Nous avons vu que la palangre est, dans son utilisation traditionnelle, un engin de pêche efficace pour des pêches variées (quant aux ressources exploitables et aux conditions d'exploitation, profondeur, relief du fond), bien adapté à différents types d'embarcations et dont la mise en oeuvre est relativement peu coûteuse.
Les professionnels - pêcheurs et techniciens - ont bien sûr cherché à en améliorer l'efficacité par différents moyens: meilleure recherche du poisson (utilisation de moyens de positionnement et de détection, observation du comportement du poisson); grande attention au montage de la ligne (textiles utilisés, noeuds, petits accessoires: émerillons, agrafes, etc.). Une bonne organisation du travail à bord permettra toujours d'obtenir de meilleurs résultats et, par ailleurs, une certaine mécanisation des manoeuvres pourra faciliter les opérations.
Les équipements auxiliaires de manoeuvre représentent un investissement supplémentaire. Ils permettent en principe d'utiliser un plus grand nombre d'hameçons. Il faudra pourtant, avant toute décision, évaluer avec soin le bénéfice que l'on peut en attendre. De nombreuses questions se posent alors:
La capture va-t-elle augmenter substantiellement?
Les gains à la vente vont-ils être meilleurs?
Le matériel est-il bien adapté aux conditions d'exploitation?
Quel bateau utiliser (espace de pont disponible, source d'énergie à bord: mécanique, hydraulique, électrique)?
Quel type de pêche pratiquer (sur le fond ou en pleine eau, longueur et espacement des avançons, etc.)?
Le matériel peut-il être entretenu correctement sur place (disponibilité de pièces détachées, réparations)?
En définitive, le matériel peut-il être amorti? (Un calcul de rentabilité prévisionnel est toujours nécessaire.)
Il est pourtant vrai que certains auxiliaires de manoeuvre de palangre permettent maintenant de mieux organiser le travail à bord, souvent avec de meilleures conditions de travail et de sécurité, et d'utiliser des lignes plus longues avec un plus grand nombre d'hameçons.
Les améliorations apportées dans la pratique de la pêche à la palangre portent sur deux points: le stockage des longues lignes à bord et les manoeuvres de ces lignes; nous en donnerons quelques exemples dans la suite de ce manuel.
Certaines améliorations ne supposent pas de changements trop importants dans les pratiques traditionnelles; leur mise en oevre est assez facile et le bénéfice à en attendre assez évident. D'autres font appel à des technologies plus sophistiquées et/ou obligent à changer plus ou moins complètement les méthodes traditionnelles; ces dernières devront être considérées avec beaucoup de prudence.
A ce propos, il faut signaler que chaque type d'équipement d'automatisation de manoeuvres a été mis au point pour un modèle de ligne déterminé et qu'en conséquence l'adaptation d'un équipement limite, voire interdit, les changements ultérieurs de modèle de palangre (matériaux de construction des lignes, longueur et espacement des avançons, type et taille des hameçons, etc.). Par ailleurs, si l'acquisition d'un équipement donné peut accélérer une certaine phase des opérations de manoeuvre, une seule opération lente dans les man?uvres de filage ou de virage va ralentir l'ensemble des opérations et risque pratiquement de faire perdre le bénéfice initialement escompté.
La pêche artisanale, dans son ensemble, reste fidèle aux méthodes traditionnelles, et de nombreuses opérations à effectuer nécessitent une équipe importante à bord, et parfois à terre, selon le type de bateau et le matériel de pêche utilisés.
Il est certain que la palangre (ligne-mère, avançons, hameçons, orins, flotteurs et lests) constitue un ensemble encombrant et source de nombreux problèmes si un minimum d'ordre n'est pas respecté. Si l'on ne veut pas avoir de désagréments au moment des manipulations, il est donc indispensable que les différents éléments constitutifs soient disposés rationnellement dans l'espace du pont de pêche (dans des caisses ou des paniers, comme décrit à la figure 56).
Durant ces dernières années, diverses possibilités d'amélioration dans le stockage de la palangre pour des bateaux de petite et moyenne importance ont vu le jour suivant les alternatives définies ci-après.
Stockage de la palangre sans démontage (à l'exception des ancres, flotteurs et orins)
Pour des éléments de palangre assez courts avec des avançons de longueur inférieure à l m et peu espacés sur la ligne-mère, chaque élément peut être rangé sur une barrette en bois (figure 57). Les hameçons sont disposés côte à côte sur la barrette dans l'ordre de leur montage sur la ligne et la palangre y est suspendue. Ce système permet un transport aisé de chaque élément de palangre montée sans risquer de l'emmêler.
Figure 56. Paniers de stockage de palangre pour la pêche artisanale.
Figure 57. Barrette en bois pour le stockage d'un élément de palangre assez court.
Figure 58. Caisses de stockage à barrettes
et vireur pour palangre en fil monofilament;
(a) montage des barrettes; (b) caisse pleine.
Pour une palangre toute montée plus longue, on utilise une caisse spéciale au centre de laquelle sont rangés la ligne-mère et les avançons, les hameçon étant disposés sur des barrettes amovibles (50 à 60 cm de long) portant de nombreuses encoches assez serrées (chacune pour accrocher un homeçon) (figure 58), ou sur des rails ou des tubes placés sur les côtés de ces bacs (figure 59, 60 et 61). Un autre système consiste à suspendre la palangre par les hameçons à un rail ou à un tube disposé horizontalement au-dessus du pont, en général à hauteur d'homme (figure 62 et 63). Les hameçons sont disposés sur le rail ou le tube suivant leur ordre de montage sur la palangre, ce qui permet de les présenter plus facilement lors des différentes phases de la manoeuvre (figure 63).
Figure 59. Dispositif de stockage appelé «piano».
Figure 60. Caisse à palangre en polyester (système Seamar).
Figure 61. Dispositif de stockage en bacs avec les hameçons sur rail;
(a) bac en attente; (b) au filage vers le système d'appâtage; (c) au virage.
Figure 62. Stockage de la palangre toute montée suspendue à un rail ou à un tube.
Stockage de la palangre avec démontage de certains éléments
Les avançons sont amovibles, manuellement ou mécaniquement, accrochés au fur et à mesure du filage et détachés au fur et à mesure du virage. Ils sont rangés à part sur le pont, en général suspendus par leurs hameçons à un rail, ou sous un câble. La ligne-mère est enroulée sur une bobine (figure 64).
Figure 63. Système de stockage de la palangre sur châssis (a); détail des hameçons sur le rail (b).
Pour les grandes palangres pélagiques, la ligne-mère est emmagasinée sur un tambour et les avançons fixés par des agrafes sont enlevès et placés soit dans des caisses, soit sur un autre enrouleur, les uns après les autres (figure 68.2).
Figure 64. Système de stockage de la palangre en deux parties;
(a) ligne-mère sur enrouleur; (b) avançons en magasins.
Figure 65. Types de tambours ou enrouleurs à palangre;
(a) mécanique ou hydraulique; (b) manuel (avec fût à rayons).
Ce système de bobine ou tambour peut être manuel ou à entraînement hydraulique ou mécanique (figure 65) et convient à des bateaux de moyen tonnage comme ceux présentés aux figure 66 et 67. Ces enrouleurs peuvent être construits localement et être équipés, si possible, d'un frein ou d'un dispositif permettant de limiter les à-coups, et ce afin d'éviter aux hommes se tenant à proximité d'être victimes d'accidents dus aux tensions brutales sur la ligne-mère au moment du filage et du virage.
Cela représente le désasvantage majeur du tambour, notamment si vous travaillez sur des fonds durs, ou lorsque vous devex manoeuvre pour suivre une isobathe sur les accores d'un plateau ou d'un banc, la ligne-mère pouvant être détournée du parcours souhaité.
Le type de palangre le mieux adapté à l'enroulur est, sans aucun doute, la palangre pélagique pour gros poissons (thons, espadons, requins). Les lignes secondaires et les orins sont en effet assez espacés pour donner à l'équipage le temps de les préparer et de les fixer sur la ligne-mère su fur et à mesure du filage et du relevage.
L'aménagement présenté à la figure 66 ainsi que celui décrit à la figure 67 (utilisable aussi pour les manoeuvre de filets maillants) conviennent bien pour une longueur de palangre relativement réduite (entre 5 et 8 km).
L'aménagement d'un bateau d'une douzaine de mètres (figure 68) convient particulièrement bien à l'utilisation de palangres de surface plus longues (environ 20 km), très courantes dans la zone des Caraïbes.
Les manoeuvre sont ainsi effectuées sur un pont dégagé (figure 69 et 70), car la ligne-mère, les lignes secondaires et les orins de bouées sont stockés sur enrouleurs (hydrauliques ou mécaniques), éventuellement commandés à partir d'un pupitre.
Pratiquement toutes les phases des opérations de filage et de virage peuvent être automatisées, excepté le redressement des hameçons ou leur remplacement lorsqu'ils sont endommagés ou manquants (il est alors souvent plus rapide de remplacer l'avançon complet plutôt que de refaire le noeud de l'hameçon).
Ces phases sont les suivantes: décrocher le poisson de l'hameçon, enlever les restes d'appât et brosser les hameçons, dégager les avançons de la ligne-mère, lover les lignes, fixer l'appât à la mise à l'eau, filer la ligne.
Le filage
Tous les systèmes mentionnés ci-après utilisent, pour le filage, une gouttière (ou goulotte) plus perfectionnée que celle de la figure 29, ce qui facilite la mise à l'eau des différents éléments de la palangre.
En ce qui concerne les systèmes dans lesquels soit les avançons, soit les hameçons sont séparés pour le stockage, des dispositifs sont prévus pour l'accrochage rapide au cours du filage.
La traction causée par le bateau en route provoque dans tous les cas la mise à l'eau de la ligne-mère, amarrée par son extrémité à une ancre, ou à une bouée, tout cela sous tension constante, évitant ainsi tout risque d'emmêlement.
Avec le tambour-stockeur, le frein sera utilisé pour régulariser la vitesse de filage, en maintenant la tension, même à l'arrêt, lors de la fixation des flotteurs et des lests.
La mécanisation de la fixation de l'amorce permet d'éviter l'altération d'un appât monté sur la ligne trop longtemps avant la mise à l'eau.
Figure 66. manoeuvre d'une palangre pour grands poissons pélagiques
(à l'aide d'un tambour enrouleur) et postes de travail.
Figure 67. Bateau mixte (palangre/filet) avec ligne-mère sur tambour.
Figure 68. Aménagement d'un palangrier avec tambours hydrauliques pour palangre de surface.
Figure 69. Disposition de l'équipage pour le filage d'une palangre de surface.
Figure 70. Disposition de l'équipage pour le virage d'une palangre de surface.
Selon les systèmes, l'appâtage est effectué avant ou pendant le filage, ce qui nous donne deux catégories de matériel, à savoir;
Système avec appâtage de toute la ligne avant le début de la mise à l'eau. Le système planche à découper et bac à appât placé sur un côté (figure 71) peut être amélioré, comme le montre la figure 72 où plusieurs hameçons sont appâtés en même temps, ceux-ci étant placés sur des châssis spéciaux qui seront mis à bord de l'embarcation (figures 73 et 74).
Système avec appâtage pendant le filage. Ce système est le plus répandu; il fait passer en force la ligne-mère garnie de ses hameçons dans un bac rempli de morceaux d'appât prédécoupés. Une trémie d'appâtage en vrac ou à la volée est souvent incorporée à la goulotte de filage (figure 75).
Le virage
Plus complexes que les systèmes de filage, ceux de relevage comprennent, dans leur configuration maximale, un guideligne à rouleaux, un décroche-poisson, un nettoyeur d'hameçons couplé à un démêleur de ligne et à un séparateur d'hameçons et, enfin, un vireur équipé ou non d'un tendeur de ligne (figure 76).
Lorsque la ligne-mère est stockée en vrac dans des bacs, ou reste suspendue par les avançons sur des rails de stockage, l'emploi du vireur classique ne pose pas de problème. Un tendeur de ligne peut y être adjoint.
Le guide-ligne à rouleaux, le décroche-poisson ainsi que le nettoyeur-démêleur d'hameçons peuvent être séparés ou combinés dans une même structure.
Figure 71. Appâtage sur une caisse à palangre.
Figure 72. Appâtage de plusieurs hameçons en mème temps.
Figure 73. Automatisation de l'appâtage et du filage.
Figure 74. Amélioration des possibilités de stockage sur des embarcations côtières.
Figure 75. Machine à appâter (système BéGé).
Figure 76. Auxiliaires de virage.
Figure 77. Pêche à la palangre semi-automatisée (système BéGé).
En ce qui concerne le décroche-poisson, il existe des outils trè simples constitués de deux barres d'étranglement utilisées pour séparer en force le poisson de l'hamecon (figure 32).
Les systèmes de palangres semi-automatiques ou entièrement automatiques (figures 77 à 79) disponibles actuellement sur le marché appellent toutefois certaines remarques:
Il existe des contraintes assez strictes quant à la longueur des avancons et à la nature de la ligne-mère, en particulier dans le cas où cetter dernière est suspendue au-dessus du pont, les hamecons étant engagés dans des rails (figure 63).
L'appactage se fait, dans la plupart des cas, par force et en vrac (figure 75), ce qui peuttre un handicap pour une ligne-mère en monofilament de faible diamètre qui va subir les-à-coups au filage, ou lorsque que, toujours au moment du filage, des avançons assez longs risquent de s'enrouler autour de la ligne. Cela également la possibilité de boëttage soigné avec des amorees, également vivantes (cas du lançon).
Les installations ne peuvent se faire que des bateaux de moyen tonnage, ayent un pont de travail de surface suffisante; toutefois, certains étéments de ces systèmes peuvent trouver leur application sur des embarcations plus petites.
Figure 78. Aménagement du pont de peche avec filage et appatage automatique (système Alaskan).
Figure 79. Automatisation des manoeuvers (système Marco Tiliner).