par
Bah Abdourahim[52]
Introduction
Située en Afrique occidentale, la République de Guinée compte une population d'environ 7,2 millions d'habitants et s'étend sur 245 857 km2.
C'est un pays côtier qui s 'ouvre à l 'océan Atlantique sur une distance de 300 km. Son plateau continental, d'une superficie de 46 000 km2, est le plus vaste d'Afrique occidentale. Il est arrosé par de nombreux cours d'eau du bassin côtier qui renferment de grandes quantités d'éléments nutritifs et favorisent l'abondance de ressources halieutiques variées.
La Guinée possède une zone maritime à haute potentialité pour la pêche maritime (industrielle et artisanale) du fait de la particularité du plateau continental.
L 'existence de nombreux cours d'eau offre au pays des possibilités d'aquaculture et de pêche continentale.
Le climat est caractérisé par deux saisons de durée égale: 6 mois chacune.
Potentiel exploitable en ressources halieutiques: les eaux maritimes et fluviales sont très prolifiques et recèlent des potentiels biologiques annuellement exploitables de l'ordre de:
Poissons pélagiques |
50-200 000 tonnes |
Poissons benthiques |
35-40 000 tonnes |
Crevettes |
2 000-4 000 tonnes |
Céphalopodes |
5 000-12 000 tonnes |
Grands pélagiques |
2 500 tonnes |
Pêche continentale |
12 000 tonnes |
· Les principales espèces rencontrées appartiennent essentiellement aux familles des Ariidae, Albulidae, Carangidae, Clupeidae, Cynoglossidae, Carcharhinidae, Drepanidae, Dasyatidae, Elopidae, Gymnuridae, Hemigaleidae, Lutjanidae, Sparidae, Scombridae, Mullidae, Mugilidae, Polynemidae, Sciaenidae, Pomadasyidae, Sphyraenidae et leurs familles.
Brèves données économiques sur la pêche
La pêche est l'un des secteurs économiques les plus importants de la Guinée. Il génère environ 9 000 emplois directs et 200 000 emplois indirects.
La production annuelle est estimée à 91 000 tonnes (1997); cette production a toutefois atteint un pic de 50 000 tonnes pour chacune des deux pêcheries maritimes (industrielle et artisanale) en l'an 2000. Quant à la pêche continentale, la production annuelle est de l'ordre de 6 000 tonnes. Les débarquements se font dans 200 débarcadères et aires de pêche dont 117 en zone maritime.
Dans le programme de pêche annuel (2003), un pourcentage de captures accessoires est autorisé selon le type de pêche pratiqué dont le maximum pour les poissonniers est de 9 pour cent et de 15 pour cent pour les crevettiers et les céphalopodiers.
La consommation per capita en protéines animales est de 13 kg/an.
Dans le cadre de la contribution du secteur à l'équilibre de la balance des paiements, la pêche apporte à l'économie nationale une contribution financière annuelle directe issue de la vente des licences, qui avoisine 20 à 25 milliards de francs guinéens.
Les exportations de poisson frais et fumé ont connu un essor important au cours de ces dernières années. Le service de surveillance et de contrôle de la qualité assure la délivrance des certificats de salubrité, ce qui a permis de générer un revenu fiscal estimé à 100 millions de francs guinéens par an.
Cette contribution aurait pu être supérieure si le pays avait possédé une flottille nationale de pêche et une industrie de traitement et de transformation à terre.
Politique sectorielle
Suite à l'option libérale adoptée ces dernières années, la politique sectorielle a été révisée et les objectifs globaux assignés visent essentiellement la maximisation des bénéfices économiques et sociaux que le pays peut tirer de l'exploitation rationnelle des ressources halieutiques de manière durable.
Les objectifs spécifiques de cette politique portent sur:
la sécurité alimentaire;
la lutte contre la pauvreté;
l'intégration du secteur à l'économie nationale;
la création d'emplois et l'augmentation substantielle des recettes au trésor public.
Pour atteindre ces objectifs, la politique sectorielle s'appuie sur les axes stratégiques ci-après:
l'exploitation durable des ressources pour les générations présentes et futures;
l'appui aux communautés villageoises, aux opérateurs économiques et aux organisations socioprofessionnelles évoluant dans le secteur;
l'appui et la mise en place des infrastructures de pêche répondant aux normes de qualité;
l'appui institutionnel au secteur de la pêche.
Le plan d'action permettant la mise en uvre de cette politique comprend:
l'appui à la recherche halieutique pour le suivi et l 'évaluation des ressources;
la surveillance et la protection des pêches;
la participation des pêcheurs artisans aux activités de suivi, contrôle et surveillance (SCS) de la zone côtière.
Mesures d'aménagement
Les mesures d'aménagement visent une approche de précaution dont la stratégie consiste surtout à renforcer la zone côtière.
Sur le plan de l'aménagement et de la gestion des pêches, elles visent notamment:
la protection du patrimoine national que constituent les ressources halieutiques afin d'en assurer la pérennité dans l'intérêt des générations présentes et futures;
la protection des écosystèmes fragiles et stratégiques pour la reproduction du poisson;
la réduction des conflits entre la pêche artisanale et la pêche industrielle;
l'institution d'un programme de valorisation des pertes après capture, en vue de la réduction des rejets en mer qui contribuent à l'augmentation de la mortalité par pêche sans apporter de bénéfices économiques à l'industrie des pêches et à la population.
Mesures sur le plan socioéconomique. Elles cherchent à satisfaire:
la sécurité alimentaire de la population;
le développement d'une capacité nationale d'exploitation des ressources halieutiques;
la création de valeur ajoutée des produits halieutiques par l'installation d'infrastructures conséquentes;
la création d'emplois;
la contribution substantielle aux recettes de l'Etat;
la réduction de la pauvreté par l'amélioration des conditions d'existence de la population.
Conditions d'accès à la ressource. Elles portent sur:
l'interdiction du chalut buf, de la senne coulissante et de la senne de plage;
l'interdiction de la pêche au chalut dans la zone comprise entre 0 et 10 milles marins;
la fixation de la durée minimale des licences de pêche à 3 mois;
l'interdiction des collecteurs dans la zone comprise entre 0 et 10 milles marins;
la limitation de la capacité individuelle des navires pratiquant la pêche démersale à 1 000 tonnes de jauge brute (tjb) et celle des navires pratiquant la pêche pélagique à 2 600 tjb;
l'établissement d'accords de pêche avec les sociétés de pêche industrielle;
la signature d'engagements par les sociétés de pêche concernant les débarquements partiels des captures en Guinée;
le renforcement du contrôle et de la surveillance dans la zone côtière et de la répression des navires en infraction;
l'incitation à l'installation d'un système de suivi par satellite (VMS) à bord des navires de pêche;
le renforcement de la surveillance participative par les pêcheurs artisans;
la présence d'observateurs à bord des navires détenteurs de licences.
Difficultés et contraintes:
la domination des flottes étrangères dans l'exploitation des ressources de la zone économique exclusive (ZEE) guinéenne;
le manque de professionnalisme des opérateurs guinéens de la pêche (artisanale et industrielle);
la non performance des capacités de surveillance des pêches;
l'insuffisance des compétences du système de recherche pour une meilleure connaissance des ressources disponibles;
l'inexistence de fonds national d'appui au développement du secteur privé de la pêche.
Tentatives de réformes du secteur:
Ayant pris conscience du manque de professionnalisme et surtout au regard de l'inexistence de flottille nationale de pêche, l'Etat a pris les mesures suivantes:
le transfert des navires de l'Etat à travers la location vente aux opérateurs privés du secteur;
l'affrètement de navires de pêche étrangers par des privés guinéens;
la réduction de la redevance des navires concernés visant à combler le manque de fonds de soutien au secteur privé;
la mise à disposition des pêcheurs artisans dans le cadre d'une autogestion, de moteurs hors-bord sous forme de location vente. Cette politique a fait que ces groupes de pêcheurs ont maintenant la sensation d'être des assistés permanents;
le programme s'est malheureusement soldé par un échec, dont les conséquences ont été ressenties sur toutes les composantes socioéconomiques du secteur (faiblesse des redevances au niveau du trésor public, baisse des possibilités d'emplois escomptés, absence de flottille de pêche nationale, etc.);
les pertes fiscales dans le cadre de ce programme, exprimées sous forme de manque à gagner au niveau des redevances, ont été estimées à plusieurs millions de dollars;
à cela, s'ajoute l'exploitation anarchique des ressources que ce programme a occasionné, du fait des exemptions de zones accordées aux navires alignés sous pavillon guinéen.
Perspectives pour l'avenir:
favoriser une meilleure surveillance des pêches;
renforcer les capacités de la recherche halieutique;
créer une flottille de pêche nationale qui procurera un plus grand nombre d'emplois et favorisera la création de valeurs ajoutées des produits;
créer des possibilités de rétrocession des navires étrangers des partenaires bilatéraux et multilatéraux aux opérateurs économiques guinéens dans le secteur;
créer des associations temporaires des armements étrangers qui bénéficieront des avantages des politiques d'investissements en vigueur en Guinée;
mieux rentabiliser l'activité de pêche;
générer plus d 'impacts socioéconomiques;
favoriser un système de fiscalisation du secteur qui prenne en compte l 'ensemble des composantes du secteur, contrairement au système actuel qui n 'est basé que sur la vente des licences de pêche. Cette démarche devrait pouvoir favoriser la durabilité de l 'exploitation des ressources halieutiques.
[52] Directeur national de la
pêche maritime |