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L'information,
outil de décision

En dépit de la mondialisation et à cause des dangers qu'elle génère, les propositions pla-çant l'être humain au centre des préoccupations se multiplient, alors que la libéralisation de l'économie se poursuit et que les phénomènes d'exclusion et de pauvreté de certains groupes de la population suscitent une inquiétude croissante. En outre, la désarticulation des modèles politiques provoque un regain d'intérêt pour les réalités socioéconomiques au niveau local.

Devant ces paradoxes, la conciliation des dimensions macroéconomique et microéconomique est une voie à explorer pour trouver des réponses aux questions de la réduction des inégalités, aux attentes de la société et à la demande croissante de participation des populations (hommes et femmes) au développement. Pour trouver un meilleur équilibre entre ces deux dimensions économiques et prendre les décisions en connaissance de cause, il est fondamental de disposer, entre autres, d'informations sur les ressources humaines, détaillées et différenciées par sexe, ainsi que sur leurs modes et moyens d'existence.

Un travail de recherche et d'analyse est nécessaire pour, d'une part, obtenir des informations spécifiques selon le sexe portant sur la valeur, l'importance et la nature du travail, rémunéré ou non, et, d'autre part, développer des indicateurs sur l'évolution en matière d'accès aux ressources et à leur contrôle. Ces informations différenciées par sexe serviront à démontrer et à illustrer, de façon indiscutable, la relation entre l'augmentation de la production et de la productivité agricoles, la gestion durable des ressources naturelles et l'accès égalitaire aux ressources.

La main droite doit savoir ce que fait la main gauche: les politiques macroéconomiques doivent être en cohérence avec les politiques et la planification au niveau microéconomique...

Déléguée de la Finlande

De telles recherches et analyses ne pourront être entreprises que si toutes les parties prenantes sont réellement convaincues de l'utilité de disposer d'informations spécifiques selon le sexe et si les méthodes de travail sont revues en profondeur. Une meilleure rentabilité des investissements consentis pour l'amélioration de la production et de la productivité agricoles en dépend, ainsi que l'acquisition égalitaire des avantages sociaux et économiques.

Les décideurs et les producteurs de l'information, de la base au sommet, doivent tout d'abord adopter une attitude exempte de préjugés sexistes. Ensuite, ils doivent acquérir des connaissances méthodologiques et techniques pour prendre en compte et évaluer la contribution des hommes et des femmes à l'économie rurale et agricole. La formation à l'analyse différentielle selon le genre ainsi qu'aux démarches participatives s'impose.

En outre, pour assurer la disponibilité et l'exploitation maximales des informations spécifiques selon le sexe, leur production doit s'inscrire dans le cadre des systèmes officiels de production de l'information (recensements, enquêtes agricoles et autres instruments statistiques nationaux). De plus, l'efficacité des méthodes et des outils actuels de collecte, de traitement et d'analyse de l'information doit être examinée. Cette approche facilitera la révision des processus de production et l'introduction d'innovations.

Qu'il s'agisse de la production ou de la diffusion de l'information, il convient de réunir une grande multiplicité de compétences dans les domaines économique et social, et de favoriser la concertation entre producteurs/productrices (statisticiens, chercheurs, spécialistes du développement, etc.) et utilisateurs/utilisatrices (planificateurs, agents de développement, populations rurales, etc.).

Cela permettra de mieux identifier les besoins et les insuffisances et de recourir à des méthodes complémentaires de recherche, d'analyse, de présentation et de diffusion de l'information.

En matière de conception et de formulation de stratégies et de politiques agricoles et rurales visant la parité et la durabilité, la disponibilité d'informations utiles à la prise de décisions est tributaire des mesures suivantes.

LES OUVRIÈRES INVISIBLES

Des agricultrices du Nicaragua plantent des arbres dans le cadre d'un projet de reboisement et de protection des sols

- FAO/20219/L. DEMATTEIS

Il y a deux décennies, les statistiques officielles enregistrèrent un déclin de la participation des femmes au secteur agricole, déclin particulièrement marqué en Amérique centrale (de 6,3 pour cent en 1960 à 3,6 pour cent en 1970). Une recherche sur le terrain conduite dans la zone ouest du Honduras a montré que ces statistiques sous-estimaient largement le nombre de femmes qui travaillaient. Le dénombrement de la main-d'œuvre agricole féminine dans les plantations de tabac et de café a mis en évidence une différence notable par rapport au recensement agricole de la région. Dans un district, on a compté 11 640 femmes, tandis que le recensement avait enregistré 642 agricultrices: 10 998 ouvrières manquaient.

Plusieurs caractéristiques de la méthode de recensement expliquaient l'écart enregistré: la définition retenue pour l'activité économique principale, l'existence d'une catégorie de travail familial non rémunéré, le temps restreint consacré au questionnaire et l'exclusion des activités informelles dans la définition du travail. Enfin, les femmes n'étaient pas considérées comme économiquement actives tant par les enquêteurs que par les femmes elles-mêmes.

Changer la façon dont on mesure le travail prend du temps. Après deux décennies, les statistiques officielles sous-estiment encore le travail agricole et non agricole des femmes, comme le démontre une étude, financée par la Banque interaméricaine de développement/Institut interaméricain de coopération pour l'agriculture (BID/IICA) en 1991-1993, qui a porté sur 2 000 interviews auprès de femmes rurales dans 18 pays. Les statistiques officielles avaient enregistré une augmentation du nombre de femmes dans la main-d'œuvre agricole, passant de 13 pour cent en 1970 à 20 pour cent en 1990. En revanche, pour l'étude, ce dernier chiffre était de 37 pour cent, à savoir 16 millions de femmes travaillant dans le secteur agricole. Le recensement de 1990 avait omis de compter 7 millions d'ouvrières.

Source: Extrait de Mayra Buvinic. 1999. The missing workers: women in the rural economies in Latin America and the Caribbean. Communication présentée lors du panel intitulé Politiques et planification paritaires: nature et portée.



Les coûts de la collecte de l'information spécifique selon le sexe sont négligeables au regard de notre compréhension plus profonde du rôle des femmes dans l'agriculture.

Agnes Quisumbing, Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI)

Mesures immédiates

Dispenser une formation commune sur l'analyse socioéconomique selon le genre et les approches participatives aux planificateurs et aux producteurs de l'information et ce, de façon conjointe à tous les niveaux nécessaires.

Identifier les besoins en information de toutes les parties prenantes, que ce soit pour la formulation de politiques ou pour la mise en œuvre d'activités de production.

Établir un diagnostic critique des informations disponibles (nature et format), des acteurs impliqués dans le processus de production, de diffusion et d'utilisation de l'information ainsi que des groupes cibles.

Femme vendant des radis et des oignons
frais sur un marché du Tadjikistan


- FAO/20631/E. YEVES

Déterminer les écarts entre les informations souhaitées et celles qui existent.

Constituer des équipes pluridisciplinaires de producteurs et d'utilisateurs de l'information pour:

Conduire des enquêtes approfondies, distinguant la population masculine et féminine, sur la répartition du travail productif et reproductif, l'utilisation du temps, le partage des responsabilités, l'accès aux ressources et à leur contrôle.

Exploiter au maximum les données et les informations ventilées par sexe pour planifier l'affectation des ressources de façon égalitaire, tant au niveau des politiques que des institutions;

Mettre sur pied des réseaux de spécialistes et de partenaires, venant d'horizons multiples, attentifs à la problématique homme-femme et concernés par l'amélioration et la diffusion d'informations sexospécifiques.

FIGURE 1: Taux d'activité féminine en fonction de la portée du concept «travail»

FIGURE 2: Taux d'activité agricole féminine et masculine dans quelques pays

Mesures à plus longue échéance

Procéder à la révision des méthodes et des outils statistiques en définissant ou redéfinissant les concepts et en déterminant des variables qui permettent l'obtention de données ventilées par sexe.

Construire des indicateurs permettant de mesurer et de comparer le niveau d'accès aux ressources et aux revenus des agriculteurs et des agricultrices.

Produire des analyses, croisant les données qualitatives (issues de monographies, études et recherches) et des données quantitatives (produites par les systèmes statistiques) pour mieux comprendre les stratégies des femmes rurales et apprécier les potentialités de changement.

Harmoniser les concepts, les définitions et les méthodes des recensements et des enquêtes démographiques et agricoles pour améliorer les pratiques et élargir les champs d'investigation.

Établir des bases de données sur la situation économique et sociale des femmes rurales (analyse et tendances).

Instaurer des systèmes de gestion de l'information et créer des observatoires aisément accessibles, particulièrement pour les agricultrices et les femmes chefs d'entreprises rurales, mettant à disposition des données adéquates et mises à jour (mercuriales et autres informations commerciales, formation, appuis au secteur rural, incitations à la production, droits, etc.).

Mettre en place un système de suivi des progrès accomplis en matière d'utilisation des informations spécifiques selon le sexe.

Cours de formation destiné aux agriculteurs concernant la lutte intégrée contre les ravageurs dans un champ en République démocratique populaire lao

- FAO/20896.1/K. PRATT

Femmes péruviennes à un cours d'alphabétisation

- FAO/17465/A. ODOUL

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