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1. CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE ACTUEL ET PROBLÈMES LIÉS À LA CONSERVATION, L’UTILISATION ET L’AMÉNAGEMENT DES RESSOURCES GÉNÉTIQUES FORESTIÈRES


1.1. Les ressources forestières
1.2. Les types/modes d'utilisation
1.3. Les menaces qui pèsent sur les espèces

1.1. Les ressources forestières

La superficie totale des forêts et autres terres boisées est estimée à 10 442 000 ha en 1990. Le domaine forestier s’étendrait sur moins de 9 000 000 ha avec 6 000 000 ha en zone sahélo-saharienne, 2 600 000 ha en zone sahélienne et 300 000 ha en zone sahélo-soudanienne. Face à des estimations aussi fluctuantes, il serait plus sage d’attendre les résultats des travaux effectués par l’Unité technique d’appui de la Direction de l’environnement sur l’évaluation de ressources forestières:

- Les forêts classées au nombre de 84 couvrent une superficie de 600 000 ha.
- Les périmètres de restauration et de mise en défens (70 000 ha).
- Les parcs et réserves de faune (8 413 000 ha).
Les forêts (naturelles et plantations) couvrent une superficie de 2 562 000 ha, soit 2% de la surface des terres. Selon une récente étude sur le défrichement au Niger, la perte de superficie forestière de 1958 à 1997 est estimée à environ 40 à 50% au profit essentiellement de l'agriculture, des besoins énergétiques par la production de bois de feu et du développement urbain. Les forêts classées ont été fortement dégradées et plus de 50% d’entre elles ont perdu une grande partie de leur potentiel végétal.

1.2. Les types/modes d'utilisation

Les formations végétales ligneuses jouent un rôle stratégique dans le maintien du potentiel de production alimentaire, la satisfaction des besoins énergétiques des populations et la préservation de l'environnement de manière générale.

Sur le plan alimentaire, beaucoup d'espèces forestières, notamment le néré (Parkia biglobosa) et le baobab (Adansonia digitata), sont très riches en protéines, en sucre et en certains oligo-éléments tels le fer, le manganèse et le zinc. De ce fait, les sous-produits forestiers contribuent à augmenter l'apport protidique dans le régime alimentaire des populations rurales du Niger, essentiellement constitué de céréales, et permettent de réduire les déséquilibres alimentaires en protéines et d'améliorer la santé des populations. En période de graves crises alimentaires (famine), les populations nigériennes ont souvent recours à l'usage de certains sous-produits forestiers (feuilles, fruits, noix) de certaines espèces ligneuses et herbacées comme base ou complément alimentaire. Les espèces les plus couramment utilisées sont Boscia senegalensis (feuilles et fruits), Parkia biglobosa (farine obtenue à partir de la pulpe), Maerua crassifolia et Cenchrus biflorus.

Sur le plan médicinal, les populations rurales et de plus en plus de citadins depuis la dévaluation du franc CFA ont recours à la médecine traditionnelle, essentiellement basée sur la pharmacopée. Selon l'OMS, 80% de la population nigérienne a recours à la pharmacopée traditionnelle. Les espèces les plus couramment utilisées sont Khaya senegalensis, Guiera senegalensis, Cassia sieberiana, Cassia siamea, Cassia singueana, Eucalyptus camaldulensis et Azadirachta indica.

Sur le plan alimentation du bétail, les sous-produits forestiers (fruits et feuillages) constituent 25% de la ration alimentaire des ruminants au Niger. Cet apport est d'autant plus important qu'il intervient en période de grand déficit alimentaire (saison sèche). Cette alimentation très riche en azote n'est malheureusement pas sans conséquence sur les formations forestières qui subissent de graves mutilations. Les espèces les plus sollicitées sont Faidherbia albida, Prosopis africana, Balanites aegyptiaca, Acacia raddiana, Comiphora africana, Bauhinia rufescens, etc.

Sur le plan économique, les communautés rurales récoltent des matériaux forestiers non ligneux aussi bien pour les besoins des ménages que pour les transformer et les commercialiser. Elles fabriquent des meubles en rachis de rônier (Borassus aethiopum), des paniers et des nattes en feuilles de palmiers doum (Hyphaene thebaica) et tirent de l'huile de cuisine, des aliments, des fruits et des noix ainsi que des produits de tannage (Acacia nilotica). Elles réalisent aussi des revenus en espèces en récoltant des fruits sauvages et en les vendant sur les marchés locaux. C'est pourquoi il existe un développement dans les marchés des différentes villes du Niger d'une importante filière de commercialisation des fruits de Ziziphus mauritiana, Hyphaene thebaica, Adansonia digitata, Balanites aegyptiaca et de la gomme de Acacia senegal, Acacia laeta, Sterculia setigera, Combretum nigricans (gomme arabique) ainsi que des graines de Parkia biglobosa. Le revenu issu de la commercialisation des sous-produits forestiers et des matériaux forestiers non ligneux en milieu rural est estimé à près du tiers du revenu extra agricole. La période pendant laquelle ce revenu est acquis est également importante puisqu’en effet, cette "recette" intervient en période de soudure. Malgré l'absence de statistiques complètes, la contribution du secteur forêt au Produit intérieur brut agricole est estimée à 20 milliards de francs CFA. Cependant, ce montant ne prend pas en compte la part importante des matériaux forestiers non ligneux et les sous-produits forestiers.

1.3. Les menaces qui pèsent sur les espèces

D'une manière générale, le couvert végétal et donc les ressources génétiques forestières ont enregistré d'importantes modifications ces dernières années. Cela s'est traduit par la disparition de certaines espèces ligneuses et herbacées. La destruction du couvert ligneux sous l'effet conjugué de la sécheresse, des coupes excessives, du surpâturage et de l'extension des terres agricoles est estimée entre 80 000 et 100 000 ha (FAO, 1993a). L’érosion génétique s’observe dans les formations végétales naturelles. Les causes de ces modifications sont à rechercher au niveau de l'action du climat et des activités de l'homme.

La sécheresse

Les sécheresses successives se sont traduites chez les ligneux spontanés par (i) la disparition de nombreuses espèces dans les zones septentrionales tels que Bombax costatum ou par (ii) la perte, dans les zones Sud, de nombreux individus (jusqu’à 50% parfois) de certaines espèces telles que Prosopis africana, Lannea microcarpa, Sclerocarya birrea, Diospyros mespiliformis et Acacia senegal entre autres. Pour les espèces herbacées, un changement a lieu dans la composition des espèces des aires de parcours qui se caractérise par la raréfaction, voire la disparition, de plantes pérennes telles que Andropogon gayanus. Il a été constaté que la végétation herbacée, jadis à dominantes de graminées vivaces, est passée à une végétation à composition mixte de plantes annuelles graminées et non graminées. Par ailleurs, Cenchrus biflorus et Sida cordifolia se sont progressivement installées sur des grandes étendues autrefois occupées par une pluralité d’espèces.

Activités anthropiques

Les menaces liées aux actions anthropiques qui pèsent sur les ressources génétiques forestières sont notamment celles dues aux activités agro-pastorales. L'extension des surfaces cultivées se fait au rythme de 3,5% par an aux dépens des zones pastorales du Nord et des formations forestières au Sud. La mise en valeur des zones humides a privé beaucoup d'espèces de leur habitat naturel. La pratique de culture de contre-saison, notamment dans les bas-fonds et les cuvettes renfermant d'importants peuplements d’Acacia nilotica et d’Acacia seyal, a eu pour conséquence la destruction de peuplements entiers de ces deux espèces. La faible performance du secteur agricole, caractérisée par une baisse continue des rendements et une expansion des superficies agricoles au dépend des ressources forestières, demeure la principale menace sur les ressources génétiques forestières. En effet, une récente étude sur la diversité biologique agricole montre cette situation au niveau des deux principales cultures vivrières, à savoir le mil et le sorgho:

- Les superficies emblavées de mil sont passées respectivement de 3 072 420 ha en 1980 à 5 021 192 ha en 1996 pour une production respective de 1 362 785 tonnes de mil en 1980 contre 1 761 062 tonnes de mil en 1996. Le rendement du mil et du sorgho est en diminution et la productivité relative de l’agriculture nigérienne est en baisse. Les rendements du mil, sorgho et de l’arachide (durant la période 1980-85) correspondant à peu près à la moitié des rendements moyens atteints dans les autres pays de l’Afrique de l’Ouest.

- Les superficies emblavées de sorgho, sont passées de 768 070 ha en 1980 à 2 115 355 ha en 1996. Malgré cet accroissement spectaculaire des superficies, la production moyenne est restée constante autour de 500 000 tonnes par an. Le rendement est par ailleurs passé de 600 kg/an en moyenne pour la période 1953-1970 à 300 kg/an en moyenne pour la période 1985/1989.

Ainsi, l’augmentation de la production agricole ne s’est pas fait sur la base d’une augmentation de la productivité des terres, mais plutôt au prix d’une extension inconsidérée des superficies cultivées aux dépens des ressources forestières et pastorales.

La pratique des cultures jusqu'en zone pastorale est aussi la cause principale de disparition de boisements dans les vallées des zones pastorales privant ainsi les animaux du précieux pâturage aérien indispensable en période sèche et de soudure (début d'hivernage). Les espèces les plus concernées sont Acacia raddiana, Acacia senegal et Commiphora africana. En zone agricole, les ligneux fourragers sont l'objet de multiples mutilations aboutissant à leur affaiblissement et à leur disparition comme c'est le cas de Pterocarpus luscens dans la forêt de Fayra (Torodi à 50 km au Sud-Ouest de Niamey). Dans les aires cultivées, la végétation naturelle polyspécifique est remplacée par une végétation éparse dans les champs dominée par des espèces appréciées pour leurs produits: Faidherbia albida, Acacia senegal, Adansonia digitata, Balanites aegyptiaca, Ficus spp., Parkia biglobosa et Tamarindus indica.

Degré d'érosion génétique

Il serait fastidieux et même hasardeux d'essayer de présenter le degré d'érosion génétique pour chacune des espèces dont la diversité est reconnue au Niger. Il n'y a aucune étude sérieuse pour appréhender ce phénomène. S'il est vrai que la sécheresse et les activités anthropiques ont conduit à la disparition ou à la réduction drastique de peuplements forestiers, il faut reconnaître qu'aucune étude n'a été faite sur la perte de variabilité génétique au niveau local ou sur l'ensemble du pays. Seule une étude réalisée en 1993 par le Département de recherche forestière de l'INRAN a porté sur un inventaire localisé des espèces disparues ou en voie de disparition dans le département de Diffa à l’extrême Est du pays.


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