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4. METHODES CLASSIQUES DE CONTROLE DE LA QUALITE MICROBIOLOGIQUE

Classiquement, trois méthodes principales ont été utilisées par les administrations nationales et les élaborateurs de produits alimentaires pour contrôler les micro-organismes dans les aliments (ICMSF, 1988). Il s'agit a) de l'éducation et de la formation, b) de l'inspection des établissements et de la fabrication et c) des essais microbiologiques. Ces programmes avaient pour but de faire prendre conscience des causes et des conséquences de la contamination microbienne et d'évaluer les équipements, les opérations et le respect des bonnes pratiques de manutention. Bien qu'il s'agisse d'éléments essentiels de tout programme de contrôle des denrées alimentaires, ces programmes ont leurs limites et leurs inconvénients. Etant donné la rotation rapide du personnel, il faudrait que l'effort d'éducation et de formation soit ininterrompu, ce qui est rarement le cas. Quant à l'inspection des établissements et des fabrications, elle est fréquemment conduite par référence à différentes directives, qu'il s'agisse de codes d'usage, de réglementation des produits alimentaires, etc. Or, ces textes n'indiquent pas toujours l'importance relative des différentes prescriptions, celles-ci étant au demeurant souvent énoncées en termes très imprécis tels que “satisfaisant”, “suffisant”, “acceptable”, “convenable”, “s'il y a lieu”, etc. Faute de spécificité, c'est à l'inspecteur d'interpréter et il risque parfois d'accorder trop d'importance à des problèmes relativement mineurs et, ainsi, d'accroître les coûts sans réduire les risques.

Quant aux essais microbiologiques, ils ont eux aussi leurs limites. Il y a des contraintes de temps, les résultats n'étant souvent disponibles que plusieurs jours après les analyses, sans compter des difficultés tenant à l'échantillonnage, aux méthodes d'analyse et à l'emploi d'organismes indicateurs. Ces problèmes seront étudiés en détail ci-après, après quoi l'on définira une approche modifiée visant à mettre en place un programme préventif d'assurance de qualité.

On a fréquemment recours à l'estimation du dénombrement bactérien pour l'évaluation rétrospective de la qualité microbiologique ou pour évaluer la “sécurité” présumée des aliments. Cette procédure implique que l'on prélève des échantillons, que l'on procède à des essais ou à des analyses microbiologiques et que l'on évalue les résultats, éventuellement par confrontation à des critères microbiologiques établis. Or, chacune des étapes de ces procédures pose de graves problèmes.

4.1. ECHANTILLONNAGE

Le nombre, la taille et la nature des échantillons prélevés aux fins d'analyse influencent considérablement les résultats. Dans certains cas, il peut arriver que l'échantillon analytique soit véritablement représentatif du lot échantillonné. Cela vaut pour des liquides tels que le lait ou l'eau qui sont suffisamment homogènes.

Il n'en va pas de même des lots d'aliments solides, étant donné qu'un lot peut très bien se composer d'unités présentant d'importantes différences de qualité microbiologique. Il faut donc prendre en considération un certain nombre de facteurs avant de choisir un plan d'échantillonnage (ICMSF, 1986). Ces facteurs sont les suivants :

Un plan d'échantillonnage (plan par attributs) peut se baser sur les indications, positives ou négatives, d'un micro-organisme. Ce plan est décrit au moyen des deux chiffres “n” (nombre d'individus tirés) et “c” (nombre maximum admissible de résultats positifs). Dans un plan d'échantillonnage par attributs à deux classes, chaque individu est classé selon qu'il est acceptable ou inacceptable. Dans certains cas, la présence d'un organisme (par exemple Salmonella) sera inacceptable. Dans d'autres cas, on choisira une limite, dénommée “m”, qui sépare un dénombrement acceptable d'un dénombrement inacceptable. Le plan d'échantillonnage à deux classes rejettera le lot si sur “n” échantillons analysés plus de “c” sont inacceptables.

Dans un plan d'échantillonnage à trois classes, “m” sépare les dénombrements acceptables des dénombrements acceptables à la rigueur, tandis qu'un autre chiffre “M” indique la limite entre les dénombrements acceptables à la rigueur et les dénombrements inacceptables.

Le degré de sécurité que donneront de tels plans d'échantillonnage dépend des chiffres retenus pour “c” et “n”. C'est ce qu'on peut illustrer au moyen des courbes d'efficacité qui mettent en évidence les propriétés statistiques de ces plans (figure 4.1).

La figure 4.1 montre que plus le nombre d'individus défectueux (Pd) est élevé, plus la probabilité d'acceptation (Pa) du lot est faible. Il est encore démontré qu'une valeur élevée de “n” et une faible valeur de “c” réduisent le risque d'accepter des lots contenant le même nombre d'individus défectueux. Toutefois, les plans d'échantillonnage, si stricts soient-ils, ne constituent guère une assurance de sécurité. Par exemple, si l'on veut se conformer aux plans d'échantillonnage recommandés pour les préparations pour nourrissons (n = 60, c = 0), il faut tester 1,5 kg de produits alimentaires et, même ainsi, il y a encore 30 pour cent de risque d'accepter un produit comportant 2 pour cent d'individus statistiques contaminés par les salmonelles.

Il est évident que même le plus élaboré des échantillonnages des produits finals ne saurait garantir la sécurité d'un produit.

On peut cependant faire valoir que même si l'échantillonnage et l'examen des échantillons ne constituent pas une garantie bien sérieuse, ils n'en sont pas moins utiles dans les cas où l'on n'a aucun droit de regard sur la manutention et les fabrications (comme c'est le cas des lots présentés à l'acceptation dans les ports). Même si une fraction seulement des expéditions défectueuses est décelée, l'effet psychologique sur les exportateurs reste considérable.

Figure 4.1.

Figure 4.1. Courbes d'efficacité correspondant à différentes tailles d'échantillon (n) et à différents critères d'acceptation (c) pour un plan par attributs à deux classes (ICMSF, 1986)

Soucieuse d'accroître la pertinence des opérations d'échantillonnage et d'analyse, la Commission internationale des spécifications microbiologiques des denrées alimentaires (ICMSF) a eu l'idée de lier la sévérité du plan d'échantillonnage au degré de risque que comporte le produit alimentaire considéré (ICMSF, 1986). Ainsi, le risque peut varier depuis l'absence de risque (cas 1–3) en passant par le risque sanitaire indirect faible (cas 4–6) jusqu'aux risques modéré (cas 7–12) et sévère et direct (cas 13–15). En cas de risques modérés ou sévères, on utilise normalement un plan d'échantillonnage par attributs à deux classes. Lorsque le risque sanitaire est faible et que l'on souhaite appliquer des directives microbiologiques, on propose un plan à trois classes. Par exemple, un plan typique à deux classes pour lequel n = 5 et c = 0 exige que l'on analyse cinq unités d'échantillonnage et que le lot soit rejeté si une des unités sur les cinq se révèle défectueuse. Le tableau 4.1 reproduit les plans d'échantillonnage et les limites microbiologiques recommandées suggérés par l'ICMSF (1986) pour les produits de la mer.

Les plans d'échantillonnage appliqués par la Food and Drug Administration (FDA) pour les produits de la mer ont été discutés et évalués par une grande Commission sur la sécurité des produits de la mer (Ahmed, 1991). La commission a conclu que ces plans d'échantillonnage ne donnent que relativement peu de sécurité au public et que la solution qui consisterait à accroître la taille des échantillons n'est pas raisonnable. Même si l'on disposait de toutes les méthodes d'analyse voulues pour les micro-organismes dangereux, les toxines et les contaminants chimiques, et si ces méthodes étaient parfaitement fiables, il est manifeste qu'en raison des incertitudes statistiques liées à l'échantillonnage par lots, la méthode n'est pas fiable lorsqu'il s'agit de garantir la sécurité des produits alimentaires. Le commission a finalement recommandé (Ahmed, 1991) que les entreprises qui fournissent des produits de la mer aux Etats-Unis soient tenues de recourir à un Système d'analyse des risques - Point critique pour leur maîtrise de manière à obtenir un haut degré d'assurance et à permettre des contrôles en temps réel au fur et à mesure des fabrications.

Tableau 4.1. Plan d'échantillonnage et limites microbiologiques recommandées pour les produits de la mer (ICMSF, 1986)

Produit

 

EssaiCasNombre de classesncLimite par g ou par cm2
mM
Poisson frais et poisson congelé; poisson fumé à froidNLA113535×105107
E. coli435311500
Poisson pané
précuit
NLA23525×105107
E. coli535211500
Crustacés crus
congelés
NLA1353106107
E. coli435311500
Crustacés cuits
congelés
NLA23525×105107
E. coli535211500
S. aureus8250103-
Chair de crabe cuite, réfrigérée et congeléeNLA2352105106
E. coli635111500
S. aureus9250103-
Mollusques bivalves frais et congelésNLA32505×105-
E. coli625016-

1 NLA = numération sur lame des aérobies (effectuée de préférence à 21–25°C surgélose riche en éléments nutritifs, non sélective).

4.2. ESSAIS MICROBIOLOGIQUES

Les poissons et les produits de la pêche sont soumis à un certain nombre d'essais microbiologiques, d'une part par l'industrie en vertu des contrats qu'elle a signés et à usage interne et d'autre part par les autorités pour vérifier que l'état microbiologique est satisfaisant. Ces examens ont pour but de déceler les bactéries pathogènes (Salmonella, V. parahaemolyticus, Staphylococcus aureus, Listeria monocytogenes, E. coli) ou les organismes qui pourraient être signes de contamination fécale (E. coli) ou d'autres types de contamination en général ou de pratiques de fabrication défectueuses (bactéries coliformes, streptocoques fécaux, numération sur lame des aérobies).

D'une façon générale, et même si les essais automatisés rapides sont de plus en plus nombreux à recevoir leur accréditation, les essais microbiologiques restent coûteux, longs et fastidieux. Il en résulte que le nombre des échantillons que l'on peut examiner est limité. En outre, il convient de souligner une fois de plus qu'un test négatif des pathogènes spécifiques dans un échantillon de produit alimentaire ne garantit nullement que l'ensemble du lot est exempt de ces mêmes pathogènes. Par conséquent, la sécurité conférée par les essais microbiologiques est des plus limitées. Au demeurant, certains de ces tests souffrent de limites supplémentaires.

La numération totale des organismes viables ou la numération sur lame des aérobies se définit comme le nombre de bactéries (ufc/g) présentes dans un produit alimentaire, obtenues dans des conditions de culture optimales. Par conséquent, la numération totale des organismes viables ne mesure nullement la population bactérienne “totale”, mais uniquement la fraction de la microflore susceptible de produire des colonies dans le milieu employé dans les conditions d'incubation. Ainsi, on sait bien que la température d'incubation des lames a une influence considérable sur le nombre des colonies auxquelles donnera lieu un même échantillon. Par exemple, la numération totale pourra varier selon un facteur de 10 à 100 lorsque du poisson réfrigéré est échantillonné et que l'on incube les lames à 20°C et 37°C respectivement. En outre, la numération totale ne permet pas de différencier les types de bactéries et l'on pourra donc trouver des niveaux similaires de numération totale alors même que l'activité biochimique des bactéries pourra varier considérablement dans le produit. De même, des numérations élevées résultant d'une croissance microbienne sont beaucoup plus susceptibles de rendre défectueux les produits alimentaires que des niveaux similaires provoqués par une contamination massive d'origine récente. Il en résulte que la numération totale est sans valeur lorsqu'il s'agit d'évaluer l'état présent de la qualité organoleptique.

La numération totale des organismes viables est dépourvue de signification comme indice de qualité dans le cas des produits des groupes C et F (voir section 5.1.3), étant donné qu'une importante population de bactéries lactiques inoffensives se développe normalement dans ces produits. Enfin, la valeur de la numération totale est des plus douteuses lorsqu'il s'agit d'examiner les produits de la pêche congelés. En effet, la congélation et l'entreposage réfrigéré peuvent très bien avoir tué ou endommagé des bactéries dans une proportion inconnue et au demeurant invérifiable. Une numération “totale” extrêmement basse pourra donc donner une fausse idée de la qualité hygiénique du produit. En revanche, les tests destinés à déterminer la numération totale auront leur utilité lorsqu'il s'agira de mesurer l'état de la matière première, l'efficacité des procédés de fabrication (par exemple le traitement thermique) et les conditions d'hygiène en cours de traitement, l'état sanitaire du matériel et des ustensiles et le profil temps x température en cours d'entreposage et de distribution. Cependant, pour que ces tests soient utiles et correctement interprétés, il est indispensable d'acquérir avant l'échantillonnage une parfaite connaissance des conditions de manutention et de traitement.

E. coli: cet organisme a pour habitat naturel les intestins des humains et des animaux vertébrés. Dans les eaux tempérées, il est absent des poissons et des crustacés au moment de la capture (sauf dans les eaux fortement polluées). En outre, poissons et crustacés devraient toujours être conservés à des températures inférieures à celles qui favorisent la multiplication. Il en résulte que cet organisme est un excellent indicateur de la contamination (petits nombres) ou des erreurs de manipulation, par exemple température inappropriée en cours de manipulation des produits (grands nombres). La contamination des aliments par E. coli implique le risque que un ou plusieurs pathogènes entériques se soient trouvés en contact avec l'aliment. Toutefois, l'absence de E. coli n'entraîne pas nécessairement celle de pathogènes entériques (Mossel 1967, Silliker et Gabis 1976).

De récents travaux ont montré que E. coli et les bactéries coliformes fécales se rencontrent dans les eaux tropicales chaudes non polluées et que E. coli peut survivre indéfiniment dans cet environnement (Hazen 1988, Fujioka et al. 1988, Toranzos et al. 1988). Ces études ont également révélé qu'il n'y a aucune corrélation entre la présence ou l'absence de coliformes fécaux, de coliformes totaux et de virus. Il en résulte que sous les tropiques E. coli ou les coliformes fécaux ne sont pas des indicateurs fiables d'une contamination biologique récente ou d'une émission d'eaux usées dans le milieu aquatique. C'est là un point à retenir lorsqu'on souhaite appliquer des normes microbiologiques à des produits de la pêche provenant de pays tropicaux.

La résistance de E. coli aux conditions physiques et chimiques défavorables est faible. Il en résulte que, là encore, E. coli est moins utile comme indicateur lorsqu'il s'agit d'examiner l'eau et des produits de la pêche congelés ou soumis à d'autres procédés de conservation. Il est établi que les virus entériques survivent beaucoup plus longtemps que E. coli dans l'eau de mer (Melnick et Gerba 1980) et que E. coli est moins résistant que les Salmonella dans les produits congelés (Mossel et al. 1980).

Coliformes fécaux : Ce groupe de bactéries est souvent utilisé dans les critères microbiologiques au lieu de E. coli pour éviter d'avoir à procéder aux tests de confirmation longs et coûteux qu'exige E. coli. Ces organismes sont sélectionnés en faisant incuber un inoculum fourni par un bouillon d'enrichissement des coliformes à plus haute température (44°C – 45,5°C). Ainsi, le groupe de coliformes fécaux présente une plus grande probabilité de contenir des organismes d'origine fécale et, ainsi, d'indiquer la présence d'une contamination fécale. Le test de recherche des coliformes fécaux, moins rapide (et moins spécifique), souffre en outre des mêmes limites que celui décrit pour E. coli. Il convient également d'observer que le E. coli pathogène 0157:H7 récemment décrit ne se développe pas à 44°C sur tous les milieux sélectifs normalement utilisés pour le dénombrement de E. coli (voir la section 3.1.2).

Streptocoques fécaux ou entérocoques : On sait aujourd'hui que les streptocoques fécaux ne constituent pas un indice fiable de la contamination fécale. En effet, ils font partie de la flore normale de nombreux produits alimentaires et produits de la pêche et ils peuvent très bien s'établir et persister dans les ateliers d'une usine de produits alimentaires. La plupart sont halotolérants et peuvent se multiplier à 45°C ainsi qu'en milieu réfrigéré (7–10°C). A la différence de E. coli ils sont relativement résistants au gel, ce qui en fait des organismes susceptibles d'être utilisés comme indicateurs pour évaluer l'hygiène des installations au cours de la fabrication des produits alimentaires congelés.

Staphylococcus aureus : Cet organisme figure dans un certain nombre de critères microbiologiques. La numération de cet organisme ne présente pas de problème particulier. La méthode la plus fiable consiste en un étalement sur milieu de Baird-Parkers au jaune d'oeuf avec incubation pendant 30 heures à 37°C. Les cultures positives doivent être confirmées au moyen d'essais faisant appel à l'activité de la coagulase.

Les réservoirs naturels de S. aureus sont la peau, les cheveux et les muqueuses superficielles (nez) des humains, alors qu'il ne fait pas partie de la flore que l'on trouve normalement chez les poissons et les produits de la pêche. Sa présence en grands nombres peut dénoter la présence éventuelle d'entérotoxines et/ou des manquements à l'hygiène ou aux bonnes pratiques de fabrication. Il faut s'attendre à en trouver en petits nombres sur les produits manipulés par des humains. Il convient de souligner que S. aureus se développe mal lorsqu'il est en concurrence avec de grands nombres d'autres micro-organismes. Pour cette raison, la recherche de S. aureus ne revêt de signification que dans le cas des produits de la pêche qui ont reçu un traitement bactéricide, à savoir un traitement thermique en cours de fabrication. Si l'on soupçonne la multiplication de S. aureus, il conviendra de prévoir un test pour la recherche de toxines.

4.3. CRITERES MICROBIOLOGIQUES

On entend par critère microbiologique une norme par rapport à laquelle on peut comparer et évaluer ses propres données. Un critère microbiologique peut revêtir un caractère obligatoire ou consultatif. Les différents types de critères ont été définis par une souscommission des critères microbiologiques créée par l'U.S. National Research Council (FNB/NRC, 1985) :

Les critères microbiologiques auront leur utilité lorsqu'il s'agira d'évaluer la sécurité et la durée de conservation des produits alimentaires, le respect des Bonnes pratiques de fabrication (BPF) et de savoir si tel produit alimentaire convient à tel usage particulier. Par conséquent, les différents critères comprendront souvent à la fois des valeurs pour les bactéries pathogènes ou leurs toxines et pour les organismes indicateurs.

Selon les recommandations de la sous-commission (FNB/NRC, 1985), un critère. microbiologique devrait comprendre les composantes ci-après :

Il ne faut établir de critères microbiologiques qu'en cas de besoin et quand il peut être démontré que cela est à la fois efficace et pratique. Il y aurait lieu d'envisager un certain nombre de facteurs, énumérés dans le document FNB/NRC (1985), tels que la preuve qu'il y a risque, la nature du produit et de sa microflore, l'effet des opérations de traitement, l'état dans lequel le produit alimentaire est distribué, la manière dont il est accommodé en vue de la consommation et la question de l'existence de méthodes pratiques et fiables de détection pour un coût raisonnable. On n'envisagera d'établir une norme microbiologique que dans les circonstances suivantes :

On établit des directives microbiologiques ou des valeurs de référence (Mossel, 1982) à la suite d'enquêtes conduites en cours de fabrication dans un certain nombre (8–10) d'usines où l'on applique les BPF. Dans un premier temps, tous les éléments rentrant dans le cadre des BPF sont vérifiés par examen visuel, méthodes instrumentales ou épreuves bactériologiques.

Si l'on ne constate pas d'anomalie, on tire et on examine au moins 10 échantillons pour chacun des points de contrôle de chacun des établissements. A partir des données obtenues on trace des courbes de distribution qui serviront de base pour l'établissement de valeurs de référence dans les conditions proposées par Mossel (1982) (voir figure 4.2).

Figure 4.2.

Figure 4.2. Représentatin graphique du résultat d'enquêtes microbiologiques concernant un certain type d'aliment (Mossel,) `982)

Φ - per centile à 95%

n - valeur de référence proprement dite

N - dénombement bactérien maximum à attendre dans les conditions de BPF

ufc - unités formant colonie

DIM - dose infectante minimale

NMA - niveau minimal d'altération

Le choix des valeurs de n et de N pourra varier selon l'aliment dont il s'agit et la situation locale. En règle générale, N est supérieur d'un cycle logarithmique à n et inférieur d'un cycle logarithmique à DIM ou NMA. Si Φ est trop voisin de DIM ou de NMA, il y a lieu d'apporter des améliorations à la technique de fabrication. Toutefois, il convient d'incorporer aux valeurs de référence une certaine tolérance. La plage comprise entre n et N est la zone d'alerte et la tolérance habituellement retenue pour les organismes non pathogènes est que l'on ne doit pas trouver plus de deux échantillons sur dix dans cette plage et qu'aucun ne doit présenter une valeur ufc/g excédant à 10 fois la valeur de référence.

Les directives microbiologiques servent à déterminer l'étendue du contrôle à exercer en cours de fabrication ainsi que les conditions de la distribution et de l'entreposage. Il est donc facile d'incorporer des directives microbiologiques à un système HACCP (voir la section 5.1) où elles pourront servir de valeurs de référence pour la surveillance du travail.

De même, les spécifications microbiologiques utilisées lors des transactions commerciales devraient reposer sur des données pertinentes et devraient répondre à un besoin véritable. Les critères microbiologiques actuellement appliqués aux poissons et aux produits de la pêche par les membres de la Communauté européenne ainsi que par le Canada, le Japon et les Etats-Unis (ces pays importent ensemble plus de 90% du poisson commercialisé) ont été réunis par la FAO (1989). Les essais correspondants sont énumérés au tableau 4.2.

Il est évident que les critères microbiologiques énumérés ci-dessus correspondent à des prescriptions qui ne sont pas toujours respectées dans la pratique courante en ce qui concerne le poisson et les produits de la pêche. La plupart des normes énumérées dans la circulaire de la FAO (1989) sont incomplètes, inutiles, irréalistes et seraient donc à reconsidérer. Dans la plupart des cas seules sont spécifiées les limites microbiologiques sans que soient envisagées l'ensemble des autres composantes que l'on devrait retrouver dans un critère. Si l'on évalue attentivement l'ensemble des aspects ayant trait par exemple aux produits de la pêche frais et congelés destinés à être cuits avant la consommation, il est évident que ces produits ne présentent ni un risque pour la santé ni un véritable problème de qualité. Le principal problème que posent ces produits concerne la présence possible de biotoxines. Par conséquent, un critère microbiologique n'est ni nécessaire ni justifié dans leur cas. De même, étant donné qu'une importante population de bactéries lactiques parfaitement inoffensives se développe normalement dans le poisson légèrement salé et fumé à froid, toute norme microbiologique qui reposerait sur la numération des aérobies sur lame serait dépourvue de signification. Comme on l'a déjà dit (section 4.2), l'inclusion de dénombrements de S. aureus dans les normes microbiologiques applicables aux produits crus comportant une importante flore associée n'est pas moins dépourvue de signification.

L'approche retenue par l'ICMSF (1986) et reproduite au tableau 4.1 est beaucoup plus réaliste. Le test pour la recherche de S. aureus n'est recommandé que dans le cas des produits cuits, tandis que E. coli sert généralement d'indicateur de la contamination fécale de tous les types de produits. Toutefois, la manière dont les produits sont groupés au tableau 4.1 n'est pas scientifique. Les poissons fumés à froid sont groupés avec le poisson frais et congelé, alors que leur écologie microbiologique diffère du tout au tout, tandis que les crustacés crus congelés, pourtant microbiologiquement très similaires aux poissons frais et congelés, constituent un groupe à part. On propose donc que les produits de la pêche soient groupés comme indiqué à la section 5.1.3.

Tableau 4.2. Essais microbiologiques figurant dans les normes et réglementations microbiologiques de certains pays d'Europe, du Japon et des Etats-Unis d'Amérique. L'Allemagne, la Belgique, le Canada, le Danemark, la Grèce et le Portugal n'ont pas de normes microbiologiques pour le poisson et les produits de la pêche. Données provenant de la FAO (1989)

 ItalieFranceLuxembourgPays-BasRoyaume-UniEspagneEtats UnisJapon
Poisson cru, filets, frais/congelés 1,2,7,10,11*1,3,7,10,11  1,2,5,6,7,10 1,2 (6)
Semi-conserves
pasteurisées 1,2,7,10,11      
non pasteurisées 1,2,7,10,11      
Saumon fumé 1,2,7,10,11      
Crustacés
crus 1,3,7,111,3,7,11   1,6,10 
cuits 1,3,7,111,3,7,11 1,6,7,10   
cuits et 1,3,7,101,3,7,10     
décortiqués 11117,10    
Mollusques        
vivants6,73,4,73,4,7     
crus6,7  6,7 1,6,7 1,6
précuits6,71,3,7,10,111,3,7,10,11  1,7,8,9,10  

* Les chiffres renvoient aux essais suivants :

1. Numération des aérobies sur lame

2. Coliformes

3. Coliformes fécaux

4. Streptocoques fécaux

5. Entérocoques

6. E. coli

7. Salmonella

8. Shigella sp.

9. Total des réducteurs réducteurs.

10. Staphylococcus aureus

11. Anaérobies sulfitoréducteurs.

Les limites microbiologiques recommandées par l'ICMSF (1986) devraient être considérées comme faisant partie des directives microbiologiques et comme devant surtout servir à la vérification des BPF. Cependant, rien ou presque ne prouve que ces critères aient contribué de façon significative à la prévention des poussées épidémiques attribuées à ces produits. Compte tenu des différences que présente la contamination microbiologique des poissons et des crustacés provenant des différentes parties du monde, il est permis de douter de l'application universelle de ces critères.

On peut dire en conclusion qu'il n'existe pas de systèmes pratiques qui permettent de garantir la sécurité et la durée de conservation normale des produits de la pêche au moyen d'essais microbiologiques pratiqués sur le produit final. L'analyse au point d'entrée des produits de la pêche doit être considérée, d'une manière générale, comme un moyen inefficace d'évaluation rétrospective des conditions dans lesquelles ces produits ont été fabriqués, transportés et stockés. Pour cette raison, il convient de recourir à d'autres méthodes pour garantir tant au consommateur qu'au producteur un degré de protection raisonnable contre les risques liés à l'activité microbienne. Si les critères ne sont pas appropriés, ils ne peuvent, d'une part, servir de mesures d'hygiène mais risquent en outre d'avoir des conséquences en imposant des coûts inutiles, en opposant des obstacles non tarifaires au commerce et en donnant un faux sentiment de sécurité.

Toutefois, les critères microbiologiques peuvent avoir leur utilité lorsqu'il s'agit d'évaluer l'efficacité d'un programme d'assurance de qualité (HACCP), notamment dans le cadre d'un programme de vérification. C'est ce que nous examinerons plus en détail à la section 5.1.3, étant entendu que l'on ne saurait trop insister sur la parfaite inadaptation des critères microbiologiques en soi.

Le ler janvier 1993 a vu la création du marché unique européen. La directive 91/493/CEE (CEE, 1991b) fixe les conditions sanitaires de la production et de la mise sur le marché des produits de la pêche. La directive contient des dispositions pour la fixation des critères relatifs à la qualité organoleptique, aux parasites, aux contrôles chimiques (ABVT et N, histamine et contaminants chimiques) et à l'analyse microbiologique, y compris les plans d'échantillonnage et les méthodes d'analyse. Jusqu'ici, il n'existe de critères que pour la concentration d'histamine dans les poissons [(9 échantillons doivent être prélevés sur chaque lot. La teneur moyenne ne doit pas excéder 100 ppm, 2 échantillons peuvent avoir une teneur de < 100 ppm, mais > 200 ppm et aucun échantillon ne peut dépasser 200 ppm)] et pour les crevettes et la chair de crabe cuites prêtes à consommer pour lesquels s'appliquent les normes suivantes:

  1. Salmonella sp. - ne doivent pas être détectés dans 25 g (n = 5, c = 0)

  2. S. aureus(ufc/g)m = 100, M = 1000 (n = 5, c = 2)

  3. ou coliformes thermotolérants (44°C) (ufc/g), m = 10, M = 100, (n = 5, c = 2) ou E. coli(ufc/g), m = 10, M = 100, (n = 5, c = 1).

Voir page 59 l'explication des symboles n,c,m et M.

En outre, les directives microbiologiques suivantes s'appliquent aux mêmes produits.

Numération totale des organismes viables (aérobies, 30°C):
Produit entier : m = 10 000, M = 100 000 (n = 5, c = 2)
Produits décortiqués ou décoquillés, non compris la chair de crabe : m = 50 000, M = 500 000 (n = 5, c = 2)
Chair de crabe : m = 100 000, M = 1 000 000 (n = 5, c = 2).

En ce qui concerne les mollusques bivalves les prescriptions figurant dans la directive 91/492/CEE du Conseil de la CEE en date du 15 juillet 1991 (CEE, 1991a) sont reproduites ci-après :

Prescriptions concernant les mollusques bivalves vivants

Les mollusques bivalves vivants destinés à la consommation humaine immédiate doivent remplir les conditions suivantes :

  1. Ils doivent posséder des caractéristiques visuelles associées à la fraîcheur et à la viabilité, incluant l'absence de souillures sur la coquille, une réponse à la percussion et une quantité normale de liquide intervalvaire.

  2. Ils doivent contenir moins de 300 coliformes fécaux ou moins de 230 E. coli pour 100 g de chair de mollusque et de liquide intervalvaire sur la base d'un test MPN (NPP) à 5 tubes et 3 dilutions ou de tout autre procédé bactériologique dont l'équivalence est démontrée en niveau de précision.

  3. Ils ne doivent pas contenir de salmonelles dans 25 g de chair de mollusque.

  4. Ils ne doivent pas contenir de composés toxiques ou nocifs d'origine naturelle ou rejetés dans l'environnement.

  5. Les limites supérieures du taux de radionucléides ne doivent pas dépasser celles fixées par la Communauté pour les denrées alimentaires.

  6. Le taux de “Paralytic Shellfish Poison” (PSP)1 dans les parties comestibles des mollusques ne doit pas dépasser 80 μg pour 100 g.

  7. Les méthodes d'analyse biologiques habituelles ne doivent pas donner de réaction positive en ce qui concerne la présence de “Diarrhetic Shellfish Poison” (DSP)2 dans les parties comestibles des mollusques.

  8. En l'absence de techniques de routine pour la recherche de virus et de normes virologiques fixées, le contrôle sanitaire se fonde sur des comptages de bactéries fécales.

1 Intoxication paralytique par fruits de mer (IPFM).

Contrôle de santé publique

Le système de contrôle de la santé publique doit notamment vérifier la qualité microbiologique des mollusques bivalves vivants ainsi que la présence possible de planctons toxiques dans les eaux et de biotoxines dans les mollusques. L'échantillonnage utilisé pour le contrôle des toxines doit s'effectuer en deux étapes:

  1. échantillonnage périodique destiné à détecter les changements de la composition du plancton contenant des toxines et sa répartition géographique. Tout résultat entraînant une suspicion d'accumulation de toxines dans la chair des mollusques doit être suivi d'un :

  2. Echantillonnage intensif : le nombre de points de prélèvement et le nombre d'échantillons est augmenté et l'on introduit en même temps des tests de toxicité.

2 Intoxication diarrhéique par fruits de mer (IDFM).


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