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II. Asie et Pacifique

VUE D'ENSEMBLE

Situation économique générale

En 1997 et 1998, la crise financière asiatique a entraîné une baisse de la richesse et des revenus et une aggravation du chômage, de l'inflation et de l'insécurité alimentaire dans les pays les plus touchés de la région. Dès le premier trimestre de 1999, dans la plupart de ces pays l'économie était en voie de rétablissement et ce processus s'est consolidé en 2000. D'après le FMI57, le taux de croissance du PIB réel des pays en développement d'Asie serait passé de 4,1 pour cent en 1998 à 5,9 pour cent en 1999. Pour 2000 et 2001, le FMI projette un taux de croissance légèrement supérieur à 6,5 pour cent.

La croissance économique remarquable de la Chine s'est quelque peu ralentie à la fin des années 90 et s'est stabilisée aux alentours de 7 pour cent en 1999. Toutefois, on prévoit une accélération en 2000 (7,5 pour cent de croissance) en raison de la vigueur de la demande intérieure et de l'augmentation des exportations consécutive au redressement de l'économie des pays d'Asie. Pour que ce rythme de croissance puisse être durable, il faut toutefois que la Chine parachève la réforme structurelle des entreprises d'État et du secteur financier et mette en place le cadre légal et réglementaire que nécessite une économie de marché.

Tableau 18

TAUX DE CROISSANCE ANNUEL DU PIB RÉEL DE DIFFÉRENTS PAYS EN DÉVELOPPEMENT D'ASIE

Pays/région

1996

1997

1998

1999

20001

20011

 

(pourcentage)

Bangladesh

5,0

5,3

5,0

5,2

5,0

4,5

Chine2

9,6

8,8

7,8

7,1

7,5

7,3

Inde

7,1

4,7

6,3

6,4

6,7

6,5

Indonésie

8,0

4,5

-13,0

0,3

4,0

5,0

Malaisie

10,0

7,3

-7,4

5,6

6,0

6,0

Pakistan

4,9

1,0

2,6

2,7

5,6

5,3

Philippines

5,8

5,2

-0,6

3,3

4,0

4,5

Thaïlande

5,9

-1,7

-10,2

4,2

5,0

5,0

République de Corée

6,8

5,0

-6,7

10,7

8,8

6,5

Viet Nam

9,3

8,2

3,5

4,2

4,5

5,4

Asie3

8,3

6,5

4,1

5,9

6,7

6,6

1 Projections.

2 Chine, à l'exclusion de la Région administrative spéciale de Hong Kong et Taïwan Province de Chine.

3 Classification régionale du FMI (à l'exclusion de la République de Corée, de la République démocratique populaire lao, de la Mongolie, de Singapour et de Taïwan Province de Chine.

Source: FMI.

Parmi les pays les plus touchés par la crise financière de la région, la République de Corée est celui qui a réalisé le redressement le plus rapide. Après une contraction de 7 pour cent en 1998, son économie a crû de 10 à 11 pour cent en 1999; pour 2000, on estime que le taux de croissance atteindra près de 9 pour cent, avant de tomber à 6,5 pour cent en 2001.

En Asie du Sud-Est, la crise a été surmontée plus vite que l'on ne le prévoyait en général, sauf en Indonésie. Dans ce pays, le PIB a chuté de 13 pour cent en 1998, et il y a eu des émeutes provoquées par la hausse du prix des produits alimentaires, et l'économie a stagné en 1999, avec un taux de croissance du PIB inférieur à 0,5 pour cent. L'Indonésie n'a engagé son redressement qu'en 2000, année durant laquelle, selon les projections, le taux de croissance du PIB devrait être de 4 pour cent; on prévoit qu'il montera à 5 pour cent en 2001. En Malaisie, après une baisse du PIB de 7 pour cent en 1998, la reprise s'est installée en 1999, année pour laquelle on estime que le taux de croissance atteindra 5,7 pour cent, et devrait se confirmer en 2000 (taux de croissance projeté de 6 pour cent, de même que pour 2001).

Aux Philippines, la récession de 1998 a été moins prononcée que dans les pays les plus touchés puisque la baisse du PIB n'a pas atteint 1 pour cent. En revanche, le redressement a aussi été plus lent et le taux de croissance n'a atteint que 3,3 pour cent en 1999 et devrait monter à 4 pour cent en 2000.

Après l'Indonésie, la Thaïlande est le pays qui a le plus souffert de la crise: son économie s'est contractée de 10 pour cent en 1998. La reprise a commencé en 1999, avec un taux de croissance d'environ 4 pour cent, qui devrait monter à 5 pour cent en 2000.

Au Viet Nam, la crise financière de la région n'a entraîné qu'un fléchissement de la croissance très forte du PIB des années précédentes, suivi d'une légère accélération en 1999 et en 2000.

En Asie du Sud, le PIB réel de l'Inde croît de 6 à 7 pour cent depuis 1997. D'après les dernières projections du FMI, son taux de croissance devrait être de 6,7 pour cent en 2000 et de 6,5 pour cent en 2001. Toutefois, l'importance du déficit budgétaire et les emprunts publics qui en résultent pourraient compromettre le dynamisme de l'économie si les autorités ne prennent pas de mesures correctives.

Au Bangladesh, où l'agriculture détermine la conjoncture globale, le taux de croissance du PIB est d'environ 5 pour cent par an depuis 1995.

Au Pakistan, les déséquilibres macroéconomiques ont entravé la croissance économique en 1998 et 1999, mais la situation semble s'être améliorée en 2000 et le taux de croissance du PIB projeté est de 5 à 6 pour cent.

Situation de l'agriculture

Le taux de croissance de la production agricole globale de la région Asie et Pacifique a diminué ces dernières années. Il a atteint en moyenne 3,2 pour cent entre 1996 et 2000, contre 4,6 pour cent durant les cinq années précédentes. La production agricole a augmenté de plus de 4 pour cent par an dans quatre des cinq années de la période 1991-1995, est restée soutenue en 1996 et 1997 (4,4 et 4,3 pour cent respectivement), mais n'a augmenté que de 2,1 pour cent en 1998, puis de 3,4 pour cent en 1999. D'après des estimations préliminaires, la croissance de la production agricole en 2000 ne devrait pas dépasser 1 à 2 pour cent.

Les mauvais résultats de l'agriculture et les déficits de production dus aux intempéries dans différents pays de la région ces dernières années ont contribué à faire baisser le taux de croissance de la production agricole. Toutefois, le facteur déterminant a été le ralentissement de la croissance de la production de la Chine. Après avoir progressé en moyenne de 6,3 pour cent par an entre 1991 et 1997, la production agricole chinoise n'a augmenté que de 4 pour cent en 1998 et de 2,9 pour cent en 1999. Selon les estimations provisoires, son taux de croissance en 2000 devrait être du même ordre de grandeur, soit 3 pour cent. En particulier, il semble que la récolte de céréales a beaucoup diminué en 2000, ce qui est dû en partie à des catastrophes naturelles mais aussi à une forte réduction des superficies cultivées, consécutive à la baisse du prix et du volume des achats de céréales de qualité inférieure de l'État. Cette mesure visait à obliger les céréaliculteurs à tenir davantage compte des forces du marché et à répondre à la demande locale plutôt que de compter sur les achats publics.

Tableau 19

TAUX DE CROISSANCE NET DE LA PRODUCTION AGRICOLE DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT D'ASIE ET DU PACIFIQUE

Année

Agriculture

Céréales

Cultures

Produits alimentaires

Élevage

Produits non alimentaires

 

(pourcentage)

1991-1995

4,6

1,2

3,4

4,8

8,0

1,9

1996

4,4

5,9

5,2

4,5

3,7

2,5

1997

4,3

0,6

1,8

4,2

7,3

4,3

1998

2,1

1,5

1,2

2,8

5,3

-8,1

1999

3,4

2,5

2,8

3,6

3,7

-0,9

20001

1,6

-3,2

0,5

1,8

2,0

-1,3

1 Estimation.

Source: FAO.

En Inde, le taux de croissance de la production agricole a été assez stable tout au long des années 90, soit 2,5 pour cent en moyenne. En 1998, à cause des inondations qui ont dévasté le nord du pays, la production a diminué mais, en 1999, elle a augmenté de 3,7 pour cent, grâce à une récolte exceptionnelle de céréales alimentaires et en particulier de blé, due à des conditions climatiques favorables durant la période des semailles des céréales d'hiver. Selon les estimations préliminaires, la production de 2000 devrait diminuer de moins de 1 pour cent. Une nouvelle hausse de la production végétale, en particulier de la récolte de céréales paraît avoir été compensée par un déclin de l'élevage.

Au Bangladesh, pays qui vit sous la menace constante des inondations, la production agricole a augmenté de façon assez dynamique mais irrégulière ces deux dernières années et demie. Grâce aux récoltes records de 1998 et 1999, la production agricole globale a augmenté de 3,1 et 8,4 pour cent respectivement. Les inondations de 2000 ont causé de fortes pertes dans les zones touchées et l'on estime que la production agricole globale a progressé de moins de 2 pour cent.

Au Pakistan, la production agricole a augmenté de 4 à 4,5 pour cent en 1998 et 1999. Le blé et le coton représentent généralement plus de la moitié des grandes cultures. En 1998, la récolte de coton a diminué en raison d'intempéries et d'une attaque de virus, mais la production de céréales a beaucoup augmenté. En 1999, il y a eu une forte progression de la récolte de coton et la récolte de céréales est restée au niveau élevé de l'année précédente. Selon les estimations, la production agricole de 2000 ne devrait pas augmenter de plus de 1 pour cent.

En Indonésie, la production agricole est assez décevante depuis trois ou quatre ans. En 1998, pour la deuxième année consécutive, la production agricole globale a diminué (de 1,5 pour cent), ce qui est dû essentiellement à une sécheresse provoquée par le phénomène El Niño, mais aussi aux effets de la crise économique. Le redressement ultérieur de la production a été très lent: la production agricole globale n'a augmenté que de 1,6 pour cent en 1999 et, d'après les estimations préliminaires, elle n'a presque pas augmenté en 2000.

Aux Philippines, après une sécheresse prolongée due au phénomène El Niño, qui a entraîné une contraction de plus de 7 pour cent de la production agricole en 1998, la mousson de 1999 est arrivée environ deux mois plus tôt que la normale, ce qui a entraîné une forte expansion de la production agricole (près de 9 pour cent). La production de riz et de maïs en particulier a beaucoup augmenté, après une baisse brutale l'année précédente. Selon les estimations préliminaires, la production agricole devrait augmenter de 1 à 2 pour cent en 2000.

En Thaïlande également, la production agricole a été gravement frappée en 1998 par les effets climatiques du phénomène El Niño, ainsi que par la réduction de la demande d'importation des autres pays d'Asie du Sud-Est. Le recul de la production agricole globale a atteint 3,5 pour cent en 1998. La situation ne s'est que lentement rétablie, avec une hausse de la production d'environ 1,5 pour cent en 1999 et de probablement moins de 1 pour cent en 2000.

En Malaisie, la production agricole a souffert en 1998 des intempéries ainsi que de la pénurie de main-d'œuvre due au départ des travailleurs émigrés, mais elle n'a diminué que de 1,5 pour cent, ce qui est beaucoup moins qu'aux Philippines et en Thaïlande. Il y a eu une forte progression en 1999 (plus de 5 pour cent), due essentiellement à une excellente récolte d'oléagineux, tandis que la production de caoutchouc a continué de baisser. Selon les estimations préliminaires, la production agricole globale a atteint à peu près le même niveau en 2000 qu'en 1999.

Au Viet Nam, la production agricole augmente très rapidement depuis le début des années 90 et elle a progressé de 7 pour cent en 1999, ce qui ne s'était pas vu depuis 1992. Les résultats exceptionnels de 1999 ne semblent pas s'être renouvelés en 2000, puisque selon les estimations préliminaires la production agricole globale n'aurait augmenté que de 2 pour cent (pour une description du secteur agricole vietnamien, voir p. 116).

La crise économique asiatique et ses incidences sur l'agriculture

La crise financière qu'a subie l'Asie montre bien l'instabilité à laquelle sont exposés l'agriculture et le secteur rural, qui est accentuée par leur intégration croissante dans le reste de l'économie et dans le marché mondial. Les problèmes provoqués par la crise ont été aggravés par la sécheresse due au phénomène El Niño.

Impact social. L'impact social de la crise a été important mais moins grave qu'on ne le craignait au point culminant de la crise. Cela est dû en partie au fait que le redressement a été plus rapide que prévu, mais aussi aux mécanismes de transfert que certains des pays touchés ont mis en place. De plus, l'absorption des citadins chômeurs dans le secteur agricole et l'existence de divers mécanismes de protection sociale informels ont atténué l'impact de la crise. Néanmoins, selon la Banque asiatique de développement (BAsD), l'amélioration de la situation sociale reste lente et cela entrave le redressement global de l'économie58.

Tableau 20

INDICATEURS DE L'IMPACT SOCIAL DE LA CRISE EN ASIE

Indicateur

Chine

Indonésie

Malaisie

Philippines

République de Corée

Thaïlande

 

(pourcentage)

Taux de croissance annuelde la consommation privée par habitant

1990-96

8,3

6,8

5,4

1,0

6,5

6,4

1998

5,5

-4,7

-12,6

1,3

-10,2

-15,1

Incidence de la pauvreté1

1996

4,7

11,3

8,2

37,5

9,6

11,4

1998

3,4

20,3

,,,

,,,

19,2

13,0

Taux de chômage

1996

5,6

4,9

2,5

8,6

2,0

1,8

1998

9,1

5,5

3,2

10,1

6,8

4,5

1 Sur la base du seuil officiel de pauvreté de chaque pays.

Source: Banque mondiale. 2000. East Asia. Recovery and beyond. Washington.

Les indicateurs de pauvreté se sont sensiblement détériorés dans tous les pays touchés par la crise59. L'Indonésie, qui est le pays où la contraction du PIB a été la plus brutale, a subi la plus forte aggravation de la pauvreté. On a estimé60 qu'une contraction du PIB de 12 pour cent en 1998 ferait passer le taux de pauvreté de 11,3 pour cent en janvier 1996 à 14,1 pour cent en mars 1999, l'aggravation étant particulièrement prononcée dans les zones urbaines. Les salaires réels auraient chuté de 41 pour cent en 1998. Fait notable, l'incidence de la pauvreté a augmenté plus vite dans les villes que dans les campagnes, même si c'est dans les campagnes que le nombre de pauvres a le plus augmenté. En Thaïlande, on a constaté un phénomène opposé: la pauvreté s'est accrue dans les campagnes tandis que le pourcentage de pauvres dans les villes est resté inchangé.

Dans les pays dans lesquels une grande partie de la population vit à la limite du seuil de la pauvreté, comme l'Indonésie et les Philippines, le déclin du niveau de revenu et de consommation par habitant entraîne une aggravation plus immédiate de l'incidence et de l'intensité de la pauvreté. Dans ces pays, le rythme du redressement peut avoir un impact crucial sur les conditions d'existence d'une grande partie de la population.

Les pays où la crise a eu le plus d'effets sur le marché du travail sont l'Indonésie, la République de Corée et la Thaïlande. Ces effets ont été moins prononcés aux Philippines, pays où par ailleurs le taux de croissance était également moins élevé avant la crise. En Malaisie, le groupe le plus affecté a été la main-d'œuvre immigrée61. De façon générale, le taux de chômage a augmenté plus vite chez les jeunes que chez les adultes. En outre, les ménages ont été touchés par la baisse des salaires réels. En effet, l'ajustement du marché du travail s'est fait plus par le biais des revenus que par une augmentation du chômage déclaré. En outre, une partie de la main-d'œuvre qui a quitté le secteur formel a retrouvé un emploi dans le secteur informel. La crise a eu un effet particulièrement prononcé sur la sécurité alimentaire des catégories sociales les plus vulnérables. Les dévaluations et la hausse du prix des aliments ont modifié les termes de l'échange sur le marché intérieur au profit des agriculteurs ayant des excédents à commercialiser. Toutefois, la hausse des prix a aussi mis de nombreux aliments de base hors de portée des plus pauvres, ce qui a aggravé l'insécurité alimentaire. Les variations des prix des denrées essentielles ont des effets particulièrement nocifs, notamment sur les pauvres. Une hausse même modeste du prix des produits alimentaires se répercute sur l'état nutritionnel, en particulier dans le cas des femmes enceintes ou allaitantes, des nouveau-nés et des enfants d'âge préscolaire.

La hausse des prix agricoles durant la crise financière asiatique a durement frappé les citadins pauvres qui consacrent une grande partie de leurs revenus à l'achat de la nourriture. Dans les campagnes, où les plus pauvres sont en général acheteurs nets de produits alimentaires de base et où la protection sociale est généralement limitée, voire inexistante, la hausse des prix des denrées a eu un effet négatif.

En Indonésie par exemple, la quantité de riz pouvant être achetée avec le salaire journalier minimum a diminué de plus des deux tiers entre janvier 1997 et octobre 1998. La FAO a estimé que le nombre de personnes sous-alimentées a presque doublé, passant de 6 pour cent de la population en 1995-1997 à quelque 12 pour cent en 199962.

La réponse à la crise. La réponse à la crise a pris diverses formes. Au niveau des ménages, on a observé des comportements tels que l'ajustement de la consommation, la désépargne et le recours à la main-d'œuvre familiale.

En ce qui concerne la consommation, les ménages ont réduit leurs dépenses alimentaires et acheté de préférence des aliments moins chers et de moins bonne qualité, ce qui a eu un impact négatif sur le secteur agricole. L'épargne familiale accumulée durant les périodes de haute conjoncture a aidé une bonne partie des familles victimes du chômage ou d'une forte contraction de leurs revenus.

La migration a aussi été un mécanisme d'adaptation important63. Dans les pays les plus touchés, on a observé un phénomène inhabituel d'exode des villes vers les campagnes. En Thaïlande, le gouvernement a estimé que 188 000 chômeurs ont quitté Bangkok à la recherche de perspectives meilleures dans les campagnes. On a aussi observé un important déplacement de la main-d'œuvre du secteur non agricole vers le secteur agricole en Indonésie et en République de Corée. En même temps, l'aggravation du chômage urbain a pénalisé les familles rurales tributaires des envois de fonds de parents vivant en ville.

Les États ont cherché à soulager ces difficultés au moyen des mécanismes de sécurité sociale existants ou en en créant de nouveaux. Les instruments employés diffèrent selon les pays. L'Indonésie a lancé en juillet 1998 un nouveau programme ciblé de distribution de riz subventionné. Il s'agissait de fournir aux familles répondant à certains critères 20 kg de riz à prix réduit et, en janvier 2000, ce programme touchait 10 millions de ménages.

L'Indonésie, la République de Corée et la Thaïlande ont créé, élargi ou remanié des mécanismes d'emplois publics. En République de Corée, la couverture de l'assurance chômage a été élargie, et en Thaïlande les indemnités de licenciements ont été majorées. L'Indonésie et la Thaïlande ont lancé des programmes de promotion de la scolarisation (bourses, exonération de droits de scolarité, etc.). La Thaïlande a élargi les programmes de repas scolaires. Les mesures actives ont également joué un rôle important, en particulier celles concernant la formation professionnelle ou le recyclage professionnel (en Malaisie, aux Philippines, en République de Corée et en Thaïlande) et la recherche d'emploi (aux Philippines et en République de Corée). Différents autres instruments ont été employés: soins de santé subventionnés (Thaïlande), distribution de médicaments essentiels (Indonésie), programmes sociaux communautaires (Indonésie et Thaïlande) et divers mécanismes d'allocations (République de Corée et Thaïlande).

Les problèmes de l'agriculture. La crise économique asiatique a créé un certain nombre de problèmes pour l'agriculture. Plus que jamais, on a compté sur l'agriculture pour absorber les chômeurs, accroître les recettes en devises et l'approvisionnement alimentaire et générer des ressources pour l'investissement intérieur.

Les brutales dévaluations qui se sont produites64 ont eu des effets mitigés sur l'agriculture. D'une part, elles ont eu tendance à corriger la surévaluation de la monnaie et à soutenir le prix relatif des produits agricoles exportables, ce qui a fait monter la production et les recettes agricoles. La production de produits exportables a été encouragée tandis que l'importation de produits alimentaires et fourragers a diminué. Toutefois, cet effet positif a été, dans une certaine mesure, contrebalancé par l'effet négatif de la hausse du prix des intrants importés, tels que les engrais et les carburants. La production agricole a augmenté avec retard car, dans les zones pauvres, les rigidités structurelles et le manque de capitaux ont souvent empêché les familles d'agriculteurs de réagir à la variation des prix.

La restriction des dépenses publiques a aussi réduit, du moins au début de la crise, les ressources disponibles pour offrir des services publics aux agriculteurs. La baisse des investissements publics dans les zones rurales a été particulièrement prononcée dans les pays les plus touchés par la crise. Comme les investissements dans les infrastructures et la recherche agricole sont souvent des investissements à long terme, cette baisse pourrait avoir des effets durables et qui ne se manifesteront qu'après un certain temps. En outre, la réponse de l'offre agricole a été limitée par le niveau élevé des taux d'intérêt et la contraction du crédit, en particulier pour l'achat d'intrants essentiels (semences et engrais) et pour la vente et la distribution des produits, y compris à l'exportation ou à l'importation. Vu la lenteur de la réponse de l'offre, la dévaluation a entraîné une hausse des prix alimentaires. Cette hausse a été particulièrement forte en Indonésie, où la moyenne mensuelle du prix du riz est passée de quelque 1 500 rupiah le kilogramme en mars 1998 à 3 000 rupiah en septembre de la même année.

Les effets de la crise sur l'emploi ont dans l'ensemble eu un impact négatif sur les familles rurales. La demande urbaine a chuté, en particulier pour les produits agricoles pour lesquels l'élasticité-revenus est élevée, tels que les produits de l'élevage et du maraîchage. L'emploi rural non agricole et les envois de fonds des parents travaillant dans le secteur non agricole ont diminué. L'inversion de l'exode rural a fait chuter les salaires ruraux et a en partie compensé les gains de revenus induits par la dévaluation.

Les leçons de la crise. Une grande partie des effets de la crise financière ne deviendront pleinement évidents qu'au bout d'un certain temps. Néanmoins, on peut déjà en conclure que les sociétés dans lesquelles les revenus ont beaucoup augmenté grâce à une période durable de forte croissance sont en mesure de protéger leur niveau de revenu et de consommation durant des crises temporaires.

Les résultats obtenus depuis quelques décennies par l'Asie en matière de croissance et de réduction de la pauvreté sont sans parallèle dans l'histoire récente et ont permis à de nombreuses familles d'éviter de retomber dans la pauvreté absolue. Parallèlement, l'importance des mesures sociales et de soutien de l'emploi ciblées visant à soulager les difficultés transitoires des pauvres en période de récession a été largement démontrée. L'agriculture est le secteur le plus critique en ce qui concerne la réduction de la pauvreté, puisque la plupart des pauvres vivent dans les campagnes et travaillent dans l'agriculture ou en sont tributaires. L'agriculture a subi des difficultés après la crise (hausse du prix des intrants, réduction des investissements et baisse de la demande intérieure de produits coûteux), mais s'est montrée capable de très bien résister aux chocs.

Il est encore trop tôt pour dire quels seront les effets à long terme sur le secteur agricole des pays frappés par la crise. Les dévaluations ont réduit ou supprimé la taxation implicite de l'agriculture, et dans la plupart des pays touchés par la crise le redressement a déjà commencé. Cela signifie que l'agriculture et le secteur rural ont de nouvelles possibilités de contribuer à la croissance et à la réduction de la pauvreté. Toutefois, pour que l'agriculture puisse exploiter l'amélioration des incitations, il convient d'accroître sa capacité d'adaptation. À cet égard, le rôle du secteur public en ce qui concerne l'amélioration des circuits de commercialisation, des infrastructures, la recherche et la vulgarisation est essentiel.

VIET NAM

Description générale

Le Viet Nam a une superficie d'environ 33 millions d'hectares. Les trois quarts du pays sont couverts de montagnes et de collines et le reste se compose de plaines fertiles, les principales étant le delta du fleuve Rouge au nord et le delta du Mékong au sud. C'est un des pays les plus pauvres du monde. Son PNB par habitant n'atteignait que 350 dollars EU en 1998, ce qui le plaçait au 173e rang de la liste de la Banque mondiale65. Malgré cela, sa situation est bien meilleure que celle de bon nombre d'autres pays en développement à en juger d'après plusieurs indicateurs sociaux. L'espérance de vie à la naissance est de 68 ans, contre une moyenne de 60 ans dans les pays à bas revenus (et 70 ans dans les pays à revenus moyens); le taux de mortalité infantile est de 34 décès pour 1 000 naissances vivantes, contre une moyenne de 68 dans les pays à bas revenus et 31 dans les pays à revenus moyens. De même, le taux d'alphabétisation des adultes est beaucoup plus élevé que dans la plupart des autres pays à bas revenus. Ainsi, le taux d'analphabétisme des jeunes âgés de 15 à 24 ans n'est que de 3 pour cent, pour les deux sexes66.

Les terres agricoles couvrent 7,9 millions d'hectares, dont 3 millions sont irriguées67. Le couvert forestier est estimé à quelque 9,3 millions d'hectares68. La plupart des basses terres sont consacrées à la riziculture et les hautes terres à d'autres cultures annuelles (patate douce, manioc, maïs, arachide, soja, canne à sucre et tabac) ou à des cultures permanentes (café, thé, caoutchouc, mûres, noix de coco et poivre).

Le Viet Nam a 79 millions d'habitants, dont 80 pour cent vivent en zone rurale. La densité de population rurale est assez élevée, la moyenne nationale étant de 194 habitants au kilomètre carré. Toutefois, il y a d'importantes différences régionales en matière de densité démographique. La zone la plus peuplée est le delta du Fleuve rouge, où la densité est d'environ 890 à 1 090 habitants au kilomètre carré69. L'agriculture (y compris pêche et foresterie) est de loin le principal secteur d'activité économique. La population agricole est de 53 millions de personnes70 et le secteur emploie près de 70 pour cent (68 pour cent en 1999) de la population active du pays, mais sa contribution au PIB est beaucoup plus modeste (26 pour cent)71.

Les réformes économiques et leurs résultats

Le Viet Nam, qui était autrefois un pays à économie centralement planifiée, a entrepris des réformes économiques très importantes au cours de la dernière décennie pour se transformer en une économie de marché. En fait, des réformes progressives avaient déjà commencé plus tôt72; les premières mesures ont été prises en 1981, avec l'introduction d'un système contractuel dans l'agriculture et une augmentation de l'autonomie des entreprises d'État.

Toutefois, le grand élan de réforme a commencé en 1986 lorsque le Sixième Congrès national du Parti communiste vietnamien a approuvé une réorientation majeure dans le sens d'une économie de marché, fondée sur la coexistence d'un secteur étatique et d'un secteur privé. Cette nouvelle politique a été appelée doi moi (renouveau).

À la suite des décisions prises en 198673, quatre grandes réformes ont été mises en œuvre:

En 1989, face à l'aggravation rapide du déficit public et à une menace d'hyperinflation, le Gouvernement vietnamien a lancé un programme de stabilisation macroéconomique inspiré des programmes traditionnellement appuyés par le FMI, mais n'a pas reçu d'aide de ce dernier74. La pierre angulaire du programme a été la libéralisation du marché intérieur; presque tous les prix ont été libérés (y compris celui du riz) et en 1982 le système de double taux de change (un taux officiel et un taux parallèle) a été remplacé par un système de taux unique.

En même temps, le commerce extérieur a été facilité, notamment par une amélioration de l'accès aux devises, et la banque centrale a institué des taux d'intérêt réels positifs. Les autorités ont aussi fait un gros effort pour réduire le déficit public, notamment en supprimant les subventions directes aux entreprises d'État. Enfin, la fiscalité a été remaniée.

Toute une série de nouveaux impôts ont été introduits et on a instauré l'égalité de traitement des entreprises privées et des entreprises d'État. En outre, l'ancien régime de contributions des entreprises d'État au budget a été supprimé au profit d'une fiscalité ordinaire. Par la suite, durant les années 90, les réformes entreprises dans les années 80 ont été consolidées. Un des éléments essentiels de ces réformes a été l'intégration de l'économie vietnamienne dans l'économie mondiale. En particulier, le Viet Nam a adhéré à l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (ANASE) en 1995 et à la Zone de libre-échange des pays de l'ANASE en 1996, prenant l'engagement de supprimer presque toutes les restrictions quantitatives au commerce et de réduire les droits de douane appliqués aux produits provenant des autres membres de l'ANASE d'ici à 2006. Enfin, il a signé en juillet 2000 un accord commercial très complet avec les États-Unis. La réponse de l'économie aux réformes a été rapide et remarquable (voir tableau 21).

Tableau 21

VIET NAM: CROISSANCE DU PIB RÉEL ET HAUSSE DES PRIX À LA CONSOMMATION

Année

Croissance du PIB réel (pourcentage)

Taux d'inflation annuel

 

(pourcentage)

1979-1988

4,9

118,4

1989

7,8

35

1990

4,9

67

1991

6,0

68,1

1992

8,6

18,2

1993

8,1

8,4

1994

8,8

9,4

1995

9,5

16,9

1996

9,3

5,6

1997

8,2

3,1

1998

3,5

7,9

1999

4,2

4,1

20001

4,5

0,5

1 Projections.

Source: FMI. Staff Country Report No. 00/16, Statistical Appendix and Background Notes. Septembre 2000.

Le taux de croissance réel du PIB a atteint en moyenne 7,9 pour cent par an en 1989-1997, l'inflation a été maîtrisée et le commerce extérieur a connu une forte expansion (figure 18). L'investissement étranger direct a joué un rôle particulièrement important dans le développement de l'économie vietnamienne (tableau 22).

Tableau 22

INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS DIRECTS AU VIET NAM - DÉCAISSEMENTS

Année

Valeur

Pourcentage du PIB

 

(millions de $EU)

 

1988-1991

168

2,0

1992

316

3,9

1993

922

7,8

1994

1 636

11,2

1995

2 276

14,2

1996

1 813

12,3

1997

2 074

8,7

1998

800

6,7

19991

700

5,2

1 Estimations préliminaires.

Source: FMI. Staff Country Report No. 00/16, Statistical Appendix and Background Notes. Septembre 2000.

Après plusieurs années de très forte croissance, l'économie vietnamienne s'est calmée en 1998; en effet, le pays s'est ressenti du contrecoup de la crise financière d'Asie du Sud-Est, tandis que les flux d'investissements étrangers directs ont diminué. Toutefois, contrairement à ce qui s'est passé dans les autres pays de la région, cela n'a entraîné qu'un ralentissement de la croissance, dont le taux est tombé à 3,5 pour cent en 1998, et non une contraction du PIB. L'économie s'est redressée à partir du milieu de 1999 avec une estimation du taux de croissance du PIB de 4,2 pour cent en 1999 et de 4,5 pour cent en 2000. Cela reste nettement inférieur au rythme enregistré dans les années qui ont précédé ce ralentissement. La rapide croissance de l'économie, qui s'est ajoutée à une distribution relativement équitable des biens et des services tels que les soins de santé et l'éducation, a permis de faire reculer sensiblement la pauvreté.

D'après des enquêtes sur le niveau de vie faites en 1992-1993 et 1997-1998 par l'Office général de statistique avec une assistance technique de la Banque mondiale, le niveau de pauvreté a nettement diminué durant ces cinq ans. Si on prend comme seuil de pauvreté le niveau du revenu nécessaire pour acheter 2 100 calories par jour, l'incidence de la pauvreté est tombée de 24,9 pour cent en 1992 à 15 pour cent en 1997-199875. Sur la base d'un indicateur de pauvreté plus général, combinant le budget d'alimentation (70 pour cent des dépenses) et un budget non alimentaire (30 pour cent des dépenses), la Banque mondiale estime que l'incidence de la pauvreté est tombée de 58,1 pour cent en 1992-1993 à 37,4 pour cent en 1997-1998.

Le recul de la pauvreté s'observe aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Toutefois, la pauvreté reste beaucoup plus importante dans les zones rurales, où vivent 94 pour cent des pauvres, et la pauvreté rurale a diminué plus lentement que la pauvreté urbaine (voir tableau 23).

Tableau 23

INCIDENCE DE LA PAUVRETÉ URBAINE ET RURALE AU VIET NAM

Catégorie de population

1992/93

1997/98

 

(pourcentage)

 

Incidence de la pauvreté urbaine

25,1

9,0

Incidence de la pauvreté rurale

66,4

44,9

Ruraux pauvres - % de la pop. pauvre totale

91,0

94,0

Population rurale - % de la pop. totale

80,0

76,5

Source: Office général de statistique du Viet Nam et Banque mondiale.

L'augmentation des revenus par habitant et les excellents résultats de l'agriculture depuis le début du processus de réforme économique (décrit à la section suivante) ont permis de faire des progrès notables en matière de sécurité alimentaire. La disponibilité alimentaire par habitant, qui avait diminué à la fin des années 80, est passée de 2 200 kcal par jour en 1990 à plus de 2 400 kcal par jour en 1998. L'incidence de la sous-alimentation a beaucoup diminué, notamment grâce au recul de la pauvreté. On estime que le pourcentage de personnes sous-alimentées dans la population totale est tombé de 33 pour cent en 1979-1981 à 28 pour cent en 1990-1992 et à 22 pour cent en 1996-1998.

L'agriculture dans le processus de réforme de l'économie

Le secteur agricole joue un rôle essentiel dans l'économie vietnamienne et par conséquent dans les efforts de réforme du pays. Avant la réforme doi moi, ce secteur se caractérisait par un mode d'organisation différent selon les régions. Dans le nord du pays, la collectivisation de l'agriculture avait été introduite en 195476, après l'indépendance. La collectivisation généralisée de l'agriculture a commencé en 1958 dans le nord. En 1960, plus de 40 000 coopératives de production avaient été créées et elles regroupaient 85 pour cent de la population agricole77. Malgré l'échec relatif des coopératives, qui a entraîné une baisse des revenus agricoles et de la disponibilité alimentaire par habitant, les autorités ont poursuivi dans la voie de la collectivisation en créant des unités de production de plus en plus grandes et spécialisées.

Après la réunification de 1975, le processus de collectivisation a été étendu au sud du pays, où il a rencontré des problèmes et suscité des résistances considérables qui l'ont empêché de fonctionner, et un grand nombre de coopératives n'avaient de coopératives que le nom. L'agriculture a continué d'enregistrer des résultats médiocres en matière de production et la production alimentaire par habitant a stagné.

L'échec de la collectivisation a été une des principales motivations des réformes ultérieures. Comme indiqué plus haut, les premiers efforts de réforme de l'agriculture ont été entrepris en 1981, mais la refonte en profondeur n'a commencé qu'en 1988. Pour le secteur agricole, la réforme a consisté avant tout à abandonner l'organisation collective de la production et à refaire de la famille l'unité fondamentale de production.

Les agriculteurs ont été autorisés à posséder des machines agricoles, des instruments et des animaux et ont reçu le droit de cultiver des terres louées aux coopératives. La commercialisation des produits agricoles a été libéralisée et les producteurs ont été autorisés à vendre librement leurs produits, l'obligation de vendre à l'État étant abolie.

La réforme a été accentuée en 1993 après l'adoption de la Résolution 5 au Septième Congrès du parti. Les décisions prises en vertu de cette résolution visaient la promotion du développement rural en général, reconnaissant et encourageant le rôle du secteur privé dans l'économie rurale, et la rénovation des coopératives et des entreprises d'État, l'accent étant mis sur l'autogestion.

Avec la nouvelle Loi foncière de 1993, les agriculteurs ont reçu des droits d'utilisation à long terme de la terre (20 ans pour les cultures annuelles et 50 ans pour les cultures pérennes), ainsi que le droit de céder, échanger et hériter la terre et de l'employer comme caution. En 1998, la Loi foncière a été à nouveau révisée et les droits d'utilisation de la terre ont été élargis, avec l'instauration d'un droit de location et de la possibilité d'octroyer des droits d'utilisation de la terre à des personnes autres que les agriculteurs. Sur la base de cette nouvelle loi, les terres ont été distribuées et des certificats d'utilisation ont été délivrés. La distribution s'est faite sur la base de l'équité au niveau des localités. À la fin de 1999, le processus de distribution était pour l'essentiel achevé en ce qui concerne les terres agricoles et 60 pour cent des certificats d'utilisation de la terre demandés avaient été accordés78.

Un autre volet important de la réforme a consisté à asseoir la fiscalité agricole sur l'utilisation de la terre. On a instauré six taux d'imposition différents pour le paddy, en fonction de la fertilité du sol, et ces taux ont été convertis en équivalents monétaires sur la base du prix du marché du paddy à la date du paiement. La réforme de la politique du crédit a permis aux banques commerciales, en particulier à la Banque vietnamienne pour l'agriculture, d'octroyer des prêts aux ménages d'agriculteurs.

Le processus de réforme a conduit à transformer les coopératives, qui étaient auparavant des organisations de production, en centres de services à l'intention des agriculteurs. Leur nouveau rôle est défini dans la nouvelle loi sur les coopératives, qui a été promulguée en janvier 1997 et est en cours d'application. Cette loi exige que les coopératives traditionnelles se restructurent et élisent de nouveaux dirigeants.

Malgré certaines difficultés, à la fin de 1999, les autorités gouvernementales estimaient que 60 pour cent des quelque 10 000 coopératives s'étaient pliées à la loi, et une centaine de nouvelles coopératives avaient été créées en juillet 1997. Les coopératives sont présentes surtout dans le delta du fleuve Rouge et sur la plaine côtière du centre, tandis que dans le delta du Mékong d'autres types d'associations d'agriculteurs (dont le nombre est estimé à 10 000) prédominent.

L'agriculture vietnamienne a répondu très rapidement à la réforme (voir figure 21). La production agricole globale a augmenté en moyenne de 5,4 pour cent par an durant la période 1991-1999 et, durant la même période, la production alimentaire par habitant a progressé de 3,1 pour cent par an. Le plus important a été l'expansion rapide de la production de riz, aliment de base de la population, depuis la fin des années 80.

Tableau 24

IMPORTATIONS ET EXPORTATIONS NETTES DE RIZ AU VIET NAM

 

Importations

Exportations

Exportations nettes

 

(milliers de tonnes)

1985

336

59

-277

1986

483

132

-351

1987

323

120

-202

1988

200

91

-108

1989

55

1 420

1 365

1990

2

1 624

1 622

1991

6

1 033

1 027

1992

2

1 946

1 944

1993

1

1 722

1 721

1994

0

1 983

1 983

1995

11

1 988

1 977

1996

0

3 500

3 500

1997

0

3 575

3 575

1998

0

3 800

3 800

Source: FAOSTAT.

Cela permis au Viet Nam non seulement d'exporter du riz en grande quantité à partir de 1989, alors qu'auparavant il en importait un peu (voir tableau 24), mais même de devenir le troisième exportateur de riz du monde (en volume) après la Thaïlande et l'Inde, et le quatrième (en valeur) après la Thaïlande, l'Inde et les États-Unis. En 1998, les exportations vietnamiennes de riz représentaient 13 pour cent du total mondial en volume et 10 pour cent en valeur. Le fait que la part en valeur soit plus faible s'explique par la qualité généralement médiocre du riz vietnamien, qui dérive de carences lors de la phase de transformation.

La production de plusieurs autres cultures a aussi considérablement augmenté, ce qui a conduit à une plus grande diversification de l'agriculture (voir tableau 25).

Tableau 25

PRODUCTION DE DIFFÉRENTES CULTURES AU VIET NAM

Culture

1989

1998

Pourcentage de variation

 

(milliers de tonnes)

Paddy

18 996

29 142

53,4

Maïs

838

1 612

92,4

Café vert

41

409

903,2

Thé

30

51

68,8

Caoutchouc naturel

51

226

346,0

Total fruits1

3 124

3 886

24,4

Bananes

1 227

1 315

7,2

Oranges

101

379

275,2

Légumes (primaires)

3 384

4 575

35,2

Arachides (avec coque)

206

386

87,6

Noix de coco

922

1 271

37,9

1 Melons exclus

Source: FAOSTAT.

Les recettes d'exportation des produits agricoles ont augmenté de façon spectaculaire depuis la fin des années 80 (voir tableau 26), le riz demeurant le premier produit d'exportation agricole tout au long de cette période. Les exportations de café ont rapidement augmenté dans les années 90, devenant ainsi le deuxième produit d'exportation agricole. Comme le montre le tableau 26, les exportations de plusieurs autres produits ont été très dynamiques au cours de la dernière décennie.

Tableau 26

EXPORTATIONS AGRICOLES AU VIET NAM

Produit d'exportation

1988

1993

1998

 

(millions de $EU)

Total du commerce de marchandises

1 038

2 985

9 361

Total des produits agricoles

332

731

2 281

Riz

27

310

1 024

Café, vert

58

91

594

Fruits et légumes

51

53

155

Caoutchouc naturel

32

77

127

Noix de cajou

7

30

117

Poivre, blanc/long/noir

7

9

64

Arachides (sans coque)

36

46

42

Maïs

6

9

40

Source: FAOSTAT.

Priorités de la politique de développement rural et agricole

Les politiques actuelles du gouvernement donnent la priorité à l'amélioration de la commercialisation des intrants et produits agricoles et à la promotion du développement rural. Pour accroître l'intégration de l'agriculture dans le marché, il faut notamment cesser de privilégier la riziculture en tant que moyen d'assurer la sécurité alimentaire, au profit d'une orientation plus commerciale, en particulier pour l'exportation. Le développement rural est l'autre pilier de la politique actuelle du gouvernement. La pauvreté rurale reste considérable et les écarts de revenus entre les villes et les campagnes se sont creusés. Il faut créer des revenus et des emplois non agricoles et encourager l'industrialisation rurale. Cela exige une diversification de l'agriculture, de façon que la production agricole réponde davantage aux forces du marché, ainsi que la promotion d'activités non agricoles.

Le principal obstacle au développement rural du Viet Nam est probablement le sous-développement des infrastructures, telles que routes, réseaux d'irrigation et de drainage, ouvrages de défense contre les inondations, distribution d'eau potable, établissement de marchés permanents et électricité. En particulier, la mauvaise qualité des réseaux de transport limite sérieusement l'accès de la population rurale aux marchés. Les infrastructures laissent beaucoup à désirer dans les régions les plus pauvres et les plus isolées.

Le gouvernement a entrepris d'accroître les investissements dans les infrastructures et les services ruraux et a lancé à cet effet en 1998 le Programme en faveur des communes pauvres. Dans le cadre de ce programme, l'État devrait fournir quelque 400 millions de dong (D) (environ 30 000 dollars) par commune pour financer des projets d'infrastructure (irrigation, ponts, routes, écoles, dispensaires, marchés) choisis par les communes. À l'origine, ce programme devait viser plus de 1 700 communes pauvres mais, depuis, cet objectif a été ramené à un nombre compris entre 850 et 900 communes.

Obstacles institutionnels au développement rural

Un certain nombre d'obstacles liés aux politiques entravent le développement économique du Viet Nam, en particulier le développement rural. Bon nombre de ces obstacles sont liés à la transition vers l'économie de marché et, en particulier, au fait que le processus de réforme de l'économie est loin d'être achevé. Certains sont de caractère macroéconomique ou concernent l'ensemble de l'économie; d'autres sont propres à l'agriculture ou aux zones rurales79.

Ouvriers agricoles travaillant dans une rizière
Les politiques actuelles encouragent une production agricole orientée vers l'exportation plutôt qu'une production vivrière

-FAO/16254/P. JOHNSON

Obstacles macroéconomiques. Malgré les importantes mesures prises dans le domaine de la libéralisation, le régime du commerce extérieur du Viet Nam reste très restrictif80. En 1999, le FMI a donné au Viet Nam une note de 9 sur 10 sur l'échelle de l'indice de libéralisation du commerce extérieur81 (10 correspondant au régime le plus restrictif).

La protection prend diverses formes, telles que limitation du droit de pratiquer des opérations de commerce extérieur, contingentements et licences, droits de douane relativement élevés et restriction de l'accès aux devises pour l'importation de produits qui sont en concurrence avec des produits d'origine nationale. Elle pénalise lourdement le reste de l'économie. Dans le cas de l'agriculture, elle a eu pour effet de majorer le coût des intrants protégés. De plus, la restriction et la réglementation des exportations de riz et d'autres produits agricoles se traduisent par une réduction du prix payé au producteur ou par une sous-exploitation du potentiel d'exportation.

Autre vestige de l'économie planifiée, les entreprises d'État ont encore une position dominante et représentent quelque 30 pour cent du PIB et 15 pour cent de l'emploi non agricole82. Les avantages et traitements préférentiels dont jouissent les entreprises d'État pèsent sur les autres secteurs de l'économie. Le régime de commerce extérieur restrictif est conçu pour protéger ces entreprises, qui en outre absorbent 68 pour cent (fin 1998) des crédits autres que les crédits de l'État. La priorité donnée aux entreprises d'État a eu tendance à promouvoir un développement industriel capitalistique et urbain au détriment d'activités rurale à plus forte intensité de main-d'œuvre. De plus, les entreprises d'État sont souvent déficitaires et cela menace la stabilité du système bancaire et la situation macroéconomique. Il semble qu'une réforme de ces entreprises soit essentielle pour améliorer les résultats économiques, mais jusqu'à présent les autorités n'ont pas fait grandchose83. Néanmoins, le processus s'accélère, et en décembre 1999, la BAsD a approuvé un prêt de 100 millions de dollars pour le Programme de réforme et d'amélioration de la gestion des entreprises d'État.

Obstacles sectoriels au développement agricole et rural. Malgré des progrès importants, le secteur agricole vietnamien continue d'être pénalisé par des marchés insuffisamment concurrentiels - situation due aux obstacles commerciaux subsistants et à l'insuffisance de la participation du secteur privé à la commercialisation des produits sur le marché intérieur et extérieur. Ainsi, le sous-secteur le plus important, celui du riz, fait traditionnellement l'objet d'un contrôle à l'exportation, justifié par des considérations de sécurité alimentaire. Toutefois, les contingents d'exportation qui existent toujours ont été progressivement majorés, tant et si bien qu'aujourd'hui ils ne restreignent plus vraiment les exportations.

En revanche, l'omniprésence des entreprises d'État dans la commercialisation et l'exportation de riz, pour lesquelles il faut une autorisation, pourrait être une entrave plus importante. Néanmoins, le nombre d'entreprises autorisées à exporter du riz est passé de 17 en 1995 à 47, dont quatre entreprises privées, en 1999. En juin 2000, les Ministères du commerce extérieur et de l'agriculture ont été chargés de réviser ce système.

Les autres distorsions spécifiques qui gênent le secteur agricole sont les droits d'importation élevés perçus sur le sucre, dont l'importation est occasionnellement interdite, et les restrictions visant les importations de semences et de produits pour l'alimentation des animaux, qui ont tendance à faire monter le coût de ces intrants.

Globalement, la poursuite de la libéralisation du commerce intérieur et extérieur et la participation accrue du secteur privé à ces activités devraient stimuler la concurrence, ce qui permettra aux agriculteurs d'être mieux récompensés de leurs efforts.

La politique de faire-valoir joue un rôle essentiel dans le développement de l'agriculture et du secteur rural non agricole. L'octroi de droits d'utilisation à long terme de la terre a été institutionnalisé avec l'adoption de la Loi foncière de 1993 et sa révision de 1998, mais l'application des nouvelles règles a été et est toujours peu satisfaisante. Le processus a été entravé par des problèmes d'application à l'échelon local. En outre, l'absence de directives claires en matière de droits d'utilisation de la terre est source d'incertitude, particulièrement pour ce qui est des cessions de terres et des hypothèques sur la terre, mais les directives publiées en 1999 devraient améliorer la situation. L'absence d'un marché foncier libéralisé, s'ajoutant aux restrictions qui concernent l'utilisation des terres, fait obstacle à une allocation efficiente de la terre, tant au sein de l'agriculture qu'entre les activités agricoles et les activités non agricoles en milieu rural. En raison des contraintes liées au système de crédit, le secteur privé rural - agricole et non agricole - manque de financement. La plupart des crédits accordés en zone rurale sont distribués par la Banque vietnamienne pour l'agriculture et le développement rural, ainsi que par la Banque pour les pauvres qui a été créée en 1995 pour distribuer des crédits bonifiés aux pauvres. Le gouvernement encourage la création de fonds populaires de crédit, c'est-à-dire de coopératives locales d'épargne et de crédit, et des ONG gèrent plusieurs mécanismes de microcrédits. Néanmoins, l'accès au crédit bancaire ordinaire, et en particulier au crédit à moyen et à long termes, reste insuffisant.

CONCLUSIONS

Le Viet Nam a accompli d'importants progrès économiques depuis une décennie grâce à un processus de réforme progressif, mais a récemment subi le contrecoup de la crise financière asiatique. Néanmoins, les taux de croissance élevés qui ont été obtenus lui ont permis de réduire considérablement l'incidence de la pauvreté et de la sous-alimentation. L'agriculture a apporté une contribution majeure aux progrès économiques du pays et a réagi très favorablement à la libéralisation de l'économie et à l'amélioration des incitations. Malgré les réformes déjà entreprises, l'agriculture et le secteur rural, de même que l'économie en général, continuent de souffrir d'un certain nombre de problèmes structurels et de carences du cadre institutionnel et juridique qui ne répond pas à tous les besoins d'une économie de marché avancée. Pour que le Viet Nam puisse retrouver le chemin de forte croissance de la dernière décennie au lieu de rester sur la trajectoire actuelle, il faudra sans doute qu'il soit capable de poursuivre et d'approfondir le processus de réforme et d'éliminer certains de ces obstacles, dont les responsables sont bien conscients.


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