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Module 9. La Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays et les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires


9.1 Introduction
9.2 Les principales dispositions de la Décision
9.3 La situation alimentaire dans les pays les moins avancés (PMA) et dans les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (PDINPA)
9.4 Le suivi de la mise en œuvre de la Décision
9.5 Comment accroître l’efficacité de la Décision?

B. Vrolik
Division des produits et du commerce international

OBJECTIF

L’objectif de ce module est de décrire les différentes dispositions de la Décision de Marrakech et de mettre l’accent sur les difficultés rencontrées lors de sa mise en œuvre afin que celles-ci soient prises en compte lors du prochain cycle de négociation.

POINTS CLÉS

· Reconnaissant que les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (PDINPA) et les pays les moins avancés (PMA) pourraient faire face à des difficultés pour s’approvisionner correctement et à des conditions favorables en produits de base auprès des sources externes, la Décision apporte quatre réponses spécifiques à ce problème.

· De récentes recherches de la FAO montrent que la situation alimentaire des PMA et des PDINPA demeure précaire et qu’il y a là une bonne raison à ce que la Décision accorde une attention particulière à ces groupes de pays.

· L’examen des progrès de la mise en œuvre de la Décision est difficile car il n’y a pas de paramètre quantifiable ni de calendrier d’application.

· Plusieurs problèmes que les pays en développement pourraient soulever pour que la Décision soit plus efficace au cours du prochain cycle de négociations sont analysés dans ce module.

9.1 Introduction

La Décision se voulait un filet de sécurité pour les pays vulnérables

La Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (La Décision, en abrégé) adoptée au cours de la réunion ministérielle à Marrakech fait partie intégrante du Cycle d’Uruguay (CU). La Décision reconnaît que la mise en œuvre de l’ensemble des résultats du Cycle d’Uruguay générera des possibilités de plus en plus grandes d’expansion du commerce et de croissance économique, au bénéfice de tous les participants, mais aussi que, pendant la mise en œuvre du Programme de réforme conduisant à une libéralisation accrue du commerce des produits agricoles, les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (PMA et PDINPA respectivement, voir l’encadré 1 pour les critères et la liste) risquent de subir des effets négatifs pour ce qui est de disposer d’importations alimentaires selon des modalités et à des conditions raisonnables. Pour parer à cette éventualité, la Décision établit certains mécanismes d’assistance. La Décision est mentionnée dans l’Article 16 de l’Accord sur l’agriculture qui invite les pays développés membres à prendre les mesures prévues dans le cadre de la Décision.

Ce module aborde les points suivants:

· les principales dispositions de la Décision;.

· les perspectives concernant les problèmes alimentaires persistants auxquels sont confrontés les groupes de pays couverts par la Décision;

· le suivi de la Décision au Comité de l’agriculture de l’OMC; et

· quelques questions liées à la mise en œuvre de la Décision et quelques réflexions sur la manière d’accroître son efficacité.

9.2 Les principales dispositions de la Décision

La Décision contient quatre dispositions principales

Le principal problème visé par la Décision, et énoncé au paragraphe 2 (voir l’encadré 3), tient pour l’essentiel aux difficultés que les PMA et les PDINPA risquent de rencontrer pour accéder à des approvisionnements adéquats en produits alimentaires de base provenant de sources extérieures, selon des modalités et à des conditions raisonnables, notamment en matière de financement. Elle prévoit quatre mécanismes spécifiques pour y remédier: l’aide alimentaire, un traitement de faveur pour les crédits à l’exportation, une facilité de financement à des conditions favorables pour les importations de produits alimentaires, et une assistance technique et financière pour accroître la productivité et la production agricoles. En quoi consistent ces mesures?

Encadré 1: Liste des PMA et des PDINPA membres de l’OMC

Le Comité de l’agriculture de l’OMC a convenu à sa quatrième session, en novembre 1995, d’établir une liste des PMA et des PDINPA, selon les modalités suivantes.

«1. Les pays ci-après seront inscrits dans la liste des bénéficiaires des mesures prévues dans le cadre de la Décision.

a) les pays les moins avancés reconnus comme tels par le Conseil économique et social des Nations Unies; et Unies; et

b) tout pays en développement Membre de l’OMC qui était importateur net de produits alimentaires de base, pendant l’une quelconque des trois années de la période de cinq ans la plus récente pour laquelle des données sont disponibles et qui notifie au Comité sa décision d’être inscrit dans la liste des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, aux fins de la Décision.

2. Les notifications au titre du paragraphe 1 b) ci-dessus seront accompagnées des données statistiques pertinentes concernant les importations totales et nettes (en quantité et en valeur) et leur importance relative en pourcentage de la consommation intérieure des produits concernés. Ces notifications seront présentées au moins quinze jours avant une session ordinaire de mars du Comité.

3. Le Comité établira une liste des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires Membres de l’OMC, sur la base de ces notifications. Ladite liste sera examinée par le Comité, à ses sessions ordinaires de mars.

La liste dont il est question au paragraphe 3) ci-dessus a été établie en conséquence. Actuellement, chacun des deux groupes est composé des pays suivants:

PMA (total 48) - Afghanistan, Angola, Bangladesh, Bénin, Bhoutan, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cap Vert, Comores, Congo, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Haïti, Kiribati, Laos, Lésotho, Libéria, Madagascar, Malawi, Maldives, Mali, Mauritanie, Mozambique, Myanmar, Népal, Niger, Ouganda, République centrafricaine, Rwanda, Iles Salomon, Samoa, Sao Tomé et Principe, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Tuvalu, Vanuatu, Yémen, Zambie.

PDINPA (total 18) - Barbade, Botswana, Côte d’Ivoire, République dominicaine, Egypte, Honduras, Jamaïque, Kenya, Maurice, Maroc, Pakistan, Pérou, Sainte Lucie, Sénégal, Sri Lanka, Trinité-et-Tobago, Tunisie et Venezuela.


L’aide alimentaire. Le paragraphe 3 traite de l’aide alimentaire et reconnaît explicitement que la mise en œuvre des résultats du Cycle d’Uruguay en matière de commerce des produits agricoles risque d’être préjudiciable à la mise à disposition d’une quantité suffisante d’aide alimentaire. Dans ses sous-paragraphes, il aborde trois problèmes. Premièrement, il invite à examiner périodiquement le niveau de l’aide alimentaire établi par le Comité de l’aide alimentaire en vertu de la Convention de 1986 relative à l’aide alimentaire (voir l’encadré 2). Deuxièmement, il exhorte à engager des négociations pour fixer des engagements en matière d’aide alimentaire à un niveau suffisant. Troisièmement, il appelle instamment à établir des recommandations pour fournir une aide alimentaire à des conditions favorables, en particulier aux deux groupes de pays visés par la Décision. La Conférence ministérielle de Singapour a fait deux autres recommandations: lors de l’établissement du niveau de l’aide alimentaire, des efforts doivent être déployés pour prendre en considération le plus grand nombre possible de donateurs et de produits alimentaires pouvant être fournis sous forme de dons; et des directives devront être élaborées pour améliorer l’efficacité et l’impact positif de l’aide alimentaire. L’Article 10 de l’Accord sur l’agriculture, Prévention du contournement des engagements en matière de subventions à l’exportation, contient aussi d’autres dispositions relatives à l’aide alimentaire.

Encadré 2: L’Article IV de la CONVENTION DE 1986 RELATIVE À L’AIDE ALIMENTAIRE

Modalités des contributions d’aide alimentaire

L’aide alimentaire en vertu de la présente Convention pourra être fournie selon l’une quelconque des modalités suivantes:

· dons de céréales ou dons en espèces à utiliser pour l’achat de céréales au profit du pays bénéficiaire;

· ventes contre monnaie du pays bénéficiaire qui n’est ni transférable ni convertible en devises ou en marchandises et services susceptibles d’être utilisés par le membre donateur 1/;

· ventes à crédit, le paiement devant être effectué par annuités raisonnables échelonnées sur vingt ans ou plus, moyennant un taux d’intérêt inférieur aux taux commerciaux en vigueur sur les marchés mondiaux 2/;

étant entendu que ladite aide alimentaire est fournie autant que possible sous forme de dons, en particulier dans les cas des pays les moins avancés, des pays à faible revenu par habitant et d’autres pays en développement qui ont de graves difficultés économiques.

1/ Dans des circonstances exceptionnelles, il pourra être accordé une dispense ne dépassant pas dix pour cent. Toutefois, il pourra n’être pas insisté sur cette limite dans le cas de transactions destinées à augmenter les activités de développement économique dans le pays bénéficiaire, à condition que la monnaie du pays bénéficiaire ne soit ni transférable ni convertible avant l’écoulement d’un délai de dix ans.

2/ L’Accord relatif aux ventes à crédit peut prévoir le versement d’une fraction du principal allant jusqu’à quinze pour cent à la livraison de la céréale.


Encadré 3: Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires

1. Les Ministres reconnaissent que la mise en œuvre progressive de l’ensemble des résultats du Cycle d’Uruguay générera des possibilités de plus en plus grandes d’expansion du commerce et de croissance économique, au bénéfice de tous les participants.

2. Les Ministres reconnaissent que, pendant la mise en œuvre du programme de réforme conduisant à une libéralisation accrue du commerce des produits agricoles, les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires risquent de subir des effets négatifs pour ce qui est de disposer d’approvisionnements adéquats en produits alimentaires de base provenant de sources extérieures suivant des modalités et à des conditions raisonnables, y compris d’avoir des difficultés à court terme à financer des niveaux normaux d’importations commerciales de produits alimentaires de base.

3. Les Ministres conviennent donc d’établir des mécanismes appropriés pour faire en sorte que la mise en œuvre des résultats du Cycle d’Uruguay en matière de commerce des produits agricoles ne soit pas préjudiciable à la mise à disposition de l’aide alimentaire à un niveau qui soit suffisant pour continuer d’aider à répondre aux besoins alimentaires des pays en développement, en particulier les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. A cette fin, les Ministres conviennent:

i) d’examiner le niveau de l’aide alimentaire établi périodiquement par le Comité de l’aide alimentaire en vertu de la Convention de 1986 relative à l’aide alimentaire et d’engager des négociations dans l’enceinte appropriée pour établir un niveau d’engagements en matière d’aide alimentaire qui soit suffisant pour répondre aux besoins légitimes des pays en développement pendant la mise en œuvre du programme de réforme;

ii) d’adopter des lignes directrices pour faire en sorte qu’une part croissante des produits alimentaires de base soit fournie aux pays les moins avancés et aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, intégralement à titre de don et/ou à des conditions favorables appropriées, conformément à l’Article IV de la Convention de 1986 relative à l’aide alimentaire;

iii) de prendre pleinement en considération, dans le contexte de leurs programmes d’aide, les demandes d’assistance technique et financière des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires pour leur permettre d’améliorer leur productivité et leur infrastructure agricoles.

4. Les Ministres conviennent en outre de faire en sorte que tout accord se rapportant à des crédits à l’exportation de produits agricoles prévoie de manière appropriée un traitement différencié en faveur des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires.

5. Les Ministres reconnaissent que, par suite du Cycle d’Uruguay, certains pays en développement risquent d’avoir à court terme des difficultés à financer des niveaux normaux d’importations commerciales et que ces pays pourraient être admis à tirer sur les ressources d’institutions financières internationales, disponibles au titre des facilités existantes ou de facilités qui pourraient être créées, dans le contexte de programmes d’ajustement, pour faire face à ces difficultés de financement. A cet égard, les Ministres prennent note du paragraphe 37 du rapport du Directeur général des PARTIES CONTRACTANTES du GATT de 1947 sur ses consultations avec le Directeur général du Fonds monétaire international et du Président de la Banque mondiale (MTN.GNG/NG14/W/35).

6. Les dispositions de la présente décision seront examinées périodiquement par la Conférence ministérielle et le suivi fera l’objet d’une surveillance, selon qu’il sera approprié, de la part du Comité de l’agriculture.

Source: OMC (1994).
Les crédits à l’exportation de produits agricoles. Dans le paragraphe 4 de la Décision, les Ministres ont convenu de faire en sorte que tout accord se rapportant à des crédits à l’exportation de produits agricoles prenne les dispositions appropriées à un traitement différencié en faveur des PMA et des PDINPA. Cette question est traitée dans l’Article 10 de l’Accord sur l’agriculture, qui précise que les Membres de l’OMC «s’engagent à œuvrer à l’élaboration de disciplines convenues au niveau international pour régir l’octroi de crédits à l’exportation, de garanties de crédit à l’exportation ou de programmes d’assurance et, après accord sur ces disciplines, à n’offrir de crédits à l’exportation, de garanties de crédit à l’exportation ou de programmes d’assurance qu’en conformité avec lesdites disciplines». Ces travaux sont en cours à l’OCDE.

Les facilités de financement. Dans le paragraphe 5 de la Décision, les Ministres ont reconnu que, par suite du Cycle d’Uruguay, certains pays en développement risquaient d’avoir à court terme des difficultés à financer des niveaux normaux d’importations commerciales et que ces pays pourraient être admis à tirer sur les ressources d’institutions financières internationales, disponibles au titre des facilités existantes ou de facilités qui pourraient être créées, dans le contexte de programmes d’ajustement, pour faire face à ces difficultés de financement. A part l’observation évidente, à savoir que ces pays pourraient tirer sur les facilités existantes, le paragraphe introduit un élément nouveau: la possibilité de créer de nouvelles facilités.

L’assistance technique et financière dans le contexte de Programmes d’aide. Dans le paragraphe 3 alinéa iii), les Ministres ont convenu de prendre pleinement en considération, dans le contexte de leurs programmes d’aide, les demandes d’assistance technique et financière des PMA et des PDINPA pour leur permettre d’améliorer leur productivité et leurs infrastructures agricoles.

9.3 La situation alimentaire dans les pays les moins avancés (PMA) et dans les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (PDINPA)

La situation alimentaire des pays vulnérables reste précaire

Dans une étude de la FAO (1997), la situation alimentaire de ces deux groupes de pays a été examinée et comparée avec celle d’un groupe de référence, constitué des autres pays en développement. La situation alimentaire a été analysée sur la base de plusieurs indicateurs: apport énergétique alimentaire, production céréalière (niveau, taux de croissance et variabilité), poids des dépenses d’importation des produits alimentaires et capacité d’importation des produits alimentaires. Il ressort clairement de cette étude que la situation alimentaire des PMA et des PDINPA est encore précaire, tant dans l’absolu que par rapport à ce groupe de référence (tableau 1). Globalement, l’étude a donc conclu au bien-fondé de l’attention particulière accordée par la Décision à ce groupe de pays.

Tableau 1: Indicateurs de la situation alimentaire des pays les moins avancés, des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires et des autres pays en développement

Indicateurs

Unité/année

PMA

PDINPA

Autres pays en développement

Revenu par habitant

$ EU, 1995

235

920

1 400

Apport alimentaire énergétique

kcal, 90-92

2 100

2 560

2 840

Production céréalière






Niveau par habitant

kg/an, 94-96

177

172

284


Taux de croissance

%/an, 80-96

-0.33

0.39

0.65


Variabilité

% d’incidence, 80-96

3.4

4.5

2.3

Importations alimentaires






par rapport aux

%, 80-82

18

17

10


importations totales de marchandises

%, 93-95

20

13

6

Importations alimentaires






par rapport aux

%, 80-82

31

19

9


exportations totales de marchandises

%, 93-95

32

17

6

Source: FAO (1997).

9.4 Le suivi de la mise en œuvre de la Décision

Le système des notifications permet le suivi de la mise en œuvre...

Le Comité de l’agriculture de l’OMC est chargé de suivre la mise en œuvre de la Décision. Pour ce faire, il se fonde sur les notifications concernant les mesures prises par les pays développés membres dans le cadre de la Décision. D’autres organisations internationales ayant le statut d’observateurs au Comité de l’agriculture, notamment le FMI, la Banque mondiale, le Conseil international des céréales, le Programme alimentaire mondial et la FAO fournissent également des informations sur les dispositions de la Décision en matière d’assistance.

Le Comité de l’agriculture a mis au point un format pour la notification des mesures prises par les Membres dans le cadre de la Décision en quatre parties.

· quantité d’aide alimentaire - total et pourcentage destiné aux PMA et aux PDINPA;

· indication de la part fournie intégralement à titre de don ou à des conditions favorables appropriées;

· assistance technique et financière relevant du paragraphe 3 ii) de la Décision; et

· autres informations pertinentes sur les mesures prises dans le cadre de la Décision.

En ce qui concerne l’aide alimentaire, les notifications indiquent son niveau total et la quantité distribuée aux deux groupes de pays. Elles précisent également la proportion de l’aide alimentaire qui est fournie intégralement à titre de dons ou à des conditions de faveur. Pour 1995/1996 et 1996/97, huit donateurs d’aide alimentaire ont présenté ces notifications. Le deuxième grand domaine sur lequel portent les notifications est représenté par les programmes d’aide. Dans ce cas, les donateurs ont fourni des informations sur le niveau total de l’aide, les institutions à travers lesquelles l’aide a été acheminée (ex: institutions bilatérales, banques de développement), les divers secteurs ayant bénéficié d’une assistance (ex: agriculture, santé etc.). Les données concernant le niveau de l’assistance fournie aux deux groupes de pays pour leur permettre d’améliorer leur productivité et leurs infrastructures agricoles ont été moins complètes, probablement dû au manque de données statistiques. La question des crédits à l’exportation n’a pratiquement pas été discutée au Comité de l’agriculture car les modalités d’octroi de ces crédits sont en cours de négociation à l’OCDE. Il faudra attendre qu’un accord aboutisse pour que le Comité de l’agriculture puisse examiner les travaux réalisés dans le contexte de la Décision. Enfin, en ce qui concerne les facilités de financement, le Comité de l’agriculture s’est limité à contrôler les données présentées par les institutions chargées d’administrer les facilités.

... mais le manque d’objectifs et de calendrier rend la tâche difficile

L’examen de l’état d’avancement de la mise en œuvre de la Décision est une tâche beaucoup plus complexe. La Décision ne donne ni paramètres quantifiables, ni calendrier pour la mise en œuvre. Dans le cas de l’aide alimentaire, une nouvelle Convention sur l’Aide Alimentaire a été conclue en 1999. Pour les crédits à l’exportation, aucun accord n’a aboutit sur les modalités de l’assistance; d’ici là, la Décision ne peut pas être mise en œuvre. Les facilités de financement ne constituent pas une activité nouvelle car elles sont en place depuis de nombreuses années. De surcroît, la Décision s’est limitée à reconnaître que les deux groupes de pays qui ont des difficultés «pourraient être admis à tirer sur les ressources». Ce faisant, elle ne dit là rien de bien nouveau, car la plupart des pays concernés par la Décision ont d’ores et déjà accès à ces ressources. Le seul élément nouveau dans la Décision est l’allusion à la possibilité de créer de nouvelles facilités. Or ce point n’a pratiquement pas été discuté au Comité de l’agriculture.

Enfin, pour ce qui est des Programmes d’aide, la Décision n’engage aucun pays et ne donne aucune directive spécifique sur la manière de «prendre pleinement en considération» les demandes d’assistance technique et financière des PMA et des PDINPA pour leur permettre d’améliorer leur productivité et leurs infrastructures agricoles. Il est donc impossible de contrôler cet aspect de la Décision dans la mesure où la disposition «prendre pleinement en considération» peut être interprétée de diverses manières. Faut-il entendre par là qu’un pourcentage donné des programmes d’aide doit être affecté à l’agriculture? Ou tout simplement que les donateurs devraient répondre aux demandes d’assistance de manière plus favorable qu’auparavant? Ou d’une manière particulièrement favorable pour les deux groupes de pays?

9.5 Comment accroître l’efficacité de la Décision?

Pratiquement tous les bénéficiaires potentiels sont inquiets et déçus de la lenteur de la mise en œuvre de la Décision. Ceci est dû, pour une large part, à sa nature même - la Décision est une promesse d’assistance, et non un instrument juridiquement contraignant. En outre, comme on l’a déjà noté, le suivi de sa mise en œuvre est constellé de difficultés - dans certains cas, les accords initiaux n’ont pas encore été conclus.

La Décision pourrait être plus efficace...

Malgré les retards et les difficultés, la Décision est reconnue comme une promesse claire de mesures compensatoires, offrant des possibilités pour les PMA et les PDINPA. En outre, elle fait partie intégrante de l’Accord sur l’agriculture et, en tant que telle, sera automatiquement inscrite à l’ordre du jour du prochain cycle de négociation. Il est donc indispensable d’examiner de façon constructive la Décision en vue de préparer le prochain cycle. Les considérations qui suivent visent à faire avancer ce processus.

... si elle disposait d’un mécanisme plus clair pour déclencher l’assistance...

Certaines ambiguïtés de la Décision doivent être clarifiées. Les ambiguïtés sont nombreuses. Premièrement, comment détecter les «effets négatifs» qui déclencheront l’assistance, ou quel est le facteur de déclenchement de l’aide? L’accroissement des dépenses d’importation de produits alimentaires? La réduction des recettes d’exportation? Les difficultés de la balance des paiements? Deuxièmement, la Décision est-elle seulement une clause de la meilleure tentative, c’est-à-dire une promesse, ou comporte-t-elle aussi un élément contraignant? Troisièmement, s’agit-il d’une mesure temporaire, ou (plus) permanente, valable jusqu’à la fin du processus de réforme de l’agriculture? Quatrièmement, que signifie la déclaration précisant que la Décision a été adoptée, étant entendu que «être sur la liste ne confère pas, en soi, d’avantages automatiques étant donné que, dans le cadre des mécanismes couverts par la Décision, les donateurs et les institutions concernés auraient un rôle à jouer?» Faut-il entendre par-là que l’assistance sera fournie exclusivement à ceux qui subissent les effets négatifs? Dans l’affirmative, la déclaration semble juste. Mais, si la raison est que les ressources citées dans la Décision sont administrées par des donateurs individuels et des organisations internationales qui ont des règles et des conditions d’octroi de l’aide qui leur sont propres, la déclaration semble contraire à l’esprit et au texte de la Décision, car celle-ci ne mentionne aucune autre condition que les effets négatifs.

... de règles plus claires quant à l’accès aux facilités de financement...

Facilités de financement à des conditions de faveur - les conditions d’accès sont-elles l’élément déterminant? Il semblerait que oui, si l’on examine les déclarations faites au Comité de l’agriculture de l’OMC (voir OMC 1995b) par les institutions chargées d’administrer ces facilités, lesquelles soulignent que l’accès à ces facilités est soumis à des conditions particulières, la plus importante étant les difficultés de la balance des paiements. Le Comité de l’agriculture a également été avisé que la fourniture d’une aide pour couvrir les éventuels coûts de transition liés au Cycle d’Uruguay serait subordonnée à la condition que le pays entreprenne une libéralisation rationnelle de ses politiques agricoles ou commerciales. Mais reste à savoir ce qu’on entend exactement par libéralisation «rationnelle». Les réformes pleinement conformes aux engagements du Cycle d’Uruguay seraient-elles considérées comme rationnelles, ou faut-il des réformes plus profondes pour qu’un pays puisse prétendre à accéder aux facilités? D’autres, notamment les bénéficiaires potentiels, ont soutenu que la Décision ne posait aucune condition pour l’accès aux facilités.

La deuxième question qui se pose est de savoir s’il est nécessaire de créer d’autres facilités similaires, une éventualité laissée ouverte par la Décision. Là aussi, les points de vue semblent partagés. Certains soutiennent que les facilités existantes sont suffisantes pour faire face à toutes les difficultés qui pourraient surgir lors de la mise en œuvre du Cycle d’Uruguay. D’autres, en revanche, estiment que l’accès aux facilités existantes risque de poser un problème. A titre d’exemple, pendant la flambée des prix de 1995-96, très peu de pays ont utilisé la Facilité de financement compensatoire et de financement pour imprévus du FMI, qui, de toutes les facilités existantes, se rapproche le plus du type de problèmes visés par la Décision.

... et d’une définition plus claire des besoins alimentaires

Faire en sorte de répondre aux besoins légitimes d’aide alimentaire et de mieux adapter les quantités fournies à l’évolution des besoins. Dans ce cas, l’une des difficultés est d’estimer les «besoins légitimes» des pays en développement (en laissant de côté les besoins d’urgence), d’autant que le texte de la Décision se réfère aux besoins légitimes pendant la mise en œuvre du programme de réforme, sans définir ces besoins. Pris dans un sens étroit, les besoins légitimes sont ceux qui sont liés au processus de réforme, c’est-à-dire ceux qui s’ajoutent à ceux qui seraient apparus en l’absence du programme de réforme. Il est clair que cette interprétation nécessiterait l’établissement d’un scénario fictif, décrivant ce qui se serait passé sans le Cycle d’Uruguay. Il est très difficile de chiffrer un scénario fictif et il serait hasardeux de se fonder sur une telle approche pour déterminer les besoins légitimes.

Mais d’autres options sont-elles possibles? Par exemple, une approche qui permettrait dans une certaine mesure de se conformer à cette prescription, entendue dans un sens «étroit» consisterait à définir un niveau de déclenchement des prix mondiaux au-delà duquel un pays pourrait prétendre à une aide au titre de la Décision pour une part de ses dépenses d’importation de produits alimentaires. Cependant, ce prix de déclenchement ne saurait être établi sur la base de la part de l’augmentation des cours mondiaux imputable à la libéralisation et de la part imputable à des événements imprévus survenus durant une année donnée. Pour être réaliste, le prix de déclenchement devrait être fondé sur un pourcentage au-dessus de celui de la période de base, au-delà duquel les augmentations des prix seraient jugées excessives. Ailleurs dans l’Acte final, les valeurs unitaires des importations durant la période de base 1986-88 ont été utilisées comme point de départ. Mais il serait également possible de se référer aux valeurs unitaires moyennes pendant la période de trois ans précédant le début de la mise en œuvre du Cycle d’Uruguay - disons 1992-94 - ou encore de se baser sur une moyenne mobile.

On peut aussi adopter une deuxième définition, plus large, des besoins légitimes, qui ne seraient pas limités à ceux qui sont directement liés au programme de réforme. Dans ce sens, les besoins pourraient être définis comme ceux nécessaires pour compléter les approvisionnements de façon à ce que les pays soient en mesure de maintenir la consommation alimentaire à des niveaux adéquats durant le processus de réforme. Cette interprétation serait valable si le but de la Décision était d’atténuer toute privation excessive qui compromettrait le succès du programme de réforme. Toutefois, là encore, il est peu probable que les signataires de la Décision aient eu l’intention de répondre à des besoins si globaux et si imprécis.

En ce qui concerne l’approvisionnement de l’aide alimentaire, l’un des problèmes a été le déclin des niveaux d’aide alimentaire au cours des années récentes. L’engagement annuel minimal des pays donateurs au titre de la Convention de 1995 relative à l’aide alimentaire (CAA) a lui-même été considérablement réduit, de 7,52 millions de tonnes (en équivalent blé) en 1986 à 5,35 millions de tonnes (en équivalent blé) dans la Convention de 1995 et à 4,895 millions de tonnes (plus de 130 millions de dollars) dans la Convention de 1999. Ceci est en contradiction avec l’objectif fixé par la CAA pour contribuer à l’atteinte de l’objectif de la Conférence mondiale de l’alimentation, qui est d’apporter chaque année aux pays en développement une aide alimentaire de 10 millions de tonnes.

La deuxième difficulté est de faire en sorte que les niveaux d’aide alimentaire ne diminuent pas lorsque les besoins d’assistance sont les plus élevés - il s’agit là d’une véritable gageure car, dans le passé, les niveaux d’aide alimentaire ont généralement été plus bas lorsque les prix du marché mondial étaient plus élevés, c’est-à-dire précisément quand l’assistance était la plus nécessaire.

BIBLIOGRAPHIE

FAO. 1997. The Food Situation in the Least Developed and Net Food Importing Developing Countries. Rome.

Konandreas, P., Sharma, R. et Greenfield, J. 1998. The Uruguay Round, the Marrakesh Decision and the Role of Food Aid, Paper presented to the Workshop on Food and Human Security: the Role of Food Aid and Finance for Food, Lysebu, Oslo, Avril 1998. (Division des produits et du commerce international, FAO, Rome).

OMC. 1998. Rapport annuel 1998, Genève.

OMC. 1996. Rapport du Comité de l’agriculture sur la Décision Ministérielle de Marrakech sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du Programme des réformes sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, Rapport pour la Conférence Ministérielle de Singapour, Document G/L/125. Genève.

OMC. 1995. Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires: Consultations du Directeur général, Documents G/AG/W/12 et G/AG/W/12/Add.1. Genève.

OMC. 1994. Résultats des négociations commerciales multilatérales du Cycle d’Uruguay: Textes juridiques. Genève.


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