Tout dabord, M. M. Halwart a présenté le sujet et a attiré lattention sur la stratégie de lintégration de lirrigation et laquaculture, qui permet daccroître la productivité agricole de chaque goutte deau tout en améliorant la viabilité financière des investissements dans le secteur de lirrigation. En effet, adopter lirrigation et laquaculture intégrées dans le cadre de Programmes de gestion intégrée des ressources des eaux intérieures peut contribuer à améliorer la sécurité alimentaire dans les pays dAfrique de lOuest sujets à la sécheresse. Dans cette optique, les objectifs de latelier étaient: (i) de passer en revue les réussites et les contraintes actuelles des activités de lintégration de lirrigation et laquaculture dans la sous-région dAfrique de lOuest, (ii) de développer une approche commune et des méthodes partagées pour lintégration de lirrigation et laquaculture et (iii) délaborer des concepts de stratégies nationales pour la promotion de lintégration de lirrigation et laquaculture (voir lAnnexe 5). Tous les représentants des pays participants avaient préalablement répondu à un questionnaire et la plupart avaient présenté les activités en cours dans le domaine de lintégration de lirrigation et laquaculture: élevage en nasses dans des réservoirs ou dans des canaux dirrigation, élevage de poissons dans des canaux, pisciculture en étang et rizipisciculture (voir les Annexes 6A-B).
M. P. Kiepe a fourni une définition des zones humides et a souligné la différence qui existait entre une zone humide comme écosystème et les bas-fonds comme systèmes de production. Il a montré les différents types de classification disponibles pour faire référence à leur utilisation spécifique. On y définit les zones humides comme des zones inondées en totalité ou en partie, continuellement ou épisodiquement. Les zones humides tropicales peuvent être divisées en quatre groupes principaux: les zones humides côtières, les bassins fluviaux, les plaines inondables et les vallées intérieures. En Afrique sub-Saharienne, les vallées intérieures représentent 36% de toutes les zones humides; ce sont les cours supérieurs des réseaux fluviaux où les dépôts de sédiments sont quasiment ou totalement inexistants. En outre, M. P. Kiepe a fait remarquer quil existe aussi une classification locale des zones humides, et que les noms locaux peuvent fournir une information intéressante et inattendue pour les études propres à chaque site. Cependant, il a simultanément mis en garde contre le danger que constitue une mauvaise traduction des noms locaux. En effet, un nom local peut englober plusieurs types de zones humides différentes, au sens où nous lentendons. Mais, en gardant cela à lesprit, la classification locale peut être un outil utile pour décrire les endroits où lIIA peut être développée, en particulier en Afrique de lOuest où trois environnements clés regroupent la majorité des systèmes dIIA: (i) les systèmes irrigués, (ii) les plaines dinondation et (iii) les bas-fonds.
M. M. Halwart et Mme I. Beernaerts ont tous deux souligné les principaux aspects conceptuels de lintégration entre irrigation et aquaculture. Mme Beernaerts a, à cet effet, proposé un profil de réseaux dirrigation potentiels basé sur Aquastat, le système global dinformation de la FAO sur leau et lagriculture. Elle a souligné limportance de prendre en compte lintégration spatiale et temporelle, en cherchant dans chaque élément du réseau dirrigation les occasions peu exploitées de développer laquaculture, puis en favorisant son intégration depuis les phases de conception et de planification du cycle du projet. En outre, lintégration de laquaculture dans les réseaux dirrigation, en augmentant la valeur de leau, peut donc constituer une incitation aux investissements nécessaires pour réduire les pertes deau. M. M. Halwart a également fait remarquer que lélevage de poissons sest révélé être une activité viable à part entière dans les éléments individuels du système dirrigation; néanmoins les exemples délevage de poissons intégré dans plusieurs éléments sont rares, ce qui reflète sans doute lorientation des activités de développement sur des éléments individuels plutôt que sur le système dans son ensemble. Cependant, le cloisonnement des systèmes dirrigation est indispensable dans la pisciculture pour atteindre une productivité élevée, car certaines contraintes peuvent être allégées voire complètement supprimées.
Mme I. Beernaerts et M. J. Moehl ont souligné limportance dévaluer les activités dirrigation et daquaculture intégrées déjà existantes, avant de chercher à en développer dautres. En effet, les projets adoptent trop souvent une approche dévaluation rurale participative pour planifier et légitimer de nouvelles activités, sans même au préalable identifier les pratiques locales, évaluer leurs impacts et tirer profit des expériences précédentes. Lidentification et lutilisation des indicateurs sociaux, économiques et environnementaux fondamentaux doivent jouer un rôle important pour évaluer les systèmes existants et observer les changements. Une discussion de groupe a passé en revue les études les plus récentes sur lIIA en Afrique de lOuest et a mis en valeur les dénominateurs communs affectant le développement de lIIA à travers la sous-région.
Melle C. Brugère a souligné limportance de lanalyse économique dans le développement technologique. Elle a présenté les principes et les méthodes dune analyse de base afin de permettre aux non-initiés de suivre la performance économique des systèmes dirrigation et daquaculture intégrées. Melle Brugère a insisté sur la distinction à faire entre les perspectives des agriculteurs et celles des économistes lorsque lon effectue ce type danalyse. Elle a englobé les différents types de coûts et de rendements dans le contexte des opérations dirrigation et daquaculture intégrées, puis a expliqué le mode de calcul des indicateurs économiques pour évaluer la performance dune activité dirrigation et daquaculture intégrées. Elle a également présenté une méthode pour planifier la collecte de données. Enfin, elle a souligné limportance de linclusion ou de lexclusion du travail familial dans le calcul des ratios économiques: cette donnée est en effet déterminante dans linterprétation des résultats et dans la distinction entre les perspectives des agriculteurs et des économistes.
M. J. Gowing, de lUniversité de Newcastle, a présenté lexpérience asiatique de pisciculture dans des grands réseaux dirrigation permettant une maîtrise totale de leau. Néanmoins, bien que laquaculture représente potentiellement un des multiples usages de leau, létude des contraintes et des possibilités dintégration de la pisciculture dans les systèmes dirrigation ne sest, jusquà maintenant, que peu développée. Lobjectif est donc didentifier les sites favorables à laquaculture, cest-à-dire ceux où son développement naura pas deffets négatifs sur lintégrité du système dirrigation ou sur les autres usagers de leau. Les systèmes sont certes équipés en vue dune maîtrise totale de leau, cependant, pour les responsables de ces systèmes, laquaculture est un défi bien plus difficile à relever que lirrigation, car il faut garantir la continuité de lapprovisionnement pendant toute la période de croissance des poissons. En conclusion, un site de stockage quelconque situé à lintérieur dun système dirrigation représentera certainement un créneau plus favorable que sil était situé dans un canal - bien que la température de leau, la qualité de leau et la pollution agrochimique puissent être des facteurs contraignants. De plus, on constate généralement dans les institutions de gestion locales une faible représentation des usagers nutilisant pas leau à des fins dirrigation. Cest pourquoi les problèmes de droits, daccès et de coût de leau doivent être examinés attentivement pour promouvoir une gestion à usage multiple de linfrastructure dirrigation. Ces contraintes sociales et institutionnelles au développement de lIIA ont été analysées par les participants lors de travaux de groupe et de sessions plénières afin de définir les problèmes communs à résoudre à un niveau supra-national et les problèmes spécifiques à résoudre au niveau local.
M. P. Kiepe a présenté lADRAO, qui est le centre chargé de la riziculture en Afrique, à la fois centre international de recherche agricole et association autonome de recherche intergouvernementale des États membres africains. LADRAO, qui cherche à améliorer la productivité, lefficacité et la rentabilité du secteur rizicole, encourage les partenariats, par la constitution de réseaux (les trois plus importants sont lInitiative africaine pour le riz, le Réseau régional de recherche-développement pour le riz en Afrique occidentale et Centrale et le Consortium pour la mise en valeur des vallées intérieures). M. Kiepe a rappelé la mission du Consortium: créé en 1993, son objectif est daméliorer la connaissance, les technologies et les systèmes de soutien opérationnel pour un usage intensifié mais viable des vallées intérieures en Afrique sub-Saharienne, grâce à une approche agro écologique. Pendant la deuxième phase (2000-2004), les principales activités incluront la détermination de la dynamique dutilisation des terres des vallées intérieures, ainsi que le développement, lévaluation et la diffusion des technologies.
Dans son exposé sur lUNESCO-IHE et laquaculture intégrée en étang dans les zones humides du lac Victoria, M. A. Van Dam a souligné limportance des zones humides dans la vie de millions de personnes. En effet, elles sont une source daliments et de revenus, préservent la diversité biologique et forment une zone tampon hydrologique et écologique entre les zones montagneuses et les masses deaux. Cependant, la croissance de la population et la dégradation de lenvironnement exercent une pression grandissante sur ces zones marécageuses. Le Lac Victoria en Afrique de lEst en est un parfait exemple: la croissance démographique, lintroduction despèces exotiques de poissons, la surpêche et leutrophisation ont conduit à une détérioration de cette ressource. Cela constitue une menace pour les moyens dexistence des communautés riveraines, puisque ces terres humides constituent une source daliments et de revenus (tirés de la pêche, de lagriculture saisonnière et des produits récoltés). Il convient dintégrer la production alimentaire aux technologies de traitement des déchets, pour garantir aux communautés leurs moyens dexistence sans mettre en danger lintégrité des ressources naturelles. Les étangs daquaculture intégrés dans les zones humides représentent une de ces technologies. Les étangs sont creusés sur la zone de terres en bordure des zones marécageuses et senfoncent dans le marais comme les doigts de la main. La terre évacuée forme des remblais entre les étangs et ces lits surélevés servent à faire pousser des cultures. Les étangs sont remplis de poissons grâce aux crues naturelles pendant la saison des pluies. Puis, quand leau disparaît, les poissons ainsi pris au piège sont nourris avec des fumures et des déchets ménagers et agricoles, qui servent par ailleurs à fertiliser les étangs. LUNESCO-IHE et ses partenaires en Tanzanie, en Ouganda, au Kenya, en République Tchèque et au Royaume-Uni participent actuellement au projet INCO-DEV, financé par la Communauté Européenne pour étudier la faisabilité de cette technique. La recherche se concentre sur les aspects techniques et sur les effets socio-économiques et écologiques de cette technologie. De même, il convient dévaluer les possibilités dintégrer ces étangs aux autres technologies, comme lutilisation des terres humides naturelles ou artificielles pour le traitement des eaux usées. Les premiers résultats des recherches au Kenya et en Ouganda montrent que les crues sont suffisantes pour empoissonner les étangs et que la fumure des étangs peut augmenter leur productivité.
M. M. Prein a présenté le Centre mondial de recherche sur les poissons (autrefois désigné sous le sigle ICLARM, Centre international daménagement des ressources bioaquatiques) et a étudié son rôle sur lirrigation et laquaculture intégrées. Le Centre a été créé en 1977. Il mène depuis le milieu des années 1980 des recherches sur les systèmes de rizipisciculture dans les plaines dinondation saisonnières et dans les périmètres irrigués. Ces deux zones représentent une part essentielle de lagriculture et laquaculture intégrées, et plus précisément des systèmes agricoles dirrigation et daquaculture intégrées. La plupart des systèmes de rizipisciculture étudiés étaient situés en Asie et seulement quelques uns en Afrique, et se trouvaient dans des zones irriguées sous une forme ou une autre, soit par des petits réseaux locaux (au Bangladesh, aux Philippines, au Malawi), soit par des grands réseaux utilisant différentes méthodes de gestion (aux Philippines, au Viet Nam, au Ghana par exemple). Dans tous les cas, linclusion de la rizipisciculture dans le système agricole existant exige au préalable des mécanismes de gestion de leau et, pour les agriculteurs, une certaine expérience de la riziculture. Il sest avéré que loption rizipiscicole est une des opérations agricoles requérant le moins dinvestissements et de connaissances techniques entraînant le moins de changements. Les avantages économiques de la rizipisciculture dans les réseaux dirrigation sont souvent comparables, voire plus intéressants, que la culture du riz seule. Lassociation de la pisciculture et de la culture irriguée, ou même le remplacement de la production agricole par la pisciculture, permet daméliorer lefficacité de lutilisation de leau et les profits. Compte tenu des investissements actuels dans linfrastructure dirrigation et de la réduction des disponibilités deau qui est prévue, il conviendrait dexploiter davantage les possibilités de produire du poisson (et dautres aliments dorigine aquatique) ayant une grande valeur nutritionnelle et économique, à partir de lutilisation des systèmes de gestion de leau. Lapproche locale récemment testée au Bangladesh et au Vietnam est un bon exemple de la gestion équitable et durable des masses deaux saisonnières pour la pisciculture. Ce modèle sera introduit et étendu dans un avenir proche à dautres pays, dans dautres bassins fluviaux (Niger).
M. R. Bosma a présenté lUniversité et le centre de recherche Wageningen, qui comprend lUniversité, les instituts, les laboratoires et les centres de recherche agricole hollandais et le Centre agricole international. Ce dernier comprend le Centre Nord-Sud, qui vient dêtre créé pour développer la collaboration avec les instituts et les réseaux partenaires des pays du Sud. Ses activités incluent le Fonds interdisciplinaire pour la recherche et léducation (INREF) qui finance six programmes de recherche et environ 50 projets de doctorats. A lheure actuelle, lUniversité de Wageningen entretient des liens avec lAfrique de lOuest grâce à trois projets bilatéraux de recherche et déducation et à trois réseaux de recherche collaborative, dont lun est le Projet de lADRAO sur les vallées intérieures. Les projets les plus intéressants pour les partenaires de lirrigation et laquaculture intégrées sont les projets INREF, dont celui qui sintitule «Convergence de la science» et concerne le Ghana et le Bénin. Lautre projet, le Programme pour loptimisation de la dynamique des éléments nutritifs (POND), commencera au Cameroun en 2004. Le projet INREF-POND cherche à développer des systèmes dexploitation plus viables, intégrant le bétail, les poissons et les cultures afin daméliorer les moyens dexistence et le bien-être des familles dagriculteurs. Les partenaires actuels de ce projet sont lUniversité de Can Tho au Viet Nam et le Centre mondial de recherche sur les poissons.
Le Programme pour des moyens dexistence durables dans la pêche, grâce aux moyens dexistence durables (MED) et au Code de conduite pour une pêche responsable, souligne limportance de la participation des habitants pour assurer un développement global et durable permettant la conclusion de partenariats stratégiques, techniques et financiers. M. J.C. Njock a signalé les activités du Programme qui pourraient avoir un lien direct avec lirrigation et laquaculture intégrées, comme celles conduites dans le cadre détudes sur le profil de la pauvreté et dans le cadre du développement dune stratégie de mise en valeur des ressources halieutiques. Les études sur le profil de la pauvreté ont été faites à loccasion dun projet pilote sur la co-gestion des ressources halieutiques dans les eaux intérieures, au sein des communautés de pêcheurs riveraines des barrages de Bagré et de Kompienga au Burkina-Faso, du lac de Kossou en Côte dIvoire, du Lac Volta au Ghana et du réservoir Sélingué au Mali - des zones où la pêche et lagriculture irriguée sont pratiquées. Ces vastes zones pourraient permettre aux communautés riveraines de diversifier leurs moyens dexistence grâce à lintégration de lirrigation et de laquaculture. En reliant ces profils à des stratégies de mise en valeur des ressources halieutiques, on constate la nécessité dune approche qui intègrerait les politiques des gouvernements sur les petits réseaux dirrigation et les ressources halieutiques, incluant laquaculture, la sécurité alimentaire, le régime foncier et les efforts de réduction de la pauvreté. Au vu de cette situation, il est nécessaire détablir des priorités: (i) la création dun organisme chargé de surveiller localement la gestion des différentes masses deau; (ii) le renforcement des capacités techniques et organisationnelles pour améliorer la participation à la planification, à la gestion des ressources et au développement local; et (iii) létablissement dun système dinformation efficace pour faciliter la collecte et la diffusion dinformations utiles pour les professionnels et les décideurs.
Melle B. Bentz a présenté lAPDRA, lAssociation pour la pisciculture et le développement rural en Afrique tropicale humide, qui est une organisation non gouvernementale. Son objectif est de promouvoir lélevage de poissons dans les zones rurales, à partir dun modèle extensif et viable. Létablissement à un niveau local dune structure professionnelle responsable est un élément clé dans le processus de mise en place, car cela assure la viabilité des activités piscicoles et permet aux pisciculteurs dêtre responsables des résultats. Par ailleurs, le développement de lélevage de poissons dans les vallées intérieures entraîne des changements importants dans les systèmes agricoles existants. De nouvelles occasions de développement surgissent en effet de la construction de nouveaux réservoirs, illustrées par la venue de nouveaux types dirrigation et daquaculture intégrées (la culture de légumes et la riziculture, associée à la pisciculture). Afin que le modèle proposé corresponde le mieux au contexte local, lAssociation pour la pisciculture aide les pisciculteurs qui innovent en assurant une formation et un suivi périodiques.