PROCHE-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD
Bilan économique et agricole en 1993
Le Proche-Orient et l'Afrique du Nord entrent dans une période difficile d'ajustement économique, caractérisée par la baisse des cours du pétrole, l'aggravation des déficits budgétaires, les difficultés de balance des paiements et des problèmes politiques encore sans solution. Les économies de nombreux pays de la région ont été secouées par la baisse marquée et prolongée des prix du pétrole, leur principale source de devises. Cette réduction des recettes pétrolières a obligé de nombreux exportateurs de la région à diminuer leurs dépenses et à étudier de nouveaux moyens d'accroître leurs recettes. Certains pays ont dû également faire face à des obligations de plus en plus lourdes au titre du service de la dette. Différents remèdes sont adoptés, notamment l'aménagement de la dette et la diversification des exportations. Dans le cas de l'Arabie saoudite, la pression s'est en partie atténuée grâce au rééchelonnement des échéances. La République islamique d'Iran a convaincu ses créanciers de réaménager la dette et l'Algérie devrait bénéficier d'un rééchelonnement multilatéral.
Quelques pays ont vu leur économie progresser sensiblement mais restent confrontés à des taux d'inflation de plus en plus difficiles à maîtriser et à des déficits croissants de leur balance commerciale et, souvent, de leurs paiements courants. Parmi eux, citons la Turquie, l'Iran et l'Algérie.
L'espoir renaît avec la signature de l'accord de paix longtemps attendu entre Israël et ses voisins palestiniens. La République arabe syrienne, la Jordanie et le Liban tentent d'aplanir leurs divergences historiques avec Israël.
La région a été marquée par des troubles intérieurs qui se sont répercutés négativement sur les recettes en devises et le tourisme, notamment en Egypte. En Algérie, les violences ont provoqué le départ de nombreux étrangers et ralenti l'investissement dans un contexte économique déjà bien sombre.
L'agriculture a enregistré de bons résultats dans la majorité des pays en 1993, à l'exception du Maroc et de l'Algérie, qui ont été frappés par des sécheresses dévastatrices. L'indice de la production agricole de la région a augmenté, passant à 155 en 1992 (1979-1981 = 100), tout comme celui de la production par habitant qui a atteint 113. Grâce à cette croissance, la production vivrière régionale a pu en général suivre l'expansion démographique, si l'on exclut les fluctuations dues aux conditions météorologiques. La plupart des pays ont enregistré des gains de production vivrière substantiels; l'indice s'est établi à 153, celui de la production vivrière par habitant passant à 112 (1979-1981 = 100). La ration calorique par habitant dans la région a augmenté de 3,8 pour cent entre 1981 et 1990 pour atteindre, selon les estimations, 2 928 calories.
Le Maroc, un des principaux producteurs agricoles de la région, a subi pour la deuxième année consécutive une grave sécheresse en 1993, qui l'a obligé à importer des céréales en quantités supérieures à la normale. En Algérie, la production céréalière est tombée à 1,9 million de tonnes, ce qui montre la gravité de la sécheresse qui a frappé l'ouest du pays et explique la nécessité d'importer 5,2 millions de tonnes, soit une augmentation de 24 pour cent par rapport à 1992. En Egypte, les nouveaux rapports de prix et la levée des mesures de contrôle sur les superficies cultivées ont entraîné un changement important dans la combinaison des cultures depuis 1986. A la suite de l'adoption de variétés à haut rendement (VHR), les rendements de blé ont augmenté de près de 50 pour cent, la superficie emblavée de près de 80 pour cent et la production de 172 pour cent par rapport à la précédente décennie.
La situation alimentaire de l'Iraq continue de se dégrader par rapport à la période antérieure aux conflits du Golfe. La perte de recettes causée par l'embargo des Nations Unies sur les exportations de pétrole iraquien a provoqué une forte baisse des importations agricoles, conduisant à une chute de la production animale et à une faible progression de la production végétale globale. Cela a entraîné une hausse des prix des denrées alimentaires, et donc réduit la ration calorique quotidienne moyenne par habitant qui a diminué d'un tiers environ en 1993 par rapport à 1990 quand elle était de 3 250 calories.
En Iran, les résultats obtenus par le secteur agricole durant les cinq dernières années (finissant en 1993) ont été plus stables que ceux du reste de l'économie. Après avoir baissé de 2,5 pour cent en 1988-1989 en raison de la sécheresse, la production agricole a augmenté en moyenne de 5,3 pour cent durant la période de quatre ans se terminant en 1992-1993. En Arabie saoudite, l'essor de l'agriculture s'explique par la politique énergique de soutien des prix et d'autres incitations ainsi que par l'adoption de techniques modernes. Toutefois, un changement se produit dans le secteur des céréales; en effet, le gouvernement réduit les mesures de soutien des prix et les subventions aux prix extrêmement élevées qui restent néanmoins bien supérieures aux prix mondiaux du blé et de l'orge.
En Afghanistan, les pénuries d'intrants agricoles, les dommages causés aux ouvrages d'irrigation et l'insécurité - résultats d'une guerre civile prolongée - continuent de limiter la production agricole dans tout le pays. La production céréalière totale en 1993 a été estimée à 2,5 millions de tonnes, soit un peu plus qu'en 1992 mais toujours moins que la normale. Les indices de la production agricole et vivrière ont continué de baisser, tombant à moins de 80 (1979-1981 = 100) en 1993. Les prix des aliments de base restent élevés par rapport aux gains. La situation alimentaire lamentable, due à plusieurs récoltes céréalières successives inférieures à la normale et au retour de centaines de milliers de réfugiés, a été encore aggravée en 1993/94 par de mauvaises conditions météorologiques en hiver.
Au Soudan, la guerre civile et le temps déterminent les performances du secteur agricole qui fournit le tiers du PIB. Vers la fin des années 80, l'économie soudanaise était caractérisée par une très faible croissance, de fortes dépenses publiques, un taux d'inflation supérieur à 100 pour cent et un déficit commercial croissant. En 1991, le gouvernement a mis en place un plan triennal de redressement qui visait à lever les mesures de contrôle des prix et des profits, à privatiser les entreprises para-étatiques, à éliminer les subventions en faveur des combustibles et des produits alimentaires, à libérer le commerce et à stabiliser le taux de change. Bien que l'économie ait donné des signes de reprise depuis la mise en uvre de ces réformes, de nombreux problèmes persistent, notamment celui des gros déficits commercial et budgétaire.
Au Liban, les conflits passés ont eu des répercussions catastrophiques sur les infrastructures, les marchés financiers, la main-d'uvre et le capital. Comme les autres secteurs, l'agriculture a beaucoup souffert. Entre autres, il faut mentionner l'abandon de l'arboriculture, des pertes importantes de cheptel et la destruction des installations d'entreposage. Toutefois, au cours de ces dernières années, on a assisté à une reprise et à une croissance remarquables de ce secteur. Les informations sont rares sur l'état du réseau d'irrigation qui couvrait le quart de la superficie cultivée du pays. Les combats se poursuivant dans le sud du Liban, il semble qu'une grande partie des terres agricoles aurait été abandonnée dans cette région.
La valeur ajoutée des produits agricoles représente, d'après les estimations, 8 à 10 pour cent du PIB du pays, alors que les exportations de produits alimentaires et agricoles (y compris les produits forestiers) assurent à peu près 10 pour cent des recettes d'exportation de marchandises. Ces dernières années, la forte dépréciation de la livre libanaise a permis au sous-secteur des exportations agricoles de résister à la hausse des coûts de transport intérieur et à la concurrence étrangère (de la Turquie). Après avoir beaucoup diminué à la suite de la crise du Golfe, les exportations vers les pays de cette région sont depuis peu en légère reprise.
La région reste gros importateur de produits agricoles; les importations sont estimées à 25,2 milliards de dollars en 1992, soit 9 pour cent de plus que l'année précédente et se rapprochent des niveaux enregistrés avant la guerre du Golfe. Les principaux fournisseurs de la région sont toujours la CE, dont la part est d'environ un tiers, et les Etats-Unis avec environ 12 pour cent. Parmi les autres fournisseurs importants figurent l'Australie, le Canada, l'Argentine, la Thaïlande et la Turquie. Les principaux importateurs dans la région sont l'Arabie saoudite, l'Egypte, l'Algérie, l'Iran, les Emirats arabes unis et la Turquie. Par ailleurs, la Turquie, l'Egypte, l'Arabie saoudite, le Maroc et Israël sont d'importants exportateurs de produits agricoles comme le coton, les produits horticoles et le tabac.
L'autosuffisance en blé s'est légèrement améliorée grâce à des gains de production importants par rapport à la consommation. En 1992, le Proche-Orient a produit assez de blé pour couvrir 91 pour cent de la consommation, contre 80 pour cent en 1980. Pour l'Afrique du Nord, la production a représenté 39 pour cent de la consommation en 1992 contre 36 pour cent en 1980. Le degré d'autonomie de la région est la somme des résultats de chaque pays. Ainsi, l'Arabie saoudite est devenue gros exportateur ces dernières années, expédiant à peu près la moitié de sa récolte. La Turquie est depuis la fin des années 80 un important fournisseur de blé et l'Iran a accru considérablement sa production de blé. Toutefois, pour la majorité des pays de la région, les importations de blé couvrent une part croissante de la consommation.
Réformes et problèmes de politique
Malgré les bouleversements causés par la crise du Golfe, la plupart des pays continuent d'accorder une haute priorité aux réformes économiques. La région dans son ensemble a continué sa marche vers les réformes de politique et la libéralisation; les pouvoirs publics réduisent de plus en plus leur intervention et les investissements privés augmentent. Cependant, les programmes d'ajustement structurel ont été ralentis par des problèmes politiques intérieurs. L'Iran et le Liban ont poursuivi la remise en état de leurs infrastructures économiques. L'Egypte continue son programme d'ajustement structurel, la réforme des entreprises publiques et la privatisation. Le processus de réforme rencontre plus de difficultés au Yémen et en Algérie, en raison principalement des changements dans la direction politique de ces pays, des tensions sociales persistantes en Algérie et de l'affrontement entre le nord et le sud du Yémen.
La plupart des pays de la région ont opté pour la privatisation de la distribution et du commerce dans le cadre d'une vaste réorientation vers la libéralisation et la réforme du marché. Toutefois, la plupart maintiennent les mesures de soutien aux producteurs de blé. Tous les pays ont subventionné les prix à la consommation de la farine de blé et du pain, ce qui a contribué à faire de la région un marché au blé fonctionnant à plein régime où la consommation par habitant est parmi les plus fortes du monde. Depuis 1980, la consommation par habitant s'est stabilisée et la croissance dans l'utilisation totale est liée à l'expansion démographique.
Dans certains pays, dont le Maroc, l'Egypte et la Tunisie, des réformes de politique récentes ont inclus la réduction ou l'élimination des subventions à la consommation pour les aliments de base, dont certains types de pain. L'Algérie continue de subventionner le pain et la farine de blé mais les prix réglementés augmentent pour d'autres aliments, ce qui équivaut à une réduction des subventions.
Certains problèmes sociaux sont communs à l'ensemble de la région, par exemple le chômage. Il y a abondance de main-d'uvre qualifiée et relativement peu onéreuse et le secteur commercial est très dynamique et doté d'un grand potentiel d'expansion. Toutefois, le chômage reste un problème chronique, atteignant environ 15 pour cent en Egypte, en Iran, au Maroc et en Tunisie; 20 pour cent en Algérie et en Jordanie, et 25 pour cent au Liban et au Yémen. Dans de nombreux pays, cette situation est encore aggravée par le déséquilibre entre l'expansion démographique et la croissance économique. Dans l'agriculture, le chômage et le sous-emploi sont un peu plus difficiles à mesurer. L'investissement en grande partie capitalistique et la mécanisation croissante de l'agriculture continuent de faire affluer sur le marché du travail une main-d'uvre déjà sous-utilisée au moment où la création d'emplois sur place s'est ralentie (les recettes pétrolières diminuent). Par ailleurs, les pays occidentaux, qui absorbaient autrefois une partie de la main-d'uvre en excès, accusent un ralentissement de l'activité économique et ont considérablement réduit l'embauche de travailleurs étrangers.
Il y a longtemps que la maîtrise des ressources en eau est considérée par les pays comme une question capitale. Cela est particulièrement vrai au Proche-Orient et en Afrique du Nord où les sécheresses périodiques et la croissance démographique rapide ont aggravé les problèmes de pénurie d'eau. Autrefois, l'objectif principal était d'assurer un approvisionnement en eau suffisant et fiable. C'est seulement depuis les dernières années que les problèmes de salinité et de pollution constituent une menace de plus en plus grave pour la qualité de l'eau fournie, de sorte que les gouvernements se préoccupent des effets potentiellement nuisibles à l'environnement des projets de développement et de l'utilisation non réglementée de l'eau par le secteur privé.
Deux problèmes liés à l'eau font peser une menace immédiate sur la viabilité de l'agriculture dans la région. Le premier concerne l'environnement (détérioration de la qualité de l'eau d'irrigation), et le second est le détournement des eaux d'irrigation pour l'usage en milieu urbain. Toute solution devra passer par une coopération politique et scientifique entre les pays de la région. Ces questions touchent chaque pays et détermineront en grande partie la viabilité de l'agriculture et de la vie dans les villes au cours des prochaines années. Alors que le problème de l'eau s'est souvent traduit par des conflits régionaux, la nécessité d'élaborer une stratégie commune pour l'eau pourrait conduire les pays à une paix régionale.
La plupart des gouvernements de la région ont demandé que davantage d'attention soit portée aux problèmes de l'eau, notamment l'évacuation des eaux usées, la salinité, la pollution des sources et les réseaux de distribution fonctionnant mal et peu rentables. Dans de nombreux cas, l'approvisionnement en eau des villes a la priorité sur d'autres utilisations. L'eau destinée à l'agriculture est maintenant détournée pour des usages en milieu urbain. C'est notamment le cas à Damas et à Alep en République arabe syrienne et à Amman en Jordanie. D'autres zones urbaines reçoivent de l'eau de mer dessalée et transportée sur de longues distances.
En 1993/94, des températures élevées et un grave manque de pluie ont réduit la récolte céréalière au Proche-Orient. En Turquie, la sécheresse exceptionnelle de l'automne a empêché la germination du blé et de l'orge dans de nombreuses régions; les prévisions relatives à la production céréalière sont beaucoup plus basses qu'en 1992/93. Il en est de même dans les pays voisins comme la République arabe syrienne, l'Iran et l'Iraq. Cette vague de sécheresse montre combien l'économie des pays de la région est sensible aux conditions météorologiques. En Afrique du Nord, les conditions de végétation ont été favorables aux cultures céréalières d'hiver au Maroc et en Algérie, ce qui permet de prévoir de bonnes récoltes pour la campagne 1994/95. L'accroissement des récoltes devrait entraîner une réduction des importations de céréales, après les niveaux records atteints au Maroc en 1992 et 1993 et les niveaux presque sans précédent enregistrés en Algérie.
Le rôle de l'agriculture dans l'économie turque
C'était traditionnellement le secteur agricole qui employait la plus grosse partie de la population active et qui contribuait le plus au PIB, aux exportations et à l'essor industriel. Toutefois, à mesure que le pays s'est développé, l'agriculture a vu son importance diminuer par rapport à l'industrie et au secteur tertiaire en progression rapide. La part de l'agriculture dans le PIB s'est réduite, tombant de 35 pour cent en 1970 à 22 pour cent en 1980 et à 15 pour cent en 1992. L'agriculture qui employait 75 pour cent de la population en 1950 n'en employait plus que 40 pour cent en 1992, selon les estimations. Cette évolution traduit l'exode rural et l'augmentation du travail à l'étranger. Les cultures représentent 55 pour cent du secteur agricole, l'élevage 34 pour cent et le reste correspond à la foresterie et l'aquaculture.
La Turquie est le premier producteur et le premier exportateur de produits agricoles de la région Proche-Orient/Afrique du Nord. Les exportations de produits agricoles (noisettes, tabac, légumineuses, huiles végétales, fruits secs, noix, produits forestiers, blé, coton, etc.), étaient évaluées à 3,4 milliards de dollars en 1992 et fournissaient 23 pour cent des recettes d'exportation totales. Le pays est doté d'une vaste base de ressources agricoles et a de grandes possibilités d'accroître sa production, notamment en augmentant les rendements. Cependant, la production agricole subit les effets fâcheux de facteurs comme les variations météorologiques aggravées par la faiblesse de l'irrigation; les services de soutien technique inefficaces; l'accès insuffisant au crédit agricole; les systèmes de commercialisation agricole inadéquats; l'utilisation insuffisante des intrants; et le morcellement des terres.
Intervention des pouvoirs publics
Dans le passé, le Gouvernement turc intervenait massivement dans le secteur agricole par le biais de mesures de soutien des prix, de subventions à l'achat d'intrants, de mesures de protection à l'encontre des importations, de monopoles des ventes et de subventions ou de droits à l'exportation. Le gouvernement se proposait, entre autres objectifs, d'accroître l'autosuffisance alimentaire et le développement rural, de stabiliser les revenus des agriculteurs, d'assurer une bonne nutrition et des approvisionnements alimentaires à des prix abordables et de promouvoir les exportations. Depuis le lancement de la politique d'ajustement structurel (PAS) en 1980, la Turquie a élaboré une série de réformes de politique agricole visant à privatiser les marchés, à réduire les subventions à l'agriculture, à lever les barrières commerciales et à intégrer le pays dans l'économie mondiale. Dans le cadre de la PAS, le gouvernement a procédé à la dévaluation de la monnaie, la libération des prix et des échanges et l'ouverture de marchés financiers.
La production végétale a été appuyée principalement par des mesures de soutien des prix intérieurs et des subventions à l'achat d'intrants et favorisée par des restrictions à l'importation. Ces mesures ont permis de relever les rendements et d'améliorer les pratiques culturales, augmentant ainsi la production et les revenus des agriculteurs. Des taxes ont aussi été établies pour protéger la production intérieure d'intrants agricoles. Quant au secteur de l'élevage, le gouvernement a cherché à accroître la productivité, notamment celle des animaux laitiers, en améliorant les caractéristiques génétiques et la nutrition du cheptel ainsi que les services vétérinaires et la commercialisation des produits de l'élevage.
Depuis 1980, le gouvernement a abandonné sa politique traditionnelle en matière de commerce agricole qui comprenait des restrictions quantitatives, un recours massif à la production du secteur public et des prix réglementés. Les barrières commerciales ont été fortement réduites conformément à l'orientation générale vers une politique agricole favorisant les mécanismes du marché. Tant le FMI que la Banque mondiale ont soutenu cette stratégie; la Banque mondiale a octroyé à la Turquie cinq prêts pour faciliter l'ajustement structurel.
Durant cette période, la monnaie a cessé d'être surévaluée, les droits de douane ont été réduits, de nombreux prix ont été libérés, presque toutes les restrictions quantitatives aux frontières ont été levées et les marchés financiers ont été ouverts. En conséquence, les échanges ont augmenté et les importations sont passées de 17 pour cent du PIB en 1980 à 30 pour cent en 1990. De même, les exportations sont passées de 6 pour cent à 17 pour cent du PIB progressant tant en valeur qu'en volume. La croissance a été rapide dans les années 80, en particulier dans l'industrie de transformation mais aussi dans l'agro-industrie et l'investissement intérieur et étranger en Turquie a repris. La réforme de la politique de change a fait disparaître une bonne partie des restrictions sur les opérations internationales, favorisant les exportateurs. Les politiques commerciales, qui prévoient des dégrèvements fiscaux, des crédits à l'exportation et des crédits subventionnés ont également amélioré les résultats obtenus à l'exportation. Par ailleurs, la guerre entre l'Iran et l'Iraq a fait gonfler énormément la demande de produits agricoles turcs dans ces deux pays.
Parfois, notamment au début des années 80, le gouvernement a tenté de protéger les consommateurs en modérant les hausses de prix des produits alimentaires par des mesures de contrôle des prix et, jusqu'au milieu des années 80, en réduisant les droits à l'exportation, freinant ainsi les hausses des prix intérieurs à la production. Tel a fréquemment été le cas pour les prix départ usine du sucre et, quelquefois, pour les céréales. Il existait une taxe à la valeur ajoutée (TVA) sur les produits alimentaires, mais elle est restée bien moins élevée que pour la plupart des autres marchandises. Par exemple, à la fin de 1993, la TVA sur les aliments était fixée à 8 pour cent alors que la TVA générale était de 15 pour cent61.
En 1980, dans le cadre d'un train de réformes économiques, les subventions aux cultures ont été réduites et le nombre de produits bénéficiant d'un soutien est tombé de 30 à 17. Au cours des années suivantes, la part des achats de soutien dans le PNB agricole total a diminué et le nombre de cultures subventionnées est tombé à 11 en 1990. Toutefois, ce nombre a de nouveau augmenté au début des années 90 au titre d'un programme gouvernemental visant à améliorer la situation de l'agriculture et le bien-être social des exploitants et des villageois. Le programme visait à réduire le chômage rural et à améliorer les moyens de vulgarisation et de recherche en organisant des industries rurales. En 1992, les subventions à l'achat d'intrants ont été relevées de sorte que les prix à la production du blé et d'autres produits végétaux dépassaient les prix frontière, alors même que le programme de soutien des prix n'avait pas été élargi.
Les politiques gouvernementales ont été mises en uvre par le biais d'entreprises économiques d'Etat, de coopératives de vente de produits agricoles, de coopératives de crédit agricole, de banques d'Etat et autres organismes. Malgré l'orientation vers la libéralisation et la réduction de l'intervention des pouvoirs publics, nombreux sont les ministères, organismes, entreprises économiques et banques d'Etat qui continuent d'administrer des mesures de soutien des prix, des mesures de crédit, des activités de vulgarisation et de recherche et des projets d'irrigation. Le chevauchement des responsabilités et le manque de coordination ont souvent réduit l'efficacité des interventions gouvernementales, alors que des considérations politiques ont été à l'origine des variations annuelles dans le nombre de produits bénéficiant d'une aide62.
Effets de l'intervention de l'Etat sur la production. En raison de la politique d'ajustement structurel de la Turquie, la livre (LT) s'est dépréciée régulièrement en valeur réelle, ce qui a rendu les produits agricoles plus compétitifs sur les marchés internationaux et augmenté la production et les échanges. De 1980 à la fin de 1992, le volume global de la production agricole a augmenté en moyenne de 3 pour cent par an. La production et les rendements des principales céréales (blé, orge et maïs), de la betterave à sucre, des graines oléagineuses, de la pomme de terre et du coton ont augmenté régulièrement. L'indice de la production agricole a atteint une moyenne de 130 en 1991-1993 (1979-1981 = 100), alors que celui de la production agricole par habitant a légèrement reculé, tombant au-dessous de 100. Durant cette période, un certain nombre de changements se sont produits. La superficie cultivée a augmenté de 2,4 millions d'hectares selon les estimations (approximativement 14,5 pour cent). Le changement le plus radical a eu lieu en 1981 et 1982, quand la superficie en jachère a diminué de 1,6 million d'hectares, à la suite de l'importation de grandes quantités d'intrants, notamment de semences et d'engrais. Au cours des 12 dernières années, la superficie rizicole s'est réduite presque de moitié en raison de la pénurie d'eau et des prix à l'importation intéressants, qui étaient liés à des crédits à l'exportation dans d'autres pays. La superficie cultivée en orge a augmenté de 23 pour cent du fait des prix de soutien élevés, des variétés à haut rendement, et, plus récemment, des maladies du blé. Une forte avancée de la production et des exportations de légumineuses a triplé la superficie consacrée à ces cultures. Si les rendements nationaux ont augmenté, il y a souvent de grandes différences entre les régions. Les rendements des cultures de plein champ sont habituellement deux ou trois fois plus élevés dans les zones côtières au climat plus doux (régions bordant la mer Egée et la Méditerranée) que dans les zones plus froides et généralement plus sèches de la Turquie centrale et orientale (plateau d'Anatolie).
Le blé est la principale céréale produite en Turquie. Après avoir stagné au début des années 80, sa production a progressé récemment grâce à l'emploi accru d'engrais et de moyens d'irrigation, résultant des subventions aux prix et à l'achat d'intrants, notamment pour les engrais. La consommation de blé par habitant qui était l'une des plus élevées du monde continue de baisser à mesure que le revenu augmente et que l'urbanisation accroît la consommation de fruits, de légumes et de viandes, notamment de volaille. Dans le passé, la Turquie importait du blé durant les pénuries et en exportait quand elle avait des excédents. Plus récemment, elle exportait du blé de qualité inférieure et importait du blé de qualité supérieure pour faire des mélanges.
Durant la dernière décennie, le gouvernement a pris des mesures pour relever la productivité du secteur de l'élevage. Parmi celles-ci, l'amélioration génétique des troupeaux de boucherie et laitiers par le biais d'importations de bovins laitiers et de sperme de taureau et l'amélioration de la nutrition et des services vétérinaires. Pendant les années 80, la production de lait par vache a plus que doublé, passant à 1 350 kg par an. Ce chiffre est encore bas par rapport aux normes européennes car à peu près les deux tiers du cheptel national sont constitués de races locales (seulement 7 pour cent sont des animaux de race pure) et une grande partie de l'accroissement des troupeaux a lieu sans sélection. De même, la plupart des ovins sont de races locales. On n'a pas accordé assez d'attention aux besoins en nutriments et micronutriments spéciaux du bétail importé, et ce facteur pourrait aussi contribuer aux faibles rendements63. Une large place a été faite au développement de l'élevage dans les régions de l'est et du sud de l'Anatolie et de la production de cultures fourragères.
La production animale nationale est inférieure à la demande intérieure aussi l'abattage a-t-il généralement dépassé le taux de natalité des animaux; les importations d'animaux et de viande sont en augmentation tandis que les exportations d'animaux sur pied et de viande ont diminué. Sans changements profonds de politique, la Turquie deviendra de plus en plus tributaire des importations de produits de l'élevage64. En 1993, avec l'aide de la FAO, le gouvernement a entrepris une étude détaillée du secteur de l'élevage, qui a fait ressortir quelques faiblesses au niveau des politiques. Par exemple, dans les années 80, les aides accordées au secteur de l'élevage ont été de 7 pour cent contre 32 pour cent pour les subventions aux cultures. Le crédit n'est pas utilisé de manière appropriée par les éleveurs faute de soutien au programme. Par ailleurs, les producteurs étant de petits exploitants, la manutention et la commercialisation des produits sont difficiles et les réseaux commerciaux, quand ils existent, sont mal organisés et inefficaces.
Quand le secteur de l'élevage a commencé à se développer et que la demande d'aliments pour animaux a augmenté, le gouvernement a apporté une aide substantielle à la production de maïs en introduisant des semences d'hybrides, de nouveaux moyens d'irrigation, des engrais et des pratiques agricoles améliorées. Dans les années 80, la superficie ensemencée en maïs a diminué de 6 pour cent mais les rendements ont fortement augmenté.
Le désir de pousser le consommateur à remplacer la viande rouge par la viande blanche et de relever l'efficacité de l'alimentation animale explique le gros effort déployé pour accroître la production de viande de volaille, notamment de poulet. Le gouvernement a accordé aux aviculteurs des incitations limitées comme une prime sur les dépenses d'investissement et une aide à l'exportation. Bien que cette aide ait été très inférieure à celle fournie par d'autres grands pays producteurs, la production a augmenté régulièrement depuis 1980, atteignant le chiffre record de 436 000 tonnes en 1992.
Parmi les cultures industrielles, le coton a reçu un soutien important du gouvernement, les ESP atteignant 71 pour cent en 1987 et diminuant de moitié à peu près en 1992. Le coton brut était exporté en grandes quantités avant les années 80 mais, en raison de l'essor remarquable de l'industrie textile et des prix intérieurs élevés, la plus grande partie du coton est maintenant transformée sur place. Durant la période 1990-1992, la Turquie est devenue importateur net de coton.
Depuis peu, un nouveau système de soutien à la production cotonnière est en vigueur, qui ressemble un peu à celui des Etats-Unis et de la CE. Il prévoit un rôle plus important pour le secteur privé et la détermination des prix par le marché tout en garantissant une prime à tous les producteurs de coton. L'écart entre le prix de vente et le prix d'objectif fixé par le gouvernement est couvert par celui-ci. Ce système exige des documents pour toutes les opérations concernant le coton, et les ventes doivent être enregistrées à la bourse des marchandises. Cela contribuera peut-être à créer de nouveaux marchés, à développer les bourses des marchandises et à aider le gouvernement à recouvrer les impôts.
Malgré un déficit commercial global important qui va s'accentuant, la balance commerciale agricole est nettement positive, ce qui redresse un peu les comptes des opérations extérieures. La libéralisation des échanges et l'accroissement de la demande régionale ont entraîné une progression des exportations de produits agricoles qui sont passées de 1,8 milliard de dollars en 1980 à 3,4 milliards de dollars en 1992. Ces dernières années, les exportations de produits alimentaires et animaux ont représenté 17 pour cent des recettes d'exportation totales, pourcentage qui serait beaucoup plus élevé si d'autres produits d'origine agricole, comme les textiles et les cigarettes, étaient inclus. Les exportations de produits de l'élevage ont considérablement augmenté, passant de 123 millions de dollars en 1980 au chiffre sans précédent de 528 millions de dollars en 1982. Néanmoins, la production n'a pu suivre la demande et, pour certains produits, les prix intérieurs ont monté et la consommation a fléchi. Alors que les prix des produits de l'élevage ont augmenté, les exportations ont diminué et, en 1983, elles étaient tombées à 312 millions de dollars. Des restrictions dues à des problèmes de santé animale ont aggravé le recul des exportations d'animaux sur pied et, en 1992, celles-ci étaient tombées à 173 millions de dollars.
La réduction des restrictions à l'importation appliquée dans le cadre de la PAS a également conduit à une augmentation considérable des importations de produits agricoles, qui sont passées de 326 millions de dollars en moyenne en 1980-1982 à 1,7 milliard de dollars en 1990-1992. Dans le passé, les importations étaient limitées par la forte production intérieure, des politiques de remplacement des importations et des mesures gouvernementales visant à restreindre les dépenses en devises. Quand la croissance économique a fait gonfler la demande intérieure, on a dû importer des engrais chimiques, des machines, des semences, des animaux laitiers et des matières premières pour approvisionner les industries de transformation en expansion. Les principaux produits agricoles importés comprenaient les huiles végétales, les cuirs et peaux, la laine, le tabac, le coton, le riz, le blé et les céréales fourragères.
Evolution de la demande de consommation rurale et urbaine
Le Gouvernement turc se propose depuis longtemps d'assurer à une population en augmentation constante une alimentation adéquate et équilibrée et, en particulier, d'accroître la consommation par habitant de protéines animales - objectif constituant d'ailleurs une des composantes essentielles de son plan quinquennal de développement. Comme le régime alimentaire se diversifie de plus en plus en raison du développement économique, l'apport calorique enregistré dans le pays approche les niveaux européens. Toutefois, la Turquie reste un des plus gros consommateurs de céréales par habitant et le régime alimentaire moyen, particulièrement dans les zones rurales, est toujours à base de céréales, de fruits et de légumes.
Au cours des trois dernières décennies, la population turque a migré non seulement vers les zones urbaines mais aussi vers d'autres pays. En 1950, la population rurale représentait 75 pour cent du total; 40 ans après, elle n'en représentait plus que 40 pour cent. Dans les années 80, l'urbanisation a progressé au taux de 6 pour cent par an.
A mesure que la Turquie s'est urbanisée, la consommation alimentaire et les modes d'alimentation ont changé. De 1980 à 1990, l'apport calorique provenant de produits d'origine végétale a augmenté de 10 pour cent, alors que celui provenant de produits d'origine animale a diminué de 19 pour cent. La consommation de produits céréaliers a enregistré un changement peu important mais celle de légumineuses a doublé, pour passer à 15 kg par habitant et par an. Grâce à un approvisionnement régulier, la consommation de fruits et de légumes a progressé de 15 pour cent durant la même période.
Malgré une augmentation régulière, la consommation de produits de l'élevage reste bien inférieure à la moyenne régionale; ces produits représentent seulement 7 pour cent des 3 200 calories consommées en moyenne par les Turcs, bien que la demande se soit accrue ces dernières années. La consommation de viande de volaille et de produits laitiers a progressé très rapidement, remplaçant dans une large mesure celle de viandes traditionnelles comme l'agneau, le mouton et la chèvre. La consommation de viande de volaille - environ 6 kg par habitant et par an en 1992 - n'atteint même pas la moitié de celle enregistrée au niveau régional. La Turquie est le premier producteur de lait de la région. Toutefois, la consommation de lait par habitant, bien qu'approchant la moyenne régionale, reste très inférieure aux niveaux européens et a en fait diminué d'un tiers durant les années 80. La production totale de lait a stagné - la production de lait de vache a augmenté mais celle du lait d'autres animaux a diminué.
Dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord, la Turquie est probablement le pays qui a les meilleures possibilités de développer la production agricole. Toutefois, pour atteindre les objectifs concernant le secteur agricole, de nombreux programmes en cours d'exécution devront être accélérés. La libéralisation des échanges et la réduction de l'intervention des pouvoirs publics sur le marché devraient se poursuivre, notamment la suppression des prélèvements à l'exportation, l'élimination progressive des subventions à l'achat d'intrants et une réduction des opérations coûteuses de soutien des prix d'achat et des coûts d'entreposage.
La réforme des politiques se poursuit dans le cadre des Plans quinquennaux de développement. Il s'agit de relever les revenus des agriculteurs et d'accentuer la diversification du régime alimentaire moyennant l'accroissement de la production végétale et animale et la conquête de nouveaux marchés, particulièrement en Asie centrale, en Europe de l'Est et dans les Etats baltes. Les objectifs comprennent des taux de croissance de la production de 3,7 pour cent par an pour la production végétale et de 5 pour cent pour la production animale; un recours accru aux semences d'hybrides, aux pesticides, aux engrais et à l'irrigation; le développement des programmes de culture dérobée; et la réduction des superficies en friche.
Le gouvernement a réalisé une étude approfondie du secteur de l'horticulture, cherchant à améliorer la commercialisation intérieure, la qualité, les normes et les rendements. L'étude porte également sur le potentiel d'exportation et constate que les produits turcs se heurtent à une concurrence croissante sur les marchés mondiaux.
Quoique la Turquie jouisse d'un avantage comparatif pour la production de blé, d'orge, de coton, de tabac oriental, de graines de tournesol, d'huile d'olive, de melons, les rendements agricoles sont inférieurs à ceux de nombre de pays concurrents. Par exemple, les rendements de blé ont plafonné dans les années 80 à 1,9 tonne l'hectare et étaient à peine supérieurs en 1992. A titre de comparaison, les rendements de blé aux Etats-Unis étaient de 2,3 tonnes l'hectare en 1991 et ceux des pays de la CE de 5,4 tonnes l'hectare.
Il existe de grandes disparités économiques entre les zones rurales et urbaines et entre l'ouest du pays, plus développé, et les régions de l'est et du sud-est, peu développées et relativement isolées. Il faut donc donner au développement de ces zones un degré élevé de priorité. Le gouvernement renforcera les infrastructures, les communications et la base de ressources naturelles et augmentera les possibilités d'emplois en renforçant les entreprises locales et en attirant de nouvelles industries. Cette politique sera axée essentiellement sur le projet concernant le sud-est de l'Anatolie.
Questions concernant les ressources et l'environnement
L'agriculture turque souffre encore de carences structurelles et institutionnelles chroniques. La taille des exploitations et le morcellement des terres constituent de grands obstacles au développement et à la productivité agricoles. En 1980, moins de 10 pour cent du nombre total d'exploitations agricoles se composaient d'une parcelle d'un seul tenant alors que 64 pour cent étaient très morcelées. D'après le dernier recensement agricole, le nombre total d'exploitations a augmenté, passant d'environ 3,6 millions au début des années 80 à 4,2 millions 10 ans après. Cette évolution est alarmante car on estime que la taille moyenne de l'exploitation est tombée de 6,4 ha à 5,3 ha. Au milieu des années 80, le gouvernement a lancé un programme de remembrement des terres qui devait encourager les agriculteurs voisins à échanger des parcelles, mais ce programme n'a guère eu de succès.
La Turquie est exposée à de fortes variations météorologiques qui ont un impact considérable sur l'agriculture en raison du pourcentage relativement faible des terres irriguées - actuellement environ 13 pour cent de la superficie cultivée, soit 3,5 millions d'hectares65. Ce chiffre représente environ 40 pour cent des terres du pays susceptibles d'être mises en irrigation et est imputable aux retards dans la réalisation de projets, notamment de construction de canaux secondaires et tertiaires et d'ouvrages de drainage. L'irrigation permet de réduire les variations de la production dues au temps. Par conséquent, le gouvernement attribue une haute priorité à l'amélioration des ressources en terres et en eaux et au développement de l'irrigation et a affecté à peu près les deux tiers de tous les investissements publics dans l'agriculture à l'amélioration des terres et des eaux.
Le faible degré d'instruction reste un problème grave parmi les populations rurales. En 1985, on estimait qu'un tiers des personnes de plus de 12 ans travaillant dans l'agriculture (environ 4 millions de personnes) étaient illettrées, contre 5 pour cent des ouvriers des industries manufacturières. La plupart des autres ouvriers agricoles n'avaient suivi que le cycle d'études élémentaires. En conséquence, la productivité et les revenus des ouvriers agricoles étaient extrêmement faibles par rapport à ceux des travailleurs des autres secteurs bien que, depuis 1988, le même salaire minimum soit applicable dans tous les secteurs (sauf pour les travailleurs de moins de 16 ans)66.
La dégradation de l'environnement et la conservation des ressources suscitent des préoccupations croissantes dans le secteur agricole. L'intensification de la production, au moyen notamment d'engrais chimiques, de pesticides et de moyens d'irrigation subventionnés, accroît la pression sur le milieu. De plus, l'utilisation d'eau polluée pour l'irrigation est encore fréquente, pratique qui constitue une menace directe pour la santé de l'homme et des animaux, et contamine le sol. On admet généralement qu'un bon drainage est nécessaire pour les réseaux d'irrigation et des investissements sont en cours pour apporter des améliorations dans ce domaine.
L'érosion est un des aspects les plus sérieux de la dégradation des sols en Turquie. Elle est aggravée par l'emploi de techniques agricoles inadéquates, comme le labourage des terres en forte pente (environ 6 millions d'hectares de terres très inclinées sont actuellement cultivés) et le surpâturage. Environ 72 pour cent de la superficie cultivée sont touchés par l'érosion hydrique et certaines zones, notamment en Anatolie centrale et dans quelques régions côtières, sont frappées par l'érosion éolienne.
Les problèmes d'environnement dus aux activités agricoles sont aggravés par l'accroissement rapide des volumes de déchets urbains solides, imputable à la forte expansion démographique, à l'urbanisation, à l'industrialisation, au tourisme et à l'amélioration du niveau de vie. Il faut créer de nombreuses décharges publiques pour les déchets à la périphérie des villes, et le sol occupé devient impropre à l'agriculture. L'urbanisation rapide conduit également à la construction sauvage d'habitations et d'usines sur des terres labourables fertiles. Il arrive souvent que l'on se serve pour l'irrigation d'eau dans laquelle des effluents et des eaux usées ont été rejetés.
Depuis quelques années, le gouvernement a renforcé les mesures propres à résoudre ces problèmes. Des règlements concernant l'utilisation non agricole des terres arables sont entrés en vigueur en 1989 en vue de réduire l'empiétement sur les terres agricoles par les citadins. En 1991, de nouveaux règlements ont été adoptés pour contrôler l'évacuation des déchets solides et l'emploi et l'élimination de substances chimiques dangereuses. Il faudra attendre quelque temps pour que l'effet de ces mesures soit visible.
Des projets sont en cours afin de recueillir des informations sur la contribution de l'agriculture à la pollution de l'eau et les résultats aideront les responsables politiques à prendre des décisions. Il s'agit, entre autres, de déterminer la mesure dans laquelle l'eau est polluée et les effets de cette pollution sur la pêche. Des mesures sont prises pour lutter contre les ennemis des cultures, comme les sautereaux, les punaises des céréales et les aphidiens, dont certains proviennent de pays voisins67.
A l'issue de 10 ans de libéralisation et d'ajustement structurel, la Turquie affiche des résultats économiques inégaux. Dans les rapports avec l'extérieur, les PAS ont abouti à une croissance impressionnante des exportations et aidé le pays à retrouver son crédit à l'échelon international. L'accroissement du PIB a également été remarquable, puisqu'il a été de 4 pour cent par an durant les années 80 et de 6 pour cent en 1993. Avant la mise en uvre de la PAS, la croissance économique a piétiné dans les années 70 et enregistré un brusque recul en 1979 et 1980, alors que les années 60 avaient été marquées par une croissance très rapide.
Grâce aux réformes, la position de la Turquie s'est améliorée sur la scène internationale car la croissance a été imputable surtout à l'augmentation de la demande intérieure. Toutefois, les réformes ont aussi fait réapparaître des problèmes qui avaient été à l'origine des réformes de politique des années 80, avant tout le déficit budgétaire et l'inflation élevés. Ainsi, alors que les comptes extérieurs continuaient d'être améliorés par l'essor du tourisme, les investissements étrangers et les envois de fonds des travailleurs émigrés, on a assisté à un brusque accroissement des déficits du budget et des paiements courants.
La libération progressive de l'économie a creusé un véritable fossé entre les résultats du secteur extérieur et du secteur intérieur. Les importations continuent de dépasser les exportations car l'excédent de demande est couvert par des importations supplémentaires. En 1993, le déficit commercial de la Turquie a atteint le chiffre record et alarmant de 12 milliards de dollars, alors que son déficit des paiements courants, qui était de 937 millions de dollars en 1992, s'est établi à 5 milliards de dollars, selon les estimations. Cette évolution est due en partie à l'embargo commercial pesant sur l'Iraq qui a interrompu les échanges considérables entre ce pays et la Turquie. L'embargo a également réduit les recettes provenant des pipelines qui acheminent le pétrole vers la Méditerranée via la Turquie, ainsi que les droits de transit pour les véhicules traversant le territoire turc pour se rendre en Iraq.
Les gouvernements actuel et passés ont critiqué ouvertement les programmes de soutien et de subvention des entreprises économiques d'Etat dans leurs politiques. Ces entreprises font l'objet d'un examen car le secteur agricole et le gouvernement amorcent la privatisation. Celle-ci a tenu une grande place dans les programmes économiques gouvernementaux depuis 1986 mais elle a progressé lentement. De nombreuses entreprises économiques d'Etat emploient une main-d'uvre abondante et fonctionnent de façon peu efficace et coûteuse. En 1992, le gouvernement a décidé de privatiser les Industries turques d'aliments pour animaux (YEM SAN), l'Organisation de la viande et du poisson (EBK), les Industries laitières turques (SEK) et l'Industrie des produits ligneux (ORUS). Etant donné que ces entreprises ne représentent qu'une petite partie du réseau économique de l'Etat, pour éliminer le gaspillage de ressources dont témoigne l'assistance massive du gouvernement au secteur public, il faudra adopter des mesures plus draconiennes.
La Turquie a déjà pris des mesures pour renforcer le soutien à la culture du coton et étendre ce soutien à d'autres produits comme le tabac, le thé et les noisettes. L'office d'Etat chargé de l'achat des céréales (TMO) a commencé à offrir des services d'entreposage, faisant verser aux agriculteurs ou à d'autres agents commerciaux un droit journalier jusqu'à ce que les céréales soient vendues. Des plans de création de bourses de céréales sont à l'étude. Le gouvernement a modifié sa manière d'aider les producteurs en commençant à remplacer ses achats d'intervention par des versements compensatoires. Ce changement devrait favoriser les consommateurs, améliorer l'efficacité de l'aide aux producteurs et, peut-être, encourager les marchés à mettre en place les institutions et les compétences nécessaires à une agriculture axée sur le marché.
Bien que le rôle de l'agriculture s'amoindrisse, le bien-être économique de la Turquie est encore conditionné par la viabilité de son secteur agricole. Près de 40 pour cent (un peu plus de 23 millions) de la population vivent encore dans des villages où les emplois sont rares et où les revenus sont extrêmement bas par rapport à ceux des citadins. Le gouvernement a suivi des politiques visant à relever les revenus et les niveaux de vie ruraux en créant des emplois par le biais des entreprises familiales, de l'artisanat et des activités non agricoles. Plusieurs projets épaulés par des institutions internationales visent à assurer des emplois et donc à améliorer les revenus. Ainsi, le Projet en faveur du sud-est de l'Anatolie est mis en uvre pour éliminer les disparités régionales de revenu et de technologie. Un second projet vise à réduire les terres en friche et à développer l'irrigation. Le programme de doubles récoltes en cours a fait des progrès substantiels, particulièrement pour ce qui concerne la production de maïs. Le gouvernement s'est occupé activement de fixer les prix des produits agricoles et de les commercialiser et cherche maintenant à créer des marchés de produits régionaux.
Malgré les grands progrès accomplis, il reste bien des problèmes à résoudre. Des intrants sont disponibles pour de nombreuses productions mais ne sont pas utilisés au mieux. La production de semences ne couvre pas les besoins du pays et la situation est aggravée par le mauvais système de distribution. Des problèmes se posent également pour la certification des semences et les droits d'origine. L'insémination artificielle des animaux laitiers s'est répandue mais est bien loin de répondre aux besoins. Le programme s'appuie encore principalement sur le secteur public, le secteur privé restant au second plan. L'utilisation des pâturages et des parcours pose toujours un problème. Puisque ces terres sont considérées comme propriété de la communauté, elles tendent à être surpâturées et surchargées, ce qui détruit des ressources productives importantes. Le morcellement des terres est un gros obstacle à l'optimisation des cultures. Là où l'irrigation a été organisée, les terres ont été remembrées; dans les zones d'agriculture pluviale, le morcellement a augmenté.
Récemment, la participation du gouvernement a été limitée mais l'intervention a un caractère social. Comme les revenus sont plus faibles dans le secteur agricole, les aides publiques ont servi à réduire les différences de revenus. Toutefois, ces aides ont rarement abouti à une production optimale ou à des économies d'échelle.
Le potentiel agricole n'est pas exploité pleinement dans tout le pays. Le gouvernement compte que l'agriculture répondra à la demande croissante d'une population à revenu plus élevé de plus en plus nombreuse. Pour y parvenir, l'agriculture doit devenir plus efficace, plus compétitive et économiquement viable, avec une intervention minimale de l'Etat.
61 OCDE. 1994. Review of Agri-cultural Policies in Turkey. Directorate for Food, Agriculture and Fisheries. Paris.
62 H. Ogut. The restructuring and financing of agricultural support. Association des ingénieurs agronomes (Union turque des ingénieurs et architectes). Symposium sur les politiques de soutien à l'agriculture, janvier 1993.
63 En Turquie, les données relatives aux effectifs du cheptel et aux productions animales sont peu sûres. En 1984, le gouvernement a cessé de publier des données officielles, car les résultats des recensements différaient sensiblement des séries publiées précédemment. Alors que la publication des résultats du recensement du cheptel a repris en 1992 (données de 1990), deux séries provenant de la même organisation diffèrent encore largement.
64 United States Foreign Agricultural Service. Livestock and Products Annual, juillet 1993. TU3023. Ambassade des Etats-Unis, Ankara.
65 Environ 2,4 millions d'hectares bénéficient des grands ouvrages d'irrigation réalisés par l'Etat. Par ailleurs, 1,1 million d'hectares relèvent de la Direction générale des services ruraux.
66 OCDE, p. 40, op. cit., note 61, p. 192.
67 OCDE, op. cit., note 61, p. 192.