COVER
Agriculture mondiale: Horizon 2010



TABLE DES MATIÈRES

Agriculture mondiale:
Horizon 2010,
étude de la FAO

sous la direction de
Nikos ALEXANDRATOS

CE TITRE EST DISPONIBLE

En anglais :Alexandratos, N.(ed.) World Agriculture : Towards 2010, an FAO Study J. WILEY and Son, Chichester GB et FAO Rome, 1995
En espagnol :Alexandratos, N.(ed.), Agriculture Mundial : Hacia el año 2010, Estudio de la FAO MUNDI PRENSA LIBROS, Madrid et FAO Rome, 1995

Avertissement concernant les termes géographiques

«Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites».

Avertissement concernant les données statistiques :

«Les expressions “pays développés” et “pays en développement” sont utilisées pour des raisons de commodité statistique et n'expriment pas nécessairement un jugement quant au niveau de développement atteint par tel ou tel pays, territoire ou zone».

Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
© FAO - 1995

FAO - I - Rome
ISBN 92-5-203590-7

POLYTECHNICA
15, rue Lacépède F. 75005 Paris
ISBN 2-84054-034-7


Les liens hypertextes vers d'autres sites de l'Internet ne signifient nullement que l'Organisation approuve officiellement les opinions, id�es, donn�es ou produits qui y sont pr�sent�s, qu'elle en assume la responsabilit� ou qu'elle garantit la validit� des informations qui s'y trouvent. Leur seul objectif est d'indiquer o� trouver un compl�ment d'informations sur des th�mes apparent�s.

TABLE DES MATIÈRES

Notes explicatives

Contributions

Préface

Avant-propos

Chapitre 1
Vue d'ensemble

Chapitre 2
Grands thèmes de l'alimentation et de l'agriculture mondiales au début des années 90

Chapitre 3
L'alimentation et l'agriculture mondiales. Perspectives à l'horizon 2010

Chapitre 4
Croissance de la production agricole dans les pays en développement

Chapitre 5
Forêts

Chapitre 6
Pêches

Chapitre 7
Le développement agricole dans le contexte économique global : approches des politiques et stratégies

Chapitre 8
Commerce international

Chapitre 9
Agriculture et pauvreté rurale

Chapitre 10
Le développement des ressources humaines en agriculture : problèmes des pays en développement

Chapitre 11
Pressions de l'agriculture sur l'environnement

Chapitre 12
Les bases technologiques d'un développement agricole durable

Chapitre 13
Optimiser les arbitrages entre environnement et développement de l'agriculture

Annexes

1. Classification des pays et des produits

2. Analyse quantitative et projections : la méthodologie

3. Tableaux statistiques

Tableau A.1 - Population totale et population économiquement active dans l'agriculture

Tableau A.1 bis - Projections de la population des évaluations démographiques ONU de 1990, 1992 et 1994

Tableau A.2 - Disponibilités alimentaires par habitant destinées à la consommation humaine directe

Tableau A.2bis - Données révisées et plus récentes des disponibilités alimentaires par habitant destinées à la consommation humaine directe, par groupes des pays

Tableau A.3 - Données sur le secteur céréalier (toutes céréales, y compris riz sous forme usinée)

Tableau A.4.1 - Blé : superficie, rendement et production

Tableau A.4.2 - Riz (paddy) : superficie, rendement et production

Tableau A.4.3 - Maïs : superficie, rendement et production

Tableau A.4.4 - Orge : superficie, rendement et production

Tableau A.4.5 - Millet : superficie, rendement et production

Tableau A.4.6 - Sorgho : superficie, rendement et production

Tableau A.5 - Terres à potentiel de production agricole: 91 pays en développement

Bibliographie

NOTES EXPLICATIVES

Symboles et unités
hahectare
kgkilogramme
$dollar E.-U.
calorieskilocalories (kcal)
Périodes
1990année civile
1988/90moyenne des trois années centrées sur 1989, sauf indication contraire
1970-90période allant de 1970 à 1990
1988/90-2010période allant de la moyenne triennale 1989/90 à 2010

Taux de croissance

Les taux de croissance annuels du passé sont calculés à partir de toutes les données annuelles de la période à l'aide de la méthode des moindres carrés. Pour les périodes de projection, les taux de croissance annuels sont des taux de croissance composés calculés à partir des valeurs du début et de la fin de la période.

Pays et groupes de pays

Voir en annexe la liste des pays et les groupes standard de pays utilisés dans ce rapport. Dans le texte, les termes «Pays à économie anciennement planifiée» (ex-ECP) et «Europe orientale et ex-URSS» sont utilisés pour parler des pays qui étaient auparavant classés dans le groupe «Europe orientale et URSS». Données et projections sont présentées pour l'ensemble de ces pays et, en annexe, pour chaque pays sous son ancien nom parce que les données disponibles pour les nouveaux pays au moment de la préparation de cette étude (1992) étaient insuffisantes pour permettre une analyse systématique. Le terme «tous les autres (ou les autres) pays développés» se rapporte aux pays précédemment dénommés «Economies de marché développées», et comprend tous les pays développés figurant en annexe, à l'exception du groupe «Pays à économie anciennement planifiée».

Définitions des terres

La superficie (ou terre) arable est la superficie physique consacrée aux cultures annuelles ou pérennes. Il se peut que dans une année donnée quelconque une partie de cette superficie ne soit pas récoltée (jachère) ou le soit plusieurs fois (récoltes multiples). La superficie effectivement récoltée ou moissonnée au cours d'une année quelconque est la superficie récoltée. Celleci, exprimée en pourcentage de la superficie arable, donne l'intensité de culture. Les terres à potentiel de production agricole se composent de toutes les terres actuellement ou potentiellement arables, c'est-à-dire qui, une fois mises en valeur, conviennent aux cultures pluviales (voir chapitre 4).

Sources de données

Sauf indication contraire, toutes les données sont tirées de sources de la FAO.

CONTRIBUTIONS

Ce livre est le produit du travail commun de tous les services techniques de la FAO, ainsi que de la collaboration de personnes extérieures à l'Organisation. Il a été preparé par une équipe sous la direction de N. Alexandratos et la supervision générale de W.H. Hjort, Vice-Directeur Général de la FAO. J. Bruinsma était le membre le plus ancien de l'équipe après le directeur de celle-ci. A. Gürkan, D. Brooks et J. Schmidhuber étaient membres de l'équipe, chacun pendant la moitié environ de la période de travail. M.G. Ottaviani était responsable de la préparation et de l'élaboration des données.

Les autres collaborateurs qui ont coordonné les contributions de divers services techniques de la FAO et ont préparé les chapitres correspondants, ou ont contribué à leur préparation sont les suivants : T. Aldington et P. Turnbull pour les contributions en matière d'agronomie et de ressources naturelles dans l'analyse de la production végétale et animale du chapitre 4 et, à un moindre degré, des chapitres 11 à 13 ; Ph. Wardle (Chapitre 5) ; B. Dada (Chapitre 6) ; K. Stamoulis (principal auteur du chapitre 7); J. Greenfield avec M. de Nigris (ont coordonné les contributions sur les analyses de produits de base et la préparation du Chapitre 8); J. Dey (Chapitre 9); et T. Contado (Chapitre 10). La Division des politiques alimentaires et de la nutrition a contribué à l'évaluation des projections de la demande alimentaire et, avec la Division des statistiques (L. Naiken), a préparé les estimations de l'incidence de la sous-alimentation chronique, sur la base de travaux antérieurs pour la Conférence Internationale sur la Nutrition de 1992. Plusieurs autres personnes de toutes les services techniques de la FAO ont collaboré à divers aspects de l'étude.

N. Alexandratos a rédigé l'Avant-propos et les chapitres 1 à 3, supervisé la préparation de tous les chapitres, écrit ou réécrit en partie plusieurs chapitres et révisé l'ensemble du texte. J. Bruinsma a contribué à la préparation de presque tous les chapitres et réécrit entièrement le chapitre 4 lors de la révision. J. Schmidhuber a effectué des recherches sur certains sujets, en particulier pour le chapitre 8.

Les chapitres 11 à 13 ont été rédigés pour l'essentiel par D. Norse (Overseas Development Institute, Londres). Les autres participants extérieurs à la FAO étaient R. Gaiha et T. Young (chapitre 9) et F. Christy (chapitre 6). S. Johnson, W. Meyers et K. Frohberg ont collaboré aux projections pour les pays développés. Günther Fischer (International Institute of Applied Systems Analysis) et H. van Velthuizen, en liaison avec R. Brinkman (FAO), ont produit les estimations révisées du potentiel agricole des terres des pays en développement et établi les cartes du chapitre 4. L'assistance statistique a été fournie par I. Reyes. M. Brand-Roberti et P. Mascianà étaient chargées du secrétariat et de la préparation des manuscrits.

PREFACE

DU DIRECTEUR GENERAL

« Agriculture mondiale : Horizon 2010 » : description et objet

Ce rapport met à jour, développe et étend à l'an 2010 l'étude de la FAO « Agriculture mondiale : Horizon 2000 », dont la dernière édition a été publiée en 1987. Il évalue les perspectives de l'alimentation et de l'agriculture dans le monde - y compris celles des pêches et de la foresterie - d'ici 2010.

Les deux thèmes les plus importants qui sous-tendent cette étude - et qui sont aussi au cœur des activités de la FAO - concernent les perspectives de renforcement de la sécurité alimentaire et de la nutrition et l'amélioration de la durabilité du développement agricole et rural. Ces mêmes thèmes étaient le sujet central des deux principales conférences internationales de 1992 : la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement et la Conférence internationale sur la nutrition organisée par la FAO et l'OMS. Ces deux conférences ont fourni des orientations importantes pour préparer la présente étude, de même que la Conférence sur l'agriculture durable et le développement rural qui a eu lieu à Bois-le-Duc en 1991.

Pour déterminer la mesure dans laquelle la sécurité alimentaire et la durabilité de l'agriculture sont appelées à progresser, il a fallu analyser en détail de nombreuses questions connexes ; il s'agit aussi bien des facteurs ayant une incidence sur la pauvreté rurale et sur le développement des ressources humaines, que de ceux liés aux conditions de l'économie générale et des échanges internationaux, et à l'état actuel et futur des ressources et de la technologie agricoles. Cette analyse a permis notamment de constater que le développement de la production vivrière des pays à faible revenu qui dépendent essen tiellement de l'agriculture est, par excellence, le facteur qui détermine la réussite ou l'échec des mesures visant à améliorer la sécurité alimentaire. Pour faciliter cette analyse, on a largement utilisé l'expérience et les connaissances de la FAO dans toutes les disciplines pertinentes - des plus générales d'ordre socio-économique aux plus spécialisées et aux plus techniques - ainsi que sa connaissance étendue des situations et des politiques locales, nationales et internationales.

Les conclusions de cette étude visent à décrire le futur tel qu'il sera probablement, et non pas tel qu'il devrait être, et ne cherchent pas à occulter les problèmes et les enjeux. De ce fait, elles ne doivent pas être considérées comme représentant les objectifs d'une stratégie de la FAO. On peut donc espérer que ces conclusions contribueront à faire prendre davantage conscience de ce qu'il faut faire pour affronter les problèmes - qu'il s'agisse de ceux qui existent déjà et qui persisteront probablement ou des nouveaux problèmes qui pourraient surgir - à guider les politiques aux niveaux national et international, et à déterminer des priorités pour les années à venir.

Une légère amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition en perspective

On a déjà enregistré, au niveau mondial, une certaine amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition. L'augmentation substantielle des disponibilités alimentaires par habitant au niveau planétaire et dans de nombreux pays en développement qui représentent un pourcentage important de la population du monde en développement le démontrent. Toutefois, comme l'avait prédit l'édition de 1987, les progrès ont été lents et inégaux. En effet, de nombreux pays et groupes de population n'ont pas fait de progrès sensibles et quelques-uns ont même vu régresser leur sécurité alimentaire et leur situation nutritionnelle déjà précaires. Ainsi, l'humanité est encore confrontée à la dure réalité de la malnutrition chronique qui touche quelque 800 millions de personnes, c'est-à-dire 20 pour cent de la population des pays en développement, jusqu'à 37 pour cent en Afrique subsaharienne et davantage encore dans quelques pays. Ainsi, l'idée selon laquelle l'humanité aurait pu s'affranchir de la faim et de la malnutrition avant la fin du siècle s'est, hélas, révélée par trop optimiste.

Il ressort de la présente étude que, selon toute vraisemblance, les progrès continueront malheureusement d'être inégaux après la fin de ce siècle. Mais l'étude annonce aussi pour l'an 2010 un renforcement sensible de la sécurité alimentaire et de la nutrition, qui sera principalement dû à l'augmentation de la production intérieure mais aussi à un nouvel accroissement des importations de vivres. Les pays exportateurs de produits alimentaires ne devraient d'ailleurs pas avoir de difficultés majeures à fournir les importations additionnelles envisagées, surtout si, comme on le prévoit, les pays développés à économie anciennement planifiée diminuent sensiblement leurs importations de vivres et se transforment même en de modestes exportateurs nets. Un certain nombre de pays en développement continueront cependant à se heurter à de graves contraintes de change et de logistique.

Pour l'an 2010, on peut compter sur une augmentation des disponibilités alimentaires par habitant et sur une nouvelle réduction de l'incidence de la malnutrition dans la plupart des régions en développement. Cependant, certaines régions de l'Asie du Sud, de l'Amérique latine et des Caraïbes, seront sans doute encore dans une situation plutôt précaire et il est probable que, à moins d'une action concertée, une grande partie de l'Afrique subsaharienne ne connaisse pas de progrès sensible par rapport à sa situation actuelle. C'est pourquoi le monde doit unir ses efforts pour continuer à intervenir afin de faire face aux conséquences des crises alimentaires locales et d'éliminer définitivement leurs causes premières. Seule une amélioration significative du développement général des pays retardataires - la priorité étant donnée à l'atténuation de la pauvreté - libèrera le monde des problèmes d'insécurité alimentaire les plus urgents. Les progrès que l'on réalisera dépendent de nombreux facteurs. Toutefois, l'expérience démontre largement que l'agriculture joue un rôle déterminant dans le développement général, surtout dans les pays où une grande partie de la population dépend de ce secteur pour l'emploi et le revenu.

Des pressions continueront de s'exercer sur les ressources agricoles et l'environnement

En ce qui concerne le développement durable de l'agriculture, l'étude confronte la plus récente évaluation des ressources agricoles des pays du tiers monde, la façon dont celles-ci sont utilisées aujourd'hui et celles dont on pourra disposer pour satisfaire les besoins futurs. Elle fait de même pour les secteurs des forêts et des pêches. L'étude fournit aussi une évaluation de l'étendue et de l'intensité possibles de l'utilisation des ressources sur les 20 prochaines années. Elle conclut que la pression sur les ressources, y compris celles qui sont associées à la dégradation de l'environnement, est appelée à s'accentuer.

Ce sont surtout les pressions dérivant de l'aggravation de la pauvreté rurale qui mettront la durabilité en péril, du fait qu'un nombre croissant de personnes tenteront d'assurer leur subsistance en puisant sur des ressources qui diminuent. Lorsque cela se produit dans un environnement où les ressources sont médiocres et limitées et lorsque les circonstances se prêtent mal à l'introduction de technologies et de pratiques durables, un cercle vicieux de pauvreté et de dégradation des ressources risque d'autant plus de s'installer. Les pressions sur l'environnement liées à la pauvreté ne sont toutefois qu'un aspect du problème. Les pratiques culturales, les habitudes et les politiques de consommation des riches jouent aussi un rôle. On ne pourra atténuer ce type de pressions sur l'environnement qu'en modifiant les politiques existantes : il faudra notamment cesser d'encourager les pratiques nocives pour l'environnement et même introduire des mesures dissuasives afin de les combattre. Ce processus est d'ailleurs déjà en cours.

Mais la dégradation de l'environnement liée à la pauvreté ne s'atténuera probablement pas tant que les efforts réalisés pour réduire la pauvreté n'auront pas suffisamment progressé pour permettre aux populations et aux pays de réduire sensiblement leur dépendance à l'égard de l'exploitation des ressources agricoles. La préoccupation centrale sera donc d'arriver à assurer la transition entre un monde à croissance démographique rapide et dans lequel de nombreuses personnes souffrent de malnutrition chronique, et un monde à croissance démographique lente ou très lente, libéré de la malnutrition chronique et où les pressions sur les ressources et sur l'environnement seront réduites au minimum. On peut améliorer considérablement la situation en ce sens et l'étude explore toute une série d'orientations politiques, technologiques et autres. Si ces améliorations sont mises en place, on devrait parvenir à alléger les pressions sur les ressources agricoles mondiales à long terme et à réduire au minimum l'accentuation des pressions sur l'environnement qui dérivent de l'agriculture.

Je crois utile d'insister, en conclusion, sur la nécessité de développer la production vivrière dans les pays les plus pauvres qui sont hautement tributaires de l'agriculture pour la création d'emplois et de revenus. Il s'agit, en effet, d'une composante essentielle et prioritaire de toute stratégie visant à améliorer la sécurité alimentaire, et les programmes de la FAO seront désormais réorientés dans ce sens.

Jacques Diouf

AVANT-PROPOS

Le présent livre est une version révisée et un peu plus développée du document officiel de la FAO du même titre qui avait été rédigé à la fin de 1992 et au début de 1993 à l'intention de la vingt-septième session de la Conférence de la FAO (novembre 1993). La FAO y présente son évaluation la plus récente des perspectives de développement du secteur alimentaire et agricole mondial - cultures, élevage, forêts, pêches. Il ne se limite pas à de simples projections mécaniques de l'offre et de la demande; il est le produit d'un effort multidisciplinaire touchant aussi bien les aspects techniques et socio-économiques que les problèmes de politique générale. Les thèmes centraux sont la sécurité alimentaire, les ressources naturelles et la durabilité. C'est l'évaluation la plus complète du potentiel agricole des ressources en terres des pays en développement qui ait jamais été tentée.

La période envisagée est celle qui va jusqu'à l'an 2010 (pour la plupart des variables, on a projeté l'évolution entre la moyenne triennale 1988/90 et 2010). L'évaluation porte tout d'abord sur un certain nombre de variables fondamentales telles que les disponibilités alimentaires par habitant, la nutrition, l'évolution des excédents ou des déficits alimentaires dans les différentes régions et les moyens de les compenser, les progrès futurs des rendements agricoles, le taux d'exploitation des ressources naturelles par l'agriculture, etc. Les valeurs futures de ces variables fournissent une base pour s'interroger sur la mesure dans laquelle le monde s'approche ou s'éloigne de la solution des problèmes les plus graves liés à l'alimentation et à l'agriculture, à savoir l'insécurité alimentaire dans laquelle vit une partie importante de l'humanité, les menaces qui pèsent sur l'environnement et les échecs des pays à bas revenu qui dépendent de l'agriculture pour leur développement.

L'évolution future des variables fondamentales est abordée en principe dans une perspective « positiviste », c'est-à-dire que l'on a décrit ce qui a des chances de se produire et non ce qui, dans une perspective normative, serait souhaitable. On aboutit ainsi à la conclusion que la sousalimentation ne disparaîtra probablement pas. Les perspectives présentées principalement aux Chapitres 3 à 6 ne sont donc pas les objectifs de la stratégie de la FAO, mais elles peuvent aider à déterminer ce qu'il faut faire pour résoudre les problèmes nouveaux ou anciens. Les grandes lignes d'action possible sont présentées dans les autres chapitres. Il aurait été inuitle de construire un scénario normatif prévoyant la solution de tous les problèmes au cours des prochaines annéees ou tel autre taux déterminé de progrès, parce que ce scénario aurait été basé sur des hypothèses dont certaines seraient évidemment très irréalistes. Diverses contraintes incontournables empêcheront probablement d'atteindre les objectifs souhaités. Ainsi il est presque certain que les taux de croissance démographique seront « trop élevés », que le rythme du développement sera « trop lent » dans beaucoup de pays à bas revenu où la sécurité alimentaire est très problématique et que, dans un grand nombre de ces pays, la croissance de l'agriculture ne pourra pas atteindre les taux « nécessaires » (par exemple plus de 4,0 pour cent par an).

Le champ de l'enquête est très large : il s'étend de questions relevant des sciences naturelles (biotechnologies, interactions entre érosion et productivité des cultures) aux aspects socioéconomiques et politiques qu'il faut étudier pour comprendre pourquoi la faim persiste au milieu d'une abondance relative. Il est impossible de traiter toutes les questions en profondeur; certains experts regretteront peut-être que leurs sujets aient été ignorés ou à peine évoqués. La longueur de ce livre montre que l'on s'est efforcé d'être aussi exhaustif que possible. Bien entendu, l'existence de données complètes et comparables a été un des critères importants du choix des questions à prendre en considération ou à traiter en profondeur. Il fallait être sélectif et trouver un compromis entre ce qui était souhaitable et ce qui était possible. Outre la disponibilité des données et la nécessité de ne pas se laisser dépasser par l'énormité de la tâche, les principaux critères de choix ont été : a) l'importance des divers problèmes du point de vue mondial, et b) la mesure dans laquelle il était raisonnable d'étudier ces questions dans la perspective de 20 ans adoptée pour la présente étude.

Une perspective de 20 ans est-elle valable ?

Une tranche de temps de 20 ans est peut-être trop longue pour l'étude de certains phénomènes, et surtout s'il s'agit d'esquisser de façon raisonnablement fiable l'évolution future des grandes variables exogènes qui influent sur le monde agricole, par exemple le devenir de l'endettement ou le succès des programmes d'ajustement structurel en cours dans beaucoup de pays, et en particulier de leurs volets agricoles. Ces deux facteurs conditionnent les possibilités de relancer la croissance de façon durable dans ces pays ainsi que le potentiel d'investissement public dans l'agriculture. La situation est encore compliquée par les incertitudes qui pèsent sur le calendrier des réformes dans les ex-économies centralement planifiées : quand peut-on espérer que la régression économique prendra fin et que la croissance reprendra? Il est évident que l'évolution dans ce groupe de pays peut avoir une influence décisive sur les marchés mondiaux des produits agricoles (ces pays resteront-ils de gros importateurs nets de céréales? leur demande de produits tropicaux augmentera-t-elle rapidement, restera-t-elle stationnaire, ou continuera-t-elle à progresser lentement?). Rappelons que les postulats et prévisions relatifs aux perspectives de développement des différents pays utilisés ici pour définir l'évolution probable du secteur alimentaire et agricole n'ont pas été élaborés spécifiquement pour la présente étude, mais sont tirés des travaux d'autres organisations. Ces prévisions ne portent normalement pas sur des périodes supérieures à dix ans, du moins pas celles qui ont la ventilation nécessaire par pays ou groupe de pays. Les scénarios exogènes du développement économique d'ensemble utilisés pour les projections sont présentés au Chapitre 3.

Pour en revenir à la validité d'une perspective de 20 ans, on observera que cette durée est peut-être trop brève pour l'étude de problèmes qui depuis quelques années tiennent la vedette dans le débat sur le développement: environnement, durabilité, dégradation des ressources naturelles, changement du climat, capacité de la terre à supporter à long terme une charge démographique croissante, etc. Mais une durée de 20 ans est probablement ce qui convient pour étudier l'évolution possible de plusieurs des variables les plus pertinentes pour les techniques agricoles, à savoir le taux de diffusion des techniques améliorées ou les variations de l'environnement naturel du secteur agricole, par exemple l'expansion de l'irrigation. Cette durée correspond aussi à peu près au temps qu'il faut pour améliorer sensiblement le capital humain disponible pour l'agriculture, par exemple par l'éducation et la formation. Or, le taux d'adoption des nouvelles techniques permettant d'accroître la productivité agricole et d'appliquer des méthodes plus durables ainsi que les investissements dans les équipements et dans le capital humain (qui permettront de réaliser le potentiel) dépendent de façon décisive du développement d'ensemble de l'économie, de la société, des politiques et des institutions. Si donc, on peut être assez crédible en ce qui concerne l'évolution possible des techniques et des ressources au cours d'une période de 20 ans ; cette crédibilité est tempérée quand on envisage l'effet de ces progrès sur la performance du secteur alimentaire et agricole et sur la durabilité. C'est là une réserve importante à ne pas perdre de vue en interprétant les conclusions de l'étude.

Choix des grands thèmes à étudier

Idéalement, pour évaluer les perspectives de l'alimentation et de l'agriculture sur 20 ans, on devrait examiner un nombre considérable de problèmes interdépendants. L'importance relative de chacun de ces problèmes ou groupes de problèmes varie beaucoup selon le point de vue de l'observateur. Dans les pays en développement, les objectifs dominants sont de réduire la sousalimentation, d'améliorer la sécurité alimentaire, de combattre la pauvreté rurale et d'assurer la croissance de l'agriculture à un rythme et selon des modalités propres à favoriser le développement d'ensemble. Dans les pays développés, on se soucie principalement de gérer la transition de l'agriculture vers une croissance moins rapide et plus sensible aux forces du marché, tout en réduisant le coût de la politique agricole et en protégeant les revenus des agriculteurs ainsi que les moyens de subsistance et les modes de vie des communautés rurales. Le débat animé au sujet du régime de commerce des produits agricole est une éclatante manifestation de l'importance de ces problèmes pour la majorité des pays industrialisés en même temps qu'une expression des préoccupations économiques plus classiques des principaux pays exportateurs (parts de marché, etc.).

Pour les pays à économie anciennement planifiée (ex-ECP), la principale préoccupation à court et à moyen termes est le passage à l'économie de marché: réforme des régimes fonciers, réduction des effectifs pléthoriques avec toutes les précautions voulues pour réduire les retombées sociales de la réforme des grandes entreprises socialisées polyvalentes. Dans l'immédiat, l'objectif est d'assurer le ravitaillement des consommateurs à des prix abordables et de remettre en état les filières en aval de la production agricole (transport, stockage, transformation, distribution). A plus long terme, les principales questions concernent le rôle que devra jouer l'agriculture après la réforme quand l'économie de marché sera établie. Dans ces pays, les effets douloureux « normaux » de l'ajustement agricole que nécessite le passage à une économie industrielle évoluée sont multipliés par le processus de réforme systémique. Les politiques adoptées pour faire face à ce problème détermineront probablement la configuration future du secteur agricole. On ne peut guère compter sur l'expérience pour indiquer le rôle que doit jouer l'agriculture dans une économie de marché: dans la grande majorité des pays développés, ce secteur est loin d'être soumis aux forces du marché, malgré les réformes récentes qui tendent à le libéraliser. Ces réformes et leurs effets sur le régime du commerce international exercent une forte influence sur l'environnement extérieur dans lequel se situe le secteur agricole des ex-ECP au moment où il s'ouvre aux forces du marché, et probablement à l'influence du commerce international.

Un problème commun à tous les groupes de pays est celui de l'utilisation des ressources agricoles et autres ressources naturelles pour le développement, et les relations entre cette utilisation et l'objectif de durabilité à long terme de l'économie et des sociétés. Même s'il s'agit là de problèmes universels, leurs manifestations sont très diverses selon les nations et les sociétés; bien plus, chacune leur affecte une importance très différente dans la hiérarchie des objectifs de développement prioritaires. La diversité des conditions écologiques et socio-économiques dans le monde est telle que ces questions s'imbriquent dans une mosaïque complexe qui défie toute généralisation.

Beaucoup de ces questions et bien d'autres encore sont traitées dans la présente étude de façon plus ou moins approfondie, parfois sur la base d'une analyse quantitative complète, par exemple l'évolution de la consommation alimentaire et de la nutrition, parfois d'un point de vue plus qualitatif, par exemple les principes qui pourraient ou devraient orienter les politiques agricoles à l'avenir. Mais comme l'étude porte sur le monde entier, on a voulu avant tout donner aux lecteurs des indications utiles sur les quelques problèmes alimentaires et agricoles d'ampleur véritablement mondiale. Deux d'entre eux peuvent être considérés comme primordiaux : a) la persistance de la sous-alimentation et de l'insécurité alimentaire pour de vastes groupes de population dans les pays en développement, et b) la pénurie et la dégradation croissantes des ressources agricoles et autres ressources naturelles, et les relations entre cette pénurie et les besoins (aliments et revenus) d'une population mondiale croissante. Cette derniêre question est d'autant plus importante que le problème ne tient pas seulement à la nécessité de produire davantage de nourriture mais aussi au fait qu'une bonne partie du sucroît de population continuera à dépendre de l'exploitation de ressources agricoles, souvent de qualité médiocre, accroissant ainsi les pressions qui s'exercent sur ces ressources ainsi que le risque d'exploitation non durable.

Structure du livre

Le Chapitre l récapitule de façon assez détaillée les grandes lignes et les conclusions de l'étude. Le Chapitre 2 est consacré aux deux grands thèmes définis ci-desus. Il commence par faire un bilan de l'évolution passée et évaluer les succès et les échecs des efforts qui ont été faits pour améliorer la sécurité alimentaire. Il présente ensuite les questions concernant les ressources naturelles et la durabilité qui sont le plus pertinentes pour analyser les perspectives en matière de sécurité alimentaire et de développement agricole. Comme dans le reste du volume, on a cherché à montrer dans quelle mesure la variation des principales variables à l'échelle mondiale (par exemple production par habitant, pénuries de ressources naturelles) influe sur les perspectives de progrès dans les pays et les groupes de population menacés par l'insécurité alimentaire. On ne trouvera pas dans ce chapitre une présentation systématique ni une analyse de l'évolution de toutes les variables non plus qu'un compte rendu complet de toutes les questions intéressant le complexe ressources naturelles/durabilité/environnement/développement/sécurité alimentaire; ces questions sont traitées dans plusieurs autres chapitres, comme il est indiqué ci-après.

Les Chapitres 3 et 4 présentent les projections chiffrées de la production végétale et de la production animale à l'horizon 2010. Le Chapitre 3 présente le niveau probable que pourraient atteindre en l'an 2010 la production, la consomation et la balance commerciale des principaux produits dans les grandes régions du monde et en dégage les conséquences pour la sécurité alimentaire, en s'attachant plus particulièrement à la situation dans les pays en développement. Les perspectives pour les pays développés sont également présentées, mais de façon moins détaillée et principalement du point de vue de ce qu'elles impliquent pour les pays en développement dans un monde où les pays et régions sont de plus plus interdépendants dans le domaine alimentaire et agricole. Le traitement moins détaillé des pays développés est dans l'ensemble suffisant pour esquisser les grandes tendances probables de leur agriculture pendant la période étudiée. Mais le lecteur ne trouvera ici que de brèves allusions à certaines des principales questions de politique agricole intéressant les pays développés, par exemple le coût budgétaire des politiques agricoles et les revenus agricoles. Ces questions sont traitées dans une étude antérieure de la FAO sur l'agriculture européenne (Alexandratos, 1991). Le Chapitre 3 s'achève sur l'étude des équilibres entre les disponibilités alimentaires et la population et des problèmes de durabilité à long terme (au-delà de 2010). Il ne s'agit pas d'étendre les projections au-delà de l'an 2010, mais de donner un cadre pour la réflexion.

Le Chapitre 4 porte exclusivement sur les pays en développement. On a cherché à chiffrer autant que possible et à examiner les principales variables techniques sur lesquelles se fondent les projections de la production agricole, à savoir : utilisation des terres, irrigation, rendements, utilisation d'intrants, etc. Pour des raisons expliquées dans le texte, il a été impossible d'inclure la Chine dans l'analyse. Cette analyse n'a pas non plus été faite pour les pays développés, essentiellement parce que l'on a jugé que les ressources naturelles et les technologies ne seraient pas dans ces pays à l'origine de contraintes susceptibles de les empêcher d'accroître leur production (pour approvisionner leurs propres marchés et pour accroître leurs excédents exportables vers les pays en développement) à des rythmes probablement très lents et d'une façon générale plus lents que dans le passé. Non que cette question ne soit pas importante. Elle l'est au contraire au plus haut point, tant pour les pays développés eux-mêmes que pour ceux des pays en développement qui dépendent ou pourraient dépendre considérablement de leurs échanges de produits agricoles avec les pays développés ou avec le reste du monde. Mais pour étudier la question des ressources naturelles, des technologies et de la durabilité dans les pays développés, il aurait fallu rogner sur le travail consacré aux pays en développement. Pour ce dernier, on a utilisé les résultats de l'évaluation agro-écologique par la FAO des ressources en terres des pays en développement.

Les Chapitres 5 et 6 sont consacrés respectivement aux forêts et aux pêches. L'étude de l'avenir du secteur alimentaire et agricole, surtout si elle est axée sur les problèmes de la sécurité alimentaire, des ressources naturelles et de la durabilité, ne saurait être complète sans que ces deux secteurs ne soient traités. Forêts et agriculture sont en concurrence pour l'utilisation des terres dans beaucoup de pays, et en particulier dans ceux où la population qui vit de l'agriculture augmente encore. L'expansion de l'agriculture est la principale cause de la déforestation et elle continuera à exercer des pressions à l'avenir. Les projections de l'expansion des terres agricoles, et les estimations des superficies aptes à l'agriculture qui sont occupées par des forêts (Chapitre 4), fournissent des éléments utiles pour déterminer le risque que la déforestation se poursuive.

Les aliments tirés de la mer et des eaux intérieures sont dans beaucoup de pays une composante importante des disponibilités alimentaires, et surtout des disponibilités de protéines animales dans les pays à bas revenu. Le secteur de la pêche est un exemple éclatant d'activité de production alimentaire basée sur les ressources naturelles où, à l'échelle mondiale, il ne reste plus de marge pour accroître la production (il est même douteux qu'elle puisse être maintenue au niveau actuel). Les activités forestières et halieutiques dépendent les unes et les autres de ressources naturelles soumises à divers degrés à un régime de propriété commune ou d'accès libre : c'est là un facteur important pour analyser la question de la durabilité.

Le Chapitre 7 traite deux grands thèmes. Le premier est ce que l'on pourrait appeler les politiques économiques qui influent sur l'agriculture, et plus particulièrement l'impact sur l'agriculture des réformes récentes d'«ajustement structurel», c'est-à-dire de celles qui visent à stabiliser l'économie et relancer la croissance dans les nombreux pays en développement où le développement s'était arrêté pour des raisons diverses liées à des tendances insoutenables de leurs équilibres macro-économiques. Le deuxième thème est l'idée que, dans les pays à bas revenu exposés à l'insécurité alimentaire et très tributaires de l'agriculture, une politique privilégiant l'agriculture et le développement rural a plus de chances que toute autre stratégie d'améliorer la sécurité alimentaire et de réduire la pauvreté, et en même temps d'accélérer la croissance économique d'ensemble.

Le Chapitre 8 concerne le commerce des produits agricoles. On n'a pas cherché à décrire les régimes et les politiques qui ont abouti à ce que l'on a appelé le désordre des marchés agricoles mondiaux. Il existe des travaux spécialisés sur la question, par exemple Johnson, D. Gale (1991) et Tyers et Anderson (1992). Il suffira de rappeler que ce désordre et les graves distorsions étaient le plus souvent dus à des politiques axées sur des objectifs nationaux qui, jusqu'à tout à fait récemment, ont été appliquées avec vigueur et sans grand souci pour leurs répercussions internationales principalement, mais non exclusivement, par les pays industrialisés. L'essentiel du chapitre est consacré aux réformes des régimes de commerce agricole, et en particulier à la mise en œuvre de l'Acte final des récentes négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round. On y présente aussi des aspects généraux du commerce international intéressant les pays en développement ainsi que l'interface possible entre les politiques commerciales et les politiques de conservation de l'environnement et de durabilité.

Le Chapitre 9 traite de la pauvreté rurale et de ses rapports possibles avec le rythme et les modalités de la croissance agricole. Ces rapports sont conditionnés par diverses caractéristiques structurales de l'agriculture et de l'économie rurale ainsi que par la nature et l'efficacité des politiques visant à promouvoir la croissance de l'agriculture et à maximiser ses effets de réduction de la pauvreté. Le chapitre se conclut par une brève présentation des enseignements tirés de certaines interventions directes de lutte contre la pauvreté.

Le Chapitre 10 traite de la question importante de la valorisation du capital humain dans le secteur agricole. Il est principalement consacré à l'instruction générale et à l'éducation et la formation technique ainsi qu'aux systèmes de vulgarisation.

Les Chapitres 11 et 12 complètent et chevauchent partiellement le Chapitre 4, mais envisagent les problèmes agronomiques plus précisément du point de vue des impacts sur l'environnement et la durabilité et des possibilités de réduire ces impacts qu'offre la technologie. Enfin, le Chapitre 13 présente les possibilités d'affronter les problèmes anciens et nouveaux d'environnement et de durabilité, non seulement du point de vue des technologies mais aussi du point de vue des institutions et des aspects internationaux. Ces trois derniers chapitres peuvent être lus en parallèle avec le Chapitre 4.

Tendances passées et projections

Le Chapitre 2 donne un tableau global de l'évolution qui a abouti à la situation actuelle de l'alimentation et de l'agriculture dans le monde, mais c'est là une présentation sommaire et limitée aux variables qui permettent le mieux de faire ressortir la nature et l'importance des problèmes qui constituent les grands thèmes du présent livre. L'évolution historique est présentée de façon plus détaillée avec les projections, principalement aux Chapitres 3 et 4 (production, consommation, commerce international, rendements, utilisation des terres, etc.). Cette présentation évite les répétitions et permet des comparaisons directes entre le passé et l'avenir pour la plupart des variables pour lesquelles on a établi des projections. Ces comparaisons sont utiles mais il ne faudrait pas considérer que les projections des nombreuses variables agricoles interdépendantes sont des extrapolations, ce qui n'est absolument pas le cas, comme il est indiqué au Chapitre 3. L'utilisation de l'expression «tendances» pour décrire et interpréter ces projections risquerait d'induire en erreur.

Les précédentes projections à l'horizon 2000 comparées aux chiffres effectifs

L'étude qui a précédé celle-ci (Alexandratos, 1989) contenait des projections à l'horizon 2000, établies en 1985–86 avec comme période de référence 1982/84. Les valeurs effectives de certains agrégats pour la période 1982/84–92 sont comparées aux Chapitres 3 et 4 avec ces projections pour répondre aux questions qui ont été posées sur la validité des projections antérieures, mais ces comparaisons ne prétendent nullement prouver la validité de la méthodologie.

Projections quantitatives et examen des politiques

L'examen des politiques présenté à partir du Chapitre 7 n'est pas directement lié aux projections quantitatives des chapitres précédents. Ainsi au Chapitre 7, on démontre que la surévaluation des taux de change réels entraîne une discrimination contre l'agriculture, mais on n'a pas cherché à indiquer quels seraient pour les différents pays les taux de change qui seraient compatibles avec les projections de la production, de la consommation et du commerce des produits alimentaires et agricoles. De même, l'examen du rôle de l'agriculture dans les stratégies de développement se limite à la présentation des critères généraux pertinents. Une étude plus spécifique n'est possible qu'à l'échelle de chaque pays et non à l'échelle mondiale. Même les généralisations limitées que contiennent ces chapitres doivent être interprétées avec prudence car elles ne valent pas au même degré pour tous les pays, et dans certains cas elles ne s'appliquent pas du tout.

Dans une étude mondiale, le critère de la validité des affirmations relatives aux politiques et aux stratégies doit être l'efficacité et l'objectivité avec laquelle elles expriment et synthétisent les connaissances et les enseignements tirés de situations très diverses, et souvent de sources anecdotiques. L'interprétation des données d'expérience est souvent influencée par l'actualité. Il n'est pas rare que la conjoncture actuelle ou récente donne un éclairage particulier aux problèmes et à la façon dont on envisage leur solution : par exemple, on risquerait d'interpréter la baisse de la production céréalière par habitant observée après le milieu des années 80 ou la hausse récente du prix des produits comme un renversement durable de tendance; de plus, l'interprétation peut être influencée ou faussée par les théories dominantes en matière de développement : par exemple, en ce qui concerne le rôle du secteur public dans l'économie. Personne ne peut s'affranchir complètement de ces influences. Au lecteur de juger si les auteurs ont réussi à interpréter les événements récents dans une juste perspective et à résister à l'influence des dogmatismes partisans. Les conclusions décevront certainement aussi bien les hyper-pessimistes qui prédisent l'apocalypse que les hyper-optimistes qui espèrent que tous les problèmes pourront être résolus vers l'an 2000.

Révisions apportées au document de la FAO

Plusieurs révisions ont été apportées au document présenté à la Conférence de la FAO en novembre 1993 pour tenir compte des observations formulés par les délégués à cette Conférence et pour incorporer les effets d'événements plus récents tels que la conclusion de l'Uruguay Round. Il n'a pas été possible d'ajouter toutes les analyses supplémentaires qui avaient été demandées, par exemple la question de l'énergie en agriculture ou la projection des besoins d'aide alimentaire.

Les parties entièrement nouvelles sont la Section 2.2 du Chapitre 2 et la Section 3.8 du Chapitre 3. La première fait le point de la baisse de la production par habitant de céréales dans le monde après le milieu des années 80 et en examine la nature et la signification. La deuxième propose un cadre pour s'interroger sur la question souvent soulevée de l'évolution à long terme (au-delà de l'an 2010) de l'équilibre population-disponibilités alimentaires. Le Chapitre 4 est en grande partie réécrit pour donner satisfaction aux nombreuses personnes qui ont demandé que la question des ressources naturelles et de l'augmentation des rendements dans les pays en développement soit présentés de façon plus détaillée; de même le Chapitre 8, pour tenir compte des derniers renseignements sur l'Uruguay Round. Beaucoup de modifications et d'additions ont été apportées au Chapitre 7. L'Annexe 2, sur la méthodologie, est nouvelle, de même que son résumé qui figure au Chapitre 3. Pour le reste, les principales révisions sont de caractère rédactionnel.

Données révisées et données plus récentes

Les données de référence sur la production, le commerce et la consommation apparente dont on disposait au début du travail (début 1992) allaient jusqu'en 1990. Les chiffres de 1991 et 1992 ainsi que des données révisées pour les années précédentes sont devenus disponibles pendant le travail de révision (premier semestre de 1994). Pour des raisons évidentes, il a été impossible de changer les bases quantitatives de l'étude pour tenir compte de ces nouvelles données; mais certaines modifications ont été faites quand ces données pouvaient infléchir sensiblement l'argument, par exemple les données et projections concernant les céréales au Tableau 3.10 dans l'Annexe du Chapitre 3 ont été ajustées pour tenir compte du fait que les statistiques historiques de la production de l'ex-URSS étaient désormais exprimées en poids net et non plus en poids brut (aprés récolte); en outre, dans certains tableaux (4.7 et 4.15), la moyenne 1991/92 est indiquée en plus de la moyenne 1988/90, période de référence utilisée pour l'étude. De plus, certains chiffres récentes (chiffres révisés de 1988/90 et chiffres de 1991 et 92) sont donnés pour des groupes de pays dans les tableaux supplémentaires de l'Annexe statistique.

Quelques remarques sont opportunes à propos des révisions des projections démographiques. Les projections utilisées dans la présente étude sont celles de la Variante moyenne des projections 1990 des Nations Unies. Elles comportent, pour l'horizon 2010, une population mondiale de 7,2 milliards (avec un taux d'accroissement annuel de 1,55% entre 1990 et 2010) et une population de 915 millions pour l'Afrique subsaharienne (avec un taux de 3,2%). La révision desdites projections effectuée en 1994 a réduit ces populations respectivement à 7,0 milliards (taux 1,44%) et 834 millions (taux 2,87%). La forte révision en baisse de la population projetée pour l'Afrique subsaharienne refléte en partie un rythme plus faible de progrès de l'espérance de vie dû à la pandémie de SIDA (voir Chapitre 3, note 2). On ne peut donc y voir une évolution positive qui relâcherait les contraintes pesant sur le développement du fait d'un accroissement démographique rapide dans les pays à bas revenu et conditions de base défavorables. On n'a pas essayé de réviser les projections de l'agriculutre à la suite de ces changements dans les projections de population, dont les plus récentes ont été publiées fin 1994. Une telle révision serait une entreprise ardue puisqu'elle nécessiterait un traitement analytique des relations complexes entre population et développement. Quantifier lesdites relations pour chaque pays (par exemple, comment les taux de croissance économique retenus par hypothèse seraient affectés par les changements dans la population projetée) pourrait bien être une tâche impossible.

N. Alexandratos