Ce résumé est tiré du chapitre consacré à “Le milieu dans l'Atlantique tropical est” par Y. Gouriou (in Ressources, pêche et biologie des thonidés tropicaux de l'Atlantique Centre-Est, Gouriou, 1988). Il note quo dans le contexte général océanographique de l'Atlantique tropical-est, l'upwelling ivoiro-ghanéen apparaît comme une source de production primaire relativement mineure (figure 1). En revanche, son caractére saisonnier est marqué, mais l'origine de cette saisonnalité ne semble pas encore clairement établie.
Les mécanismes des upwellings de l'Atlantique intertropical, s'ils sont bien connus pour les côtes du Sénégal (Divergence d'Ekman), ont fait l'objet de récents développements théoriques dans le golfe de Guinée qui expliquent en partie l'upwelling ivoiro-ghanéen et qui sont exposés ici.
Il faut se rappeler que le cycle annuel de la température de surface de la mer le long des côtes du golfe de Guinée se decompose en:
une saison froide de juin à septembre;
une saison chaude d'octobre à mai interrompue en janvier et février par une petite saison froide.
La petite saison froide a jusqu' à présent suscité moins d'intérêt que la grande saison froide á cause de variations thermiques de surface plus faibles (de l° à 3°C) et limitées à la côte. Pourtant celles-ci présentent de fortes variations interannuelles pouvant aboutir à sa disparition compléte; la petite saison froide n'apparaît pas à l'équateur et semble donc être un phénomène purement côtier.
Au niveau des stations de Tema et d'Abidjan, on retrouve bien cette succession d'un petit upwelling parfois réduit certaines années suivi d'un grand upwelling. La cartographie régulière de l'extension de ces upwellings semble ne pas avoir été faite sauf exception (figure 2). Ils sont donc essentiellement appréhendés à partir de mesures océanographiques de températures de surface ou subsurface à la côte.
La bonne série de températures côtières ainsi relevées de 1962 à 1982 a permis de montrer (Picaut, 1983) que le signal de température de surface se propageait d'est en ouest à partir du Togo-Bénin jusqu'au Cap des Palmes. Ceci concerne la grande saison froide (= le grand upwelling) de juin à septembre. Roy (1982) a montré que le minimum de température de surface de la mer pendant la petite saison froide se propageait le long des côtes du Ghana et de la Côte d'Ivoire de l'est vers l'ouest à l'encontre du courant de Guinée, mais il n'a pas pu dégager de mécanismes permettant d'expliquer ce phénomène.
Les deux upwellings, “petit” en janvier-février puis “grand” de juin à septembre, seraient donc d'origines totalement différentes. Le grand upwelling s'expliquerait par une onde de Kelvin venue de l'ouest (Brésil) et guidée par l'équateur, et qui, à l'arrivée sur les côtes africaines, se sépare en deux ondes côtières se propageant le long des côtes nord et sud du golfe de Guinée; ces ondes soulevant la structure thermique de surface et permettant aux eaux subthermoclinales d'arriver en surface.
Cette explication proposée par Moore et al. (1978), basée sur une augmentation soudaine du vent au large du Brésil semble schématique, car dans la réalité la structure spatiale et temporelle du vent est complexe, et les intensifications et relaxations du vent se font de maniére continue.
Les modèles numériques ont permis de préciser les mécanismes de la réponse de l'océan à l'action du vent. Les variations continues du vent génèrent de multiples ondes qui se propagent et se réfléchissent sur les bords est et ouest du bassin océanique. La superposition (réflexion + interférences) de l'ensemble de ces ondes contribue à l'état d'équilibre du bassin. Il est donc difficile de distinguer la propagation d'une onde individuelle. Schématiquement l'océan réagirait à l'équateur à la tension du vent intégrée sur l'ensemble du bassin, et pas seulement à la tension au large du Brésil.
En ce qui concerne le petit upwelling, il n'y a pas encore d'explication définitive. Trois mécanismes potentiels peuvent être mis en cause (Gouriou, 1988).
Divergence d'Ekman: le long de la côte nord (Côte d'Ivoire, Ghana) le vent de mousson souffle pratiquement parallélement à la côte, mais les faibles variations saisonnières du vent dans le golfe de Guinée font qu'il n'a pas été possible de corréler celui-ci avec l'upwelling (Bakun, 1978).
Advection par les courants: le long de la côte nord coule en subsurface un contre-courant dirigé vers l'ouest mais qui est trop faible pour expliquer l'upwelling par advection d'eau froide en provenance de la baie du Biafra. Le long de la côte sud le transport d'eau froide par le courant de Benguela ne permet pas d'expliquer l'upwelling au nord de 13° sud, car ce courant se dirige vers l'ouest à partir de 18° sud.
Upwelling induit par les courants: Ingham (1970) a suggéré que la remontée des isothermes, induite par un renforcement du courant de Guinée alors en équilibre géostrophique, pouvait être la cause du refroidissement observé le long du littoral ivoiro-ghaneen; les modéles numériques ont toutefois montré que le refroidissement ainsi induit serait minime.
Deux façons de calculer les indices d'upwelling ont été retenues:
La première consiste à calculer par quinzaine la différence entre la température observée et la température seuil fixée à 26°C (le calcul avec d'autres températures seuils, i.e., 25, 24, 23, ou 22°C donne des résultats similaires; figures 3a, 3b, et 3c).
La deuxième se fait en sommant par quinzaine les anomalies de température calculées par rapport à un cycle moyen sur toute la période (i.e., 1966 à 1986). Cette approche permet de mieux prendre en compte l'influence du petit upwelling.
L'examen des figures 4 et 5 permet de constater que les indices d'upwelling calculés durant la grande saison froide sont correlés à Tema et à Abidjan mais qu'il en va autrement pour la petite saison froide. D'autre part l'hypothèse selon laquelle les origines des grands et petits upwellings diffèrent est corroborée par le fait qu'il ne semble pas y avoir de corrélation entre les indices d'upwelling de grande et de petite saison froide aussi bien à Abidjan qu'à Tema (figures 6 et 7). Tout ceci a amené le groupe de travail à souligner l'intérêt qu'il y avait à disposer d'indices d'upwellings de petite et de grande saison froide (au Ghana comme en Côte d'Ivoire) du fait de leur indépendance et de leurs répercussions différentes en termes de dynamique de relation pêche-climat (i.e., recrutement - indice d'upwelling).
Un indice d'upwelling de grande saison froide en Côte d'Ivoire a été calculé en utilisant les valeurs de températures de surface relevées à Port-Bouët et une bonne corrélation (au facteur d'échelle près) a été trouvée avec l'upwelling ghanéen de grande saison froide (figure 8). L'examen des tendances suivies par l'indice d'upwelling a porté sur les valeurs de la série ghanéenne (tableau 1). On a constaté qu'après être resté à des niveaux bas entre 1979 et 1981, l'indice a augmenté considérablement à partir de 1982 pour se situer à des niveaux élevés comparables à ceux de la période 1974–78. A noter également que selon les premières informations dont on dispose pour 1987, l'upwelling de grande saison froide aurait été faible au Ghana et en Côte d'Ivoire.