet devraient être définies et les modalités d'application des mesures réglementaires devraient laisser une large place à la participation des pêcheurs.

  3. le projet de développement de la pêcherie du lac Muhazi devrait poursuivre le suivi scientifique du programme de réempoissonnement et des introductions de nouvelles espèces. Les expériences devraient être suivies par l'administration centrale de manière à utiliser ces résultats sur d'autres plans d'eau. Le projet devrait également, appuyé par la législation des pêches et en accord avec les communes, élaborer et mettre en oeuvre un système de réglementation efficace de l'effort de pêche. Le laboratoire du projet devrait être mis à la disposition d'autres plans d'eau.

  4. le projet Développement de la pêche du lac Ihema s'autofinance actuellement. Une amélioration du traitement des Clarias est souhaitable, ainsi que la poursuite des pêches expérimentales et l'étude de nouveaux débouchés commerciaux pour certains stocks, en particulier ceux d'Haplochromis.

  5. le projet Pêche, pisciculture, recherche et développement de la pêche dans les lacs Mpanga, Cyambwe et Nasho a été interrompu. La Division pêche et aquaculture a repris le projet qui désormais met l'accent sur l'aménagement piscicole. Un effort important devrait être fourni pour déterminer quels doivent être les bénéficiaires des mesures de limitation d'accès aux pêcheries.

  6. le projet Planification, développement et aménagement des pêches continentales en Afrique orientale/centrale/australe, devrait continuer d'assister le Gouvernement rwandais dans son effort de planification et de faciliter la coopération sous-régionale pour les lacs partagés.

  7. le projet de développement de la pisciculture (aménagement des ressources naturelles), doit continuer en particulier son effort de vulgarisation afin d'augmenter la production par surface dans les étangs familiaux.

  8. plusieurs projets ont été identifiés par la mission CEA/JEFAD dans le cadre de la CEPGL. Les projets intéressant l'aménagement des lacs partagés devraient être sélectionnés en priorité.

2.2.3 Planification et coordination

Le travail de coordination des projets existants, ne peut être mené par l'administration des pêches dans sa structure actuelle. Cette administration doit être renforcée, pouvoir jouir d'une autonomie opérationnelle et financière plus grande, et pouvoir disposer de moyens logistiques. Une des priorités de l'administration des pêches sera de se doter d'une banque de données statistiques fiables dans les domaines biologique et socio-économique, afin de disposer d'un outil de planification indispensable. L'ampleur de la tâche justifie qu'un projet de planification de durée minimale de 3 ans soit mis en place pour assister l'administration des pêches dans l'élaboration des mécanismes de planification. A terme, il serait souhaitable que l'actuelle Division des pêches et de l'aquaculture soit transformée en Direction générale, ou en tout autre entité disposant d'une réelle autonomie financière et opérationnelle, et qu'elle oriente ses activités vers les domaines suivants:

La législation des pêches rédigée récemment par le bureau juridique de la FAO, et qui attend la signature du Gouvernement, est un instrument important pour l'Administration centrale. Cependant, pour juger de son application et décider des mesures à prendre, l'actuelle Division pêche et aquaculture devrait pouvoir disposer d'une marge d'action plus rapide et être plus autonome.

2.2.4 Aménagement et formation

Le rétablissement d'une production équilibrée, le développement de nouvelles pêcheries et l'aménagement des pêcheries sur le lac Kivu nécessitent des mesures d'aménagement qui devront être réévaluées par voie réglementaire. La dispersion des plans d'eau et le caractère artisanal de la profession sont les principales raisons pour lesquelles les mesures d'aménagement, devraient trouver l'assentiment, non seulement des pêcheurs bénéficiaires, mais aussi des communautés riveraines et des communes.

La mission recommande par ailleurs qu'un effort particulier soit entrepris au niveau de la formation des agents de vulgarisation et de secteurs, et des groupements. A cet effet il est souhaitable que l'administration des pêches sollicite la participation active des ONG nationales et des agences gouvernementales impliquées dans la formation coopérative. Les consultations d'expatriés et de nationaux devraient être plus systématiquement utilisées pour former le personnel de l'administration centrale, les groupements de pêcheurs, et les vulgarisateurs aux problèmes de la gestion des pêcheries.

2.2.5 Projets complémentaires

Au vu de la situation décrite précédemment, la mission a identifié des projets de développement synthétisés comme suit:

Projet 1: Projet de planification des pêches

Celui-ci devrait en priorité assister le Gouvernement dans la mise en place des mécanismes nécessaires à l'instauration d'un processus de planification permanent. Ce projet devrait en particulier comprendre un volet “Collecte et traitement de données statistiques” important. Ce projet devrait en outre, coordonner les politiques de taxation et de réglementation de la pêche, et être doté d'un fonds de développement de la pêche.

Projet 2: Projet d'appui au développement et à l'aménagement des pêches et de l'aquaculture

Ce projet devrait notamment assister le Gouvernement à mettre en application la nouvelle législation des pêches conformément aux besoins de l'aménagement, veiller au respect de la réglementation, étudier les problèmes d'empoissonnement et d'introduction de nouvelles espèces, entreprendre les études biologiques et socio-économiques nécessaires, en particulier dans le Bugesera et le Mugesera, superviser le projet d'Appui à la commercialisation de l'Isambaza frais, organiser au niveau national une étude de marché des produits halieutiques et, enfin, suivre l'importation du matériel de pêche réglementaire.

Projet 3: Projet pilote de rizipisciculture

Ce projet devrait être supervisé par le Service national de pisciculture de Kigembe.


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