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Chapitre 5: AGRICULTEURS ET HORTICULTEURS


5.1 - L’entreprise agricole traditionnelle
5.2 - L’horticulture
5.3 - La ceinture verte de Kinshasa
5.4 - L’agriculture et l’horticulture urbaines et la sécurité alimentaire
5.5 - Questions

5.1 - L’entreprise agricole traditionnelle

Le secteur agricole zaïrois comprend d’une part des millions de petites exploitations agricoles et d’autre part des plantations. La production des produits vivriers est presque entièrement entre les mains des petites exploitations. La superficie moyenne cultivée par ménage agricole est de 1 à 1,5 ha. Les investissements dans le logement, l’entreposage et les cultures pérennes sont principalement créés par la main-d’oeuvre familiale à l’aide de matériaux locaux. Les petits agriculteurs cultivent avec des instruments manuels. La traction animale et la mécanisation sont très rares. L’outillage classique du paysan zaïrois comprend principalement des houes et des machettes. Il n’achète pas beaucoup de facteurs de production tels que les semences, les engrais et les pesticides. L’utilisation d’engrais chimiques est presque inexistante. Les boutures de manioc et les semences de maïs, d’arachides, de riz et de haricots viennent principalement de la production propre. Les crédits et l’épargne formels sont inexistants pour le paysan: le seul secteur qui émerge comme base pour le développement financier est le réseau de Coopératives d’Epargne et de Crédit (COOPEC). La principale source des revenus du paysan est la vente du manioc et il utilise cet argent pour financer les frais scolaires, les frais médicaux et les biens manufacturés. La responsabilité de l’homme et de la femme concernant les revenus et les dépenses est souvent séparée: les hommes contrôlent le revenu des cultures de rente tandis que les femmes le font pour les produits vivriers; l’homme s’occupe le plus souvent des grandes dépenses (frais scolaires, frais médicaux, vêtements), tandis que la femme s’occupe plutôt des achats de tous les jours comme la nourriture.

Les modes de faire-valoir sont caractérisés par la coexistence des lois coutumières et de la loi foncière. L’absence d’un statut de propriété terrienne privée constitue souvent un handicap qui limite l’accès à la terre et qui inhibe les améliorations foncières. La culture du manioc est la base du système cultural dans la plus grande partie du pays: le rendement efficace sous des conditions difficiles, la production d’énergie élevée par rapport aux céréales, le besoin restreint de main-d’oeuvre par calorie récoltée et la possibilité de garder une continuité dans l’offre durant l’année expliquent cette prépondérance. La densité de population influence la durée de la jachère pratiquée, la disponibilité des terres et l’évolution de la fertilité des sols: le problème se pose surtout dans le Bas-Zaïre (38,2 personnes/km2) où la densité de population est le triple de celle du Bandundu (12,5 personnes/km2).

Un ménage moyen comprend environ six personnes, et 50% de la population rurale a moins de quinze ans. Dans le système traditionnel zaïrois, la femme est responsable de la plupart des travaux agricoles. Les seules tâches agricoles de l’homme dans la répartition traditionnelle du travail sont le défrichement, l’abattage et le brûlage en forêt. L’influence des possibilités de commercialisation peut changer certaines coutumes, bien que lentement: l’homme s’occupe plus de l’agriculture dans la région s’il y a un accès au marché. La plupart des ménages travaillent plus lors du labour, des semailles et du sarclage (octobre-novembre) et moins d’avril à juin, c’est-à-dire après les grandes récoltes et avant la préparation des champs pour l’année suivante. Ainsi, tant qu’il y aura des terres en suffisance et que le facteur travail constituera la contrainte principale de la production, l’intensification, au moyen d’intrants modernes, a très peu de chances de réussir.

5.2 - L’horticulture

L’horticulture en milieu rural est généralement pratiquée par des entreprises hautement traditionnelles. La culture des légumes se fait surtout durant la saison sèche, dans les bas-fonds. L’horticulture est caractérisée par le recours à une main-d’oeuvre familiale, par de petits capitaux et une abondance de terres en milieu rural. Dans la ceinture verte de Kinshasa, il peut exister un manque de terres fertiles. La plupart des petits agriculteurs cultivent leurs terres avec des instruments manuels, dont des houes en métal, des machettes, des bâtons à bêcher et des couteaux. Les dépenses en espèces pour l’achat d’intrants représentent un faible pourcentage de la valeur de la production. Les engrais et les produits phytosanitaires ont actuellement très peu d’importance. Néanmoins, l’horticulteur semble bien maîtriser les techniques de production qui sont à sa disposition.

L’horticulteur-type est handicapé par le manque de moyens économiques, ce qui l’empêche de prendre de trop gros risques, et souvent par un sentiment d’infériorité sociale. Traditionnellement, la profession de maraîcher était socialement peu respectée. Les maraîchers étaient souvent âgés et les jeunes étaient rebutés par les conditions de travail difficiles: corvée d’arrosage à la main, transport d’eau sur de longues distances, tri manuel des ordures ménagères pour le compost, etc. Etant donné la crise économique, l’attitude vis-à-vis des cultures maraîchères a changé de façon positive. Néanmoins, les horticulteurs du Shaba sont rarement originaires du Zaïre, mais souvent de l’Angola, de la Zambie, etc.

L’offre en légumes dans la ville de Kinshasa provient principalement d’un grand nombre de petites fermes de subsistance de la région du Bas-Zaïre, des entreprises maraîchères de la ceinture verte de la ville, et en moindre mesure de la région du Kivu, située à l’est du pays. Au Bas-Zaïre, la production de fruits et de légumes se situe surtout dans les zones de Mbanza-Ngungu, de Songololo et de Madimba, c’est-à-dire les zones autour de la route asphaltée Matadi-Kinshasa, à une distance de 80 à 200 km de la capitale. Les conditions écologiques y sont favorables à un grand nombre de cultures. De plus, la zone de Mbanza-Ngungu, qui s’étage de 500 à 900 m, est favorable à la culture des légumes des régions tempérées. Dans le Bas-Zaïre, il existe une longue tradition de production de fruits et légumes destinés à Kinshasa. Dans la région du Bandundu, à l’est de Kinshasa, il n’y a qu’une production très limitée de légumes et de fruits pour Kinshasa, du fait que les principales zones de production se situent à une distance de 300 à 600 km de la capitale. La production y est principalement destinée à l’autoconsommation.

La production du groupe de légumes-feuilles, notamment le matembele, le ngai-ngai, le biteku-teku, etc., est surtout située dans la ceinture verte de Kinshasa. Le Bas-Zaïre n’est pas concurrentiel dans ce segment du marché en raison des problèmes de transport, du caractère périssable de ces légumes et de la valeur basse de ces produits (par rapport au coût du transport). La seule exception est la feuille de manioc, qui est produite au Bas-Zaïre comme produit secondaire - le tubercule étant le produit principal - et à Kinshasa comme produit principal. En milieu urbain, les feuilles sont récoltées toutes les trois semaines. Une enquête du BEAU en 1986 démontrait que les autres cultures importantes du Bas-Zaïre sont la tomate, le piment, la patate douce et l’oignon (voir tableau 3). Etant donné le mauvais état de la route Matadi-Kinshasa, la production des cultures très périssables s’est déplacée et rapprochée des villes. A Songololo, par exemple, les paysans préfèrent la production d’oignons, de manioc et d’arachides comme cultures de rente à celle de la tomate. Les légumes dits “européens”, tels que le persil, l’aubergine, le haricot vert, la laitue, la carotte, le navet, le chou, et l’artichaut, provenaient principalement de la région du Kivu dans les années 80 et avaient une importance limitée dans le Bas-Zaïre (BEAU, 1986).

Au Bas-Zaïre, un assortiment assez complet de fruits tropicaux est cultivé. Les fruits les plus importants sont la banane douce, l’ananas et l’agrume. La production de bananes douces se situe surtout dans la sous-région du Bas-Fleuve; l’ananas est cultivé dans le Bas-Fleuve et les zones de Songololo, Mbanza-Ngungu, Madimba et Kasangulu; à quelques exceptions près, il s’agit d’une production à une petite échelle; la production d’agrumes se situe principalement dans la sous-région des Cataractes. A l’exception de la culture de la banane douce à Seke-Mbanza, la production fruitière est généralement extensive: il s’agit souvent d’un nombre limité d’arbres fruitiers autour des habitations. Il est à mentionner que le centre de recherche de l’INERA à M’vuazi (Mbanza-Ngungu) est (entre autres) spécialisé dans la sélection et la multiplication des arbres fruitiers.

Les importations de légumes représentent moins de 2% du marché global. Il s’agit de variétés et de qualités de légumes destinées à une clientèle spéciale disposant de revenus élevés. Pour les bas revenus, les importations ne concernent que les oignons et la purée de tomate en boîte.

5.3 - La ceinture verte de Kinshasa

En 1972, l’aire maraîchère à Kinshasa comprenait 101 ha (estimation CECOMAF). Selon le Département de l’Agriculture, il y avait 4 300 producteurs ayant comme activité principale en 1981 la production de légumes. La superficie moyenne par cultivateur variait généralement entre 0,09 et 0,11 ha. Le projet CECOMAF (Centre pour la Commercialisation des Produits Maraîchers et Fruitiers) avait permis le regroupement de 8 000 maraîchers en 12 centres coopératifs: N’djili, Kimbanseke, Funa (Mont-Ngafula), Masina, Tadi (Kimbanseke), Kisenso, Mokadi (Kimbanseke), Ndingi-Ndingi, Tianga (Kimbanseke), Lemba-Imbu, Tshiengwe (Masina), Manzanza (Kimbanseke). Ces derniers exploitent les périmètres aménagés dans les vallées autour de la ville. Le PASMAKIN (Projet d’Assistance aux Maraîchers de Kinshasa) a succédé au CECOMAF.

Ces dernières années, l’importance de la ceinture verte de Kinshasa s’est considérablement accrue et ceci surtout en dehors des périmètres aménagés, principalement en raison de la dégradation de la situation socio-économique, de l’inflation et de l’érosion des revenus. C’est surtout depuis 1992, qu’il y a un “boom” dans ce secteur. De nombreuses familles dépendent de cette production pour leur survie ou pour compléter le régime alimentaire plutôt monotone. Il y a des zones de squatting et des parcelles le long de routes et de rivières en pleine ville. Sur les terres de mauvaise qualité, il s’agit surtout d’une production de feuilles de manioc.

Il existe également un certain nombre d’initiatives des ONG dans les secteurs maraîcher et fruitier. Le projet “Jardins et Elevages de Parcelle” (JEEP) est l’un des plus importants. Le JEEP a son siège au département de Biologie de la faculté des Sciences à l’UNIKIN et reçoit un financement de plusieurs donateurs. Le projet vulgarise des activités de jardinage et la culture du Kikalakasa (Psophocarpus scandens).

A la fin du mois de février 1995, les prix des légumes à Kinshasa étaient, pour une plate-bande de 20 m2, de: 13 dollars pour la ciboule; 12 dollars pour le bibolo; 10 dollars pour les épinards; 8 dollars pour le biteku-teku; 8 dollars pur le ngai-ngai; 5 dollars pour le matembele et 4 dollars pour la pointe noire.

L’horticulture urbaine et périurbaine s’adapte facilement à la stratégie de sécurité alimentaire des consommateurs. Beaucoup de Kinois s’intéressent uniquement aux cultures dont la période végétative ne dépasse pas un mois, comme par exemple le matembele, le biteku-teku, le ngai-ngai et les épinards. De cette façon, la culture des légumes-feuilles procure un revenu stable et très régulier. Une personne cultivant quinze plate-bandes de 20 m2 peut en vendre une tous les deux jours. Ceci lui rapporte un revenu brut de 4 à 5 dollars par jour ou environ 100 dollars par mois. Le revenu net varie dans ce cas entre 60 et 75 dollars. Les risques techniques de production sont minimes. En raison du cycle court, il y a moins de problèmes de maladies. De plus, les légumes-feuilles peuvent être cultivés toute l’année, même durant la saison des pluies.

En janvier 1996, des horticulteurs à Kinshasa, à Mbuyi-Mayi et à Lubumbashi mentionnaient même des revenus de 100 à 250 dollars par mois. La capacité d’investissement est limitée ou même inexistante. Le revenu net sert généralement à la consommation immédiate.

Les horticulteurs organisent la production des légumes remarquablement bien en fonction du marché, étant donné les contraintes existantes.

La structure de la production horticole périurbaine contribue à la faible performance du système de commercialisation:

Aussi longtemps que les problèmes d’échelle de production et de standardisation ne seront pas résolus, le secteur formel ne s’intéressera que peu au commerce des légumes. Le commerce se situera dans le secteur informel où la main-d’oeuvre nécessaire pour le contrôle personnel et exhaustif de chaque transaction est disponible, et se réalisera sur une très petite échelle.

5.4 - L’agriculture et l’horticulture urbaines et la sécurité alimentaire

La production agricole et la sécurité alimentaire:

5.5 - Questions

1. Quelles sont les caractéristiques d’une entreprise agricole?

2. Pourquoi le secteur des légumes est-il si intéressant pour les gens en insécurité alimentaire?

3. De quelle façon la structure de la production horticole contribue-t-elle à une faible performance du système de commercialisation?


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