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Chapitre 3
Gestion des forêts, des pâturages et des sols cultivés en vue d'augmenter la séquestration du carbone dans les sols

Forêt

Même si leurs taux de séquestration du carbone peuvent varier considérablement, les forêts naturelles peuvent être considérées en équilibre dynamique en ce qui concerne le carbone sous certaines conditions climatiques et pour une concentration déterminée en CO2 atmosphérique. D'après Woomer et al. (1998), la forêt primaire originelle, par exemple en Amazonie, est l'écosystème qui contient le plus de carbone (305 t /ha dont 28 pour cent au dessous du sol). Tout changement dans la gestion de tels écosystèmes induit des changements majeurs dans la dynamique du carbone, avec comme résultat des stocks plus faibles que dans la forêt originelle. Les formes de gestion impliquent l'agriculture de brûlis, la déforestation, le reboisement et l'agroforesterie.

La déforestation est régie par l'article 3.4 et le reboisement par l'article 3.3 du protocole Kyoto. Les aspects légaux de la définition de la forêt ne sont pas discutés ici ; seuls les aspects relatifs aux changements d'utilisation des terres (principalement article 3.) sont considérés.

Selon l'évaluation globale des ressources forestières de la FAO, le taux mondial actuel de la déforestation se situe autour de 17 millions d'hectares par an, soit à peu près 0,45 pour cent de l'écosystème restant des forêts (FAO, 1993). La perte en carbone immédiate et importante qui en résulte est en partie représentée par l'émission de 1,6 Gt du cycle du carbone (figure 1).

Même si la biomasse supérieure est enlevée et brûlée, entre 50 et 60 pour cent du carbone total du système se trouve à la surface du sol ou dans le sol (débris, litière, matière organique du sol et racines... ) et peut être géré de manière appropriée.

Tableau 4

Effets de la déforestation sur le ruissellement et l'érosion (Sarrailh, 1990; Lal 1990)

L'expérimentation ECEREX en Guyane française (Sarrailh, 1990) démontre que, eu égard au type de déforestation et l'intensité de la physique (mécanisée ou manuelle), le degré d'érosion peut être accru de 0 à 20 t/ha/an et le ruissellement de 0 à 250 mm par an. Des moyens de conservation spécifiques (Chauvet et al., 1991 ; Lal, 1990) peuvent prévenir une grande partie de cette dégradation et de la perte en carbone qui en résulte (tableau 4).

L'agriculture sur brûlis, ou culture itinérante, représente à peu près 60 pour cent du déboisement tropical. Elle est pratiquée par 300 à 500 millions de petits agriculteurs dans les tropiques aux fins de l'agriculture de subsistance.

Lorsque la forêt est défrichée par mise à feu, cela implique principalement la biomasse au-dessus du sol, et une petite partie du carbone du sol jusqu'à une profondeur de 3 cm (Choné et al., 1991). Le brûlage et la minéralisation résultante de la matière organique fournissent les éléments nutritifs pour la croissance de la culture.

L'étendue des pertes de la réserve en carbone restante dépendra du genre d'utilisation du sol qui remplacera la forêt. Dans les conditions de terre arable la perte de carbone sera considérable, comme indiqué plus tôt (40 à 50 pour cent dans une douzaine d'années) avec un niveau élevé de dégagement durant les cinq premières années. Ces pertes sont grandement dues au labour.

Dans l'agriculture sur brûlis, une période de jachère avec broussailles est incluse dans le cycle, et selon sa durée elle peut restaurer une partie du sol et rendre le système plus ou moins durable (Ponce-Hemandez, 1999). Si le pâturage est établi, la perte est plus réduite et une certaine récupération de carbone est possible en quelques années, grâce à la matière organique des graminées (De Moraes et al.,1996).

L'agroforesterie, association des arbres aux cultures ou aux pâturages, peut représenter une alternative durable au déboisement et à la culture itinérante (Winterbottom et Hazlwood, 1987; Sanchez et al., Shroeder, 1994; Sanchez, 1995). Elle a un grand potentiel de séquestration de carbone (Sanchez et al.1999).

Shroeder (1994) a présenté une évaluation de la réserve de carbone dans les différentes écorégions. Dans les zones tropicales, un stockage de carbone de 21 t (sub-humide) à 50 t C/ha (humide) peut être obtenu avec des cycles de coupe de 8 ou 5 ans, ce qui représente une durée bien moins longue que pour les forêts. Dans ces calculs, le C situé dans le sol n'est pas inclus, et les racines à elles seules augmenteraient ces valeurs de 10 pour cent. Dans les principaux systèmes agroforestiers, le carbone du sol initial de la forêt serait maintenu. Dans certains cas, pour la culture de cacao ou cacao/Erythrine, des augmentations de 10 et 22 t/ha, respectivement, ont été obtenu pendant une période de 10 ans (Fassbender et al., 1991).

Shroeder (1994) a également effectué une évaluation à l'échelle mondiale des sols potentiellement disponible pour l'agroforesterie. Même si l'étendue potentielle s'élève de 600 à 1 000 millions ha, Shroeder estime que 160 millions ha sont appropriés dans les tropiques. Le carbone total emmagasiné serait entre 1,5 et 8 Gt.

D'autres estimations de l'étendue possible de l'agroforesterie sont plus élevées: 400 millions ha pour les 25 prochaines années, incluant 100 millions d'ha de forêt (destinée à la déforestation) et 300 millions ha de terres agricoles dégradées (IPCC, 2000). Des estimations supplémentaires indiquent 630 millions ha de terres cultivées additionnelles et de prairies pour les tropiques.

Des estimations additionnelles pour les gains potentiels de carbone par l'agroforesterie sont résumées dans Young (1997).

L'IPCC 2000 effectue deux types d'évaluation pour arriver à des taux réalistes pour la conversion annuelle des terres. La première concerne la transformation des forêts après brûlis ou d'autres types de déforestation. L'IPCC estime ceci à 10,5 millions ha/an correspondant à 20 pour cent des 15 millions d'ha déforestés annuellement (3M ha) plus 3 pour cent des 250 M ha de terres dégradées aux marges de la forêt (7,5 M ha). En prenant la valeur modale différentielle de 57 M ha entre l'utilisation des terres, la contribution globale de l'agroforesterie serait autour de 0,3 Gt C /an.

L'agroforesterie peut aussi être établie sur des terres improductives à faible teneur en MO et éléments nutritifs. De telles zones sont très répandues dans les régions subhumides de l'Afrique tropicale. La conversion à l'agroforesterie permettrait de tripler les stocks de C, de 23 t à 70 t/ha sur une période de 25 ans. En Afrique tropicale subhumide seule, le bénéfice pourrait être autour de 0,04 à 0,19 Gt C /an. Dans une première étape, une plante de couverture de légumineuse peut être utilisée, comme Sesbania sesban, Tephrosia vogelii, Gliricidia sepium, Crotalaria grahamiana, Cajanus cajan, qui peuvent fournir 0,1 à 0,2 t N ha /an. Pueraria est aussi une légumineuse bien connue (à la fois en Amazonie et en Afrique) qui peut régénérer la structure du sol, grâce à son abondant développement racinaire.

En principe, l'agroforesterie serait ainsi l'un des changements intéressants d'occupation des terres, pour des raisons variées. D'abord par la surface considérable impliquée et le taux de gain de C est élevé (0,2 à 3,1 t ha /an (IPCC, 2000), ou même plus, selon le temps de résidence des arbres. Deuxièmement, cela peut compenser l'émission importante de CO2 venant de la déforestation (Dixon 1995). Troisièmement, cela peut fournir un système durable d'un point de vue technique, écologique et économique. Néanmoins l'agroforesterie, pour des raisons sociales et culturelles, telles que la gestion des terres, paraît difficile à promouvoir. Ce sera donc un contributeur moins important que prévu à la séquestration du carbone.

Des valeurs mondiales existent pour estimer les taux de séquestration du boisement dans différentes zones climatiques. Le taux total (au-dessous du sol) en t/ha par an, augmente des régions boréales (0,4-1,2) et tempérées (1,5-4,5) aux régions tropicales (4-8) (Dixon, 1995). Les données de l'IPCC (2000) sur la distribution du carbone entre la biomasse à la surface du sol, les racines, les débris, et le carbone du sol indiquent que le carbone du sol à lui seul représente plus que le carbone de la biomasse de la forêt. Ces proportions diffèrent selon la zone climatique, le carbone du sol étant maximum dans les pays froids (boréaux et tempérés) et minimum dans les zones tropicales. Récemment, Post et Kwon (2000) ont trouvé des taux potentiels d'accumulation dans le sol plus bas pour la forêt (0,3 à 0,6 t/ha/an) que pour les prairies.

Des amendements (par du carbonate de calcium) ou la fertilisation augmentent la biomasse, à la fois au dessus et au dessous du sol, à condition que d'autres conditions ne soient pas limitantes. Le résultat sera un accroissement du carbone, mais cela concerne surtout les pays développés. La fertilisation par dioxyde de carbone du à l'accroissement des teneurs en CO2 atmosphérique, aura le même effet.

Pâturages et prairies

Mention a été faite de la grande étendue des prairies et de l'importance représentée par son réservoir de carbone. Alors que le stock de carbone total présent dans l'écosystème des prairies est inférieur à celui de certains systèmes forestiers, la partie souterraine du carbone peut par contre être plus élevée. En général, la teneur en carbone du sol d'une prairie est plus élevée que pour les autres cultures.

Toutefois la majorité (près de 70 pour cent) des prairies est dégradée. Le surpâturage est l'une des principales causes de la dégradation, en particulier dans les zones subhumides, semi-arides ou arides où les prairies prédominent (Pieri, 1989). La gestion par le feu est une autre méthode utilisée pour contrôler les espèces ligneuses entraînant une certaine perte de carbone dans l'atmosphère, mais le principal transfert est vers le charbon stable, qui peut s'élever jusqu'à 30 pour cent du carbone total du sol (Skjemstad et al., 1996).

L'une des principales solutions utilisées dans la gestion des pâturages est le contrôle de la pâture (intensité, fréquence, caractère saisonnier) et une meilleure gestion du brûlis pour le contrôle des croissances ligneuses. D'autres solutions comprennent l'amélioration de la qualité du sol et des graminées.

Concernant le sol, l'un des facteurs limitants de la croissance des plantes est la carence en éléments nutritifs. La fumure à faible dose peut être la solution (P plutôt que N). Cependant, une meilleure fumure (pour N), plus écologique et plus durable, est constituée par l'introduction des légumineuses qui fixent l'azote. Une autre solution consiste à modifier la qualité des graminées et d'introduire plus d'espèces productives à système radiculaire plus profond et plus résistant à la dégradation. Toutes ces solutions augmentent considérablement la séquestration du carbone (Fisher et al., 1994), vu que les pâturages peuvent emmagasiner des quantités très élevées de carbone sous une forme très stable. L'augmentation du rendement associé peut aussi être très importante (x 2 ou 3).

Figure 9

Gestion de la matière organique du sol par l'agriculture

Les terres cultivées

Ainsi que nous l'avons déjà dit, la gestion du sol et des cultures peut considérablement améliorer le temps de résidence et un nouveau stockage de carbone dans le sol, ce qui vaut la peine d'être considéré conformément au Protocole de Kyoto (Buyanovshi et Wagner, 1998).

Différentes utilisations du sol et pratiques agronomiques ont été évaluées relativement à leur effet sur la séquestration ou l'émission du carbone (Lal, 1999; Batjes, 1999). Une distinction est faite entre les pratiques causant une diminution de la perte du carbone, une augmentation de l'intrant de carbone dans le sol, ou une combinaison des deux (Figure 9).

A l'exception des facteurs climatiques (principalement la température), les principaux processus causant des pertes de carbone du sol sont l'érosion et la minéralisation de la matière organique.

L'érosion du sol par l'eau ou le vent représente le processus le plus important de la dégradation du sol qui affecte plus d'un milliard d'hectares dans le monde. En général, la perte du sol varie entre 1 et 10 t/ha/an et atteint 50 tonnes dans certains cas.

La matière organique dans l'horizon supérieur du sol est une partie importante de cette perte de sol. L'évaluation exacte de cette réserve de carbone est difficile à cause de l'hétérogénéité dans le temps et l'espace. La perte mondiale par érosion serait dans l'éventail de 150 à 1 500 millions de tonnes par an ce qui est plutôt moins à ce qu'il était estimé au niveau continental (Lal, 1995; Gregorich et al., 1998).

Figure 10

Protection physique de la matière organique du sol (Chenu, non publiée) et «déprotection» par le labour (Balesdent et al., 2000)

A l'exception de quelques méthodes spécifiques de contrôle de l'érosion développées dans le passé, la plupart des méthodes utilisées pour prévenir l'érosion du sol visent à augmenter la stabilité du sol (dont la matière organique est l'un des principaux facteurs) ou à protéger la surface du sol avec une couverture de végétation. Ces méthodes de prévention seront également bonnes pour la séquestration de carbone (et vice versa). Ainsi donc une diminution de l'érosion augmentera les effets bénéfiques de la conservation du sol et des méthodes de gestion (couverture du sol, labour minimal, augmentation de la matière organique). Par ailleurs, une bonne gestion du carbone aidera à prévenir l'érosion.

Le labour a une histoire millénaire. Il visait à aérer le sol et à lutter contre les adventices. L'augmentation de l'aération dans le sol et la perturbation intense sont les principaux facteurs stimulant la minéralisation de la matière organique par les micro-organismes du sol. Un travail récent (Balesdent et al., 2000) démontre que le labour joue un rôle principal dans la «déprotection» de la matière organique présente dans les macro (et dans une certaine mesure dans les micro) agrégats (figure 10). La mise en culture et les pratiques de labour ont causé un déclin général de matière organique dans les sols intensivement cultivés, en particulier aux Etats-Unis et en Europe, et des émissions importantes de CO2 liées à l'agriculture dans le passé.

Une grande quantité de littérature a été consacrée aux effets des différents types de labour (Monnier et al., 1994; Paustian et al., 1998a; Lal, 1997; Reicosky et Lindstrom, 1995). Le numéro spécial de «Soil and Tillage Research» (Recherche sur le sol et le labour), en 1998, donne un aperçu des résultats obtenus dans 50 expériences à long terme sur le terrain. Les principaux résultats concernent le Canada et les États-Unis et différentes cultures. Les augmentations du carbone dans le sol varient, du labour conventionnel au non-labour, de 10 à 30 pour cent (figure 11). Il y a quelques divergences sur la différence de la séquestration du carbone entre le labour conventionnel et le non-labour. Là où la teneur en carbone est très semblable dans les deux conditions, cela pourrait être dû aux conditions climatiques assez froides des sites expérimentaux.

Figure 11

Effet du labour conventionnel et du non-labour sur la teneur en matière organique dans le sol

Pour les pratiques culturales dites de conservation (États-Unis), les résidus des cultures doivent couvrir plus de 30 pour cent de la surface du sol (Lal, 1997). Dans les conditions de l'agriculture de conservation qui préconise aussi une limitation du labour, 0,5-1,0 t de C/ha/an peut être séquestré dans des conditions humides tempérées, 0,2-0,5 dans les tropiques humides et 0,1-0,2 dans les zones semi-arides (Lal, 1999). Ces pratiques occupent maintenant plus de 50 millions d'hectares, la majorité étant en Amérique du Nord (19 aux Etats-Unis, 4 au Canada), en Amérique du Sud (Brésil 13 millions, Argentine 9 millions, Paraguay + Mexique + Bolivie 1,7 millions) et l'Australie (8 millions). Les données varient d'une année à l'autre (le chiffre peut atteindre 60 millions d'hectares) à cause du taux de développement de ces pratiques, en particulier au Brésil et en Argentine. Le développement très répandu du labour de conservation aux Etats-Unis explique le fait que l'agriculture séquestre maintenant le carbone dans les sols (figure 8). Le Tableau 5 montre sa petite étendue en Europe. Un bilan des effets pour l'Europe reste à faire, mais ces pratiques pourraient se répandre par des politiques d'incitation avec des financements agro-environnementaux et l'application des décisions de Bonn avec la prise en compte des puits de carbone liés à l'agriculture. On doit noter que de nombreuses données manquent encore sur le nouveau système.

Tableau 5

Superficie mondiale des sols cultivés dans des conditions de non-labour de conservation ou d'agriculture de conservation

Sources: (1) No-till Farmer, marzo 1999;
(2) FEBRAPDP, 2000;
(3) AAPRESID, 2000;
(4) Bill Crabtree, WANTFA;
(5) Hebblethwalte, CTIC, 1997;
(6) MAG-GTZ, Soil conservation Project, 1999;
(7) Ramón Claverán, CENAPROS, 1999;
(8) Patrick Wall, CIMMYT, 1999;
(9) Carlos Crovetto, 1999;
(10) Roberto Tisnes, Colombia, 1999;
(11) AUSID, 1999;
(12) estimaciones.

Dans certains cas, le non-labour peut avoir un effet défavorable dû à une augmentation de la teneur en eau et de l'hydromorphie avec émission conséquente de gaz de serre en particulier N2O (Dao, 1998). Les différents effets en relation avec les caractéristiques du sol (en particulier les textures) n'ont pas encore été complètement vérifiés (Tavarez-Fiho et Tessier, 1998).

La lutte contre les adventices, où le labour jouait un rôle essentiel, doit être entreprise par d'autres moyens, en général, avec des herbicides durant la transition vers l'agriculture de conservation, et une évaluation écologique est nécessaire (Monnier et al., 1994; Garcia Torres et Fernandez, 1997).

Ces systèmes ont aussi un effet majeur sur la protection contre l'érosion qui était le principal but de leur utilisation dans les Grande Plaines du Centre des Etats-Unis (Programme de réserve et de conservation) dans les années 1930 à 1940.

L'adoption de méthodes moins intensives en énergie telles que le non labour peut réduire le budget des émissions totales. Des systèmes rizicoles à faible intrants ou organiques au Bangladesh, en Chine, ou en Amérique Latine ont un rendement énergétique 15 à 25 fois plus efficient que le riz cultivé en irrigué aux États-Unis. Pour chaque tonne de céréale ou de végétal de systèmes industrialisés à intrants élevés, la production implique 3 000 à 10 000 MJ d'énergie. Par contre, la production de chaque tonne de céréale ou de végétal par une agriculture durable, implique seulement 500 à 1 000 MJ (Pretty et Ball, 2001).

Les systèmes de non labour ont aussi comme bénéfice supplémentaire de requérir moins d'énergie fossile pour les machines agricoles. L'utilisation de fuel dans des systèmes conventionnels (Tebruegge, 2000; Smith et al., 1998) en Grande Bretagne et Allemagne varie de 0,046 à 0,053 t C /ha/an; alors que pour des systèmes de non labour, elle n'est que de 0,007-0,029 t C ha/an (0,007 pour l'énergie directe seulement; 0,029 inclut l'énergie de la production des herbicides). Cela représente une petite partie des gains totaux (approximativement 7 pour cent) en comparaison de l'économie liée à la réduction de perte de C et de l'accroissement de la séquestration.

L'agriculture de conservation (concept FAO) ou l'agriculture agrobiologique (concept CIRAD) favorise aussi le fonctionnement biologique du sol, le changement le plus évident étant l'augmentation de la faune et de l'activité de la microflore du sol. La fonction de l'agriculture de conservation et du non-labour est de protéger le sol physiquement de l'action du soleil, de la pluie et du vent, et de nourrir la faune du sol. Le résultat est une réduction de l'érosion du sol et une amélioration de la teneur en matière organique et en carbone.

Un autre aspect important du non-labour est relatif aux herbicides. Des travaux intéressants menés au Brésil ont trait à des systèmes de non-labour sans herbicides grâce à l'utilisation des plantes de couverture et des engrais verts (Peterson et al. 2000).

Augmentation des intrants en matière organique pour le sol

Les augmentations de la biomasse des cultures peuvent augmenter l'intrant en matière organique du sol, tant par de nouvelles variétés que par une gestion agronomique, comme la gestion des éléments nutritifs et la rotation culturale. L'augmentation de la teneur en CO2 de l'atmosphère due aux changements climatiques peut avoir aussi une influence positive semblable. L'association de tous ces facteurs explique la raison pour laquelle dans plusieurs pays européens (par exemple, en Belgique), sans intrants de fumier et avec des pratiques de labour conventionnelles, la teneur en matière organique des sols cultivés a récemment augmenté en liaison avec l'accroissement de la biomasse végétale et des rendements. La gestion de l'eau (irrigation), avec une augmentation associée de la productivité, peut produire des effets semblables, en particulier dans les régions semi-arides. Cependant, le développement de l'irrigation est généralement limité par d'autres facteurs, comme la disponibilité des ressources en eau et le risque de salinisation. Dans certains pays, en plus des cultures de couverture, les cultures associées représentent aussi une aide considérable à l'augmentation de la biomasse.

Les augmentations de la biomasse impliquent la biomasse au-dessus du sol et des racines. Un progrès considérable pourrait être réalisé à ce propos, en particulier en ce qui concerne les prairies et les pâturages, par sélection des espèces et variétés à racines profondes, conduisant à un stockage plus profond du carbone.

La gestion des résidus des cultures est une autre mesure importante de séquestration du carbone dans le sol et d'augmentation de la teneur organique du sol. La mise à feu des résidus a des conséquences négatives, même si elles sont parfois atténuées par la grande stabilité du carbone minéral qui est formé.

Les effets positifs de l'usage des résidus des cultures pour induire la séquestration du carbone ont été estimés par Lal (1997), à 0,2 Pg C/an avec transformation de 15 pour cent du C total (1,5 Pg C dans le monde). En général, il y a un rapport linéaire entre la matière organique dans les 15 premiers cm du sol et la quantité de résidus des cultures appliquée.

L'agriculture de paillis et la couverture végétale sont des pratiques de gestion spécifiques du sol permettant la couverture du sol par des plantes spécifiques, protégeant le sol contre l'érosion et fournissant des résidus de biomasse pour augmenter la matière organique du sol. Pour être tout à fait efficace, la gestion de la couverture végétale ou du paillis doit être faite sur le site et en association au labour de conservation (gestion agrobiologique). La quantité de paillis doit être dans l'éventail de plusieurs dizaines de t/ha/an pour fournir une source importante de carbone du sol jusqu'à 0,1 t/ha/an, selon la zone climatique (Lal, 1997). Une grande variété d'espèces de plantes peut être utilisée pour couvrir le sol. La qualité de résidus des plantes est aussi un facteur important (Heal et al., 1997; Drinkwater et al., 1998)

Le sol doit être protégé durant la période initiale de la croissance de la culture; dans cet ordre d'idées, les engrais verts ont un rôle important. Ils ont été utilisés pendant des millénaires, principalement pour augmenter la fertilité après leur incorporation dans le sol. Maintenant ils sont considérés comme une culture dans la rotation, ce qui a un effet direct sur la protection du sol durant la période de croissance et un effet indirect par leurs résidus. Les engrais verts peuvent être semés, durant la pause saisonnière entre les principales cultures, ou en culture mixte avec les cultures, ou de façon pérenne dans les zones en jachère. Dans le passé, les engrais verts étaient incorporés par labour dans le sol. Maintenant, les techniques de conservation exigent un labour minimal ou pas de labour et l'ensemencement direct à travers la couverture végétale (tableau 6).

Plusieurs études ont montré que souvent le contrôle des adventices est plus efficace dans les systèmes culturaux à couverture de surface morte, du à l'existence d'un effet allopathique spécifique. Dans ce cas, le besoin de pesticides est réduit ou éliminé.

Il existe beaucoup de preuves qui démontrent l'efficacité de la couverture du sol, des plantes vivantes ou des résidus de plantes, pour la prévention de l'érosion par le vent ou l'eau. L'impact direct des gouttes de pluie est empêché, avec pour conséquence la protection de la structure et de la porosité du sol.

La couverture du sol fournie par les plantes durant leur cycle de croissance est souvent insuffisante à prévenir l'érosion. Au Panama, au Brésil, l'ordre suivant a été établi pour l'intensité de l'érosion dans des conditions de différentes cultures: café < blé < soja < coton < sol nu. En général, les résidus des plantes en contact direct avec le sol sont plus efficaces pour la prévention de l'érosion que les cultures, et quelques tonnes (5 à 10) par hectare, avec des différences entre les espèces, peuvent prévenir la perte du sol et réduire le ruissellement.

La couverture du sol augmente le taux d'infiltration de l'eau de plusieurs centaines pour cent, elle prévient l'évaporation de l'eau avec accroissement de l'humidité. En particulier dans les zones sèches, la couverture du sol a un rôle important dans l'économie de l'eau. Cela réduit aussi la température, ralentissant ainsi le taux de minéralisation de la matière organique.

Le compost ou le fumier sont traditionnellement utilisés dans l'agriculture avec des effets bénéfiques avérés sur le sol. Un problème dans de nombreux pays est la diminution de cette source d'amendements liés à la production animale. Il y a concurrence pour les résidus des plantes ou la couverture végétale - entre une utilisation pour l'alimentation des animaux ou pour le retour au sol. La gestion prudente associant la culture à la production de bétail peut permettre la réintroduction de nouvelles sources de fumier ou de fumier en compost.

L'utilisation des boues de station d'épuration ou d'autres résidus urbains est moins efficace, à cause du faible taux de transformation en humus, à moins qu'ils soient compostés au préalable. Cette pratique a l'avantage de recycler les déchets mais présente un risque environnemental de pollution du sol, et nécessite donc des précautions spécifiques.

Tableau 6

Différents systèmes basés sur des plantes pour augmenter la séquestration du carbone (d'après CIRAD, 1998).

1Haricots couverts: Phaseolus vulgaris cultivé par système défrichage-mulch de courte jachère sans brûlis.

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