The duality between judicial norms and traditional practices in the Central African Republic
Low population densities and the general absence of land pressure in the Central African Republic have helped to preserve customary land tenure and land management systems at the same time as modern laws, at least on paper, have been usurping these functions. The duality, then, is between judicial norms and traditional practices. The lack of expression, in practice, of the judicial norms helps to explain the absence of the social classes that have appeared elsewhere - large landholders and landless peasants - and this, in turn, explains the high degree of social cohesion in the Central African Republic. Nevertheless, a tenure system based on individual private holdings is seen by the article's authors as increasingly popular in the de facto if not in the de jure sense, since it offers more advantages than would a system based on collective holdings. Private property, even in the non-statutory sense, offers freedom of choice concerning production practices, increased personal status of the property holder, more latitude for personal initiative and self-promotion and high levels of popular participation. It is also conducive to social cohesion and justice, at least as long as there remains an abundance of land. In spite of the noted trend that favours individual rights, there is no clear line separating individual from collective tenure in the Central African Republic. Within the customary system, individual use rights exist within the context of collectively held resources such as land, and both can be independent of statutory regulations. The state is legally the owner of all "untitled" lands. It is currently extremely difficult for the average rural producer to obtain legal status as a private landholder, and too expensive and complicated for most natural resource users.
Normas jur�dicas y pr�cticas consuetudinarias en la Rep�blica Centroafricana
Una baja densidad demogr�fica y la falta de presi�n sobre la tierra en la Rep�blica Centroafricana han contribuido a preservar la tenencia consuetudinaria de tierras y los sistemas de administraci�n rural, al propio tiempo que la legislaci�n moderna, al menos sobre el papel, ha usurpado esas funciones. Existe pues una dualidad entre las normas judiciales y las pr�cticas tradicionales. La no expresi�n de las normas judiciales en la vida pr�ctica contribuye a explicar la ausencia de clases sociales que han hecho su aparici�n en todas partes -grandes terratenientes y campesinos sin tierras-, lo que a su vez explica el alto grado de cohesi�n social que es caracter�stica de la Rep�blica Centroafricana. Sin embargo, un sistema de tenencia basado en las explotaciones privadas es cada vez m�s popular de facto cuando no de jure, ya que ofrece m�s ventajas que un sistema basado en explotaciones colectivas. La propiedad privada, incluso en el sentido no estatutario, ofrece libertad de elecci�n por lo que respecta a las pr�cticas de producci�n, una posici�n personal m�s elevada del titular, un mayor margen para la iniciativa personal y la autopromoci�n, altos niveles de participaci�n popular, y se presta a la cohesi�n y justicia sociales, al menos mientras haya abundancia de tierras. A pesar de la tendencia observada a favor de los derechos personales, en la Rep�blica Centroafricana no existe una clara l�nea divisoria de la tenencia colectiva. En el sistema consuetudinario cabe encontrar derechos individuales de uso en el contexto de los recursos de posesi�n colectiva como la tierra, y en ambos casos �stos pueden ser independientes de los reglamentos estatutarios. El Estado es legalmente propietario de todas las tierras de las que no exista t�tulo de propiedad. De hecho, actualmente es dif�cil que el productor rural medio obtenga la condici�n jur�dica de propietario privado: la titulaci�n sigue siendo el �nico instrumento para que la tierra se transfiera de la propiedad p�blica al dominio privado; es un procedimiento costoso y complicado y no est� al alcance de la mayor�a de los usuarios de recursos naturales.
Jean-Paul
Danagoro
Dominique Malo
Marcel Serekoisse Samba
Sous la coordination de Alphonse Blague1
Les faibles densit�s de population et l'absence g�n�rale de pression sur les terres caract�risant la R�publique centrafricaine ont permis de pr�server les r�gimes fonciers et syst�mes de gestion des terres coutumiers, tandis que dans le m�me temps les lois modernes, en th�orie en tout cas, en ont usurp� les fonctions. Il y a donc dualit� entre normes juridiques et pratiques coutumi�res. L'absence d'expression des normes juridiques dans la pratique contribue � expliquer l'inexistence des classes sociales qui sont apparues ailleurs: gros propri�taires terriens et paysans sans terre, facteur qui explique le degr� �lev� de coh�sion sociale caract�ristique de la R�publique centrafricaine. N�anmoins, les auteurs de l'�tude voient dans le mode de faire-valoir fond� sur l'exploitation individuelle priv�e un mod�le de plus en plus populaire, dans les faits sinon en droit, car il offre plus d'avantages qu'un syst�me d'exploitations collectives. La propri�t� priv�e - y compris d'un point de vue non statutaire - offre la libert� de choisir les m�thodes de production, conf�re davantage de prestige aux propri�taires, laisse plus de place � l'initiative personnelle et � la promotion de l'individu, permet un niveau de participation populaire accrue, outre qu'elle renforce la coh�sion sociale et garantit plus d'�quit�, dans la mesure en tout cas o� la terre est abondante. En d�pit de cette tendance qui privil�gie les droits individuels, il n'existe pas de fronti�re claire entre mode de faire-valoir individuel et collectif en R�publique centrafricaine. On trouve dans le cadre du syst�me coutumier, des droits individuels � propos de ressources d�tenues de fa�on collective telles que la terre, et les uns et les autres peuvent �tre ind�pendants de la r�glementation statutaire. C'est l'�tat qui est officiellement propri�taire de toutes les terres d�pourvues de titres. Il est actuellement tr�s difficile en fait au producteur rural moyen d'acqu�rir le statut officiel d'exploitant priv� et la proc�dure reste co�teuse et complexe pour la plupart des utilisateurs de ressources naturelles.
Le ph�nom�ne foncier est consid�r� comme facteur
fondamental de la reproduction sociale et conditionne donc, de fa�on
d�terminante, tous les aspects de la vie en milieu rural. Sous l'influence des
valeurs �conomiques et sociales nouvelles pouss�es par l'urbanisation
croissante, les syst�mes de propri�t� priv�e gagnent du terrain sur ceux des
patrimoines communaux, bien que la propri�t� fonci�re commune en Afrique soit
une pratique courante. Cependant, tr�s peu d'�tudes ont �t� r�alis�es sur la
question pour comprendre le ph�nom�ne foncier en R�publique
centrafricaine.
Le droit des terres n'existe en tant que corps du droit dans
le syst�me juridique actuellement en place en R�publique centrafricaine, m�me si
des tentatives de r�formes ont �t� entreprises comme substituts au corpus
relativement complexe h�rit� de l'administration coloniale. Le droit des terres
appara�t comme une sorte de n�buleuse englobant non seulement les textes
domaniaux et fonciers mais, de mani�re plus g�n�rale, tous les textes
d'application des pr�c�dents. Il serait donc vain de pr�tendre dresser la carte
fonci�re de la R�publique centrafricaine dans la pr�sente �tude.
Cependant,
on affirme que le syst�me juridique relatif au foncier en R�publique
centrafricaine est caract�ris� par une dualit� entre les normes juridiques et
les pratiques coutumi�res. Cette dualit� est sans doute en partie due au fait
que dans le contexte de la R�publique centrafricaine, les terres sont abondantes
et tr�s peu exploit�es. Les familles peuvent disposer de parcelles � mettre en valeur selon leur capacit�. Ainsi, � l'approche d'une nouvelle ann�e, tout chef de famille observe une terre pour en d�terminer la qualit� en vue d'une mise en valeur. Cette mise en valeur ne donne pas automatiquement droit au titre foncier dans le sens moderne. C'est pourquoi, dans le r�gime foncier coutumier, la terre appartenant d'abord � un groupe de personnes issues d'un m�me anc�tre est sous l'autorit� du chef de clan.
La R�publique centrafricaine, pays sans littoral, s'�tend
sur 623 000 km2 entre le Tchad, le Cameroun, le Congo, la R�publique
d�mocratique du Congo et le Soudan. En 1988, la population est estim�e �
2 878 254 habitants, soit une densit� moyenne de 4,6 habitants au
kilom�tre carr�, avec un taux annuel de croissance de 2,5 pour cent. Cette
population est caract�ris�e par une grande atomicit� notamment le long des voies
principales. Les r�gions les plus peupl�es demeurent cependant le nord-ouest et
le centre-est, les r�gions orientales �tant plut�t clairsem�es.
Quatre
grandes zones agro�cologiques caract�risent la R�publique centrafricaine. Les
savanes vivri�res et pastorales, les savanes cotonni�res, vivri�res et
pastorales, les zones foresti�res caf�i�res, et enfin la zone cyn�g�tique et
touristique. Cette diversit� des conditions �cologiques est le reflet des
diff�rents r�gimes climatiques allant du climat �quatorial dans le sud au climat
sah�lien dans l'extr�me nord en passant par le climat intertropical dans la
r�gion centrale.
Le potentiel de terres cultivables repr�sente pour cent de
la superficie totale, soit environ 250 000 km2. Les principales
productions agricoles du pays sont les cultures vivri�res: les c�r�ales (mil,
sorgho) et les plantes � tubercules (manioc, taros et ignames). Les cultures
d'exportation ou � usage industriel sont le coton, le caf�, le palmier � huile,
la canne � sucre et le tabac.
Parall�lement aux productions v�g�tales, la
R�publique centrafricaine offre des conditions propices aux productions animales
dont les plus importantes sont l'�levage bovin (environ 3 millions de t�tes) et
le petit �levage constitu� d'ovins, de caprins et de porcins. Les productions
halieutiques proviennent de la p�che artisanale et, de plus en plus, de la
pisciculture pratiqu�e dans la capitale et les principales villes de
province.
Le potentiel forestier est riche et diversifi� dans le sud, le sud-ouest et le sud-est. De m�me, les ressources mini�res (diamant et or) et les indices d'existence d'uranium, de fer, et de calcaire font preuve d'un potentiel tr�s important d'exploitation mini�re. En r�sum�, l'importante disponibilit� en terres de fertilit� moyenne et les potentialit�s agropastorales, foresti�res et mini�res de la R�publique centrafricaine conf�rent � la question fonci�re toute son importance, m�me si, a priori , l'abondance de terres conduirait � m�conna�tre ou n�gliger cette question.
Les contributions des secteurs �conomiques au produit
int�rieur brut en pourcentage sont respectivement de 42 pour cent pour
l'agriculture, 16 pour cent pour l'industrie, 2 pour cent pour le secteur
manufacturier et 40 pour cent pour les services divers, y compris le secteur
informel. En termes d'emplois, l'agriculture regroupe la plus grande proportion
de la population active, mais la fonction publique (administration publique
�tatique), avec un effectif de fonctionnaires variant entre 17 000 et
22 000 est la plus active et joue un effet d'entra�nement sur les autres
secteurs d'activit� par le biais de la consommation.
Au niveau des infrastructures, la d�cennie 1980-1990 a �t� marqu�e, soit par la d�gradation des infrastructures routi�res, soit par la d�gradation ou le d�passement des capacit�s d'accueil et de fonctionnement des structures sociosanitaires et celles de la formation. Les cons�quences �videntes sont l'enclavement int�rieur du pays, le taux �lev� de mortalit�, la faible esp�rance de vie (49,5 ans), le faible acc�s � l'eau potable (18 pour cent) et le taux �lev� d'analphab�tisme. L'Indice de d�veloppement humain de la R�publique centrafricaine la classait, en 1991, � la 144e place sur un total de 160 pays.
Il est � peine besoin de rappeler que le fait colonial a
conduit � la p�n�tration de nos modes de pens�e par des normes occidentales. Il
nous semble que les terminologies juridiques des civilisations occidentales
(droit personnel/droit r�el, droit priv�/droit public, droit individuel/droit
collectif, etc.) ne sont pas aptes � saisir les rapports qui, dans les
civilisations fonci�res et agraires traditionnelles, lient l'homme � la terre,
unissent les gens d'un m�me terroir et r�gissent les relations entre les
individus. � cette inad�quation, on y trouve deux raisons majeures tenant aux
fondements et � l'id�ologie de notre syst�me de droit.
D'une part notre syst�me juridique, qui privil�gie la relation verticale �tat/individu, tend � omettre les fondements spirituels et les croyances relatifs � un domaine aussi complexe que celui du foncier; d'autre part, le droit moderne fait de la terre un objet d'appropriation, et donc de commerce, en ignorant en tant que droit �galitariste les liens de d�pendance entre individus du fait de la hi�rarchisation des soci�t�s traditionnelles et de la solidarit� communautaire.
Les vestiges de cette �poque sont encore �vidents � nos
jours. En Centrafrique, les groupes ethniques des savanes vivri�res, cotonni�res
et pastorales consid�rent la terre comme d�esse de la f�condit� et m�re
nourrici�re. En outre, la terre est non seulement consid�r�e comme une richesse,
mais aussi comme source de vie; elle ne prend de valeur que lorsqu'elle est
exploit�e avec l'aide des forces invisibles. � travers cette perception de la
terre par les populations centrafricaines, nous pouvons retenir qu'en plus de la
dimension mat�rielle, la terre a un caract�re mythique; elle appartient toujours
� une force sup�rieure et l'occupant en d�tient le droit d'exploitation et non
d'appropriation d�finitive et permanente.
Par le pacte qu'il a conclu avec
les esprits du terroir, le premier occupant de la terre a une double fonction:
d'une part, il est charg� du culte de la terre et, de ce fait, pr�side les
c�r�monies de sacrifices et, d'autre part, il est juge des conflits en ce qui
concerne la gestion des terres. Le chef de terre a une certaine ind�pendance
vis-�-vis des autorit�s politiques qui avaient un pouvoir sur les hommes et sur
les produits de la terre sans pouvoir d'appropriation.
Cette disposition
coutumi�re donnait la possibilit� � tous de cultiver la terre, � condition
d'�tre membre de la communaut� et d'accepter de respecter les pratiques
mythiques li�es � la terre sous peine d'expropriation. Ainsi, sur le plan
traditionnel, comme la terre n'�tait pas soumise au pouvoir politique, cette
coutume a emp�ch� l'apparition de classes sociales (propri�taires terriens et
paysans sans terre). C'est la raison pour laquelle la communaut� a pu garder sa
coh�sion sociale.
Pratiquement, la famille qui prend possession d'une
parcelle de terre l'exploite jusqu'� sa mise en jach�re et en garde toujours la
propri�t�. Aucun texte n'est �difi� pour cette tenure, mais toute activit� de
cueillette ou de chasse ne peut avoir lieu sur la terre sans autorisation
pr�alable de la famille ou du clan qui � un droit de partage sur les produits de
chasse, cueillette et p�che de cette terre sous peine de mal�diction ou de
mauvais sort. G�n�ralement, les terres ne doivent pas �tre exploit�es au-del�
d'un certain rayon de mani�re � �tablir une fronti�re naturelle et reconnue par
les clans voisins. Le d�m�nagement de village ob�issait aux m�mes principes et
proc�dures. Tout �v�nement malheureux pouvait amener une famille ou un clan �
d�m�nager sur un autre domaine.
Dans tous les cas d'occupation de terres, la
d�cision du chef faisait office de loi, confortant ainsi l'id�e selon laquelle
la tradition est une source non �crite du droit. Les rares conflits �taient
r�gl�s par un coll�ge de sages et les seules structures comp�tentes dans les
probl�mes d'organisation sociale et �conomique et des diff�rends se r�sument en
organigramme: chef de terre; chef de groupe; et chef de clan.
Le syst�me foncier conna�tra une modification avec l'implantation des compagnies concessionnaires � partir de 1899. Ces compagnies �taient les acteurs de l'�conomie de traite (r�colte et collecte du caoutchouc naturel, de la cire, de l'ivoire etc.) qui coexistera avec l'�conomie de subsistance. � cette �poque, le pouvoir des chefs de terres et la possibilit� d'occupation des terres par les indig�nes �taient reconnus. Cette dualit� se poursuivra jusqu'� la p�riode coloniale.
Dans beaucoup de pays africains la terre dite vacante et sans ma�tre �tait la propri�t� de l'�tat colonisateur. En R�publique centrafricaine, l'exploitation de ces terres continuait d'�tre accord�e � quelques compagnies concessionnaires et � des missionnaires � qui il n'�tait pas reconnu le droit d'exploiter les ressources du sous-sol. � cette p�riode d�j�, il existait des proc�dures de reconnaissance et d'immatriculation des terres. � titre d'exemple, la mission catholique de Berberati d�tient un titre foncier �tabli par l'administration coloniale de la colonie fran�aise du Congo vers 1899. Cinq facteurs influenceront le syst�me foncier au cours de cette p�riode:
L'introduction de nouvelles cultures. Il s'agit du
coton, du caf� et du tabac. La culture du coton dont les premiers essais ont
commenc� en juillet 1918 � Bangassou dans l'est du pays sera d�finitivement
introduite dans le syst�me de culture en 1925. Son expansion ira de la Ouakka �
la K�mo Gribingui � la Basse-Kotto puis � l'Ouham et l'Ouham-Pend�. � cette
�poque, les plantations collectives des cultures vivri�res �taient
syst�matiquement transform�es en champs de coton. Les superficies impos�es �
chaque actif correspondaient � �une corde� ou �un piquet� �quivalant � environ
0,25 ha.
Le caf� robusta existant � l'�tat naturel (il existait aussi les
vari�t�s excelsa, arabica et nana), deviendra une culture d'exportation dans les
r�gions de la Haute-Sangha, de la Lobaye, du Mbomou et de la Basse-Kotto, ainsi
que dans les environs de Bangui. Le caf� robusta couvrira 30 000 ha,
repr�sentant 95 pour cent de la production totale.
L'introduction du tabac en R�publique centrafricaine remonte au lendemain de la seconde guerre mondiale en 1948 dans l'est et l'ouest du pays sous l'impulsion de la SEITA-AEF. Dans l'ouest o� est produit le tabac de cape comme dans l'est o� est produit le tabac de coupe, les producteurs sont organis�s en groupements de p�pini�res. Les champs sont localis�s dans les bas-fonds vierges des for�ts galeries ou dans les clairi�res. En g�n�ral, ces bas-fonds sont la propri�t� commune d'un groupe de producteurs, d'une famille ou d'un clan.
La mise en place des structures coloniales d'encadrement des paysans li�e � l'introduction de nouvelles cultures. Ce sont les prolongements des structures d'encadrement de la m�tropole dans la colonie de l'Oubangui-Chari. Intervenant en milieu rural, leurs activit�s ont une incidence directe sur les questions fonci�res en ce qu'elles sont � l'origine d'une pratique agricole s�dentaris�e avec assolement. Les principales structures d'encadrement sont: Le Bureau pour le d�veloppement de la production agricole (BDPA), la Compagnie fran�aise pour le d�veloppement des textiles (CFDT), l'Institut de recherches sur le coton et les textiles exotiques (IRCT), la Soci�t� d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), la COTONAF, la COTONFRAN, etc. Les interventions souvent coercitives visaient la mise en culture par toute personne active d'une superficie minimale d�termin�e pour une culture donn�e, g�n�ralement une culture d'exportation. Enfin, ces structures sont � l'origine de certaines formes de tenures telles que la tenure privatis�e (les exploitations industrielles) la tenure communale (les blocs culturaux) et les centres de recherche, d'exp�rimentation et de multiplication.
L'implantation des exploitations industrielles priv�es. La facilit� d'acc�s � la terre a favoris� l'ouverture des plantations industrielles de style capitaliste employant une main-d'oeuvre salari�e. Ces plantations industrielles, occupant parfois 500 ha, sont la propri�t� priv�e des expatri�s europ�ens ou appartiennent aux autochtones. � c�t� de ces plantations industrielles, il existe de petites plantations familiales de quelques dizaines d'hectares. Dans les deux cas, ces plantations sont celles de cultures p�rennes: caf�, cacao, palmiers � huile, kolatiers, h�v�a, etc. Les principales soci�t�s propri�taires des exploitations industrielles sont le groupe Rivau; la soci�t� agricole et commerciale de la Sangha; la soci�t� agricole de l'Ek�la; la compagnie caf�i�re du Haut-Oubangui; la compagnie foresti�re Sangha-Oubangui; la compagnie industrielle et agricole de l'Oubangui; la soci�t� Moura et Gouveia; la soci�t� des plantations de caf� nana; et la soci�t� des plantations d'h�v�as et de caf�iers, filiale de la soci�t� africaine foresti�re et agricole.
L'implication des autorit�s coutumi�res (chefs de terres) dans la gestion coloniale des terres. Sur le plan juridique, le d�cret du 12 d�cembre 1920 reconna�t les domaines appartenant aux indig�nes et r�gis par les coutumes et les usages locaux en ce qui concerne leur acquisition, leur transmission et leur conservation. La prise en compte par le colon des r�alit�s coutumi�res inh�rentes � la gestion des ressources fonci�res a favoris� la r�cup�ration et l'implication des autorit�s coutumi�res dans la gestion et la mise en valeur des terres dans l'optique colonial. En effet, ces autorit�s coutumi�res �taient charg�es de l'ex�cution des mesures coercitives relatives aux parcelles individuelles impos�es, au recrutement de la main-d'oeuvre pour les plantations industrielles europ�ennes et enfin, l'ex�cution des consignes techniques de mise en valeur des terres en ce qui concerne les cultures d'exportation. L'�volution de cette collaboration entre les autorit�s coloniales et les chefs coutumiers a donn� naissance au corps des �gardes champ�tres�, surveillants des travaux agricoles.
Un d�but de fragmentation des exploitations agricoles de type lignager. L'une des cons�quences de l'implication des autorit�s coutumi�res dans la gestion coloniale des terres est la fragmentation des exploitations agricoles de type lignager. En effet, l'imposition de �la corde� rendait obligatoire les champs individuels. Cette obligation est renforc�e par la contrainte de l'imp�t de capitation dont la collecte �tait assur�e par les autorit�s coutumi�res pour le compte de l'administration coloniale. La combinaison de ces facteurs en milieu paysan a amorc� les pratiques d'appropriation priv�e des terres m�me si du fait de l'abondance des terres et du poids de la communaut�, cette appropriation rev�tait un caract�re beaucoup plus symbolique.
En milieu rural, aujourd'hui comme hier, la terre
appartient en pratique � toute la communaut� villageoise et ce sont les chefs
(Mokoundji) qui en assurent la r�partition selon les besoins, en respectant les
jach�res, les territoires de chasse ou de p�che appartenant � un clan ou � un
lignage. Mais aujourd'hui, seuls les terrains occup�s par des personnes
identifi�es ayant pay� les frais domaniaux sont reconnus comme propri�t�
priv�e.
La p�riode postcoloniale s'est caract�ris�e par une s�rie de textes
juridiques et la cr�ation de cadres institutionnels r�glementant les questions
fonci�res, dont la loi n� 57/63/URB/CAD du 19 f�vrier 1963 r�glementant
l'organisation fonci�re. Parall�lement � ces dispositions, des normes modernes
existent pour les plantations industrielles et les complexes agro-industriels
(caf� et palmier � huile). Mais dans l'ensemble, les terres sont cens�es
appartenir � l'�tat avec quelques variantes au niveau des textes.
Les traits caract�ristiques du syst�me foncier et de la gestion des ressources fonci�res � l'�poque postcoloniale sont:
On commence par l'observation qu'en g�n�ral toute
parcelle de terre non cadastr�e (c'est-�-dire non immatricul�e) est r�put�e
appartenir � l'�tat. Il est important d'ajouter que ce ne sont pas seulement les
tenures �tatiques et priv�es qui sont d�finies juridiquement, mais aussi la
proc�dure d'affectation entre les deux. En 1964, l'ordonnance n� 63/441, qui
institue le code de gestion du domaine public immobilier en R�publique
centrafricaine, dispose dans son article 23 que �Les terres et for�ts qui
ne sont pas immatricul�es peuvent �tre soustraites au domaine public par
l'immatriculation au nom d'un particulier ou d'une collectivit� villageoise�.
L'immatriculation reste jusqu'� pr�sent la seule proc�dure en vigueur pour
l'affectation des terres du domaine �tatique au domaine priv�.
L'immatriculation, il faut l'ajouter, est une proc�dure assez complexe2.
En
ce qui concerne le bien priv�, qu'il s'agisse de propri�t� b�tie ou non,
immatricul�e ou ne faisant l'objet d'aucun acte de reconnaissance, il peut y
avoir retour au domaine de l'�tat pour d�faut de mise en valeur ou,
expropriation pour cause d'utilit� publique. En outre, la loi relative au
domaine national (janvier, 1964) dans son chapitre II relatif aux servitudes
publiques dispose en son article 5: �Les propri�t�s priv�es sont, sans
exception, soumises � toutes les servitudes de passage, d'implantation, d'appui
et de circulation n�cessit�es par l'am�nagement, l'entretien et l'exploitation
des conduits d'eau et d'�gouts, des dispositifs de protection des voies de
communication, des lignes t�l�graphiques et t�l�phoniques, et des conducteurs
d'�nergie �lectrique ou de force hydraulique class�s dans le domaine public�.
L'article 6 de la m�me loi dispose que: �Toutes les propri�t�s priv�es sont en
outre susceptibles d'�tre assujetties aux servitudes d'hygi�ne, d'esth�tique,
d'urbanisme, d'alignement et de s�curit� publique, qui peuvent �tre impos�es par
un plan d'am�nagement et d'extension.� En bref, dans le sens juridique,
l'�tatisation des terres est un processus beaucoup plus facile que leur
privatisation.
Avec les ind�pendances, l'�tat, propri�taire des terres et du
sous-sol dont il assure la gestion et m�me la mise en valeur, a initi� la
cr�ation de fermes et d'entreprises �tatiques dans les domaines agricoles,
forestiers et miniers. Cette orientation a connu son apog�e et amorcera son
d�clin avec la r�forme agraire qui consistait entre autres � regrouper tous les
moyens de production sous le contr�le de l'�tat et d'organiser la masse paysanne
et la jeunesse (Jeunesse pionni�re nationale) en vue d'une modernisation de
l'agriculture par la mise en place des fermes d'�tat, le regroupement des
villages, l'ouverture de blocs m�canis�s de culture dans de gros villages et
l'organisation de la commercialisation des produits agricoles. Les limites de
fonctionnement de ces structures sont le co�t excessif des villages coop�ratifs,
environ 150 000 FCFA par an et par famille, et le poids des subventions aux
fermes d'�tat qui accentueront les difficult�s financi�res, amenant l'�tat � se
d�sengager de ce secteur � partir de 1980.
L'�chec de cette exp�rience a �t�
suivi d'un certain lib�ralisme avec le d�sengagement progressif de l'�tat dans les domaines agricoles, forestiers et miniers d�s la fin des ann�es 70. � pr�sent, m�me si la terre appartient � l'�tat ou � la communaut�, la tendance r�elle est plut�t une appropriation priv�e des terres - mais pas n�cessairement une appropriation qui applique les normes juridiques. Dans les campagnes, les terres sont occup�es sur simple accord d'une autorit� coutumi�re m�me pour les cas de personnes �trang�res au clan. Ce mode d'attribution coutumi�re des terres est courant aussi bien dans les r�gions d'agro�cologie foresti�re que dans les r�gions de savane. Ainsi dans la r�gion foresti�re de la Lobaye, les personnes �trang�res au clan peuvent acc�der � la terre � condition de solliciter l'accord du chef de clan.
La dualit� entre le droit moderne et les syst�mes coutumiers est aussi remarquable au niveau des institutions socioculturelles qui g�rent aujourd'hui le foncier. Nous pouvons distinguer d'une part les institutions traditionnelles et, d'autre part, les institutions modernes d'inspiration traditionnelle.
Les chefs de terre de droit. Du fait de leur descendance de la chefferie traditionnelle, ils sont h�ritiers et repr�sentant du clan ou du lignage. Appartenant � la g�n�ration-m�re, ces chefs de terre sont g�n�ralement les plus anciens. Ils r�partissent aux familles les terres � mettre en valeur selon leur capacit� en main-d'oeuvre. � l'int�rieur de cette chefferie responsable des terres, les attributions sont r�parties entre les membres habilit�s � g�rer soit les for�ts, soit les eaux et toute autre ressource li�e au patrimoine foncier.
Les chefs de terres investis. Ils sont nomm�s par l'administration et investis par elle. Avec l'�volution du syst�me administratif, on assiste � une confusion des r�les d�volus aux chefs de terre tels que nous les avons d�finis et ceux des chefs de village et des chefs de quartier qui sont aussi nomm�s par l'administration. Il s'ensuit que le chef de village ou de quartier devient distributeur des terres de sa zone de juridiction. Les modes de r�partition des terres sont en g�n�ral les m�mes � la diff�rence que les chefs de terre en zone de for�ts �tendent leur autorit� sur les eaux et les for�ts. Ainsi, aucun individu en zone de for�t n'a le droit de s'approprier une parcelle de terre, un �tang ou un cours d'eau sans l'accord du clan ou du lignage.
La municipalit�. Elle veille � un certain niveau � la gestion de la terre. Le mode de r�partition des terres rel�ve du domaine public et de la planification et programmation de l'am�nagement du territoire.
Les organisations d'entraide. Les organisations d'entraide sont une forme de mobilisation des forces productives n�cessaires � la colonisation des terres incultes dont l'ouverture est en g�n�ral exigeante en main-d'oeuvre. Bas�es sur la solidarit� entre les membres, leur dynamisme d�termine pour chaque participant l'�tendue de terre � mettre en valeur. Elles jouent de ce fait le r�le de r�gulateur dans la r�partition des terres.
Les formes modernes d'inspiration traditionnelle. Ce sont les groupements d'int�r�ts ruraux et les groupements d'int�r�ts pastoraux. Dans ces cas, la pr��minence des chefs de terre est att�nu�e par la d�signation des responsables d'un certain niveau pouvant servir de liaison entre les membres de ces structures et l'administration du d�veloppement rural. Les mod�les de fonctionnement de ces groupements sont de type administratif avec un comit� de gestion compos� d'un pr�sident, d'un conseiller, d'un peseur, d'un quittancier, d'un caissier et d'un d�l�gu� technique charg� de la gestion des intrants dans le cas des groupements dits autog�r�s.
Jusqu'aux ann�es 70, l'�tat �tait le principal employeur
� travers les exploitations, entreprises et fermes d'�tat. La reforme dite
agraire avait pour objectif, entre autres, la cr�ation de fermes d'�tat, le
regroupement des moyens de production sous le contr�le de l'�tat par la
nationalisation et l'organisation de la jeunesse en vue de r�sorber le ch�mage
par la cr�ation de la Jeunesse pionni�re nationale. Comme on l'a d�j� vu, cette
tentative a �chou�.
La forme priv�e de tenure semble mieux � m�me d'assurer
la cr�ation d'emplois, qu'il s'agisse des exploitations foresti�res, mini�res ou
des plantations et fermes priv�es. Les plantations et fermes commerciales
situ�es en g�n�ral dans les zones p�riurbaines s'�tendent sur 5 � 20 ha et
peuvent employer jusqu'� 10 personnes. Ces fermes et plantations disposent en
g�n�ral d'un titre de reconnaissance au niveau des cadastres. Il en est de m�me
pour les agro-industries, la Soci�t� de gestion des sucreries centrafricaines et
la Centrafricaine des palmiers, qui produisent leurs mati�res premi�res en r�gie
et dont les besoins en main-d'oeuvre permanents et temporaires sont assez
importants. Hormis les ouvriers temporaires, la Centrafricaine des palmiers
emploient environ 300 ouvriers permanents. Par contre, dans les
exploitations paysannes, la main-d'oeuvre est essentiellement familiale et se
limite au plus � trois actifs et, dans certains cas, se compose d'employ�s
temporaires.
Notons qu'en aval des principales activit�s, des emplois peuvent
se cr�er par rapport aux activit�s de collecte et de commercialisation des
produits tels que le coton, le caf� et le tabac. Dans les zones productrices de
coton et de caf�, l'organisation de la collecte et de la commercialisation
mobilise les producteurs organis�s en groupements d'int�r�ts ruraux. Dans les
zones productrices de tabac, apr�s les campagnes d'achat et de collecte, les
centres de la Soci�t� centrafricaine de tabac proc�dent au recrutement des
planteurs � temps partiel pour le tri et le mannocage des feuilles de tabac
destin�es � l'exportation.
Enfin, en termes de cr�ation d'emplois permanents, la contribution des exploitations foresti�res est non n�gligeable. Dans les ann�es 80, elles employaient environ 18 pour cent de l'ensemble des effectifs du secteur moderne; m�me si la tendance des emplois due � la cessation des activit�s de certaines des soci�t�s foresti�res est � la baisse.
Malgr� la chute des prix int�rieurs aux producteurs, les
activit�s �conomiques li�es aux ressources fonci�res assurent un minimum de
revenu aux agents �conomiques qui y sont impliqu�s. C'est le cas des produits
tels que le coton, le caf� et le tabac dont l'achat est garanti par des
structures d'encadrement des producteurs ayant des statuts de soci�t�s
d'�conomie mixte. En aval, les activit�s de collecte et de commercialisation des
productions g�n�rent des revenus compl�mentaires substantiels en milieu rural.
Des enqu�tes effectu�es au cours de la pr�sente �tude, il ressort qu'en termes
de revenu, l'agriculture vient en t�te suivie de l'�levage et de l'artisanat,
les exploitations foresti�res venant en quatri�me position.
On constate que
les revenus agricoles sont directement li�s aux �tendues mises en valeur. Cela
s'explique par les pratiques culturales extensives qui font que l'effet
superficie est plus important sur le revenu que l'effet
intensification.
L'exploitation des carri�res de moellons et de graviers
destin�s aux travaux de construction, assure un niveau de revenu brut
satisfaisant aux exploitants de l'ordre de 40 000 000 FCFA par an
r�partis entre les propri�taires des gisements, les travailleurs et les
interm�diaires. En outre, cette activit� g�n�re des revenus en aval aux
transporteurs de moellons et de graviers � raisons de 6 000 FCFA �
12 000 FCFA par voyage soit un revenu brut annuel d'environ
60 000 000 FCFA.
Enfin, les concessions mini�res (diamant et or) dont l'attribution rel�ve de la comp�tence soit du Ministre des ressources �nerg�tiques et mini�res, soit du pouvoir discr�tionnaire du Chef de l'�tat en ce qui concerne les permis d'exploitation et les permis de recherche, g�n�rent des revenus difficiles � �valuer. Pourtant, le secteur minier fait vivre environ 50 000 artisans, 160 collecteurs agr��s et sept bureaux d'achats agr��s. Au niveau des exploitants primaires (artisans) c'est-�-dire ceux qui extraient les produits bruts, le revenu issu du diamant ou de l'or rev�t un caract�re mythique et ne peut faire l'objet d'une d�claration.
L'augmentation de la production, de la productivit� et la
situation alimentaire en R�publique centrafricaine sont largement d�pendantes
des syst�mes de cultures, des types d'exploitation et des al�as climatiques. Ce
dernier facteur est d�terminant dans un contexte d'agriculture pluviale comme
celui de la R�publique centrafricaine. L'analyse des syst�mes de culture et des
types d'exploitation (Malo 1992, p. 3) met en �vidence un syst�me de culture en
g�n�ral extensif et itin�rant avec comme principaux intrants les ressources
fonci�res et la main-d'oeuvre familiale. Les consommations interm�diaires et les
�quipements (engrais, pesticide, insecticides, charrue, etc.) sont
financi�rement inaccessibles � la majorit� des exploitations.
De ces
observations, on peut d�duire que l'agriculture centrafricaine se caract�rise
par une faible productivit� des facteurs de production. De ce fait, de m�me que
dans le contexte des revenus discut�s ci-dessus, l'augmentation de la production
pour certaines sp�culations est due beaucoup plus aux pratiques extensives
(effet superficie) qu'� une intensification des pratiques culturales (effet
intensification).
L'�valuation des quantit�s autoconsomm�es et des exc�dents
commercialisables (Malo 1992, p. 19 � 120) indique un �quilibre alimentaire satisfaisant dans l'ensemble, mais pr�caire pour certains produits dans certaines r�gions (ma�s, paddy et sorgho). L'�quilibre alimentaire est renforc� par la consommation des produits de cueillette, chasse et p�che tels que: champignons, miel, l�gumes sauvages, chenilles, gibiers, et poissons. La plupart de ces produits sont disponibles presque toute l'ann�e. En dehors des d�ficits saisonniers dus parfois au manque de liaisons entre les r�gions d�ficitaires et les r�gions d�tenant des exc�dents, l'autosuffisance alimentaire, en ce qui concerne les productions vivri�res et animales, est par cons�quent une r�alit� en R�publique centrafricaine.
L'acquisition des terres en R�publique centrafricaine se
fait dans la plupart des cas par acc�s direct; en outre, l'organisation des
travaux en milieu rural est encore bas�e sur les structures d'entraide
favorables � la participation populaire et � la coh�sion sociale. L'abondance
des terres limite les conflits entre les agriculteurs, m�me si ce probl�me est
crucial dans les r�gions o� coexistent agriculteurs et �leveurs. L'occupation
des terres et l'importance des superficies mises en valeur sont d�termin�es par
la dotation de la famille, du clan ou de la tribu en force de travail. Les
syst�mes lignagers encore existants en r�gion de for�ts et dans certaines
exploitations des r�gions de savanes, ne font que renforcer cette coh�sion
sociale. D'apr�s les cas observ�s par l'�quipe de r�daction du pr�sent rapport
et r�sum�s dans le tableau suivant, la R�publique centrafricaine est encore loin
de conna�tre la situation de certains pays � forte pression d�mographique o� la
terre est cause de conflits ouverts.
La coexistence est donc inexistante entre grands propri�taires fonciers et les sans-terres. Exception faite des exploitations industrielles et agro-industrielles, le faire-valoir indirect tel que le m�tayage et le fermage est une pratique tr�s peu r�pandue en R�publique centrafricaine, �tant donn� qu'il n'y a pas de paysans sans terres. Les prestations de services observ�es sur les exploitations des zones p�riurbaines sont une pratique qui se d�veloppe non pas du fait de la raret� de la terre mais; elles sont li�es au d�veloppement d'une agriculture � temps partiel pour laquelle les acqu�reurs des terres � titre on�reux, en g�n�ral les fonctionnaires, sollicitent la main-d'oeuvre des paysans r�sidant � proximit� de ces terres pour la mise en valeur. On peut dire qu'il s'agit d'ouvriers agricoles temporaires ou saisonniers dans la mesure o� ils ne sont pas employ�s � plein temps sur l'exploitation.
Probl�mes et modes d'acc�s � la terre suivant les r�gions
Probl�mes et modes d'acc�s � la terre |
R�gions des savanes cotonni�res |
R�gions foresti�res |
TOTAL |
Modes d'acc�s | |||
Don |
0 |
3 |
3 |
H�ritage |
8 |
18 |
26 |
Achat |
0 |
3 |
3 |
Acc�s libre |
58 |
14 |
72 |
Acc�s de la femme � la terre |
|||
Oui |
63 |
28 |
91 |
Non |
0 |
4 |
4 |
Achat |
0 |
6 |
6 |
H�ritage/don |
63 |
22 |
85 |
Probl�mes acc�s | |||
Oui |
3 |
14 |
17 |
Non |
60 |
16 |
76 |
Source: Donn�es d'enqu�te, novembre 1993*.
* L'acc�s au foncier dans les r�gions foresti�res a aussi �t� abord� par Pierre et Baron (1991, p.24). Les observations font �galement ressortir la pr�dominance du mode d'acc�s libre, suivi par l'h�ritage.
De tout ce qui pr�c�de, on peut dire que l'acc�s � la terre en milieu rural centrafricain, hormis les formalit�s coutumi�res, est bas� sur le principe �� chacun selon ses forces productives�, c'est-�-dire la main-d'oeuvre disponible. Si des cas d'expropriation peuvent avoir lieu en milieu urbain pour des motifs d'utilit� publique ou conflictuels, ces cas sont rares en milieu rural, � l'exception des zones mini�res du centre-sud o�, ces derni�res ann�es des cas d'expropriation manu militari ont �t� constat�s (zone mini�re de DIMBI � KEMBE) au d�triment des
populations autochtones.
Dans les r�gions foresti�res, seuls les pygm�es,
traditionnellement consid�r�s comme main-d'oeuvre servile subissent une forme de
discrimination en ce qu'ils re�oivent des contreparties d�risoires pour les
travaux qu'ils ex�cutent dans les plantations. La flexibilit� du syst�me foncier
est de ce fait un facteur promoteur de justice sociale.
La promotion de la
justice sociale par rapport � la question fonci�re est aussi due aux modes de
tenure tels que per�us par les populations et d�pend de l'autorit� attribuant la
terre. Au niveau d�cisionnel, les autorit�s traditionnelles sont plus
sollicit�es dans l'attribution des terres que les autorit�s administratives.
Toutefois, les autorit�s communales peuvent attribuer des lopins de terre
appartenant aux domaines de l'�tat et inversement. Cela s'explique, d'une part
par le fait que la terre, bien que directement sous influence des pratiques
coutumi�res, est en g�n�ral consid�r�e comme �tant d'abord la propri�t� de
l'�tat et, d'autre part, par le fait que les autorit�s communales sont les
repr�sentants ou le relais de l'�tat.
Enfin, il ressort de nos enqu�tes que
les terres d�tenues en propri�t� priv�e sont plus nombreuses, suivies par les
terres communales. Ce rapprochement entre les deux modes de tenure tient au fait
qu'en r�alit� il n'existe pas de fronti�re absolue entre les notions de propri�t� priv�e de la terre et d'usufruit individualis� des ressources fonci�res communales.
La protection de l'environnement, bien que figurant
souvent en bonne place parmi les priorit�s des institutions impliqu�es dans les
probl�mes fonciers, ne se traduit que rarement dans les faits. Au niveau des
petites exploitations, la pratique des cultures extensives sur br�lis demeure
encore tr�s courante, malgr� les campagnes de sensibilisation. Dans les syst�mes
de cultures arbustives (verger, palmeraie, caf�ier, kolatier) les pratiques
culturales semblent plus favorables � la promotion de la protection de
l'environnement, ce qui n'est pas le cas dans les syst�mes de cultures annuelles
notamment en r�gion de savane, exception faite des exploitations s�dentaris�es
et m�canis�es (traction animale).
Dans les exploitations tabacoles, la
recherche permanente de bas-fonds dans les galeries foresti�res pour la culture
du tabac contribue �norm�ment � la d�gradation des essences foresti�res.
L'�loignement des plantations de tabac par rapport aux villages dans la
pr�fecture de la Mamb�r�-Kade� est symptomatique de la disparition progressive
des galeries foresti�res, perp�tu�e par une v�ritable course aux bas-fonds. Au
niveau des exploitations foresti�res, on note souvent l'inobservation des
conventions d'�tablissement, du cahier de charge et du Code forestier
centrafricain.
L'inobservation des dispositions l�gales a �galement des
effets n�fastes sur les domaines menac�s ou class�s tels que les collines de
Bas-Oubangui. En effet en 1969, une ordonnance n� 69/38 du 4 juillet interdit de
d�fricher les pentes menac�es par l'�rosion de certains bassins versants dont la
pente est sup�rieure � 20 pour cent, � proximit� et en dehors du p�rim�tre
urbain de Bangui. En 1990, une note circulaire de la municipalit� r�it�rait la
m�me interdiction. Proclam�es r�serve par un arr�t� de 1936, p�rim�tre de
reboisement en 1952, puis for�t communale en 1969, les collines de Bangui ont
successivement fait l'objet en ao�t et septembre 1980 d'un plan de sauvegarde et
de reboisement par notes du Ministre du d�veloppement rural.
Enfin, Cleaver (1990, p. 3) note que le drame des terres communes est que la terre et le bois sont consid�r�s comme des biens publics et que personne n'a int�r�t � les pr�server. Le comportement de la majorit� des populations de la R�publique centrafricaine vis-�-vis des terres communes semble confirmer ce constat.
Dans un pays pauvre comme la R�publique centrafricaine,
il semble paradoxal d'aborder la question relative au bien-�tre d'une population
en majorit� rurale, dont les activit�s sont �troitement li�es � la terre.
N�anmoins, la propri�t� fonci�re priv�e en tant que forme dominante de tenure,
du fait qu'elle favorise la participation populaire, la coh�sion sociale et la
justice sociale (il n'existe pas de paysan sans terre en R�publique
centrafricaine), contribue dans une certaine mesure au bien-�tre g�n�ral.
On consid�re donc les emplois cr��s et les revenus g�n�r�s, l'autosuffisance alimentaire et les r�alisations socio�conomiques des structures d'encadrement. Mais, ind�pendamment des consid�rations d'ordre p�cuniaire, la mise en valeur d'une portion de terre conf�re-t-elle un statut � l'exploitant qui est reconnu comme productif et donc trait� avec �gard? Ces consid�rations donnent une certaine autorit� � la personne, renfor�ant ainsi son statut et le prestige li� � ce statut.
Les traits principaux des syst�mes de tenure varient
d'une r�gion � l'autre, selon que celle-ci est une r�gion de for�t ou de savane.
Il n'est pas rare de constater une superposition des droits coutumiers et
modernes dont aucun ne correspond exactement � la propri�t� que nous
connaissons, par exemple, dans le Code foncier fran�ais. De fait, en milieu
rural traditionnel, la coutume demeure encore la norme de gestion et de
r�gulation du syst�me foncier et d'exploitation des terres. Par contre, chez les
exploitants modernes, les textes juridiques modernes ont tendance � pr�valoir.
Toujours est-il que la complexit�, la lenteur et le co�t �lev� de la proc�dure
d'immatriculation poussent de nombreux citoyens � contourner les dispositions
l�gales.
La forme de tenure dominante et plus soutenue est la tenure priv�e,
qui offre de nombreux avantages: libert� de choix dans les cultures pratiqu�es;
renforcement du statut social du propri�taire priv� dans le groupe;
responsabilit� et initiative personnelle accrues; et renforcement de
l'autopromotion. En plus, la propri�t� fonci�re priv�e est la forme dominante de
tenure car elle favorise la participation populaire, la coh�sion sociale, et la
justice sociale contribue dans une certaine mesure au bien-�tre g�n�ral.
La
tenure priv�e comporte �galement de nombreuses faiblesses: sous-�quipement en
moyens de production, faible comp�titivit� des exploitants, faible cr�ation
d'emplois et faible niveau de revenus. Mais en termes comparatifs, elle est
probablement mieux vue que son alternative principale. Tandis que la tenure
communale ou collective semble encore correspondre aux r�alit�s sociologiques et
historiques profondes de la R�publique centrafricaine, elle est paradoxalement
per�ue comme comportant plus de faiblesses que d'avantages: absence de
responsabilit� individuelle; manque de confiance mutuelle; poids de la
g�rontocratie d�favorable aux initiatives personnelles; et conflits
interpersonnels ouverts ou latents.
En r�sum�, l'analyse multidimensionnelle des modes de tenures communales et priv�es en R�publique centrafricaine fait ressortir:
Eu �gard � ce qui pr�c�de, nous pouvons formuler les recommandations suivantes:
1 Alphonse Blague, docteur en sociologie, est l'ancien recteur de l'Universit� de Bangui et coordonnateur de l'�tude; Marcel Serekoisse Samba, juriste magistrat, Pr�sident de la chambre judiciaire � la Cour supr�me de Bangui, est sp�cialiste du droit coutumier; Jean-Paul Danagoro, docteur en sociologie, est ma�tre-assistant � la Facult� des lettres et des sciences humaines � l'Universit� de Bangui; et Dominique Malo, agro�conomiste titulaire d'un dipl�me d'�tudes approfondies d'�conomie rurale est assistant � la Facult� de droit et des sciences �conomiques � l'Universit� de Bangui.
2 Le texte fondamental est celui de 1899 qui d�finit l'appropriation fonci�re et ses r�gles, compl�t� par un d�cret en 1920. Apr�s l'ind�pendance, est adopt�e la loi 139/60 du 29 mai 1960 fixant le r�gime domanial et foncier; enfin, 16 ans apr�s, l'ordonnance 60/76 du 08 janvier 1976 repr�cise la proc�dure d'immatriculation et le livre foncier. Bien que compliqu�e, l'immatriculation permet d'aboutir � l'appropriation d�finitive. Un arr�t� provisoire d'attribution suivi d'un arr�t� d�finitif d'attribution, apr�s une mise en valeur avec construction en dur, permet en fin de compte l'attribution d'un titre foncier de propri�t�.
Cleaver, K. 1990. Les liens entre la population, l'agriculture et les for�ts en Afrique centrale et occidentale. Communication � la conf�rence sur la conservation et l'utilisation rationnelle de la for�t dense d'Afrique centrale et de l'Ouest. Banque mondiale.
Malo, D. 1992. L'�conomie des familles rurales et leurs besoins de services bancaires. �tude commissionn�e par la FAO. Bangui, R�publique centrafricaine.
Pierre, F. et Baron, H. 1991. �tude socio�conomique des producteurs de tabac de cape en R�publique centrafricaine. Tomes I et II. CNEARC, Montpellier, France.
R�publique centrafricaine. Textes l�gislatifs et politiques divers.