Page précédente Table des matières Page suivante


CHAPITRE 9
Agriculture et pauvreté rurale

9.1 Introduction

On compte dans le monde en développement plus d'un milliard de personnes en situation de pauvreté ; une forte majorité d'entre elles vivent en milieu rural. Le développement agricole peut agir tant directement pour atténuer la pauvreté rurale, vu que la majorité des ruraux pauvres tirent le principal de leurs revenus et de leur emploi de l'activité agricole, qu'indirectement puisque l'état de l'agriculture influence celui de l'économie rurale non-agricole. Il peut également contribuer à atténuer la pauvreté en général, puisqu'il contribue appréciablement à la croissance économique générale de par ses liens avec les autres secteurs de l'économie (voir chapitre 7). En outre, à mesure que l'on reconnaît davantage dans la pauvreté la racine principale de la faim et de la malnutrition, le développement agricole se trouve investi d'un rôle charnière : améliorer la nutrition par l'accroissement de la quantité, de la qualité et de la diversité des disponibilités vivrières, et créer des perspectives d'emploi et d'activités génératrices de revenus pour les pauvres.

Le présent chapitre s'articule en plusieurs volets : a) observations pratiques relatives aux effects de la croissance agricole et de la croissance économique en général sur l'incidence de la pauvreté; b) rôle des interventions visant à améliorer l'accès à la terre et à développer les systèmes de crédit rural et de commercialisation et c) perspectives ouvertes par les interventions directes consistant à créer des emplois ou à faciliter l'accès aux vivres. La question connexe du secteur rural non agricole est examiné au chapitre 7 et celle de l'évolution de la technologie agricole et des besoins en recherche est analysée aux chapitres 4 et 12. Le présent chapitre a été rédigé parallèlement à une étude plus exhaustive des problèmes d'atténuation de la pauvreté rurale, étude dont il s'est en outre inspiré. Cette étude (Gaiha, 1993) peut être consultée pour une analyse plus approfondie des questions traitées dans le présent chapitre et le suivant.

9.2 Incidence de la pauvreté

Les seules estimations globales de la pauvreté dont on dispose sont celles fournies par la Banque mondiale. Le tableau établi par la Banque mondiale est reproduit ci-après tel quel (tableau 9.1). Ces estimations indiquent que plus de 1,1 milliard de personnes vivant dans les pays en développement étaient pauvres en 1990, soit environ 30 pour cent de la population totale de ces pays. Il semble que la pauvreté ait reculé pendant les deux décennies allant du milieu des années 60 au milieu des années 80, mais qu'aucun progrés sensible n'ait été enregistré depuis, le nombre des pauvres ayant meme augmenté en chiffres absolus (Lipton et Ravallion, 1993). C'est en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne que l'on observe la plus forte incidence de la pauvreté ; près de la moitié de la population y est estimée vivre en dessous du seuil de pauvreté, l'Asie du Sud présentant la plus grande masse de pauvres en raison de l'effectif de sa population. Les données et les méthodes utilisées pour estimer l'incidence de la pauvreté et pour établir des « profils” de pauvreté sont sujettes à de nombreuses limitations. Certains méthodes permettent mieux que d'autres de mettre au point les politiques visant à atténuer la pauvreté ou à en limiter les effets (voir Ravallion et Bidani, 1994).

Tableau 9.1 - Estimations de l'ordre de grandeur et du degré de la pauvreté dans le monde en développement, 1985–90
 Nombre de pauvres
(millions)
Incidence de la pauvreté
(pourcentage)
Degré de pauvreté
(pourcentage)
Régions198519901985199019851990
Ensemble1051113330,529,79,99,5
Asie de l'Est et Pacifique18216913,211,33,32,8
Europe orientale557,17,12,41,9
Amérique latine et
Caraïbes
8710822,425,28,710,3
Moyen-Orient et
Afrique du Nord
607330,633,113,214,3
Asie du Sud53256251,849,016,213,7
Afrique subsaharienne18421647,647,818,119,1

Note : Les estimations de la pauvreté portent sur 86 pays, représentant environ 90 pour cent de la population des pays en développement. Ces estimations ont été mises à jour à partir de celles présentées dans le Rapport sur le développement dans le monde 1990, et sont basées sur des enquêtes nationales par échantillonnage sur les ménages, effectuées dans 31 pays, représentant environ 80 pour cent de la population des pays en développement, et sur un modèle économétrique qui a servi à extrapoler les estimations de pauvreté aux 55 pays restants. Ces estimations ne comprennent pas les pays d'Indochine ou ceux de l'ex-Union soviétique. Le seuil de pauvreté est de 31,23 dollars par personne et par mois aux prix de 1985. Cette valeur est dérivée d'une enquête internationale sur les seuils de pauvreté, et représente la norme caractéristique de consommation de plusieurs pays a faible revenu. Les seuils de pauvreté exprimés en monnaie locale sont établis à parité constante de pouvoir d'achat d'un pays à l'autre, sur la base des taux de change à parité de pouvoir d'achat de 1985. L'indice d'incidence est l'expression en pourcentage de la proportion de population située en dessous du seuil de pauvreté. L'indice de degré de pauvreté exprime l'écart moyen par rapport au seuil de pauvreté (zéro pour les non-pauvres) en pourcentage de la valeur correspondant au seuil de pauvreté.

Source : Banque mondiale (1993d).

Il n'existe pas d'estimations complètes de la pauvreté rurale. Les données disponibles concernant un certain nombre de pays en développement indiquent que l'incidence de la pauvreté est la plus forte dans les zones rurales (tableau 9.2), mais on observe aussi de fortes concentrations de pauvreté dans les zones urbaines. En Amérique latine et dans les Caraïbes, par exemple, l'aggravation de la pauvreté pendant les années 80 a été essentiellement le fait des zones urbaines (Banque mondiale, 1993d). Pauvreté rurale et pauvreté urbaine sont liées par les flux migratoires des campagnes vers les villes, ainsi que par divers autres facteurs.

Les indications se rapportant à l'accès aux services d'éducation et de santé, au logement et à l'hygiène montrent aussi que l'incidence de la pauvreté est relativement plus forte dans les zones rurales. Quoiqu'une grande partie des données soient tirées de monographies locales, des estimations des disparités d'accès à l'eau potable et aux services de santé entre zones urbaines et zones rurales dans les pays en développement ont été rassemblées au tableau 9.3.

Tableau 9.2 - Pauvreté rurale dans les années 80
Région et paysPopulation rurale en pourcentage de la population totaleRuraux pauvres en pourcentage de la population pauvre totale
Afrique subsaharienne  
Côte d'Ivoire5786
Ghana6580
Kenya8096
Asie  
Inde7779
Indonésie7391
Malaisie6280
Philippines6067
Thaïlande7080
Amérique latine  
Guatemala5966
Mexique3137
Panama5059
Pérou4452
Venezuela1520

Source: Banque mondiale (1990).

Tableau 9.3 - Accès à certains services : disparités entre zones rurales et zones urbaines
 Pourcentage de la population ayant accès aux services
 Services de santéEau potableEquipements d'hygiène
PaysZone ruraleZone urbaineZone ruraleZone urbaineZone ruraleZone urbaine
Indice de développement social du PNUD:      
- élevén.d.n.d.5684n.d.99
- moyen679769915889
- faible418153691447
Ensemble des pays en développement499060822169
Pays les moins avancés398542571648
Afrique subsaharienne368028651756

Source : PNUD (1992).

Pour agir, il est nécessaire de connaître les caractéristiques des différents groupes dont se compose la population rurale pauvre. Une étude récente consacrée à la pauvreté rurale énumère les groupes fonctionnellement vulnérables du secteur rural : petits agriculteurs, paysans sans terre, femmes, pasteurs nomades, pêcheurs artisanaux, groupes ethniques indigènes et personnes déplacées ; elle fait observer que l'atténuation de la pauvreté dans chacun de ces groupes suppose des approches et des mesures spécifiques (Jazairy, Alamgir et Panuccio, 1992). Quoique peu d'indicateurs donnent une ventilation par sexes, les données relatives à l'alphabétisation indiquent de forts écarts entre hommes et femmes. C'est ainsi que l'analphabétisme des femmes adultes en 1990 atteignait 46 pour cent, contre une incidence totale de 36 pour cent. En 1987, on ne comptait que 81 filles pour 100 garçons dans l'enseignement primaire, et 75 filles pour 100 garçons dans l'enseignement secondaire. La moindre scolarisation des femmes, combinée à leur moindre accès aux moyens de production, les contraintes culturelles les écartant de certains types d'emplois, et leurs obligations quotidiennes permanentes vis-à-vis de leurs enfants font qu'il leur est plus difficile encore qu'aux hommes d'échapper au cercle vicieux de la pauvreté.

Les structures régionales de la pauvreté qui sont indiquées ici se rapprochent sensiblement de celles esquissées plus haut (chapitre 2) en ce qui concerne l'incidence de la sous-alimentation. Les indicateurs connexes, comme la prévalence de l'insuffisance pondérale chez les enfants ou l'incidence des carences en micro-nutriments, confirment encore les liens étroits entre le complexe carences nutritionnelles/état de santé, et celui de la pauvreté (FAO/OMS, 1992 ; OMS, 1992). On peut prévoir que tout progrès dans l'atténuation de la pauvreté se traduirait de façon appréciable dans l'amélioration des indicateurs de privation nutritionnelle, de santé et dans d'autres domaines. Il est néanmoins essentiel que les politiques publiques soient ciblées directement sur les domaines de la nutrition, de la santé, de l'éducation et du logement. Le fait que des pays présentant un revenu par habitant de niveau équivalent puissent manifester des taux extrêmement différents de sous-alimentation, de morbidité et d'illettrisme, montre bien que les politiques peuvent avoir des effets considérables. En outre, le rôle de la mise en valeur des ressources humaines dans le développement global, qui est de plus en plus largement reconnu, plaide en faveur de telles politiques.

9.3 Pauvreté rurale et croissance agricole

Plusieurs études font apparaître que, de façon générale, lorsque l'économie est en croissance, l'incidence de la pauvreté (pourcentage de la population au-dessous du seuil de pauvreté) a tendance à baisser. Mais la réalité de cette relation est essentiellement fonction de la distribution des revenus lorsque l'économie est en croissance. Il arrive que cette distribution se fasse moins équitable, ce qui risque d'annuler, en partie ou totalement, les retombées potentielles de cette croissance pour les pauvres. Le phénomène est donc fonction du contexte. Il est difficile d'établir s'il existe une relation systématique entre la croissance économique globale et le changement de la distribution du revenu. Des études comparatives semblent montrer que la croissance économique s'associe aussi bien à des creusements qu'à des réductions des inégalités1. Une étude récente illustre ces effets divergents en comparant ce qui s'est produit dans l'Inde rurale et au Brésil (Datt et Ravallion, 1992). D'après ce document, en Inde les effets positifs de la croissance sur la pauvreté ont été renforcés par l'amélioration de la distribution du revenu. Au Brésil en revanche, une dégradation de la distribution du revenu a annulé une bonne moitié des effets positifs que la croissance aurait pu avoir sur la pauvreté.

1. Fields (1989). Une étude plus récente effectuée en Amérique latine montre que les périodes de récession des années 80 ont eu tendance à s'associer non seulement à l'accroissement de la pauvreté, mais aussi à une aggravation de l'inégalité de distribution du revenu, ce qui signifie que les récessions frappent plus durement les pauvres (Psacharopoulos et al., 1992).

En ce qui concerne la relation entre la croissance agricole et la pauvreté rurale, les observations semblent conforter la thèse de bon sens que la distribution des bénéfices d'une production agricole accrue reproduira approximativement la distribution initiale des moyens de production et de l'accès aux intrants et aux services, et reflètera les changements apportés à la répartition des moyens de production par le processus de croissance agricole lui-même. Il est par conséquent possible que la croissance agricole s'associe à une dégradation de la distribution du revenu. Si, de surcroît, cette dégradation est suffisamment marquée, elle peut déterminer une aggravation, en valeur absolue, de la pauvreté de certains segments de la population rurale. Cela semble avoir été le cas en Amérique latine dans les années 80, quand les revenus des ruraux pauvres ont encore décliné malgré des accroissements considérables de la production agricole. En ce région, la catégorie la plus durement touchée - les paysans sans terre - a subi une baisse de 23 pour cent des salaires réels entre 1980 et 1987 (ONU, 1992).

Les effets spécifiques de la croissance agricole sur les différentes catégories socio-économiques de producteurs et de travailleurs ruraux, ainsi que les mécanismes par lesquels ces effets sont relayés, sont fonction de la nature des processus de croissance et des facteurs structurels qui sous-tendent l'organisation sociale dans les zones rurales. Notre connaissance pratique de ces questions vient d'études (effectuées pour la plupart en Inde) de situations dans lesquelles une croissance agricole rapide s'est produite sous l'effet de la « révolution verte ».

Les faits observés dans ces études indiquent que l'adoption de la technologie moderne, sous forme d'innovations biochimiques, s'est associée à des réductions de la pauvreté rurale ; notamment la proportion des pauvres dans l'effectif des ménages exploitants a décliné, de même que le degré de pauvreté relative des ménages qui demeuraient pauvres. Parallèlement toutefois, certains pauvres sont devenus plus pauvres, et des ménages qui ne l'étaient pas sont tombés au dessous du seuil de pauvreté. Une grande partie des effets négatifs subis par certains groupes de population rurale étaient imputables à l'inégalité initiale d'accès à la terre. Les petits exploitants étant victimes du manque d'accès au crédit, de problèmes d'approvisionnement en intrants, d'un accès limité aux services de vulgarisation, de la necessité d'éviter le risque et de l'insécurité de leurs droits fonciers, les retombées des technologies nouvelles se sont en général concentrées surtout sur les gros propriétaires. Ceux-ci ont accru leurs superficies en reprenant des terres pour les cultiver personnellement (en évinçant les locataires et/ou en louant ou achetant des terres à de petits propriétaires fonciers). Le phénomène a eu pour résultat que la distribution de la superficie cultivée brute est devenue plus inégalitaire, le pourcentage des ménages sans terre passant de 25 à 35 pour cent (chiffres et analyse concernant l'Inde rurale, 1968–70, empruntés à Gaiha, 1987).

Par ailleurs, les faits observés à North Arcot (petite région du sud de l'Inde) sur une période plus longue (1974–84) indiquent que, là où dominaient les petits exploitants propriétaires, les effets avaient été plus favorables aux pauvres, surtout dans la mesure où il existait un cadre institutionnel porteur, l'Etat et les autorités locales offrant aux petits agriculteurs des possibilités de crédits et d'approvisionnement en intrants modernes, et ayant consenti un fort investissement dans l'infrastructure (Hazell et Ramasamy, 1991)2. Les gros agriculteurs furent les premiers à adopter les variétés à haut rendement, mais en fin de compte plus de 90 pour cent de la superficie rizicole s'est trouvée porter ces variétés, sans que l'on puisse établir une différenciation par taille d'exploitation, et les rendements étant analogues quelle que soit la taille des exploitations. Il n'apparaissait pas que la propriété foncière se soit concentrée, ni que les petits exploitants aient perdu l'usage de terres, et les accroissements de revenus ont été appréciables en valeur absolue dans toutes les catégories de ménages, déterminant une baisse de l'incidence de la pauvreté absolue (pour un examen plus général des rapports entre progrès technique et pauvreté rurale, voir Lipton et Longhurst, 1989).

Outre que la croissance agricole peut être synonyme de dégradation de la situation économique d'une partie au moins de la population rurale, la problématique de la pauvreté rurale ne peut faire abstraction des groupes chroniquement pauvres, ou trop marginaux pour être touchés par la croissance agricole, dans un sens ou dans l'autre. Ces groupes comprennent les populations vivant dans les régions reculées et pauvres en ressources, sans aucune infrastructure ; les segments retardataires de la société, ou souffrant d'exclusion, qui ne possèdent pas de biens, n'ont pas accès à l'éducation et sont condamnés aux tâches viles ; enfin, les handicapés et les personnes âgées, qui sont incapables de hausser leurs revenus au-delà d'un maigre niveau de subsistance.

Dans une perspective à long terme, la durabilité de la croissance agricole est déterminante en ce qui concerne le problème de la pauvreté de la pauvreté rurale. L'accroissement continu de la population, dans le contexte de la pauvreté rurale, et notamment lorsqu'il s'exerce dans une situation d'inégalité de l'accès à la terre, a tendance à acculer les ruraux pauvres à étendre l'activité agricole aux zones écologiquement fragiles. Ce phénomène est facteur de déforestation (voir le chapitre consacré aux forêts) et conduit à exploiter les terres selon des modes destructeurs de leur potentiel productif. Ce processus plante le décor pour la perpétuation de la pauvreté dans la population concernée. Les exemples de ce mécanisme abondent, dans les écosystèmes himalayens et andins, dans de vastes zones d'Afrique, et avec les expériences de colonisation (spontanée ou officiellement organisée) de la forêt tropicale humide dense (par exemple au Brésil et en Indonésie). Dans la mesure où ce processus s'accompagne en parallèle d'un accroissement de la production dans les zones de meilleur potentiel, il illustre à nouveau le fait que la croissance agricole peut échapper complètement aux ruraux pauvres, ou aggraver leur sort, par exemple en abaissant les prix versés à la production. La question de la durabilité et ses rapports avec la pauvreté rurale se pose aussi en ce qui concerne les terres agricoles de meilleure qualité, dans la mesure où une agriculture plus intensive, si elle n'est pas prudemment gérée, risque de réduire le potentiel productif de la terre et des ressources en eau, et d'hypothéquer la durabilité des effets réducteurs de pauvreté qui s'exercent dans un premier temps.

2. Les observations faites dans d'autres régions font aussi apparaître que l'adoption des nouvelles techniques par les petits agriculteurs est fonction de l'accès au crédit, aux intrants, à la vulgarisation, à la sécurité foncière et aux possibilités d'éviter les risques. Les femmes rurales sont particulièrement désavantagées dans ces domaines.

On peut conclure de cela que, globalement, la croissance agricole peut logiquement entraîner un recul de la pauvreté rurale (Lipton et Ravallion, 1993). Toutefois, certains segments de la population rurale peuvent voir leur situation économique s'aggraver de son fait. Les caractéristiques structurelles de l'économie rurale au moment du démarrage de la croissance agricole sont déterminantes dans la distribution des bénéfices résultant d'une production accrue. L'évolution technique, si elle ne discrimine pas entre petits et gros agriculteurs, bénéficiera à tous, à condition que les rigidités institutionnelles n'y fassent pas obstacle. En ce qui concerne ces dernières, une politique active dans le domaine des institutions, de la recherche, du crédit, etc., peut contribuer à distribuer plus largement les retombées du progrès.

9.4 Politiques pour une amélioration de l'accès des pauvres à la terre

Il a été noté plus haut que les caractéristiques structurelles de l'économie rurale - notamment les régimes de propriété ou de tenure foncière - ont un rôle décisif dans la détermination de la distribution des bénéfices de la croissance agricole et des effets de celle-ci sur la pauvreté rurale. Les avantages et les inconvénients des interventions, et les enseignements que l'on peut tirer des tentatives d'amélioration de l'accès des pauvres à la terre sont examinés ci-après dans l'optique : a) de la redistribution des droits de propriété ; b) de la réglementation des baux ruraux ; enfin c) du rôle de l'attribution de titres fonciers.

Redistribution des terres

La tentative la plus récente de prendre la mesure du progrès accompli en matière de réformes de redistribution des terres a été entreprise en 1991 pour établir le rapport quadriennal de la FAO sur l'état d'avancement du programme d'action de la Conférence mondiale sur la réforme agraire et le développement rural (CMRADR ; FAO, 1991b). Ce rapport conclut que les progrès ont été limités, surtout parce que l'application de ces programmes a été fortement affectée par les réalités politiques.

Le souci d'équité qui préside à la redistribution des terres des gros propriétaires aux paysans sans terre ou aux petits exploitants repose sur trois considérations au moins : a) les paysans sans terre et les petits exploitants sont habituellement plus pauvres que les gros propriétaires ; b) en général, mais la règle souffre d'importantes exceptions, l'emploi total et la production à l'hectare croissent à mesure que la taille de l'exploitation diminue ; enfin c) l'inégalité dans la distribution des terres détermine les effets de la croissance agricole sur la pauvreté non seulement parce qu'elle détermine la distribution de la part du revenu attribuable à la terre, mais aussi parce qu'elle est facteur de stratification sociale selon des structures défavorables aux pauvres dans nombre d'autres domaines, par exemple la distribution du pouvoir politique ou l'accès au crédit.

Le souci d'efficacité veut que la redistribution des terres accroisse la production agricole et le potentiel de croissance, ou du moins ne les réduise pas. Comme on observe souvent une relation inverse entre la taille de l'exploitation et la production à l'hectare, la redistribution des terres pourrait théoriquement permettre d'accroître la production3. Dans la plupart des cas, cette relation inverse est due à une plus forte intensité d'exploitation, et à un complexe d'intensité de main-d'œuvre et de productions de plus haute valeur sur les petites exploitations. Des différences de qualité physique de la terre peuvent aussi en rendre compte, par exemple lorsque les grosses exploitations comportent une plus forte proportion de terres de qualité inférieure que les exploitations plus petites. Prendre en compte ces différences de qualité de la terre atténue les proportions de la relation inverse, mais ne l'annule pas.

3. Cette relation inverse s'établit entre la productivité de la terre (rendements physiques ou valeur brute de la production à l'hectare) par opposition àla productivité totale et elle est, en fait, généralement associée à un niveau supérieur d'utilisation d'intrants à l'hectare sur les petites exploitations, notamment de main-d'oeuvre. Toutefois, dans les pays où la main-d'oeuvre est abondante et où c'est la terre qui manque, la maximisation de la production par unité de superficie est de la plus haute importance.

Cette relation inverse peut toutefois être modifiée lorsqu'une « révolution verte » introduit des technologies améliorant le potentiel des terres et conduisant à une égalisation des rendements obtenus sur les exploitations, petites et grandes. Mais les différences d'apports de main-d'oeuvre à l'hectare tendent à se maintenir, et cet argument prêche en faveur du bien-fondé de la réforme agraire dans un souci d'efficacité, même compte tenu des technologies modernes. Cela tient à ce que, vu les imperfections du marché rural, notamment du marché du travail, les grosses exploitations ont tendance à privilégier les facteurs à forte composante de capital (mécanisation) aux dépens de la main-d'œuvre au-delà des proportions que pourraient dicter des considérations de rentabilité sociale de l'affectation des ressources, même en l'absence de politiques opérant une distorsion des prix en faveur du capital. Cette considération est particulièrement importante dans le débat concernant le juste dosage des politiques visant à établir la « vérité des prix » et d'induction du changement dans les caractéristiques structurelles fondamentales des économies rurales (Platteau, 1992).

Il paraît d'autant plus judicieux de redistribuer les terres de façon plus équitable lorsque l'on tient compte des possibilités d'activités non agricoles dans le secteur rural. Il a été observé, en Asie du Sud par exemple, que, dans des villages où la distribution des terres était relativement équitable (de même que le revenu des exploitations), la part des biens non agricoles à forte intensité de main-d'œuvre produits localement dans la consommation totale était plus élevée que dans les villages caractérisés par une plus grande inégalité. Ainsi, on peut escompter qu'une distribution plus égalitaire des terres atténue la pauvreté rurale indirectement, par ses effets sur l'emploi rural non agricole.

La mesure dans laquelle les changements déterminés par des interventions des pouvoirs publics produisent des effets durables, et la persistance de bouleversements inévitables dans les structures de production sont des éléments indissociables de la réforme agraire. L'expérience du Chili en la matière est instructive. Commencée entre 1964 et 1970, la redistribution des terres s'est poursuivie entre 1970 et 1973, puis s'est inversée entre 1973 et 1976. L'expropriation a pris fin. Les terres exploitées par les campesinos dans la période de transition (asentamientos) leur furent en partie attribuées, en partie remises aux anciens propriétaires, et le restant fut vendu aux enchères publiques. De nouvelles entreprises agricoles, disposant de ressources financières solides, firent leur apparition. Le secteur moderne était fortement orienté vers l'exportation. Parallèlement, le manque d'appui technique et de crédit allait conduire beaucoup de petits exploitants à battre en retraite vers des modes de production de subsistance plus traditionnels. Les coopératives de producteurs furent démantelées. Mais plus de la moitié des terres expropriées furent en fin de compte définitivement laissées aux bénéficiaires (Jarvis, 1989 ; Gomez et Echenique, 1991). La crise de 1982–83 s'est traduite par un renversement des politiques. Depuis 1987, les pouvoirs publics ont entrepris de financer une part considérable des coûts d'assistance technique aux petits propriétaires bénéficiaires de la réforme agraire (Meller, 1988).

Les interventions des pouvoirs publics ont aussi déterminé des changements structurels de la production aux Philippines, où la réforme agraire n'a porté que sur les terres rizicoles et les terres à maïs, qui étaient gérées principalement dans le cadre de baux agricoles. Cette limitation a conduit les propriétaires à réaffecter leurs terres à d'autres cultures, souvent au mépris de l'efficacité et de l'équité. Par exemple, les terres rizicoles les plus aptes à générer du revenu et à absorber de la main-d'œuvre ont été converties à des productions exigeant moins de main-d'œuvre, comme la noix de coco.

La réussite est plus aisée lorsque l'on distribue des terres domaniales, la résistance étant moindre que dans les cas de démantèlement des domaines de gros propriétaires. Aux Philippines, entre 1987 et 1990, les objectifs de distribution de terres domaniales ont été atteints aux deux tiers. En revanche, 2 pour cent seulement des objectifs de redistribution de terres privées ont été atteints en raison des litiges avec les propriétaires concernant des compensations appropriées (CMRADR, Rapport sur les Philippines, 1990).

Autre question importante, la mesure dans laquelle la modernisation de l'agriculture est liée au processus et influence les chances de succès des réformes redistributives. Il a été noté ci-dessus qu'avec l'introduction de technologies nouvelles la relation inverse entre le rendement et la taille de l'exploitation tend à s'affaiblir. Cette composante est susceptible d'affaiblir les arguments en faveur de la réforme. L'expérience démontre aussi que la menace de réforme peut aussi inciter les gros agriculteurs à promouvoir la modernisation, à titre défensif. Par exemple, dans certains pays d'Amérique latine la menace d'expropriation et les politiques d'incitation (subventions des intrants, dégrèvements fiscaux) ont réussi à pousser les grosses exploitations à se moderniser, et donc à accroître leur production. L'un des effets de cette modernisation est en revanche de rendre l'expropriation avec compensation très coûteuse. En outre, comme on l'a récemment constaté en Colombie, les gros agriculteurs usent souvent avec succès de leur influence pour extorquer aux pouvoirs publics des promesses que leurs terres ne seront pas frappées d'expropriation s'ils modernisent leurs exploitations. Par conséquent la redistribution des terres aux pauvres a été négligeable. Il est intéressant de noter que la modernisation de l'agriculture a eu l'effet opposé sur la redistribution des terres aux Philippines où les compensations avaient été fixées en fonction du prix des terres avant la révolution verte et où les gains économiques liés à la technologie rizicole semences-engrais ont permis aux bénéficiaires de réaliser des excédents économiques notables.

L'appui gouvernemental aux bénéficiaires de la réforme agraire est essentiel. Le cas du Mexique illustre les chausse-trappes d'une réforme agraire sans soutien. La réforme ne s'y est pas accompagnée de gains significatifs de productivité : la plupart des petits agriculteurs ayant bénéficié de la réforme agraire se sont trouvés devant des terres non irriguées, les politiques de soutien n'étant pas toujours parvenues à trouver une expression concrète. Même lorsque des petits agriculteurs disposaient de certaines terres irriguées, les coopératives bénéficiant du soutien de l'Etat n'ont pas assuré les services requis. En revanche, la majeure partie des terres irriguées sont restées dans les domaines de superficie moyenne à grande, les politiques de soutien de l'Etat manifestant un sérieux biais en leur faveur.

Ce qui précède vaut davantage dans les cas où la réforme vise à établir une distribution plus égalitaire des terres promises à la propriété et à l'exploitation en tant qu'unités individuelles. Il est aussi des exemples de mise en place de structures novatrices de propriété et d'exploitation dans la période suivant une réforme, notamment avec la création de coopératives de producteurs. Mais, dans ce cas, il apparaît que les résultats ont été décevants - en particulier dans certains pays d'Amérique latine. Au Pérou par exemple, des réformes antérieures avaient conduit à placer environ les deux tiers des terres agricoles sous la gestion de coopératives de producteurs, ce en 1979. Toutefois, ces coopératives ont souffert de graves déséconomies d'échelle et de problèmes d'incitation au travail, avec pour résultat que nombre d'entre elles se sont dissoutes au début des années 80, la terre étant alors redistribuée en exploitations individuelles.

Au Nicaragua, on avait initialement imaginé que les coopératives de producteurs étaient mieux adaptées à la production à grande échelle de denrées d'exportation comme le café, le coton et la viande de boeuf. Par la suite, la tendance s'est déplacée de la création de coopératives de producteurs vers la distribution directe de terres aux particuliers. Ce réajustement est venu avec la constatation qu'en divisant de grands domaines en petites exploitations on ne s'exposait pas nécessairement à une réduction de la production, à condition de fournir du crédit et d'autres services d'appui.

La réforme agraire continuera d'être une question pertinente dans l'avenir pour tenter d'atténuer la pauvreté et d'instaurer davantage d'équité dans les zones rurales. Toutefois, elle pourrait ne plus être la question d'actualité brûlante qu'elle fut autrefois, surtout dans les pays où le secteur non agricole gagnera du terrain en tant que principale source d'emplois additionnels et de génération de revenus, la terre perdant de sa primauté comme forme fondamentale de richesse. Comme indiqué au chapitre 3, nombre de pays en développement devraient présenter dans les 20 prochaines années des taux de croissance économique suffisamment élevés pour que la majeure partie de la richesse additionnelle soit produite par le secteur non agricole. On peut prévoir qu'une tendance à l'accroissement de la superficie des exploitations se manifestera alors, comme cela s'est produit dans les pays développés. Ce phénomène est dû aux pressions qui se font sentir pour que les revenus de l'activité agricole évoluent dans la même direction que ceux du secteur non agricole, même si les premiers ne rattrapent pas nécessairement les seconds. La combinaison d'une plus grande superficie par personne et d'un revenu plus élevé par unité de superficie résulte normalement de telles pressions, exercées par l'évolution technologique et l'afflux de main-d'œuvre de l'agriculture vers d'autres activités, pas nécessairement urbaines pour autant.

De nombreux pays en développement ne sont toutefois pas encore prêts à aborder cette phase de transition dans l'avenir prévisible. Dans beaucoup de pays à faible revenu où les perspectives de croissance globale sont médiocres, où l'incidence de la pauvreté rurale est élevée et où les taux d'accroissement de la population restent forts, le nombre des personnes cherchant à gagner leur vie dans le secteur agricole continuera de croître. C'est pourquoi la distribution de la propriété foncière et l'effet que pourraient avoir des interventions visant à la modifier pour parvenir à des structures mieux susceptibles d'atténuer la pauvreté et plus équitables continueront d'être d'actualité.

Il est toutefois à noter que la distribution plus équitable d'un revenu agricole en croissance ne peut contribuer que partiellement à entamer la pauvreté rurale, aussi longtemps que la population dépendante de l'agriculture continue de croître. Cela parce que même une hypothèse optimiste de la croissance agricole (par exemple aux environs de 3,5 pour cent par an en valeur brute) signifiera probablement une croissance du revenu moyen par habitant inférieure à 2 pour cent par an pour une population agricole qui s'accroît. Aussi, quel que soit le potentiel de réduction de la pauvreté rurale que présentent la redistribution et la croissance, il ne supporte pas la comparaison avec les avantages à long terme que l'on pourrait obtenir en combinant une croissance vigoureuse dans le secteur non agricole et une diminution de la population agricole.

Réforme des baux ruraux

On appelle génériquement « baux ruraux » les modalités de tenure foncière (juridiques ou coutumières) qui régissent l'accès à la terre sous des formes autres que l'acquisition de titres de propriété. L'expression s'applique à toutes les situations dans lesquelles l'accès à la terre se fait par un quelconque arrangement avec une autre personne ou entité qui jouit de droits fonciers supérieurs. Les politiques visant à réformer les baux sont souvent fondées sur un souci à la fois d'efficacité et d'équité ou d'atténuation de la pauvreté. Il faut toutefois noter que la réglementation des contrats de bail pourrait se traduire par une contraction de l'offre de terres en régime d'exploitation pour le compte d'autrui, et pourrait ainsi provoquer un accroissement de l'effectif des paysans sans terre à mesure que les exploitants non propriétaires sont évincés (comme cela s'est produit aux Philippines, en Inde et à Sri Lanka en Asie du Sud, ainsi que dans de nombreux pays d'Amérique latine ; Osmani, 1988).

L'une des principales questions à cet égard porte sur les mérites relatifs des différentes modalités de location de la terre à bail, à savoir paiement d'un loyer fixe pour une période définie, métayage, louage du travail, ou toute solution mixte. La réforme des baux a principalement visé à réglementer, voire à interdire les contrats de métayage. Le métayage a souvent été considéré comme un héritage de la situation féodale qui caractérisait les sociétés agraires. Mais, rétrospectivement, on a constaté que ces politiques avaient des effets négatifs pervers sur les pauvres. On se rend actuellement de mieux en mieux compte que dans des circonstances particulières, le métayage est un outil efficace de partage du risque4 qui a des effets positifs tant sur l'efficacité qu'en matière d'équité - par exemple, les faits prouvent que le loyer implicite des terres en métayage est supérieur (sans doute, pour tenir compte du risque accrue) et que le métayage est plus répandu dans les zones où les aléas météorologiques sont plus grands. Les accords de partage des coûts entre métayers et propriétaires permettent aux agriculteurs pauvres d'avoir accès à certains intrants qui seraient hors de leur portée dans une autre situation, en raison de leur accès limité aux mécanismes financiers. Par exemple, parce que les loyers des terres doivent en général être payés d'avance, les agriculteurs pauvres qui n'ont pas accès au crédit sont exclus de ce mode d'accession à la terre. Cette contrainte est levée par le métayage, le paiement n'intervenant qu'à la récolte.

4. Un propriétaire a le choix entre cultiver lui-même sa terre, le cas échéant avec l'aide de salariés, ou de la louer à bail, pour un loyer fixe ou pour une fraction fixée de la production. Supposons d'abord que la seule catégorie de risques soit dans la production. La quantité produite est fonction non seulement des apports, mais aussi des conditions météorologiques. Le propriétaire qui exploite la terre à son propre compte supporte l'intégralité du risque, car les employés perçoivent un salaire convenu, le propriétaire exploitant ne conservant que le reliquat. Dans un système à loyer fixe, c'est le preneur à bail qui supporte l'intégralité du risque. Ainsi, en vertu du principe d'étalement du risque, le métayage est souvent préféré car il réduit les effets de l'élément risque dans le processus de prise de décisions concernant les investissements, l'utilisation des intrants, etc.

Les expériences de réforme des baux en Chine, au Laos et au Viet Nam indiquent que le passage de systèmes agricoles de type socialiste à des systèmes fondés sur l'économie des ménages, dans lesquels les décisions d'allocations des ressources, la propriété des moyens de production et des droits d'utilisation des terres de plus longue durée sont donnés aux ménages, individuellement, peut donner lieu à des gains notables d'efficacité et d'équité. En Chine par exemple, les accroissements de la production agricole et l'essor de l'économie rurale non agricole ont été spectaculaires, entraînant une réduction notable de l'incidence de la pauvreté rurale. Le Vietnam, après avoir réformé le régime des baux, est parvenu pour la première fois à l'autosuffisance en céréales vivrières, puis est devenu exportateur net de riz.

En ce qui concerne l'Afrique, des observations récentes indiquent que la plupart des régimes fonciers locaux s'adaptent bien aux modifications des ressources disponibles. Il pourrait donc être préférable de chercher à mettre en place un cadre juridique et institutionnel propre à favoriser des transactions plus efficaces plutôt que d'imposer des restrictions au marché des locations et des ventes foncières par le biais d'une réglementation des baux.

Attribution de titres fonciers

Trois arguments sont habituellement avancés en faveur de l'attribution de titres fonciers : a) ces titres sont censés accroître la sécurité de tenure et favoriser l'investissement dans la conservation des terres et des eaux, les apports en capital, ainsi que l'adoption, le cas échéant, de la pratique de cultures permanentes ; b) en servant de nantissement, les titres permettent d'accroître l'accès au crédit institutionnel ; enfin, c) les titres fonciers sont nécessaires au développement des marchés fonciers, qui sont essentiels pour encourager le développement commercial de l'agriculture.

Des informations récentes concernant l'Afrique donnent à penser que la relation positive escomptée entre la sécurité de tenure ou la transmissibilité des droits fonciers, notamment par héritage, et l'investissement à long terme sous forme d'aménagements et d'amélioration des terres est effective dans certaines zones, mais pas ailleurs. En outre, les titres formels de propriété ne sont pas nécessaires pour la sécurité de tenure car, dans la majorité des systèmes de tenure communautaire, l'agriculteur jouit de droits d'usage souvent héréditaires sur certaines parcelles. Ailleurs, où il n'existe pas de droits héréditaires, l'absence de titres a effectivement une incidence sur les décisions de production, en faveur des cultures à cycle court5. Si certaines situations, en Afrique, semblent montrer que la détention de titres n'a pas d'effets sensibles sur l'accès au crédit, les faits semblent aller à l'inverse dans plusieurs pays d'Asie et d'Amérique latine, où l'accès au crédit institutionnel est favorisé par la détention de titres fonciers.

L'attribution de titres fonciers aggrave parfois les inégalités, quand des individus aisés et influents en profitent pour s'assurer des droits supérieurs à ceux dont ils jouissaient auparavant. Le risque d'être privés de terres est alors accru pour les pauvres, qui peuvent aussi perdre leurs droits sur les ressources du patrimoine communautaire. Les femmes peuvent être particulièrement lésées. Les programmes d'attribution de titres fonciers ont notamment tendance à se concentrer sur la parcelle comme unité-cible, sans se soucier de la répartition des droits fonciers à l'intérieur du ménage. L'enregistrement des parcelles au nom des hommes en tant que chefs de famille a souvent pour effet de réduire les droits coutumiers des femmes en matière d'utilisation et de transmission des terres. Cette opération peut aussi se traduire par la perte de droits secondaires, par exemple le droit de ramasser du bois de feu, qui revêt une importance particulière pour les femmes. C'est pourquoi il serait parfois très souhaitable de concevoir la législation et les réformes foncières de façon à ce que les femmes en soient les bénéficiaires directes.

5. Par exemple des squatters installés sur des terres domaniales à la Jamaïque consacrent aux cultures permanentes et semi-permanentes des superficies inférieures de moitié à ce qui est pratiqué par les agriculteurs détenteurs de titres. Un tiers des bénéficiaires d'un programme gouvernemental d'attribution de titres fonciers ont abandonné les cultures à cycle court après leur changement de situation (Feder et Noronha, 1987).

La généralisation de l'informatique a ouvert de nouveaux horizons à l'enregistrement traditionnel des titres fonciers et à la tenue des registres du cadastre. Il n'y a pas de motifs véritables pour lesquels l'enregistrement des terres et la tenue du cadastre ne pourraient prendre en considération des situations culturelles particulières d'une part, et des critères d'équité et d'efficacité dans une perspective de développement rural durable d'autre part. Vu l'évolution actuelle de la réflexion sur les questions foncières et le remplacement des modèles socialistes par des modèles de propriété privée, la compilation des archives cadastrales (enregistrement des terres et cadastre) ainsi que la participation des communautés locales à la réglementation foncière (fiscalité, délimitation de zones, etc.) devraient devenir de nouveaux champs d'action pour les décennies à venir.

9.5 Marchés financiers ruraux

La production agricole suppose, par nature, un important hiatus entre le moment où les ressources sont engagées (immobilisées) dans la production et celui où les revenus deviennent disponibles, après la récolte. Les cultivateurs qui ne peuvent pas se permettre d'immobiliser de telles ressources pendant la période nécessaire - tant pour acheter les intrants que pour vivre durant la période d'attente - dépendent plus que d'autres du credit. Les mesures tendant à faciliter l'accès des ruraux pauvres au crédit méritent donc de figurer en bonne place dans la panoplie des politiques d'atténuation de la pauvreté rurale.

L'environnement de l'intermédiation financière rurale s'est sensiblement modifié depuis quelques années. Le concept de privatisation a été accepté par un nombre sans cesse croissant de pays et le rôle des marchés dans la détermination des prix des produits agricoles échangés a été renforcé. Les subventions à l'achat de vivres et d'intrants, y compris les subventions pour le crédit agricole, ont été réduites ou éliminées. Une plus large part du crédit rural provient de sources privées et la part provenant de l'Etat diminue. Or, à mesure que l'on réduit le subventionnement d'autres intrants, le volume du crédit nécessaire augmente à son tour.

Jusqu'au début des années 80, l'attention s'axait surtout sur les institutions officielles de financement, à savoir le secteur du système financier régulé par l'autorité monétaire centrale; on ne mentionnait qu'épisodiquement les activités financières non réglementées, à savoir le secteur officieux. Dans cette période pourtant, les recherches ont montré de plus en plus que les financements officieux exerçaient un rôle important dans le développement rural, notamment pour les pauvres : petits agriculteurs, paysans sans terre, micro-entrepreneurs, et en particulier les femmes appartenant à ces groupes. Il est aussi devenu évident dans nombre de pays que le système officieux fonctionnait plus efficacement et équitablement que les structures financières officielles.

Bien trop souvent le discours sur les services financiers s'est limité au seul crédit. Des dépôts d'épargne d'un volume étonnamment important peuvent être mobilisés, même dans les pays à faibles revenus et dans les groupes réputés pauvres, lorsqu'il existe pour cela un système fiable et efficace. Nombre d'études confirment qu'une proportion très élevée et même, dans certains cas, la totalité des prêts saisonniers pour la production agricole pourrait être financée avec des fonds mobilisés localement (le terme « local » ayant ici le sens de « rural »). Cela aussi nécessite des améliorations et autres perfectionnements du système financier afin de rendre possible la mobilisation de l'épargne au niveau des villages et des collectivités territoriales. A l'échelle nationale, le système financier doit également permettre le transfert de cette épargne des zones excédentaires vers les zones déficitaires, tout en entretenant la confiance des épargnants dans la sécurité de leurs dépôts. Lorsqu'une économie agraire se développe, le flux de l'épargne est généralement orienté des zones rurales vers les centres urbains, mouvement stimulé par les termes défavorables de l'échange des produits agricoles, souvent imputables à des politiques nationales qui taxent explicitement ou implicitement le secteur agricole (voir chapitre 7).

Institutions de crédit spécialisées et banques commerciales

Lorsque les gouvernements comme les donateurs ont commencé à s'intéresser de près au développement rural et au crédit en tant que moyen de promouvoir ce développement, les institutions de crédit qui ont été créés relevaient le plus souvent du secteur public. Les résultats obtenus par les institutions de ce type ont été dans l'ensemble très peu satisfaisants. Elles avaient instruction de consentir des prêts à des groupes cibles identifiés soit par le gouvernement soit par des sources extérieures de financement, cela à des conditions qui ne leur permettaient même pas de couvrir leurs coûts. Comme leurs opérations n'étaient pas conditionnées par des critères commerciaux liés aux résultats financiers, rien ne les incitait à faire de gros efforts de recouvrement des prêts. Dans la plupart des cas, elles étaient supervisées par des ministères qui ne possédaient pas les moyens de traiter avec des institutions financières. Toutes ces caractéristiques négatives, associées au coût excessivement élevé des opérations, ont mis beaucoup de ces institutions dans des situations très difficiles et les ont rendues de plus en plus tributaires des subventions de l'Etat pour leur survie (voir Besley, 1994 pour une analyse des motifs d'intervention dans les marchés financiers ruraux).

Parallèlement à ces initiatives gouvernementales, les banques commerciales ont été pressées d'intensifier leurs activités dans les zones rurales, particulièrement en consentant des prêts au secteur agricole. Là aussi, les résultats n'ont généralement pas répondu aux espérances et le groupe visé, à savoir les petits agriculteurs, a peu bénéficié de ces mesures. Les petits agriculteurs ont été laissés pour compte parce que les opérations de prêts à ce groupe coûtaient cher et le risque était jugé plus élevé que pour les gros agriculteurs, même s'il n'est pas concrètement prouvé que cet argument est valable.

En partie de leur propre initiative, et en partie aussi pour se conformer aux directives données par le gouvernement, les banques commerciales de certains pays ont expérimenté des systèmes de prêts collectifs aux petits agriculteurs. Au Ghana, par exemple, les systèmes de ce genre ont initialement donné d'assez bons résultats, mais, lorsque le nombre des groupes bénéficiaires a augmenté, le personnel n'a pas été en mesure d'administrer convenablement les prêts. La conséquence en a été un lourd manque à rembourser, et des sommes considérables ont ainsi été perdues. Toutefois depuis trois ou quatre ans, quelques banques commerciales nigérianes se sont spécialement efforcées de tisser une solide relation prêteur-client avec certaines coopératives, en sorte que ces dernières puissent satisfaire les besoins de crédits de leurs membres. Les résultats initiaux sont encourageants.

Mis à part quelques succès récents, ce sont des arrangements institutionnels et opérationnels adéquats au niveau local qui ont fait défaut tant aux institutions de crédit spécialisées qu'aux banques commerciales. La plupart de ces modèles institutionnels sont en particulier beaucoup trop éloignés de leur clientèle pour prendre des décisions optimales en matière d'octroi de crédits et pour appliquer des procédures judicieuses de recouvrement des prêts.

Coopératives et autres organisations de crédit rural

Pour surmonter ces problèmes, des efforts croissants ont été fournis afin de faire participer à la fourniture de services financiers des organisations rurales de divers types : coopératives, groupes officieux de petits agriculteurs et autres ruraux, enfin négociants intervenant dans la distribution et l'achat des intrants et des produits agricoles. Les coopératives permettent à leurs membres des économies d'échelle pour ce qui est de l'accès aux services financiers ; elles se prêtent particulièrement bien à la fourniture de services financiers aux communautés rurales, car elles opèrent au niveau local parmi des gens qui se connaissent bien, ce qui est essentiel pour que la confiance règne. Souvent, la coopérative est la seule institution financière (ou organisation officielle) présente en zone rurale et elle est donc, de toute évidence, la structure à utiliser pour assurer le fonctionnement de nouveaux services financiers destinés à suppléer aux sources traditionnelles et officieuses de crédit.

Les coopératives et autres formes moins officielles d'organisations offrent la double possibilité de réduire les coûts des opérations de prêt aux petits agriculteurs et aux autres segments de population défavorisés, et d'améliorer la gestion des risques. Les programmes d'octroi de crédit qui ont donné de bons résultats ont montré l'importance de facteurs tels que l'homogénéité des groupes emprunteurs, qui sont solidairement responsables et assument eux-mêmes certaines responsabilités en matière de gestion et de supervision, et qui sont fidèles à leurs engagements en raison d'un lien commun autre que le crédit. Les facteurs importants pour le succès des coopératives sont le développement des institutions à partir de la base, la formation sur une vaste échelle et à tous les niveaux, la préférence donnée à la mobilisation de l'épargne et aux capitaux propres plutôt qu'à des fonds extérieurs, l'expansion progressive des activités, et une stricte surveillance et vérification des comptes.

Secteur officieux

Pour les ruraux en général, et notamment pour les ruraux pauvres, ce sont divers types d'arrangements financiers officieux qui constituent la principale source de crédit. Quoiqu'elles soient plus répandues parmi les groupes pauvres, les activités officieuses de prêt et d'épargne se pratiquent dans toutes les catégories d'activité économique. Le financement officieux est traditionnellement considéré par les profanes comme un fléau pour les groupes pauvres, alors qu'en fait il est avantageux pour un grand nombre d'entre eux. En outre, contrairement à une opinion largement répandue, les études récentes fournissent étonnamment peu de preuves d'exploitation. Les femmes en particulier doivent souvent recourir aux financements officieux parce qu'elles se heurtent à des obstacles institutionnels et juridiques quand elles sollicitent les établissements de crédit officiels, tels le défaut de garantie ou la signature obligatoire par le mari des contrats de prêt.

Un grand nombre d'intermédiaires financiers opèrent sur les marchés officieux des capitaux. Il est probable que les amis et les parents sont, particulièrement dans les zones rurales, la source de crédit la plus commune, dont provient dans certains pays plus de la moitié du total des prêts officieux. Dans la plupart des cas, il n'y a pas d'intérêts ni de cautionnement, et les conditions de remboursement sont très souples. Ces caractéristiques ont de grands mérites pour les emprunteurs qui n'ont pas de garanties à offrir, tels ceux qui n'ont pas de terres ou de titres de propriété, ainsi que dans les situations où les risques à la production peuvent être élevés. En outre, il s'agit souvent de prêts en nature, par exemple des semences et des engrais, qui peuvent être remboursés de même.

Les communautés rurales de certains pays peuvent constituer une épargne commune à diverses fins, généralement pas pour prêter de l'argent mais plutôt pour l'achat groupé d'intrants agricoles (par exemple au Zimbabwe), et à diverses fins de caractère social. Les groupes d'épargne officieux donnant à tour de rôle l'argent collecté à chaque membre du groupe sont également devenus populaires parmi les femmes en tant que moyen d'assurer leur indépendance. Certains groupes peuvent être plus élaborés, par exemple les tontines6 qui existent dans de nombreux pays à faibles revenus et qui ont fait l'objet de nombreuses études depuis quelques années. Dans bien des régions, les participants aux tontines sont plus nombreux que ceux qui s'adressent aux institutions officielles de financement; des recherches récemment conduites au Cameroun suggèrent que l'épargne passant par les tontines est quelquefois supérieure aux dépôts bancaires (Schrieder, 1989).

La prédominance des arrangements officieux de crédit sur les marchés ruraux du financement porte à analyser les transactions complexes qui s'y produisent. Les travaux récents d'analyse des établissements officieux de crédit mettent en évidence le rôle des carences de l'information dans la définition des transactions. Dans les pays en développement, les revenus des emprunteurs ruraux sont incertains, le nantissement des prêts fait défaut, et le remboursement, s'il n'est pas effectué de bon cœur, est extrêmement difficile et coûteux à obtenir. Ainsi quand se produit une transaction de prêt, il est très coûteux pour le prêteur de déterminer le risque de défaut de remboursement présenté par l'emprunteur et de s'assurer, en observant son comportement, qu'il promet d'honorer ses créances.

Emprunteurs et prêteurs, cherchant à réduire les coûts des transactions (instruction préalable et suivi des dossiers de prêt) peuvent préférer lier les conditions du contrat de prêt aux transactions qu'ils effectueront sur d'autres marchés. Les transactions peuvent intervenir entre négociants et agriculteurs (les négociants prêtent aux agriculteurs pour acheter des intrants), entre propriétaires et ouvriers agricoles (les propriétaires versant des avances de salaire aux travailleurs pour s'assurer de leur main-d'œuvre au moment voulu dans l'avenir), etc. Ces opération liées7 abaissent le coût d'instruction du dossier, en ce qui concerne la solvabilité de l'emprunteur notamment, donnent au prêteur un moyen de contrôle des recettes et du revenu de l'emprunteur, et permettent au prêteur d'influer sur la probabilité de recouvrement du prêt en manipulant les termes de l'échange sur d'autres marchés. Par exemple le négociant qui est aussi prêteur peut offrir de meilleurs prix pour des intrants modernes à son emprunteur, l'utilisation de ces intrants réduisant la probabilité de défaut de remboursement du prêt (Hoff et Stiglitz, 1990). Le coût élevé de la recherche d'informations et de l'instruction des dossiers limite souvent l'attribution de prêts aux membres d'une communauté géographiquement et socialement bien délimitée (un village ou un groupe de parentèle), dans lequel les transactions sont sanctionnées par la communauté. Ce type de comportement peut rendre compte de la forte segmentation des marchés du crédit rural.

6. La tontine typique regroupe 15 à 30 membres qui versent chaque semaine ou chaque mois une somme fixe à la caisse commune; l'argent est ensuite distribué parmi les membres de diverses manières déterminées au préalable.

7. « Une opération liée suppose que les deux parties commercent sur au moins deux marchés, sous réserve que les termes de l'échange, pour toutes les opérations, soient conjointement déterminés » (Bell, 1988).

L'analyse des marchés officieux montre que les perspectives de libéralisation des marchés financiers seront limitées si les causes fondamentales de la distorsion des marchés du crédit rural (à savoir l'asymétrie de l'information) ne sont pas convenablement traitées. Vu le rôle important des transactions mutuellement obligées sur le marché du crédit rural, l'action des pouvoirs publics sur d'autres marchés et les politiques de réduction du risque pourraient avoir des retombées bénéfiques. Par exemple l'attribution de titres fonciers, l'orientation accrue de la production agricole vers le marché, l'amélioration des infrastructures rurales et autres politiques de réduction du risque accroîtront la capacité d'absorption de crédit des emprunteurs ruraux et réduiront les contraintes d'information. La forte segmentation du marché du crédit rural est susceptible de favoriser des éléments monopolistiques. Les faits démontrent l'existence de tels éléments dans le comportement des prêteurs. Dans les cas où un crédit rural cher résulte de pratiques monopolistiques ou de la collusion des prêteurs locaux, il convient d'encourager l'entrée d'autres intermédiaires financiers.

Il faut conclure de ce qui précède que les institutions de crédit hautement spécialisées ne sont plus considérées comme le mécanisme de financement le plus approprié pour les zones rurales, et en particulier pour les ruraux pauvres. Les intermédiaires qui acceptent des dépôts d'épargne, telles les agences de banques locales, les coopératives et autres organisations rurales sont devenus de plus en plus populaires parmi les ruraux eux-mêmes et ont donné des résultats prometteurs. Il est communément admis qu'il devrait y avoir possibilité de choix entre les institutions offrant des services financiers, et que celles-ci devraient se faire concurrence et améliorer ainsi les services fournis à leurs clients. L'acceptabilité d'une institution par des clients en puissance devrait être le principal critère de choix pour les différents types d'intermédiaires financiers dans les zones rurales. Il importe tout particulièrement pour les pauvres des zones rurales de pouvoir s'adresser à des intermédiaires financiers informels et de constituer des liens opérationnels entre eux et les mécanismes financiers officiels.

9.6 Commercialisation

La structure des marchés ruraux influe sur l'incidence et la persistance de la pauvreté rurale, car elle contribue à gouverner la structure du commerce et les processus qui fixent les termes de l'échange. La structure du système de commercialisation des pays en développement est diversifiée et souvent complexe. Le système est caractérisé par les modalités de crédit, les moyens d'entreposage, de transport, et le rôle de toute une hiérarchie d'intermédiaires, par exemple petits et gros commerçants, coopératives et organismes d'Etat assurant des fonctions de négoce, de transformation, de distribution, et de vente en gros et au détail. L'une des caractéristiques communes à nombre de pays en développement est que les échanges réalisés, surtout par les pauvres, sont de volume relativement faible. Les ruraux pauvres prennent part à ces échanges en tant que producteurs de petites quantités de produits de rente ou d'excédents vivriers, comme acheteurs nets de vivres et autres produits de consommation de base, comme petits commerçants dans les zones de production de denrées vivrières de base, et comme travailleurs dans la production agricole, la transformation alimentaire et la distribution locale.

La faible envergure du marché accroît les coûts de commercialisation et de production ; les premiers en raison du manque d'informations, les seconds en raison du manque de spécialisation et de division du travail. En outre, lorsque le marché n'est pas structuré ou ne l'est qu'incomplètement, le petit commerçant, consommateur ou producteur, subit les contraintes des barrières protectionnistes, de l'insécurité des droits fonciers, et de la médiocre application de la législation. Pour pallier cela, il existe fréquemment des « formes organisationnelles » parallèles et des règles et conventions tacites qui viennent structurer les échanges.

Les interventions des Etats ont été très nombreuses dans le passé. Les outils utilisés ont été divers: mesures visant à améliorer l'infrastructure du marché, interventions sur les prix, création et soutien d'entreprises para-étatiques et de coopératives de commercialisation. Les avantages et les inconvénients de l'intervention directe des pouvoirs publics dans la commercialisation des produits agricoles sont indissociables du débat sur le rôle de l'Etat dans la vie économique, qui fait l'objet d'une attention de plus en plus critique dans le contexte des politiques d'ajustement structurel. Ce problème plus général est examiné au chapitre 7. Dans ce qui suit, il est traité essentiellement des effets des interventions des pouvoirs publics sur la commercialisation des produits agricoles pour les ruraux pauvres.

Amélioration de l'infrastructure commerciale: L'une des fonctions bien admises des politiques dans ce domaine consiste à offrir des moyens de commercialisation et des services d'appui, notamment: marchés de gros et de détail en zone urbaine et en zone rurale, marchés ruraux itinérants, ventes publiques, etc.; collecte, analyse, et diffusion d'informations commerciales sur les prix, les quantités, la qualité et l'état des cultures visant à accroître l'intégration des marchés et leur transparence; établissement de systèmes uniformes de classement par qualité et de poids et mesures; enfin, prestations de services de vulgarisation commerciale et de conseil aux agriculteurs: que cultiver, comment gérer les productions, et où les commercialiser. Ces services sont susceptibles d'avoir des retombées à long terme favorables pour les pauvres, en tant que consommateurs et petits agriculteurs, notamment en réduisant le coût des opérations et en abaissant les prix réels des vivres. Les interventions de l'Etat doivent-elles aller au-delà? Cela est sujet à controverse, notamment en matière de politiques de prix et de fourniture de services de commercialisation contrôlés par les pouvoirs publics.

Interventions sur les prix: Les interventions sur les prix peuvent prendre diverses formes et répondre à de multiples objectifs. La stabilisation des prix et/ou des revenus (deux choses différentes et souvent incompatibles) peut apporter des avantages certains aux pauvres, qui bénéficieront d'un climat plus sûr pour l'investissement, d'un meilleur accès au crédit et d'un assouplissement des contraintes à la consommation du ménage. Et même lorsque les plans de stabilisation sont appropriés et économiquement rationnels, il faut prendre grand soin de ne pas introduire des distorsions durables. Si les prix ne se conforment pas aux coûts d'opportunité à long terme représentés par les prix du marché mondial, la mauvaise affectation des ressources qui en résulte risque de compromettre gravement l'efficacité économique, la croissance et l'atténuation de la pauvreté8.

8. Des interventions sur les prix ont parfois été pratiquées pour transférer les ressources d'un secteur ou d'un groupe d'intérêts à un autre (par exemple sous la forme de plans panterritoriaux de fixation des prix, comme dans plusieurs pays africains, de soutien des revenus des producteurs de certaines denrées, ou d'une taxation des produits agricoles d'exportation, etc). Du point de vue de l'efficacité, d'autres formes d'interventions, comme les transferts forfaitaires ou la redistribution des moyens de production pourraient être plus judicieuses.

Offices de commercialisation: Dans le passé, on a souvent, à tort, accusé les négociants ruraux d'exercer un monopole et d'exploiter les petits agriculteurs, ce qui a incité à la creation des offices de commercialisation. En pratique pourtant, les négociants ruraux exercent souvent leurs activités avec une grande économie de frais généraux et de faibles marges, et il existe peu de preuves systématiques que les petits agriculteurs aient été lésés. Assurément, bien souvent les organismes para-étatiques agricoles n'ont pas donné de meilleurs résultats, et parfois ont été bien pires que les agents privés. Ces organismes ont souvent taxé indirectement les agriculteurs en absorbant une forte proportion du prix des produits qui passaient par leurs mains. Cela a découragé la production, et parfois poussé les agriculteurs à s'employer à contourner le secteur officiel au bénéfice du secteur non structuré, malgré les coûts supplémentaires que cela supposait.

Malgré ces déficiences, certains offices de commercialisation ont donné de bons résultats, en mettant à la disposition des petits agriculteurs les avantages que présentent les organisations commerciales de grande envergure - cela surtout dans les zones reculées (par exemple l'Office de commercialisation des céréales au Zimbabwe). Il est aussi des cas où les offices de commercialisation ont manifesté une bonne efficacité opérationnelle et une économie relative de moyens, mais en raison de politiques de prix inappropriées et de la multiplicité des objectifs imposés par les gouvernements, ils ont parfois accumulé de lourdes pertes qui ont grevé les budgets publics.

Coopératives: On mentionne souvent des avantages analogues d'économies d'échelle au crédit des entreprises coopératives. Les petits exploitants peuvent en effet bénéficier de ces économies pour la transformation, l'entreposage ou le transport d'une denrée donnée, notamment lorsque peu d'opérateurs privés sont en concurrence pour procurer ces services. L'intégration verticale est une solution attrayante pour le petit agriculteur qui produit des cultures de rente traditionnelles, ou du lait et des produits d'élevage, mais présente moins d'avantages pour le producteur de denrées vivrières nécessitant peu de transformations et ayant un marché local. Toutefois, les décisions concernant les prix doivent être prises en temps opportun et être judicieuses, tandis que la coordination des opérations de transformation, d'entreposage et de transport requiert une expérience considérable de la gestion. Il est souvent difficile de trouver les chefs de file offrant le profil voulu et maîtrisant bien les diverses disciplines de gestion qui doivent intervenir.

L'expérience a montré qu'il vaut mieux réduir qu'augmenter l'intervention des pouvoirs publics, même s'il convient de ne pas la supprimer totalement tant que la transition vers le secteur privé n'aura pas été achevée. La question critique est celle du passage en douceur d'une forme organisationnelle à une autre. Lorsqu'il y a grave perturbation des services, il est probable que ce seront les pauvres qui en subiront les effets les premiers et le plus lourdement. Dans le domaine de la commercialisation, le défi le plus difficile que devront relever les pays en développement sera d'éviter que les groupes vulnérables ne subissent les effets pervers des réformes, et de leur faire partager les bénéfices découlant d'une structure plus efficace des marchés.

9.7 Exemples d'interventions directes de lutte contre la pauvreté

Travaux publics ruraux

On a largement eu recours aux programmes publics d'emploi dans de nombreux pays en développement dans les cas de situation d'urgence, par exemple en période de sécheresse et de disette (et, plus récemment, dans des périodes de stabilisation et d'ajustement macro-économique), ainsi que lorsque se manifestent des phénomènes de grande ampleur mais transitoires de chômage et de sous-emploi dans le secteur rural. Toutefois, récemment, nombre de pays en développement ont systématisé ces grands projets, qui sont devenus des éléments classiques de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

L'expérience de l'Asie et de l'Afrique subsaharienne offre de bons exemples du mérite des programmes d'emplois publics pour atténuer les effets de la pauvreté en période de sécheresse et quand la famine menaçait, dans les années 80 (par exemple, au Botswana en 1983-85, en Inde en 1987). En Asie du Sud, les travaux publics ruraux (TPR) sont souvent la base des stratégies officielles de lutte contre la pauvreté, créant des emplois utiles pour beaucoup de ruraux au chômage ou sous-employés, et réduisant ainsi sensiblement la variabilité du revenu. En Amérique latine, de nombreux pays, comme la Bolivie, le Chili et le Pérou, ont eu recours à des programmes d'emplois publics pour compenser des baisses temporaires de demande de main-d'œuvre en période d'ajustement structurel ou de bouleversement macro-économique.

Outre qu'ils représentent une aide sociale considérable au bénéfice des pauvres, les programmes de TPR contribuent souvent à la croissance économique avec la création d'équipements comme routes, écoles et canaux. La rentabilité sociale et économique de ces équipements peut être renforcée en veillant à ce que les projets soient bien intégrés dans des plans existants de développement rural. La participation communautaire à la conception et à l'exécution des projets permet de choisir les réalisations d'intérêt prioritaire, d'éviter le gaspillage, et de promouvoir les méthodes à forte intensité de main-d'œuvre. Elle permet aussi de mieux entretenir les équipements une fois la phase de construction achevée, quoiqu'il faille aussi prévoir les crédits nécessaires à cet effet9.

Rares sont les estimations du rapport coût-efficacité des TPR, mais les simulations fondées sur les données indiennes dans la période 1980-2000 suggèrent que les programmes de TPR peuvent avoir une incidence plus grande pour les pauvres que les investissements dans l'irrigation, ou les programmes de distribution publique de vivres à des prix subventionnés (Narayana, Parikh et Srinivasan, 1988; Parikh et Srinivasan, 1989). Quoi qu'il en soit, il faut veiller soigneusement à bien cibler les ménages les plus pauvres si l'on cherche à atténuer la pauvreté. C'est ce qu'est parvenu à faire, au Maharashtra, le Programme de garantie de l'emploi, et au Bangladesh, le Programme vivres- contre-travail, la rémunération offerte par les projets étant inférieure à la rémunération du marché. En revanche, en Bolivie, le Fonds social d'urgence (FSU), conçu pour canaliser les fonds des donateurs et l'aide extérieure vers des projets locaux d'infrastructure exécutés par des entrepreneurs privés a permis d'embaucher aux salaires du marché, mais le ciblage s'en est ressenti. Moins de la moitié des travailleurs employés par ce programme provenaient de la tranche des 40 pour cent les plus pauvres des ménages boliviens (Banque mondiale, 1990).

9. On trouvera une analyse de l'expérience de la conservation des ressources de propriété commune par les villageois eux-mêmes dans les zones rurales de l'Inde du sud dans Wade (1987).

Interventions alimentaires et nutritionnelles

Etant donné que certains segments de la population pauvre (par exemple les personnes âgées et les handicapés, ainsi que certains groupes mentionnés précédemment) ne seront probablement pas en situation de bénéficier des interventions directes de lutte contre la pauvreté examinées jusqu'ici, des interventions spéciales visant à relever leurs revenus sont nécessaires. Les fluctuations imprévues des prix alimentaires peuvent aussi avoir des conséquences graves sur les disponibilités des pauvres, et notamment des travailleurs agricoles intermittents. C'est alors que se justifient fortement les interventions directes visant à améliorer l'accès de ceux-ci aux vivres, habituellement sous forme de subventions alimentaires10. La conception et l'exécution des programmes de subventionnement de vivres soulèvent de nombreuses controverses. Ces subventions peuvent prendre diverses formes (subventionnement général des denrées alimentaires, distribution de rations, bons d'alimentation, etc.) et il est souvent très difficile de choisir la forme appropriée. Aussi les effets directs sur le bien-être que peuvent avoir ces subventions peuvent-ils être très différents des effets indirects s'exerçant par l'intermédiaire d'autres marchés (Timmer, 1986). Les grandes catégories de politiques de subventionnement alimentaire sont résumées ci-après.

Programmes généraux de subventionnement des prix : Ils se caractérisent de façon générale par la fourniture de quantités illimitées de certaines denrées subventionnées à quiconque souhaite en acheter. La subvention peut représenter une fraction des coûts totaux de production, d'entreposage et de commercialisation. L'abattement de prix peut être effectué au point d'importation, ou à un point du processus de transformation, d'entreposage ou de vente. Ces programmes ont été largement appliqués dans les pays en développement car ils sont commodes du point de vue administratif, notamment lorsque les réseaux de distribution privés sont bien établis. Toutefois il ont aussi tendance à être coûteux, car ils bénéficient également aux non pauvres11. C'est pourquoi certains pays ont limité le subventionnement généralisé des vivres aux produits consommés de préférence par les pauvres, en Egypte par exemple, où les avantages du subventionnement de la farine non blutée s'exercent principalement dans les groupes à faible revenu, ou dans certaines régions géographiques, comme aux Philippines, où le riz et l'huile de cuisson sont distribués exclusivement dans certains villages pauvres, par des revendeurs locaux, à prix réduit. On estime que 84 pour cent du coût total des subventions bénéficient directement aux groupes cibles.

Programmes de distribution de rations : Une autre solution consiste à fournir des rations de vivres subventionnées à chaque ménage dont la situation le justifie, et à laisser le marché répondre au solde des besoins. Les programmes de distribution de rations ont pour objet d'assurer l'accès à un approvisionnement régulier en produits alimentaires de base à des prix « raisonnables ». Le transfert absolu par ration composée est le même pour tous les groupes de revenus. Aussi la distribution de rations a-t-elle tendance à être plus progressive que les subventions généralisées12. Toutefois, comme en ce qui concerne les subventions généralisées, les plans de distribution de rations ont une portée souvent limitée - surtout en zone rurale - car l'infrastructure et les réseaux de distribution nécessaires pour les appliquer font fréquemment défaut.

10. Toutefois, d'autres actions visant à améliorer l'aptitude des ménages à mieux utiliser les ressources disponibles peuvent aussi avoir des répercussions nutritionnelles sensibles : notamment l'éducation nutritionnelle, l'introduction de techniques appropriées, la généralisation de l'adduction d'eau et des installations d'hygiène, et l'expansion des approvisionnements ou le subventionnement des combustibles pour la cuisson des aliments.

11. Les coûts s'établissent entre moins de l pour cent du total des dépenses publiques en Colombie en 1978-80 et 10 à 17 pour cent en Egypte entre le milieu des années 70 et 1984. En Egypte, 20 pour cent seulement des sommes dépensées ont bénéficié au quartile le plus pauvre de la population (Banque mondiale, 1990).

12. L'expérience de Sri Lanka après 1978 indique qu'un plan de distribution ciblé de rations de riz intéressant la moitié la plus pauvre de la population a bénéficié aux groupes les plus démunis (le dernier quintile de la population) beaucoup plus que les programmes de subventionnement général du blé et du pain mis en oeuvre parallèlement. Une structure analogue de transfert a été constatée dans la distribution de céréales vivrières dans des boutiques « à juste prix » dans certains Etats de l'Inde. Au Kérala, en 1977, par exemple, la tranche de soixante pour cent la plus pauvre de la population a reçu 87 pour cent des céréales distribuées.

Dans certaines zones de l'Inde, comme dans d'autres pays, y compris le Bangladesh et le Pakistan, les consommateurs urbains bénéficient de façon disproportionnée de la distribution de rations, en dépit du fait que, comme il a déjà été noté, la pauvreté est un phénomène essentiellement rural en Asie du Sud.

Bons d'alimentation: Les bons d'alimentation s'apparentent à la distribution de rations, mais sont libellés en valeur monétaire plutôt qu'en poids ou volume de produits. En pratique, il y a des différences importantes dans leur mise en œuvre administrative. Les bons d'alimentation n'obligent pas l'administration à manipuler directement des produits physiques. En revanche, il faut que les détaillants acceptent cette monnaie parallèle et puissent la convertir commodément.

La pratique des programmes de bons d'alimentation à Sri Lanka et à la Jamaïque suggère que ceux-ci doivent être bien ciblés. A la Jamaïque, le ciblage a été obtenu en choisissant des groupes bien définis de personnes dans le besoin, par exemple les femmes enceintes ou allaitantes et les enfants de moins de 5 ans inscrits dans les dispensaires. Pourtant, même si le programme est de portée plus ambitieuse, comme c'était le cas à Sri Lanka, où les bons d'alimentation et de pétrole étaient distribués aux familles dont le revenu spontanément déclaré était inférieur à un certain seuil, la charge financière qu'il représente peut être considérablement inférieure à celle de la mise en œuvre d'un programme généralisé de distribution de rations, ou d'autres subventions alimentaires. Si les pressions inflationnistes ne peuvent être maîtrisées par des macro-politiques appropriées, la valeur des bons d'alimentation diminue rapidement, ce qui risque d'annuler leurs avantages pour les pauvres.

Inversement à ces deux expériences relativement réussies, les programmes mis en œuvre par la Colombie, l'Egypte, le Pérou et le Venezuela se sont heurtés à des difficultés en raison des problèmes d'acceptation des bons comme monnaie parallèle (Alderman, 1991). Dans leur ensemble, ces expériences font apparaître qu'en l'absence d'une bonne gestion macro-économique et d'un réseau commercial bien développé dans les zones rurales, l'application de ces mesures posera vraisemblablement des problèmes, avec une moindre efficacité pour les pauvres.

Programmes d'alimentation complémentaire: Ces programmes représentent une forme étroitement ciblée de distribution de rations ou de transferts en nature. Leur principal objectif est de réduire la sous-alimentation. Des vivres, subventionnés ou gratuits, sont distribués dans les écoles, les centres de nutrition et de santé, ou par le biais d'organisations communautaires pour consommation directe sur place, ou au foyer, ceci aux personnes considérées comme particulièrement vulnérables aux risques nutritionnels et de santé. Les bénéficiaires en sont généralement les enfants âgés de moins de 5 ans, les écoliers et les femmes enceintes ou allaitantes. On peut aussi cibler les bénéficiaires en pratiquant un suivi de la croissance et en fonction de la résidence ou du revenu, afin d'identifier les membres les plus nécessiteux de ces groupes. Les enfants plus âgés et les adultes peuvent ainsi être nourris dans de nombreuses situations d'urgence.

L'expérience acquise en Inde dans le cadre de deux programmes d'alimentation de complément a donné des enseignements précieux. Entrepris en 1975, le Programme de services intégrés pour le développement des enfants a vocation d'améliorer l'état sanitaire et nutritionnel des enfants âgés de 0 à 6 ans, en assurant simultanément une alimentation de complément, la vaccination et les soins médicaux curatifs aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitantes, ainsi qu'en fournissant une éducation sanitaire et nutritionnelle aux mères. Toutefois la fonction première de ce programme est de servir des repas. Les résultats en ont été mitigés, principalement en raison des difficultés pour cibler les bénéficiaires, d'un biais prononcé en faveur des villes, et pour d'autres motifs. En revanche, le projet intégré de nutrition au Tamil Nadu, entrepris en 1980, est ciblé géographiquement (sur les zones rurales de six districts présentant la plus faible consommation énergétique de l'Etat), axé sur un groupe d'âge (il se concentre exclusivement sur les enfants âgés de 6 à 36 mois), et sur les besoins (en fonction de l'accroissement pondéral sur une période donnée). Comme les enfants ne bénéficient du programme d'alimentation de complément qu'aussi longtemps que leur progression pondérale est inférieure à la norme, il s'agit là essentiellement d'une intervention de courte durée, qui s'efforce de ne pas générer une dépendance durable des bénéficiaires vis-à-vis de l'assistance publique.

Jardins domestiques et jardins communautaires : La culture de produits d'alimentation secondaires dans les jardins, domestiques ou communautaires, et l'élevage de petit bétail et de volaille ou l'aquaculture peuvent contribuer de façon importante à améliorer la sécurité alimentaire des ménages, en améliorant la consommation alimentaire, notamment en période de pénurie saisonnière. Cette solution permet aussi aux familles de se procurer un complément de revenus, avec la vente des excédents, en utilisant la main-d'œuvre familiale disponible.


Page précédente Début de page Page suivante