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1. LA RELATION STATISTIQUES AGRICOLES-GENRE


1.1. Pourquoi ouvrir les statistiques aux questions de genre?
1.2. Comment produire des statistiques sensibles aux questions de genre?
1.3. Comment répondre aux besoins des utilisateurs?
1.4. Quels sont les domaines prioritaires des statistiques sexospécifiques?
1.5. Quels sont les domaines prioritaires pour le secteur agricole?
1.6. Quelles sont les principales sources d’information?
1.7. Quelles sont les actions de la FAO en matière de statistiques et genre?
1.8. Quel chemin reste-t-il encore à parcourir?


Dans toutes les sociétés, les différences entre hommes et femmes sont manifestes, qu’il s’agisse de leurs rôles respectifs, des possibilités qui leur sont offertes dans le domaine de l’éducation, du travail, de la carrière professionnelle ou de l’accès aux ressources économiques et au pouvoir de décision. Aussi la participation des uns et des autres au domaine politique et économique est inégalement répartie et on constate des disparités, au détriment des femmes, en ce qui concerne la jouissance des avantages du développement économique et social. Au cours des dernières décennies, les militants et les militantes de la défense des droits des femmes ont attiré l’attention sur ces faits et ont insisté sur la nécessité d’en prendre acte pour la formulation des politiques et des programmes.

Depuis 1975, date de la première conférence mondiale des femmes à Mexico, la façon d’aborder et de traiter la problématique “Femmes” a considérablement évolué. Les stratégies initiales appréhendaient les femmes comme une entité homogène et les isolaient des politiques globales ce qui, dans de nombreux cas, n’a fait que contribuer à accentuer les discriminations existantes, d’autant que les projets en leur faveur étaient généralement de faible envergure. De plus, les unités spécialisées “Femmes et développement”, dotées de ressources limitées, ont eu le plus souvent un rôle mineur sans grande capacité d’intervention au niveau des politiques. Ces constats ont été à l’origine de la réorientation des démarches. D’une attention exclusive aux préoccupations des femmes, la vision s’est élargie à la société dans son intégralité et aux modes relationnels interactifs entre femmes et hommes.

Cette nouvelle approche (dite “Genre et développement”) insiste sur le fait que les politiques économiques et sociales touchent, de manière différenciée les hommes et les femmes et que tout processus de développement est influencé par les uns et les autres et par leurs relations. Elle porte un intérêt tout particulier à l’impact des politiques et des programmes sur les individus en fonction de leur sexe et de leurs caractéristiques socio - économiques.

Bien que beaucoup plus étayée qu’il y a 25 ans, la connaissance des disparités entre hommes et femmes - au niveau économique, social et politique et de tous les jours - est encore restreinte. Les politiques sont le plus souvent basées sur des informations partielles et insuffisantes et la conception des programmes est encore peu sensible aux intérêts des femmes. Seules des données et des mesures statistiques précises peuvent contrecarrer ces insuffisances. De plus, les organismes internationaux et les gouvernements reconnaissent aujourd’hui que s’intéresser au renforcement de la participation des femmes favorise l’obtention d’un développement durable.

1.1. Pourquoi ouvrir les statistiques aux questions de genre?

Le développement agricole vise avant tout l’accroissement de la productivité et du rendement et se combine avec la conservation des ressources naturelles, l’augmentation des revenus, la création d’emplois et l’amélioration du niveau de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Pourtant, force est de constater que les programmes et politiques de développement ont contribué à accentuer la paupérisation de millions d’individus ou n’ont pas réussi à promouvoir une amélioration du niveau des individus. Dans les pays en développement, la pauvreté touche pratiquement toute la population rurale avec cependant une plus grande acuité chez les femmes.

Les critères économiques sont la clef de voûte des discussions pour la formulation des plans de développement alors que les paramètres sociaux et humains sont le plus souvent des justificatifs aux décisions économiques. Au cours d’un exercice de planification, il est complexe de mettre sur le même plan les aspects humains et économiques et encore bien plus difficile d’introduire la notion d’impact différencié hommes-femmes. Les arguments en faveur de cette approche apparaissent peu pertinents aux yeux des planificateurs d’autant que font encore défaut des données et des informations fiables et impartiales sur la nature et le volume des contributions économiques des hommes et des femmes.

Dans un monde où la valeur économique est calculée uniquement en termes monétaires, le travail féminin, souvent non rétribué, est qualifié de non productif économiquement. De ce fait, bien que les femmes soient les piliers des économies de subsistance et de la sécurité alimentaire, les statistiques les considèrent comme des inactives et les écartent des calculs économiques. La contribution des femmes est sous-évaluée, sinon ignorée, et par conséquent la vision du secteur et de la production agricole ne correspond pas à la réalité.

Pourtant, les décideurs et les planificateurs prennent progressivement conscience de l’importance du développement durable et, par extension, des questions de parité, ce qui les porte à rechercher des informations consolidées par des chiffres et des pourcentages. La mise à disposition de telles données devrait contribuer à une révision des méthodes de planification et, grâce à des statistiques indiscutables, le scepticisme sur la validité et la pertinence des questions de genre serait alors dissipé. Jusqu’il y a peu, les seules personnes à réclamer des données et des indicateurs étaient celles engagées en faveur des droits de la femme et des groupes plus défavorisés. A présent, on compte davantage de personnes qui utilisent ce type d’information, notamment auprès des instances de décision à tous les niveaux et dans tous les domaines du développement social et économique.

En conclusion, fait rarissime il y a encore peu de temps, la demande de statistiques sexospécifiques se fait de plus en plus pressante. Cette requête provient de tous les horizons et de tous les secteurs:

· des défenseurs de la parité entre hommes et femmes pour renforcer la prise de conscience sur ces préoccupations;

· des décideurs et des planificateurs pour formuler, mettre en oeuvre et suivre les politiques économiques et sociales;

· des spécialistes du développement pour étudier et analyser les aspects et les interactions des questions de genre;

· des organisations internationales, gouvernementales et non-gouvernementales pour concevoir, réaliser et évaluer les programmes et les projets;

· du public en général pour comprendre les phénomènes de société.

Ajoutons enfin que les concepts et méthodes proposés et adoptés par de nombreux pays pour mieux refléter la réalité ont commencé à porter leurs fruits dans le domaine de la production de statistiques sensibles au genre. Dans bien des pays, des stratégies d’amélioration et de diffusion des données ont été élaborées.

1.2. Comment produire des statistiques sensibles aux questions de genre?

Les statistiques sensibles aux questions de genre sont bien plus que la simple ventilation des données par sexe. Elles doivent être le miroir de la diversité des situations et des caractéristiques des différentes catégories de la population. A ce titre, elles demandent un examen et une révision des concepts et des définitions utilisés jusqu’à ce jour. Des méthodes appropriées de collecte de données sont requises pour appréhender les conditions et les modes de vie des hommes et des femmes tout en évitant les distorsions dues aux facteurs et aux préjugés culturels. De plus, les statistiques selon le genre exigent une présentation adaptée aux multiples utilisateurs dont une bonne partie ne sont pas spécialisés dans ce domaine. Elles doivent donc être simples, claires et compréhensibles (à cet égard, des tableaux, graphiques et cartes peuvent être utiles).

Les statistiques sexospécifiques ne peuvent pas être produites indépendamment des systèmes globaux statistiques. Au contraire, ce sont les systèmes et les outils statistiques qui doivent s’ouvrir sur l’approche de genre. Le recueil, la compilation, l’analyse et la présentation de statistiques selon le genre, phases d’une importance extrême, doivent faire partie intégrante du travail des bureaux nationaux statistiques responsables de la production et de la diffusion des statistiques officielles, sans que cela soit considéré comme une charge supplémentaire. En effet, ce travail peut s’inscrire, en collaboration avec les utilisateurs, dans les programmes déjà existants de collecte de données, recensements, enquêtes périodiques, sondages, etc. Il passe par une étroite collaboration avec les destinataires des données et par une meilleure utilisation de l’information et des systèmes statistiques. Toutefois, il demande que les producteurs de l’information statistique comprennent la valeur et la portée du concept de genre pour satisfaire aux étapes suivantes:

ETAPE 1: Identification des questions de genre et de leurs implications

L’identification des questions de genre à traiter statistiquement passe par un dialogue permanent entre producteurs de l’information statistique et utilisateurs (planificateurs, responsables de la formulation des politiques).

Par exemple, une question de genre importante est l’accès aux facteurs de production agricole. L’accès à la terre et au crédit se base sur des mécanismes inégalitaires au détriment des femmes, le plus souvent produits par des préjugés sexistes. On peut aussi citer: la répartition des tâches entre hommes et femmes au sein du ménage, le niveau d’instruction des uns et des autres, le partage du pouvoir, etc. La parité dans ces domaines n’existe pas et a des conséquences importantes sur la situation des femmes: pauvreté plus grande, productivité plus limitée, instruction plus faible, état nutritionnel plus précaire, charge de travail plus lourde, capacité de négociation plus restreinte, etc.

Il convient d’explorer en détail tous les aspects problématiques afin d’élucider les causes et les conséquences et d’analyser les interrelations. Pour affronter de tels problèmes et adopter des mesures qui permettront de les résoudre ou de les atténuer, il est indispensable que tous les intéressés (spécialistes du genre, cadres supérieurs et autres utilisateurs des données) basent leur analyse sur des statistiques et des indicateurs appropriés et fiables.

ETAPE 2: Détermination des informations nécessaires

Après avoir examiné les différents aspects à la lumière d’une analyse de genre, les producteurs de l’information statistique et les utilisateurs peuvent conjointement déterminer les données à recueillir et les indicateurs à construire pour creuser la connaissance de la situation des hommes et des femmes et l’illustrer par des valeurs utiles à la formulation, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de politiques paritaires et durables.

ETAPE 3: Examen des sources existantes

Cette étape suppose l’examen attentif et périodique des données disponibles pour, d’une part, évaluer le contenu et la qualité des réponses par rapport aux attentes sur les questions de genre et, d’autre part, déterminer, à partir des lacunes existantes, les compléments nécessaires pour satisfaire aux besoins: amélioration des méthodes et outils des programmes en cours, mise au point de nouveaux instruments et procédures.

Cet examen implique la revue des opérations censitaires pour évaluer leur pertinence pour rendre compte de la situation des hommes et des femmes: rubriques et définitions adoptées, codages et groupements retenus, méthodes de collecte utilisées, établissement des bases de sondage et échantillons, etc. Pour mieux répondre aux exigences de l’approche “genre”, la sélection et la formation des enquêteurs et des contrôleurs feront partie de cette révision.

ETAPE 4: Amélioration des sources existantes

L’étape précédente conduit automatiquement à l’adaptation des rubriques et des définitions pour inscrire le thème de genre dans les méthodes de traitement, les tabulations, la publication de statistiques non diffusées et la décision (ou non) d’effectuer une collecte additionnelle de données opérationnelles.

Par exemple, l’analyse des discriminations dans le secteur de l’emploi, un aspect non des moindres de la parité, demande souvent une tabulation très détaillée (en général un nombre à trois chiffres) afin d’éviter le regroupement en une seule classe de catégories et de niveaux de rémunération disparates. Les recensements et les enquêtes sur la main-d’œuvre apportent une multitude d’informations sur l’emploi qui sont ou trop agrégées ou au contraire non exploitées sous forme de tableaux. De nouvelles informations peuvent être extraites en regroupant différemment les données originales. Parfois, un nouveau recueil sera nécessaire, mais le plus souvent l’ajout de quelques questions aux enquêtes existantes suffira pour combler les lacunes.

La dynamique et la logique de la recherche obligent le plus souvent à l’innovation. Dans cette optique, les enquêtes budget-temps, que très peu de pays incluent dans leur collecte régulière d’informations, sont précieuses. Leur introduction dans les programmes statistiques généraux en tant que nouvelle composante serait très judicieuse.

ETAPE 5: Compilation, analyse, présentation, diffusion

La compilation, l’analyse, la présentation et la diffusion des informations sont des moments cruciaux pour l’obtention de statistiques sexospécifiques. L’enjeu est de taille puisque les questions de genre, sensibles et délicates, devraient y trouver une réponse indiscutable, un approfondissement et des explications nouvelles. En effet, la compilation et l’analyse des données disponibles doivent fournir des statistiques fiables, sans biais possible d’interprétation et stimuler la diffusion d’une information pertinente et accessible aux experts en statistiques et en genre ainsi qu’aux utilisateurs non spécialisés.

Au cours de cette étape, producteurs et utilisateurs doivent envisager conjointement la stratégie de diffusion des résultats, c’est-à-dire prévoir des produits spécifiques en fonction des besoins, des demandes et des niveaux de connaissance (publications écrites, visuelles ou électroniques) et agencer les campagnes de diffusion pour les marchés acquis et potentiels.

1.3. Comment répondre aux besoins des utilisateurs?

Les utilisateurs de statistiques selon le genre sont multiples et très variés: politiciens, planificateurs, défenseurs et militants de la parité, grand public, organismes de développement internationaux et nationaux, organisations non gouvernementales, instituts de recherche, médias, etc. Chaque catégorie a sa propre logique et une certaine connaissance conceptuelle et technique. Chacune utilise les statistiques en fonction de son niveau de familiarité avec l’analyse statistique et celle de genre. Dans ce contexte, seule une stratégie de communication sociale, basée sur une collaboration efficace et permanente entre utilisateurs et producteurs, peut favoriser l’apport de données adéquates. C’est pourquoi est requise la connaissance:

· des groupes cibles: ministères, organismes de développement, médias, chercheurs, militants en faveur de la parité, etc.;

· des besoins en fonction des thèmes de travail des utilisateurs;

· des formats des produits souhaités par chaque groupe cible;

· des stratégies et des moyens opérationnels de diffusion des produits.

Tout au long du processus, les producteurs et les usagers doivent naturellement travailler de concert. Toutefois, la responsabilité de la production proprement dite et de la présentation sont du ressort des statisticiens, qui possèdent les compétences requises et qui maîtrisent les instruments pour répondre aux besoins.

Cette responsabilité sous-entend que les statisticiens devront ouvrir leurs horizons et orienter leurs intérêts vers les questions sociales et de genre en les combinant aux aspects techniques et méthodologiques de la production statistique. Ils devront également comprendre quelles sont les données et les analyses que souhaitent les utilisateurs, même si ces derniers ont des difficultés à exprimer clairement leurs besoins et sont peu habitués à la manipulation des statistiques. Enfin, dans la mesure où ce travail est au bénéfice de la société entière, les statisticiens élargiront leur audience, faciliteront l’utilisation des statistiques et feront preuve de créativité pour rendre plus “lisibles” leurs produits, même pour les personnes généralement “bloquées et rebutées” par cette discipline (dépliants statistiques simples et explicatifs, publications attrayantes, etc.). Cette dynamique s’amplifiera si les décideurs en charge des statistiques sont convaincus du bien-fondé d’une telle approche. Leur appui est essentiel à la mobilisation des moyens financiers et humains.

De leur côté, les utilisateurs devront surmonter leurs réticences face aux statistiques et en approfondir, autant que possible, la compréhension. Ils devront développer des aptitudes pour lire, interpréter et utiliser correctement les statistiques tout en essayant de cerner les préalables nécessaires à leur production afin de capter la portée du travail des statisticiens et de formuler des demandes raisonnables. Ils feront part aux statisticiens du mode d’utilisation des statistiques dans leur travail quotidien et des résultats obtenus.

Il existe des mécanismes efficaces pour renforcer la collaboration entre usagers et producteurs en vue d’améliorer l’approche genre dans les statistiques: ateliers1 communs, participation des utilisateurs aux comités techniques statistiques, discussions entre spécialistes du recueil de données et experts en genre, intégration de statisticiens aux instances chargées des politiques de développement social et économique, etc.

1 L’INSTRAW (Institut international de recherche et de formation pour la promotion des femmes) des Nations Unies a organisé plusieurs ateliers destinés aux utilisateurs et aux producteurs de statistiques afin d’améliorer les statistiques sur les femmes. Ils ont eu lieu, entre autres, au Costa-Rica, au Pakistan, en Chine et en Equateur.

Afin de susciter cette collaboration, la préparation des stratégies de diffusion des résultats est une étape à privilégier vu son importance dans le processus de production. La diffusion peut être l’occasion de séminaires de lancement de nouveaux produits, de l’implication des institutions académiques, de l’utilisation des moyens de communication (annonces à la télévision, dans les revues, les journaux, distribution de dépliants, etc.), de présentations scolaires et universitaires, de réunions de hauts fonctionnaires, etc.

1.4. Quels sont les domaines prioritaires des statistiques sexospécifiques?

Ces dernières années, l’élaboration de statistiques sensibles aux questions de genre a fait l’objet de nombreux efforts. Le contexte est favorable pour progresser dans cette voie: les utilisateurs clarifient leurs attentes et les producteurs de statistiques, plus ouverts sur les questions sociales, tendent à les intégrer à leur travail.

Pour un développement social et économique équilibré et durable, les domaines insuffisamment documentés ou requérant des informations (et donc des statistiques) plus fines ont été identifiés. Il s’agit, entre autres, de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté, pour lesquelles disposer d’indicateurs est de plus en plus pressant en ce qui concerne:

· la mesure du travail non rémunéré des femmes et des hommes, et particulièrement celui relatif à la production agricole et alimentaire;

· le niveau d’accès des femmes et des hommes aux ressources, facteurs de production et emplois;

· la caractérisation des facteurs de pauvreté et des mécanismes d’accès et d’allocation des ressources au sein des ménages;

· le degré de participation des femmes et des hommes à la prise de décision économique, sociale et politique.

Pour mieux couvrir ces aspects, de nouveaux concepts et de nouvelles définitions et méthodes de recueil de données ont été adoptés par divers organismes internationaux spécialisés et par des statisticiens. Cela a donné lieu à des études sur l’utilisation du temps pour rassembler une information plus fiable sur le travail non rétribué des femmes et des hommes, à des investigations sur la répartition des ressources au sein des ménages pour en comprendre les mécanismes (plus récemment), à la révision du système de comptabilité nationale pour définir de façon plus précise la population économiquement active. Tout ceci illustre les compromis en cours pour améliorer l’information et pour incorporer une perspective de genre dans les statistiques officielles.

1.5. Quels sont les domaines prioritaires pour le secteur agricole?

La lutte contre la pauvreté, contre l’insécurité alimentaire et contre la dégradation de l’environnement est l’axe directeur pour le développement agricole et rural, sachant que les hommes et les femmes, étant donné leur rôle clé, en sont les principaux acteurs. Dans ce contexte, les responsables de la formulation des politiques doivent garder à l’esprit le fait que toute action visant à résoudre ces grands problèmes aura inévitablement un impact sur les conditions de vie et les relations hommes-femmes en milieu rural. Il est donc évident que l’orientation la conception des politiques sociales et économiques du secteur agricole, ainsi que les actions qui en découlent, demandent une information quantitative pertinente.

Le document de la FAO “Programme du recensement mondial de l’agriculture 2000” met en évidence les champs prioritaires à explorer pour appréhender les schémas de production et connaître les segments de la population qui y sont engagés, et souligne l’importance des questions différentielles selon le genre.

1.6. Quelles sont les principales sources d’information?

Un large éventail de données sur les aspects humains et productifs des exploitations agricoles et du milieu rural est disponible grâce à différentes sources: recensements agricoles, recensements de la population et de l’habitat, enquêtes agricoles, enquêtes sur la main-d’œuvre et l’emploi rural. D’autres sources sont également utiles même si elles ont une portée autre que le seul secteur agricole et rural. Il s’agit notamment des enquêtes sur la consommation alimentaire, des enquêtes sur les revenus et les dépenses des ménages, des enquêtes budget-temps, etc. La portée et les limitations de ces sources seront examinées ultérieurement.

1.7. Quelles sont les actions de la FAO en matière de statistiques et genre?

La faiblesse des statistiques sur les ressources humaines dans le développement rural et agricole a été largement reconnue par la FAO et a fait l’objet de différents colloques et séminaires pour discuter des orientations à prendre et des moyens à mobiliser. En 1991, la FAO a organisé une consultation entre organismes pour améliorer les statistiques et les bases de données ventilées par sexe. A cette occasion, les sources d’information ont été révisées et des recommandations spécifiques, en particulier pour les recensements agricoles, ont été formulées, dont un résumé est donné ci-après2:

2 Rôle des femmes dans le développement agricole, numéro 8, Améliorer les données sur les ressources humaines décomposées d’après le sexe à partir des recensements agricoles, FAO, Rome, 1994, Annexe B, page 4.

· veiller à donner une définition précise de la notion de chef de ménage;

· définir de façon appropriée la population active (travail rémunéré et non);

· prévoir une ventilation par sexe des données sur l’activité secondaire et l’occupation;

· veiller au recensement des exploitations dans le cadre des ménages;

· assurer une meilleure coordination entre recensement de la population et recensement de l’agriculture;

· formuler des critères uniformes pour déterminer la taille minimale de l’exploitation ainsi que pour les enquêtes par sondage, afin de garantir la prise en compte des petites unités;

· veiller au dénombrement séparé des multi-exploitations et au recensement des coexploitants (hommes et femmes, même s’ils appartiennent au même ménage);

· prévoir dans le recensement de l’agriculture des questions indicatives permettant de définir le cadre d’un sondage à petite échelle en vue d’enquêtes ultérieures;

· mieux faire ressortir l’agriculture de subsistance.

1.8. Quel chemin reste-t-il encore à parcourir?

En 1975, à Mexico, lors de la première Conférence mondiale sur les femmes, l’urgence de disposer de statistiques ventilées par sexe pour doter les décideurs d’informations utiles à la décision avait été soulignée. Depuis lors, nombre d’organisations nationales et internationales ont porté leurs efforts sur l’ouverture d’un dialogue entre producteurs d’informations statistiques et planificateurs. Progressivement et consciemment, l’importance de disposer de statistiques pertinentes pour faciliter les arbitrages au cours des exercices de planification et pour formuler les politiques s’est confirmée.

L’approche pour traiter les enjeux de l’intégration des femmes s’est profondément modifiée, passant d’un constat de la marginalisation des femmes (Femmes et développement) à une démarche d’intégration et d’interrelation entre les hommes et les femmes (Genre et développement). Dans le domaine des statistiques, les hypothèses de travail ont été réorientées pour inclure les rôles des hommes et des femmes et leurs complémentarités et pour traiter les biais et les préjugés qui se glissent dans la conception des méthodes et des outils statistiques. De nouveaux concepts et méthodes ont été avancés et des stratégies novatrices ont été mises en œuvre pour la présentation et la diffusion des résultats. Les statistiques ouvertes sur le genre s’inscrivent donc dans le système statistique.

Dans les recensements agricoles, traditionnellement, l’intérêt se concentre plus sur la production que sur les ressources humaines, et sur les grandes exploitations plutôt que sur les petites unités de production. Dans les opérations censitaires agricoles, l’aspect le plus problématique pour obtenir des statistiques selon le genre est celui de la quantification du travail des femmes, que ce soit celui dû aux responsabilités de direction, de gestion, d’organisation ou celui relatif aux tâches d’exécution domestique ou de production. Les femmes travaillent à la fois sur l’exploitation et dans le ménage; ces deux unités d’analyse sont étroitement liées et le plus souvent confondues. Les femmes passent d’un espace à l’autre, alternant les tâches ou les conduisant simultanément, sans y accorder de différence. En outre, la question de l’évaluation statistique de la contribution des femmes au secteur agricole ne se limite pas à la seule mesure de leur travail. Il est certes essentiel de le quantifier mais il est tout aussi fondamental d’avoir une évaluation du niveau d’accès des femmes et des hommes aux ressources et aux facteurs de production et du temps dont ils disposent. Actuellement, les questions fondamentales de genre dans le domaine agricole sont encore négligées lors des recueils de données (permanents et/ou périodiques). La différenciation par sexe de l’usage et de la propriété de la terre, de l’accès aux sources de crédit, aux services de formation et de vulgarisation, à la technologie et autres ressources est méconnue dans les procédures statistiques.

Les contraintes principales à cette situation sont d’ordre méthodologique et conceptuel (biais sexistes) que ce soit pour les rubriques et définitions retenues, la collecte des données, la production statistique. Elles pourraient être levées par une révision, une adaptation et une amélioration des différentes opérations censitaires: cadre conceptuel, contenu et formulation du questionnaire, préparation et mise en œuvre du travail de terrain, codage et groupements, formats de présentation des résultats, etc.

Avant d’aborder l’ensemble des ces aspects (conceptuels et méthodologiques), il est opportun de présenter (ou de rappeler) ce que l’on entend et sous-entend par concept de genre. En effet, il est souhaitable que la signification, la portée, les implications de ce concept soient partagées par les producteurs de l’information statistique et les utilisateurs.


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