9.1 Introduction
9.2 Les principales dispositions de la Décision
9.3 La situation alimentaire dans les pays les moins avancés (PMA) et dans les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (PDINPA)
9.4 Le suivi de la mise en uvre de la Décision
9.5 Comment accroître lefficacité de la Décision?
B. Vrolik
Division des produits et du commerce international
OBJECTIF
Lobjectif de ce module est de décrire les différentes dispositions de la Décision de Marrakech et de mettre laccent sur les difficultés rencontrées lors de sa mise en uvre afin que celles-ci soient prises en compte lors du prochain cycle de négociation.
POINTS CLÉS
· Reconnaissant que les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (PDINPA) et les pays les moins avancés (PMA) pourraient faire face à des difficultés pour sapprovisionner correctement et à des conditions favorables en produits de base auprès des sources externes, la Décision apporte quatre réponses spécifiques à ce problème.
· De récentes recherches de la FAO montrent que la situation alimentaire des PMA et des PDINPA demeure précaire et quil y a là une bonne raison à ce que la Décision accorde une attention particulière à ces groupes de pays.
· Lexamen des progrès de la mise en uvre de la Décision est difficile car il ny a pas de paramètre quantifiable ni de calendrier dapplication.
· Plusieurs problèmes que les pays en développement pourraient soulever pour que la Décision soit plus efficace au cours du prochain cycle de négociations sont analysés dans ce module.
La Décision se voulait un filet de sécurité pour les pays vulnérables
La Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (La Décision, en abrégé) adoptée au cours de la réunion ministérielle à Marrakech fait partie intégrante du Cycle dUruguay (CU). La Décision reconnaît que la mise en uvre de lensemble des résultats du Cycle dUruguay générera des possibilités de plus en plus grandes dexpansion du commerce et de croissance économique, au bénéfice de tous les participants, mais aussi que, pendant la mise en uvre du Programme de réforme conduisant à une libéralisation accrue du commerce des produits agricoles, les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (PMA et PDINPA respectivement, voir lencadré 1 pour les critères et la liste) risquent de subir des effets négatifs pour ce qui est de disposer dimportations alimentaires selon des modalités et à des conditions raisonnables. Pour parer à cette éventualité, la Décision établit certains mécanismes dassistance. La Décision est mentionnée dans lArticle 16 de lAccord sur lagriculture qui invite les pays développés membres à prendre les mesures prévues dans le cadre de la Décision.
Ce module aborde les points suivants:
· les principales dispositions de la Décision;.· les perspectives concernant les problèmes alimentaires persistants auxquels sont confrontés les groupes de pays couverts par la Décision;
· le suivi de la Décision au Comité de lagriculture de lOMC; et
· quelques questions liées à la mise en uvre de la Décision et quelques réflexions sur la manière daccroître son efficacité.
La Décision contient quatre dispositions principales
Le principal problème visé par la Décision, et énoncé au paragraphe 2 (voir lencadré 3), tient pour lessentiel aux difficultés que les PMA et les PDINPA risquent de rencontrer pour accéder à des approvisionnements adéquats en produits alimentaires de base provenant de sources extérieures, selon des modalités et à des conditions raisonnables, notamment en matière de financement. Elle prévoit quatre mécanismes spécifiques pour y remédier: laide alimentaire, un traitement de faveur pour les crédits à lexportation, une facilité de financement à des conditions favorables pour les importations de produits alimentaires, et une assistance technique et financière pour accroître la productivité et la production agricoles. En quoi consistent ces mesures?
Encadré 1: Liste des PMA et des PDINPA membres de lOMC
Le Comité de lagriculture de lOMC a convenu à sa quatrième session, en novembre 1995, détablir une liste des PMA et des PDINPA, selon les modalités suivantes. «1. Les pays ci-après seront inscrits dans la liste des bénéficiaires des mesures prévues dans le cadre de la Décision. a) les pays les moins avancés reconnus comme tels par le Conseil économique et social des Nations Unies; et Unies; et2. Les notifications au titre du paragraphe 1 b) ci-dessus seront accompagnées des données statistiques pertinentes concernant les importations totales et nettes (en quantité et en valeur) et leur importance relative en pourcentage de la consommation intérieure des produits concernés. Ces notifications seront présentées au moins quinze jours avant une session ordinaire de mars du Comité. 3. Le Comité établira une liste des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires Membres de lOMC, sur la base de ces notifications. Ladite liste sera examinée par le Comité, à ses sessions ordinaires de mars. La liste dont il est question au paragraphe 3) ci-dessus a été établie en conséquence. Actuellement, chacun des deux groupes est composé des pays suivants: PMA (total 48) - Afghanistan, Angola, Bangladesh, Bénin, Bhoutan, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cap Vert, Comores, Congo, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Haïti, Kiribati, Laos, Lésotho, Libéria, Madagascar, Malawi, Maldives, Mali, Mauritanie, Mozambique, Myanmar, Népal, Niger, Ouganda, République centrafricaine, Rwanda, Iles Salomon, Samoa, Sao Tomé et Principe, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Tuvalu, Vanuatu, Yémen, Zambie. PDINPA (total 18) - Barbade, Botswana, Côte
dIvoire, République dominicaine, Egypte, Honduras, Jamaïque,
Kenya, Maurice, Maroc, Pakistan, Pérou, Sainte Lucie,
Sénégal, Sri Lanka, Trinité-et-Tobago, Tunisie et
Venezuela. |
Encadré 2: LArticle IV de la CONVENTION DE 1986 RELATIVE À LAIDE ALIMENTAIRE
Modalités des contributions daide alimentaire Laide alimentaire en vertu de la présente Convention pourra être fournie selon lune quelconque des modalités suivantes: · dons de céréales ou dons en espèces à utiliser pour lachat de céréales au profit du pays bénéficiaire;étant entendu que ladite aide alimentaire est fournie autant que possible sous forme de dons, en particulier dans les cas des pays les moins avancés, des pays à faible revenu par habitant et dautres pays en développement qui ont de graves difficultés économiques. 1/ Dans des circonstances exceptionnelles, il pourra être accordé une dispense ne dépassant pas dix pour cent. Toutefois, il pourra nêtre pas insisté sur cette limite dans le cas de transactions destinées à augmenter les activités de développement économique dans le pays bénéficiaire, à condition que la monnaie du pays bénéficiaire ne soit ni transférable ni convertible avant lécoulement dun délai de dix ans. 2/ LAccord relatif aux ventes à
crédit peut prévoir le versement dune fraction du principal
allant jusquà quinze pour cent à la livraison de la
céréale. |
1. Les Ministres reconnaissent que la mise en uvre progressive de lensemble des résultats du Cycle dUruguay générera des possibilités de plus en plus grandes dexpansion du commerce et de croissance économique, au bénéfice de tous les participants. 2. Les Ministres reconnaissent que, pendant la mise en uvre du programme de réforme conduisant à une libéralisation accrue du commerce des produits agricoles, les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires risquent de subir des effets négatifs pour ce qui est de disposer dapprovisionnements adéquats en produits alimentaires de base provenant de sources extérieures suivant des modalités et à des conditions raisonnables, y compris davoir des difficultés à court terme à financer des niveaux normaux dimportations commerciales de produits alimentaires de base. 3. Les Ministres conviennent donc détablir des mécanismes appropriés pour faire en sorte que la mise en uvre des résultats du Cycle dUruguay en matière de commerce des produits agricoles ne soit pas préjudiciable à la mise à disposition de laide alimentaire à un niveau qui soit suffisant pour continuer daider à répondre aux besoins alimentaires des pays en développement, en particulier les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. A cette fin, les Ministres conviennent: i) dexaminer le niveau de laide alimentaire établi périodiquement par le Comité de laide alimentaire en vertu de la Convention de 1986 relative à laide alimentaire et dengager des négociations dans lenceinte appropriée pour établir un niveau dengagements en matière daide alimentaire qui soit suffisant pour répondre aux besoins légitimes des pays en développement pendant la mise en uvre du programme de réforme;4. Les Ministres conviennent en outre de faire en sorte que tout accord se rapportant à des crédits à lexportation de produits agricoles prévoie de manière appropriée un traitement différencié en faveur des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. 5. Les Ministres reconnaissent que, par suite du Cycle dUruguay, certains pays en développement risquent davoir à court terme des difficultés à financer des niveaux normaux dimportations commerciales et que ces pays pourraient être admis à tirer sur les ressources dinstitutions financières internationales, disponibles au titre des facilités existantes ou de facilités qui pourraient être créées, dans le contexte de programmes dajustement, pour faire face à ces difficultés de financement. A cet égard, les Ministres prennent note du paragraphe 37 du rapport du Directeur général des PARTIES CONTRACTANTES du GATT de 1947 sur ses consultations avec le Directeur général du Fonds monétaire international et du Président de la Banque mondiale (MTN.GNG/NG14/W/35). 6. Les dispositions de la présente
décision seront examinées périodiquement par la
Conférence ministérielle et le suivi fera lobjet dune
surveillance, selon quil sera approprié, de la part du
Comité de lagriculture. |
Source: OMC (1994).Les crédits à lexportation de produits agricoles. Dans le paragraphe 4 de la Décision, les Ministres ont convenu de faire en sorte que tout accord se rapportant à des crédits à lexportation de produits agricoles prenne les dispositions appropriées à un traitement différencié en faveur des PMA et des PDINPA. Cette question est traitée dans lArticle 10 de lAccord sur lagriculture, qui précise que les Membres de lOMC «sengagent à uvrer à lélaboration de disciplines convenues au niveau international pour régir loctroi de crédits à lexportation, de garanties de crédit à lexportation ou de programmes dassurance et, après accord sur ces disciplines, à noffrir de crédits à lexportation, de garanties de crédit à lexportation ou de programmes dassurance quen conformité avec lesdites disciplines». Ces travaux sont en cours à lOCDE.
Les facilités de financement. Dans le paragraphe 5 de la Décision, les Ministres ont reconnu que, par suite du Cycle dUruguay, certains pays en développement risquaient davoir à court terme des difficultés à financer des niveaux normaux dimportations commerciales et que ces pays pourraient être admis à tirer sur les ressources dinstitutions financières internationales, disponibles au titre des facilités existantes ou de facilités qui pourraient être créées, dans le contexte de programmes dajustement, pour faire face à ces difficultés de financement. A part lobservation évidente, à savoir que ces pays pourraient tirer sur les facilités existantes, le paragraphe introduit un élément nouveau: la possibilité de créer de nouvelles facilités.
Lassistance technique et financière dans le contexte de Programmes daide. Dans le paragraphe 3 alinéa iii), les Ministres ont convenu de prendre pleinement en considération, dans le contexte de leurs programmes daide, les demandes dassistance technique et financière des PMA et des PDINPA pour leur permettre daméliorer leur productivité et leurs infrastructures agricoles.
La situation alimentaire des pays vulnérables reste précaire
Dans une étude de la FAO (1997), la situation alimentaire de ces deux groupes de pays a été examinée et comparée avec celle dun groupe de référence, constitué des autres pays en développement. La situation alimentaire a été analysée sur la base de plusieurs indicateurs: apport énergétique alimentaire, production céréalière (niveau, taux de croissance et variabilité), poids des dépenses dimportation des produits alimentaires et capacité dimportation des produits alimentaires. Il ressort clairement de cette étude que la situation alimentaire des PMA et des PDINPA est encore précaire, tant dans labsolu que par rapport à ce groupe de référence (tableau 1). Globalement, létude a donc conclu au bien-fondé de lattention particulière accordée par la Décision à ce groupe de pays.
Tableau 1: Indicateurs de la situation alimentaire des pays les moins avancés, des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires et des autres pays en développement
Indicateurs |
Unité/année |
PMA |
PDINPA |
Autres pays en développement |
|
Revenu par habitant |
$ EU, 1995 |
235 |
920 |
1 400 |
|
Apport alimentaire énergétique |
kcal, 90-92 |
2 100 |
2 560 |
2 840 |
|
Production céréalière |
|
|
|
|
|
|
Niveau par habitant |
kg/an, 94-96 |
177 |
172 |
284 |
|
Taux de croissance |
%/an, 80-96 |
-0.33 |
0.39 |
0.65 |
|
Variabilité |
% dincidence, 80-96 |
3.4 |
4.5 |
2.3 |
Importations alimentaires |
|
|
|
|
|
|
par rapport aux |
%, 80-82 |
18 |
17 |
10 |
|
importations totales de marchandises |
%, 93-95 |
20 |
13 |
6 |
Importations alimentaires |
|
|
|
|
|
|
par rapport aux |
%, 80-82 |
31 |
19 |
9 |
|
exportations totales de marchandises |
%, 93-95 |
32 |
17 |
6 |
Source: FAO (1997).
Le système des notifications permet le suivi de la mise en uvre...
Le Comité de lagriculture de lOMC est chargé de suivre la mise en uvre de la Décision. Pour ce faire, il se fonde sur les notifications concernant les mesures prises par les pays développés membres dans le cadre de la Décision. Dautres organisations internationales ayant le statut dobservateurs au Comité de lagriculture, notamment le FMI, la Banque mondiale, le Conseil international des céréales, le Programme alimentaire mondial et la FAO fournissent également des informations sur les dispositions de la Décision en matière dassistance.
Le Comité de lagriculture a mis au point un format pour la notification des mesures prises par les Membres dans le cadre de la Décision en quatre parties.
· quantité daide alimentaire - total et pourcentage destiné aux PMA et aux PDINPA;En ce qui concerne laide alimentaire, les notifications indiquent son niveau total et la quantité distribuée aux deux groupes de pays. Elles précisent également la proportion de laide alimentaire qui est fournie intégralement à titre de dons ou à des conditions de faveur. Pour 1995/1996 et 1996/97, huit donateurs daide alimentaire ont présenté ces notifications. Le deuxième grand domaine sur lequel portent les notifications est représenté par les programmes daide. Dans ce cas, les donateurs ont fourni des informations sur le niveau total de laide, les institutions à travers lesquelles laide a été acheminée (ex: institutions bilatérales, banques de développement), les divers secteurs ayant bénéficié dune assistance (ex: agriculture, santé etc.). Les données concernant le niveau de lassistance fournie aux deux groupes de pays pour leur permettre daméliorer leur productivité et leurs infrastructures agricoles ont été moins complètes, probablement dû au manque de données statistiques. La question des crédits à lexportation na pratiquement pas été discutée au Comité de lagriculture car les modalités doctroi de ces crédits sont en cours de négociation à lOCDE. Il faudra attendre quun accord aboutisse pour que le Comité de lagriculture puisse examiner les travaux réalisés dans le contexte de la Décision. Enfin, en ce qui concerne les facilités de financement, le Comité de lagriculture sest limité à contrôler les données présentées par les institutions chargées dadministrer les facilités.· indication de la part fournie intégralement à titre de don ou à des conditions favorables appropriées;
· assistance technique et financière relevant du paragraphe 3 ii) de la Décision; et
· autres informations pertinentes sur les mesures prises dans le cadre de la Décision.
... mais le manque dobjectifs et de calendrier rend la tâche difficile
Lexamen de létat davancement de la mise en uvre de la Décision est une tâche beaucoup plus complexe. La Décision ne donne ni paramètres quantifiables, ni calendrier pour la mise en uvre. Dans le cas de laide alimentaire, une nouvelle Convention sur lAide Alimentaire a été conclue en 1999. Pour les crédits à lexportation, aucun accord na aboutit sur les modalités de lassistance; dici là, la Décision ne peut pas être mise en uvre. Les facilités de financement ne constituent pas une activité nouvelle car elles sont en place depuis de nombreuses années. De surcroît, la Décision sest limitée à reconnaître que les deux groupes de pays qui ont des difficultés «pourraient être admis à tirer sur les ressources». Ce faisant, elle ne dit là rien de bien nouveau, car la plupart des pays concernés par la Décision ont dores et déjà accès à ces ressources. Le seul élément nouveau dans la Décision est lallusion à la possibilité de créer de nouvelles facilités. Or ce point na pratiquement pas été discuté au Comité de lagriculture.
Enfin, pour ce qui est des Programmes daide, la Décision nengage aucun pays et ne donne aucune directive spécifique sur la manière de «prendre pleinement en considération» les demandes dassistance technique et financière des PMA et des PDINPA pour leur permettre daméliorer leur productivité et leurs infrastructures agricoles. Il est donc impossible de contrôler cet aspect de la Décision dans la mesure où la disposition «prendre pleinement en considération» peut être interprétée de diverses manières. Faut-il entendre par là quun pourcentage donné des programmes daide doit être affecté à lagriculture? Ou tout simplement que les donateurs devraient répondre aux demandes dassistance de manière plus favorable quauparavant? Ou dune manière particulièrement favorable pour les deux groupes de pays?
Pratiquement tous les bénéficiaires potentiels sont inquiets et déçus de la lenteur de la mise en uvre de la Décision. Ceci est dû, pour une large part, à sa nature même - la Décision est une promesse dassistance, et non un instrument juridiquement contraignant. En outre, comme on la déjà noté, le suivi de sa mise en uvre est constellé de difficultés - dans certains cas, les accords initiaux nont pas encore été conclus.
La Décision pourrait être plus efficace...
Malgré les retards et les difficultés, la Décision est reconnue comme une promesse claire de mesures compensatoires, offrant des possibilités pour les PMA et les PDINPA. En outre, elle fait partie intégrante de lAccord sur lagriculture et, en tant que telle, sera automatiquement inscrite à lordre du jour du prochain cycle de négociation. Il est donc indispensable dexaminer de façon constructive la Décision en vue de préparer le prochain cycle. Les considérations qui suivent visent à faire avancer ce processus.
... si elle disposait dun mécanisme plus clair pour déclencher lassistance...
Certaines ambiguïtés de la Décision doivent être clarifiées. Les ambiguïtés sont nombreuses. Premièrement, comment détecter les «effets négatifs» qui déclencheront lassistance, ou quel est le facteur de déclenchement de laide? Laccroissement des dépenses dimportation de produits alimentaires? La réduction des recettes dexportation? Les difficultés de la balance des paiements? Deuxièmement, la Décision est-elle seulement une clause de la meilleure tentative, cest-à-dire une promesse, ou comporte-t-elle aussi un élément contraignant? Troisièmement, sagit-il dune mesure temporaire, ou (plus) permanente, valable jusquà la fin du processus de réforme de lagriculture? Quatrièmement, que signifie la déclaration précisant que la Décision a été adoptée, étant entendu que «être sur la liste ne confère pas, en soi, davantages automatiques étant donné que, dans le cadre des mécanismes couverts par la Décision, les donateurs et les institutions concernés auraient un rôle à jouer?» Faut-il entendre par-là que lassistance sera fournie exclusivement à ceux qui subissent les effets négatifs? Dans laffirmative, la déclaration semble juste. Mais, si la raison est que les ressources citées dans la Décision sont administrées par des donateurs individuels et des organisations internationales qui ont des règles et des conditions doctroi de laide qui leur sont propres, la déclaration semble contraire à lesprit et au texte de la Décision, car celle-ci ne mentionne aucune autre condition que les effets négatifs.
... de règles plus claires quant à laccès aux facilités de financement...
Facilités de financement à des conditions de faveur - les conditions daccès sont-elles lélément déterminant? Il semblerait que oui, si lon examine les déclarations faites au Comité de lagriculture de lOMC (voir OMC 1995b) par les institutions chargées dadministrer ces facilités, lesquelles soulignent que laccès à ces facilités est soumis à des conditions particulières, la plus importante étant les difficultés de la balance des paiements. Le Comité de lagriculture a également été avisé que la fourniture dune aide pour couvrir les éventuels coûts de transition liés au Cycle dUruguay serait subordonnée à la condition que le pays entreprenne une libéralisation rationnelle de ses politiques agricoles ou commerciales. Mais reste à savoir ce quon entend exactement par libéralisation «rationnelle». Les réformes pleinement conformes aux engagements du Cycle dUruguay seraient-elles considérées comme rationnelles, ou faut-il des réformes plus profondes pour quun pays puisse prétendre à accéder aux facilités? Dautres, notamment les bénéficiaires potentiels, ont soutenu que la Décision ne posait aucune condition pour laccès aux facilités.
La deuxième question qui se pose est de savoir sil est nécessaire de créer dautres facilités similaires, une éventualité laissée ouverte par la Décision. Là aussi, les points de vue semblent partagés. Certains soutiennent que les facilités existantes sont suffisantes pour faire face à toutes les difficultés qui pourraient surgir lors de la mise en uvre du Cycle dUruguay. Dautres, en revanche, estiment que laccès aux facilités existantes risque de poser un problème. A titre dexemple, pendant la flambée des prix de 1995-96, très peu de pays ont utilisé la Facilité de financement compensatoire et de financement pour imprévus du FMI, qui, de toutes les facilités existantes, se rapproche le plus du type de problèmes visés par la Décision.
... et dune définition plus claire des besoins alimentaires
Faire en sorte de répondre aux besoins légitimes daide alimentaire et de mieux adapter les quantités fournies à lévolution des besoins. Dans ce cas, lune des difficultés est destimer les «besoins légitimes» des pays en développement (en laissant de côté les besoins durgence), dautant que le texte de la Décision se réfère aux besoins légitimes pendant la mise en uvre du programme de réforme, sans définir ces besoins. Pris dans un sens étroit, les besoins légitimes sont ceux qui sont liés au processus de réforme, cest-à-dire ceux qui sajoutent à ceux qui seraient apparus en labsence du programme de réforme. Il est clair que cette interprétation nécessiterait létablissement dun scénario fictif, décrivant ce qui se serait passé sans le Cycle dUruguay. Il est très difficile de chiffrer un scénario fictif et il serait hasardeux de se fonder sur une telle approche pour déterminer les besoins légitimes.
Mais dautres options sont-elles possibles? Par exemple, une approche qui permettrait dans une certaine mesure de se conformer à cette prescription, entendue dans un sens «étroit» consisterait à définir un niveau de déclenchement des prix mondiaux au-delà duquel un pays pourrait prétendre à une aide au titre de la Décision pour une part de ses dépenses dimportation de produits alimentaires. Cependant, ce prix de déclenchement ne saurait être établi sur la base de la part de laugmentation des cours mondiaux imputable à la libéralisation et de la part imputable à des événements imprévus survenus durant une année donnée. Pour être réaliste, le prix de déclenchement devrait être fondé sur un pourcentage au-dessus de celui de la période de base, au-delà duquel les augmentations des prix seraient jugées excessives. Ailleurs dans lActe final, les valeurs unitaires des importations durant la période de base 1986-88 ont été utilisées comme point de départ. Mais il serait également possible de se référer aux valeurs unitaires moyennes pendant la période de trois ans précédant le début de la mise en uvre du Cycle dUruguay - disons 1992-94 - ou encore de se baser sur une moyenne mobile.
On peut aussi adopter une deuxième définition, plus large, des besoins légitimes, qui ne seraient pas limités à ceux qui sont directement liés au programme de réforme. Dans ce sens, les besoins pourraient être définis comme ceux nécessaires pour compléter les approvisionnements de façon à ce que les pays soient en mesure de maintenir la consommation alimentaire à des niveaux adéquats durant le processus de réforme. Cette interprétation serait valable si le but de la Décision était datténuer toute privation excessive qui compromettrait le succès du programme de réforme. Toutefois, là encore, il est peu probable que les signataires de la Décision aient eu lintention de répondre à des besoins si globaux et si imprécis.
En ce qui concerne lapprovisionnement de laide alimentaire, lun des problèmes a été le déclin des niveaux daide alimentaire au cours des années récentes. Lengagement annuel minimal des pays donateurs au titre de la Convention de 1995 relative à laide alimentaire (CAA) a lui-même été considérablement réduit, de 7,52 millions de tonnes (en équivalent blé) en 1986 à 5,35 millions de tonnes (en équivalent blé) dans la Convention de 1995 et à 4,895 millions de tonnes (plus de 130 millions de dollars) dans la Convention de 1999. Ceci est en contradiction avec lobjectif fixé par la CAA pour contribuer à latteinte de lobjectif de la Conférence mondiale de lalimentation, qui est dapporter chaque année aux pays en développement une aide alimentaire de 10 millions de tonnes.
La deuxième difficulté est de faire en sorte que les niveaux daide alimentaire ne diminuent pas lorsque les besoins dassistance sont les plus élevés - il sagit là dune véritable gageure car, dans le passé, les niveaux daide alimentaire ont généralement été plus bas lorsque les prix du marché mondial étaient plus élevés, cest-à-dire précisément quand lassistance était la plus nécessaire.
BIBLIOGRAPHIE
FAO. 1997. The Food Situation in the Least Developed and Net Food Importing Developing Countries. Rome.
Konandreas, P., Sharma, R. et Greenfield, J. 1998. The Uruguay Round, the Marrakesh Decision and the Role of Food Aid, Paper presented to the Workshop on Food and Human Security: the Role of Food Aid and Finance for Food, Lysebu, Oslo, Avril 1998. (Division des produits et du commerce international, FAO, Rome).
OMC. 1998. Rapport annuel 1998, Genève.
OMC. 1996. Rapport du Comité de lagriculture sur la Décision Ministérielle de Marrakech sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du Programme des réformes sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, Rapport pour la Conférence Ministérielle de Singapour, Document G/L/125. Genève.
OMC. 1995. Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires: Consultations du Directeur général, Documents G/AG/W/12 et G/AG/W/12/Add.1. Genève.
OMC. 1994. Résultats des négociations commerciales multilatérales du Cycle dUruguay: Textes juridiques. Genève.