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Module 11. Le commerce international des produits de la pêche dans le nouveau contexte du commerce globalisé


11.1 Introduction
11.2 Les subventions au secteur de la pêche
11.3 Les questions sur le commerce et l’environnement
11.4 Le règlement des différends - Exemples portant sur les produits de la pêche
11.5 La position de quelques-uns des principaux acteurs
11.6 L’assistance technique et les sources d’information
11.7 Conclusions

E. Ruckes
Division des industries de la pêche

OBJECTIF

L’objectif de ce module est d’examiner quels problèmes spécifiques au secteur de la pêche et des produits de la pêche gagneront en importance lors des prochaines négociations multilatérales. Il s’agit aussi d’analyser les activités d’assistance technique de la FAO, passées et en cours.

POINTS CLÉS

· Le commerce des produits de la pêche ne fait pas partie des sujets retenus pour le prochain cycle de négociation mais, compte tenu des tensions croissantes qui entourent le commerce du poisson et de ses produits, il pourrait bien y être inclus.

· L’impact des subventions sur les capacités de pêche et leurs effets négatifs sur la préservation des réserves de poissons sont maintenant largement connus. Les pays en développement dont les exportations ne bénéficient d’aucun mécanisme de subvention ont tout intérêt à un renforcement des disciplines en la matière.

· L’impact du commerce international du poisson sur l’environnement attire de plus en plus l’attention. Les pays en développement sont impliqués sur ces questions par le biais de négociations portant sur les politiques de préservation des ressources, l’éco-étiquetage et l’application des mesures SPS.

· L’assistance technique de la FAO doit être employée à aider les Etats à préparer les futures négociations.

11.1 Introduction

Dans le cadre du GATT, les produits de la pêche étaient traités comme des produits industriels...

L’Accord sur l’agriculture exclut les produits de la pêche du domaine couvert. Ceci veut dire que le commerce des produits de la pêche est soumis aux règles générales de l’OMC qui s’appliquent aux produits non agricoles, c’est-à-dire les produits industriels. Le commerce des produits de la pêche, contrairement au commerce des autres produits agricoles, ne fait pas partie des sujets des négociations commerciales multilatérales devant démarrer en 1999. Cependant, les cas de différends impliquant les produits de la pêche sont de plus en plus nombreux et plusieurs sujets connexes, comme les subventions au secteur de la pêche et les liens avec l’environnement, font l’objet de sérieux débats dans différents forums internationaux, y compris le Comité sur le commerce et l’environnement (CCE) de l’OMC. Compte tenu de ceci, il y a quelque attente à ce que le prochain cycle de négociations commerciales multilatérales puisse inclure le commerce des produits de la pêche.

... mais, du fait des problèmes croissants, ils ont quelque chance d’être intégrés aux futures négociations bien que cela ne soit pas demandé

Il est à peine nécessaire de souligner l’importance du commerce international des produits de la pêche. Cette catégorie de produits alimentaires occupe en effet la première place dans le commerce international des aliments. Le commerce de ces produits est en outre une des principales sources de devises des pays en développement. Ce groupe de pays fournit d’ailleurs la moitié environ du volume total des produits de la pêche commercialisé à l’échelon international.

Le but de ce module est de fournir les connaissances de base nécessaires à la compréhension de quelques questions portant sur le commerce international des produits de la pêche dans le nouveau contexte du commerce globalisé. Il aborde les points suivants:

· les subventions au secteur de la pêche;
· les problèmes du commerce et de l’environnement;
· les différends portant sur les produits de la pêche;
· la position des principaux acteurs sur différentes questions; et
· l’assistance technique et les sources d’informations.

11.2 Les subventions au secteur de la pêche

11.2.1 Le niveau des subventions et les initiatives y afférant

Les subventions sont courantes dans le secteur de la pêche...

D’importants efforts ont été consentis pour estimer le montant total des subventions transférées vers le secteur de la pêche. Les résultats varient fortement du fait de la difficulté à obtenir des données suffisamment précises et du fait aussi des différences d’appréciation des catégories de classement de certaines dépenses publiques correspondant à des subventions. Les chiffres de la FAO et de la Banque mondiale indiquent un ordre de grandeur de 7 à 15 milliards de dollars EU. Malgré l’ampleur de cette fourchette et les incertitudes pesant sur ces estimations, les valeurs indiquées restent considérables; aussi les subventions sont elles suspectées de fausser les coûts de production et la concurrence au sein du commerce international.

... mais elles ont des effets pervers sur l’environnement

Ces niveaux de subventions ont aussi des conséquences sur l’environnement. La tendance générale est de croire que ces subventions ont favorisé et stimulent encore un développement excessif des capacités des flottes de pêche, ce qui conduirait à la surexploitation du milieu. Cette dynamique contribuerait donc significativement à l’appauvrissement des réserves mondiales (selon des données de la FAO, 70 des 200 zones de réserves - soit 35 pour cent - font preuve de rendements à la baisse et requièrent un plan de gestion). Dans cette perspective, le Comité de la FAO sur la pêche (COFI) a adopté en février 1999 un plan d’action internationale pour la gestion des capacités de pêche, avec pour but d’ajuster la capacité mondiale de pêche à un niveau d’exploitation durable des ressources halieutiques.

La question des subventions dans le secteur de la pêche fait également l’objet de discussions intenses dans le cadre du Comité des pêches de l’OCDE et du Groupe de travail sur la pêche au sein de l’APEC (Coopération économique Asie - Pacifique). Dans le cas de l’OCDE, les discussions ont surtout porté sur les questions de subventions et de production, et non sur le commerce. La Commission pour le développement durable a aussi discuté de la question des subventions et a demandé à l’OMC de coopérer avec la FAO pour compléter son analyse du problème. La collecte de données et l’analyse de l’impact des subventions sur le commerce international feront donc partie du programme de travail de la FAO et seront examinées par le Sous-comité du COFI sur le commerce du poisson.

11.2.2 Quels règlements multilatéraux organisent les subventions?

Les subventions au secteur des pêches sont régies par le Code des subventions

Comme indiqué précédemment, l’Accord sur l’agriculture exclut les produits de la pêche de sorte que les mesures d’appui intérieur et les dispositions concernant les exportations ne s’appliquent pas à ce secteur. En tant que produits non agricoles, les subventions au secteur de la pêche sont régies par les règles générales du GATT et par le nouvel accord sur les subventions et les mesures compensatoires. La principale différence entre les dispositions de ces deux accords est que l’Accord sur l’agriculture permet de subventionner les exportations, à condition toutefois que celles-ci soient mentionnées dans la Liste du pays, tandis que l’Accord sur les subventions interdit purement et simplement les subventions aux exportations. Les règles sur les mesures de soutien intérieur diffèrent aussi quelque peu car l’Accord sur les subventions possède sa propre définition sur les différentes subventions.

11.2.3 Qu’est-ce qui peut arriver?

Comme cela a été expliqué au début, à différence de l’agriculture, le commerce des produits de la pêche n’est pas prévu dans les thèmes de négociations commerciales multilatérales. Quelques questions concernant ce domaine deviennent toutefois de plus en plus pressantes et font l’objet de controverses. C’est par exemple le cas des subventions et de leurs effets sur l’environnement, notamment sur les espèces menacées. Le nombre des différends impliquant les produits de la pêche est donc en hausse. De ce fait, il y a quelque raison à ce que le prochain cycle de négociations commerciales multilatérales inscrive également la question du commerce des produits de la pêche à son ordre de jour. De fait, certaines initiatives ont déjà été prises en ce sens dans d’autres forums. Par exemple, les Membres de l’APEC ont inclus les produits de la pêche dans leur procédure accélérée de libéralisation sectorielle volontaire et précoce, ce qui indique l’intérêt réel à traiter cette question dont font preuve les pays qui commercialisent ces produits.

11.2.4 Les questions qui intéressent les pays en développement

Peu de pays en développement pratiquent les subventions...

Bien qu’il ne soit pas encore possible d’avoir une image claire et complète des subventions accordées à l’ensemble du secteur des pêches, il est important de noter que la structure de ce secteur dans les pays en développement est différente de celle existant dans la plupart des pays de l’OCDE. Dans les premiers, les subventions ne sont en effet guère courantes; le secteur opère plutôt à partir d’unités de production de petite taille; et l’impact des subventions sur les capacités de production et la surexploitation est donc difficilement appréciable, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des pays développés. Si les subventions étaient intégrées aux négociations commerciales multilatérales, les pays en développement pourraient les utiliser comme argument pour demander des compensations dans d’autres domaines car ils n’ont pas grand chose à concéder en matière de subventions aux pêches. Il est de l’intérêt des principaux pays en développement producteurs et exportateurs de poisson d’accepter de réduire les subventions car cela devrait leur permettre d’améliorer leur compétitivité sur le marché mondial.

... les nouvelles disciplines seront donc profitables aux exportateurs

Dans la mesure où la réduction des subventions par les pays qui les pratiquent est susceptible d’entraîner une diminution de la production et des exportations vers les pays déficitaires en poisson, les cours mondiaux des produits de la pêche devraient en outre augmenter. Cela devrait profiter aux pays exportateurs qui ne subventionnent pas leurs exportations.

11.3 Les questions sur le commerce et l’environnement

11.3.1 Quels problèmes seront discutés?

Le problème de sur-pêche

Les problèmes d’environnement apparaissent régulièrement dans les litiges qui portent sur les produits de la pêche. Dans une large mesure, ces problèmes tiennent au caractère épuisable des ressources halieutiques et aussi à ce que plusieurs espèces de poissons ou d’autres animaux considérées comme menacées sont capturées en même temps que le poisson pêché. Comme cela a été mentionné précédemment, la question des subventions est aussi rattachée à ce problème de sur-pêche. En fait, les liens entre les subventions et les effets sur l’environnement ont fortement attiré l’attention du CCE de l’OMC.

Les problèmes de commerce international des produits de la pêche et l’environnement ont été inscrits, et le sont encore, à l’ordre du jour de plusieurs instances et organisations internationales.

C’est par exemple le cas avec les instances suivantes:

· le Sous-comité sur le commerce du poisson du Comité des pêches (COFI) de la FAO;

· le Comité sur le commerce et l’environnement (CCE) de l’OMC

· le Comité des pêches de l’OCDE; et

· la Conférence des Parties de la Convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES) et le Comité sur les animaux de la CITES.

Le Sous-comité du COFI a examiné ces questions lors de sa sixième session qui a eu lieu en 1998. Les discussions ont concerné les sujets ci- après:
· la situation de l’exploitation des ressources halieutiques;
· la gestion des pêches et les subventions;
· la culture durable des crevettes; et
· le développement des biotechnologies.
Les discussions de l’OMC et de l’OCDE portent essentiellement sur les subventions alors que celles de la Convention sur le commerce international des espèces menacées de la faune et flore sauvages concernent principalement le statut biologique et le commerce des animaux et tentent de réguler ou d’interdire le commerce des animaux et de leurs produits dérivés afin d’empêcher leur extinction. Les animaux aquatiques dont la liste est fournie aux Annexes 1 et 2 de la Convention incluent les baleines et les esturgeons. La question de la situation biologique et du commerce des requins est en discussion depuis 1994, ce qui a conduit la FAO et les organismes régionaux des pêches à réaliser plusieurs activités et a débouché sur l’adoption par le COFI, en février 1999, d’un Plan d’action international pour la préservation et la gestion des requins.

11.3.2 Quels sont les problèmes importants pour les pays en développement?

Les PVD ne disposent pas des informations nécessaires pour négocier efficacement

Très concrètement, tous les problèmes mentionnés précédemment ont de l’importance pour les pays en développement; quelques-uns plus directement que d’autres. Un des problèmes clés dont ces pays n’ont pas toujours connaissance concerne la surexploitation des ressources halieutiques de leurs eaux territoriales. De fait, ce déséquilibre des connaissances entre les pays développés et les pays en développement risque de gêner les discussions entre les parties et donc de rendre plus difficiles les négociations et la recherche de solutions offrant des bénéfices partagés. Et dans une telle situation, la mise en place d’un cadre de réglementation risque de ne pas être à l’avantage des pays en développement s’il ne reflète pas correctement les spécificités de leurs activités de pêche. Bien que l’application de règlements basés sur la science soit souhaitable, en général et pour tous les pays, le fait de ne pas disposer de la documentation et des analyses appropriées risque en effet d’affaiblir la position des pays en développement lorsque des différends doivent faire l’objet d’un règlement formel.

Les difficultés sanitaires

Les difficultés rencontrées par plusieurs pays dans l’application des accords du Cycle d’Uruguay et leur extension - par exemple aux systèmes d’assurance de la qualité du poisson et d’innocuité des produits - sont une preuve manifeste de ces désavantages. Bien qu’il soit communément admis dans les forums internationaux tels que le Comité des pêche (COFI), que les pays en développement ont besoin d’assistance et de conseils, leur compétitivité restera faible tant qu’ils n’auront pas atteint le niveau technologique suffisant.

11.3.3 Qu’est-ce qui pourrait arriver?

Si le thème général des prochaines négociations multilatérales sur le commerce portent «majoritairement sur la durabilité» et que les produits de la pêche sont inclus dans les négociations globales, les questions de l’environnement seront abordées. Et il est probable que des accords internationaux seront recherchés en vue de réduire les effets négatifs. Il sera donc crucial d’être à la fois bien informé et présent.

On peut aussi envisager que les mécanismes d’éco-étiquetage gagneront du terrain en matière de pêche de d’aquaculture. Ceci pourrait se développer dans des sphères privées et dans des conditions dans lesquelles la participation des pays en développement risque d’être très réduite.

Concernant les évolutions possibles de la CITES, on peut être sûr de la poursuite d’une forte participation des ONG et de l’examen attentif de la situation biologique et du commerce d’autres espèces aquatiques. Les critères retenus pour établir la liste des espèces inscrites dans l’une des annexes risquent par contre d’être modifiés très prochainement.

11.4 Le règlement des différends - Exemples portant sur les produits de la pêche

Bien avant la création de l’OMC, de nombreux différends ont été portés devant le GATT concernant des produits de la pêche comme, par exemple, les litiges sur la question thon/dauphin ou crevette/tortue. Les embargos commerciaux et les autres barrières ont également suscité des débats très intenses au sein d’autres forums internationaux tels que le Sous-comité de la FAO sur le commerce du poisson (1990). Ce forum a par la suite contribué à ouvrir le chemin au Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO (1995). Des litiges concernant le saumon entre le Canada et les Etats-Unis d’une part, puis le Canada et l’Australie/Nouvelle Zélande d’autre part, ont aussi eu lieu. Ce dernier cas devrait bientôt être résolu.

Le différend thon-dauphin

L’une des principales causes de ces différends provient des exceptions (aux règles générales du GATT telles que la clause de la Nation la plus favorisée ou le privilège du Traitement national) formulées dans l’Article XX du GATT de 1994. L’exception la plus fréquemment invoquée concerne le domaine de l’environnement. Elle autorise les exceptions «nécessaires pour protéger la vie ou la santé des humains et des animaux, et préserver les plantes» [Article XX(b)] et également «la protection des ressources naturelles épuisables lorsque la mise en place de ces mesures s’accompagne de restrictions à la production et à la consommation locales» [Article XX(g)].

Le cas fameux du différend sur le thon et le dauphin éclaire sur plusieurs points ces discussions. Dans ce cas, les Etats-Unis ont unilatéralement restreint leurs importations de thons pêchés avec des filets à la senne coulissante - qui capturent et tuent également les dauphins - ce qui est notamment le fait de pays de la zone orientale de l’Océan pacifique. Ces pays, dirigés par le Mexique, ont contesté la position des Etats-Unis considérant qu’elle établissait une discrimination entre procédés et méthodes de production (le type de filet) dans le cadre du principe du Traitement national de l’Article III du GATT (la production d’un produit similaire - le thon dans tous les cas). Les écologistes ont défendu la thèse selon laquelle l’interdiction nord-américaine était légitime car il était nécessaire de protéger la vie animale [Article XX(b)] or les dauphins constituent une ressource naturelle épuisable [Article XX(g)] et l’embargo s’applique également aux producteurs nationaux (Articles III et XX). Finalement d’accord avec le Mexique et d’autres plaignants, le Groupe spécial de règlement des différends a établi que l’embargo créait un discrimination inappropriée entre produits similaires (Article III) et que cette mesure ayant été prise par un Etat à titre individuel, et non dans un cadre multilatéral, elle ne pouvait être retenue en tant qu’exception au titre de l’article XX.

Le différend crevette-tortue

Le très comparable contentieux «crevette-tortue» est allé encore un peu au-delà. Dans ce cas, la Malaisie et d’autres pays ont porté plainte contre l’application par les Etats-Unis d’un embargo à l’importation de leurs crevettes, au prétexte que celles-ci sont pêchées par des bateaux ne comportant pas de dispositif d’exclusion des tortues (DET). L’Organe d’appel de l’OMC a statué que l’exception de l’Article XX(g) s’appliquait compte tenu de l’interprétation à la lettre de la règle du GATT de 1947 relative aux ressources naturelles renouvelables, qui porte sur les espèces vivantes, et en citant plusieurs accords environnementaux multilatéraux (AEM) dont la loi des Nations Unies sur le Droit de la mer et la Convention internationale sur le commerce des espèces menacées, démontrant ainsi l’existence actuelle d’un consensus international favorable à la protection de la biodiversité. L’Organe d’appel a toutefois rejeté la procédure nord-américaine d’embargo dans la mesure où ce pays l’appliquait d’une manière discriminatoire qui oblige les autres pays à adopter une réponse spécifique - le dispositif d’exclusion des tortues - plutôt que d’élaborer des normes auxquelles ils pourraient répondre avec plus de flexibilité, ou que de proposer des mesures commerciales potentiellement moins restrictives. La décision de l’Organe d’appel déclare ainsi que: «Il est inacceptable qu’un Membre de l’OMC utilise un embargo économique pour exiger des autres Membres qu’ils adoptent exactement le même programme de réglementation ou qu’ils atteignent certains objectifs similaires à ceux en vigueur sur le territoire d’un Etat Membre, sans tenir compte des différences de situation qui peuvent exister sur les territoires de ces autres Membres.» Citant l’Agenda 21, la Convention sur la biodiversité et d’autres AEM, l’Organe d’appel a en outre souligné que les Etats-Unis n’avaient à aucun moment essayé de négocier des accords bilatéraux ou multilatéraux pour protéger les tortues marines, avant d’appliquer unilatéralement leur embargo.

On trouvera ci-après un bref résumé de quelques-uns des derniers différends, présentés afin d’illustrer la diversité des problèmes évoqués1.

1Ces exemples sont consultables sur le site Web de l’OMC à l’adresse: (http://www.wto.org/french/tratop_f/envir_f/edis00_f.htm)
Etats-Unis - Interdiction d’importation de certaines crevettes et produits à base de crevettes, plainte de l’Inde, la Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande (WT/DS58). Cette requête, datée du 8 octobre 1996, concerne une plainte déposée conjointement par l’Inde, la Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande contre l’embargo sur les importations de crevettes et de produits à base de crevettes originaires de ces pays, décrété par les Etats-Unis au titre de l’Article 609 de la Loi générale n°101-102 des Etats-Unis. Sont invoquées les violations aux Articles I, XI et XIII du GATT de 1994, ainsi que l’annulation et la perte d’avantages. Le Groupe spécial a conclu que tel qu’il était appliqué par les Etats-Unis, l’embargo sur les importations de crevettes et de produits à base de crevettes était en contradiction avec l’Article XI:1 du GATT de 1994, et ne pouvait se justifier au titre de l’Article XX du GATT de 1994. L’Organe d’appel a annulé les conclusions du Groupe spécial selon lesquelles les mesures nord-américaines n’entraient pas dans le champ des mesures autorisées dans le texte introductif de l’Article XX du GATT 1994. Mais, tout en tout en reconnaissant que ces mesures pouvaient faire l’objet de la justification provisoire prévue par l’Article XX(g), l’Organe a finalement statué qu’elles ne satisfaisaient pas aux prescriptions énoncées dans le texte introductif de l’Article XX. Les parties concernées par le différend ont finalement annoncé qu’elles s’accordaient sur une période d’application de 13 mois à compter de la date d’adoption des rapports de l’Organe d’appel et du Groupe spécial, c’est-à-dire expirant le 6 décembre 1999.

Australie - Mesures affectant l’importation de saumon, plainte du Canada (WT/DS18). Cette plainte déposée pour consultation en date du 5 octobre 1995 vise l’interdiction d’importation de saumon canadien appliquée par l’Australie en fonction de sa législation de quarantaine. Le Canada a déclaré que l’interdiction est en contradiction avec les Articles XI et XIII du GATT ainsi qu’avec l’Accord sur l’application des ressources sanitaires et phytosanitaires (SPS). Le Groupe spécial a jugé que les mesures australiennes mises en cause étaient en contradiction avec les Articles 2.2, 2.3, 5.1, 5.5 et 5.6 de l’Accord SPS. Ceci annulait ou diminuait les avantages revenant au Canada sous l’Accord SPS. L’Organe d’appel a cassé les conclusions du Groupe spécial relatif aux Articles 5.1 et 2.2 de l’Accord SPS mais l’Organe a également établi que l’Australie avait agi de manière non conforme aux Articles 5.1 et 2.2 de l’Accord SPS; il a en outre généralisé les conclusions du Groupe spécial concernant la non-conformité des actions de l’Australie par rapport aux Articles 5.5 et 2.3 de l’Accord SPS; il a aussi cassé les conclusions du Groupe spécial établissant la non-conformité des actions de l’Australie par rapport à l’Article 5.6 de l’Accord SPS tout en reconnaissant son incapacité à décider de la conformité des mesures australiennes par rapport à l’Article 5.6, les éléments concrets apportés par le Groupe spécial s’avérant insuffisants.

Australie - Mesures affectant les importations des salmonidés, plainte des Etats-Unis (WT/DS21). Cette plainte datée du 17 novembre 1995 concerne la même violation du règlement de l’Accord de l’OMC que dans le dossier WT/DS18, pour lequel un Groupe spécial avait été mis en place.

Etats-Unis - Enquête sur les Droits compensatoires des importations de saumon en provenance du Chili, plainte du Chili (WT/DS97/1). Cette requête datée du 5 août 1997 concerne une enquête sur les droits compensatoires initiée par le Département du commerce américain contre les importations de saumon chilien. Le Chili y soutient que la décision d’initier une enquête a été prise sans preuves suffisantes de préjudice, en violation avec les Articles 11.2 et 11.3. Il soutient aussi une violation de l’Article 11.4, liée à la question de la représentation des producteurs de filets de saumon.

11.5 La position de quelques-uns des principaux acteurs

11.5.1 Le Japon

Idées fondamentales concernant les négociations sur la pêche à l’OMC. Les ressources halieutiques sont des ressources naturelles renouvelables qui risquent l’épuisement faute d’une gestion adaptée. Il est par conséquent nécessaire d’instaurer des règles commerciales qui contribuent à les préserver et à les utiliser durablement. Il convient donc, pour cela, de disposer lors des prochaines négociations de l’OMC, d’un cadre qui permette de prendre en considération la préservation et l’utilisation durable des ressources halieutiques.

Illustration des liens entre le commerce des produits de la pêche et la préservation des ressources halieutiques

La préservation des ressources halieutiques. Compte tenu de ce que la plupart des réserves de pêche sont surexploitées et qu’environ 40 pour cent de la production mondiale de poisson est commercialisée, le commerce des produits de la pêche doit compléter ou renforcer les mesures de préservation ou, pour le moins, ne pas leur faire obstacle. Si la libéralisation du commerce se poursuit sans mesures satisfaisantes de préservation des ressources halieutiques, l’exploitation sauvage des réserves de poisson et le commerce de leurs produits sont susceptibles de provoquer l’épuisement de ces mêmes réserves. En tant que premier importateur mondial de poisson - pour 30 pour cent environ des échanges - le Japon se doit de garder ces éléments présents à l’esprit. Actuellement, les organismes internationaux de préservation des ressources halieutiques tels que l’ICCAT (Commission internationale pour la préservation du thon de l’Océan atlantique) commencent à instaurer des restrictions commerciales afin de préserver les bancs. Certains pays établissent unilatéralement des mesures similaires pour des raisons identiques.

La sécurité alimentaire et le caractère multifonctionnel de la pêche. Dans le but de stabiliser l’offre mondiale en produits de la pêche, chaque Etat doit être responsable de l’utilisation rationnelle des ressources halieutiques situées dans sa zone des 200 miles et approvisionner ainsi sa population de façon stable. Ce point devra être dûment pris en considération lors de l’élaboration de règles commerciales des produits de la pêche. Le caractère multifonctionnel des activités de pêche et les besoins de subsistance des populations isolées devront également être pris en compte.

L’accès au marché. Lors des discussions internationales sur les mesures commerciales, notamment sur les tarifs douaniers, plusieurs aspects doivent être pris en considération. C’est en particulier le cas de l’étendue des responsabilités de chaque Etat en matière d’utilisation rationnelle des ressources halieutiques, de la façon de garantir la stabilité de l’approvisionnement en produits de la pêche, et du caractère multifonctionnel de la pêche dans chaque pays. Au Japon, le niveau de tarification des produits de la pêche a été réduit en moyenne à 4,1 pour cent, suite aux nombreuses négociations du passé. Lorsque la réduction des tarifs sur les produits de la pêche conduit à ce que les navires pêchent d’une façon illégale (comme dans le cas des navires battant pavillon de complaisance), ignorent les mesures internationales de préservation et surexploitent les ressources halieutiques, ces réductions ne peuvent être considérées comme légitimes2.

2Source: Japan Fisheries Agency
11.5.2 La Nouvelle Zélande

La question des subventions à la pêche

Les subventions à la pêche, le commerce, le développement et l’environnement. «Le poisson et les produits de la pêche sont les aliments proportionnellement les plus vendus à l’échelon international. Annuellement entre 35 et 40 pour cent des produits de la pêche sont commercialisés au niveau international, atteignant une valeur - commerciale - d’environ 50 milliards de dollars EU. Les pays en développement comptent habituellement pour la moitié de ces échanges et ont ainsi dégagé, en 1996, un excédent net (valeur des exportations moins celle des importations) de 17 milliards de dollars»3. Compte tenu de ce niveau du commerce international des produits de la pêche, la nature et le montant des subventions accordées à ce secteur constituent une question essentielle pour le système du commerce multilatéral. En particulier:

· Les subventions des pays industrialisés ont un fort impact et faussent le commerce.

· En termes de principes commerciaux, la question de l’impact de la surcapacité et de la surexploitation des pêches sur l’environnement qui résulte des distorsions commerciales est fondamentale.

· Les subventions à la pêche des nations les plus riches limitent les capacités des pays en développement à développer durablement leur propre activité de pêche, et de profiter de leur plein accès au marché et aux prix réels. Une rectification est donc nécessaire afin de restaurer la productivité de ces activités4.

3FAO. 1999. Situation des Pêcheries et de l’Aquaculture Mondiales.

4Steenblik, R.K. et Munro, G. 1998: Current International Work on Subsidies in Fisheries: A Survey.

11.5.3 Les Etats-Unis

A la réunion ministérielle de l’OMC de Seattle, en 1999, les Etats-Unis ont apporté un message soulignant l’urgence de tenir compte des préoccupations environnementales lors du prochain cycle de négociation.

Illustration du lien entre subventions et environnement

Quelques directives générales relatives aux points que les Etats-Unis souhaiteraient inclure au prochain Cycle ont été précisées par le Représentant américain du commerce:

· Nécessité d’une plus grande transparence de l’OMC et de son fonctionnement non seulement sur l’environnement mais aussi sur tous les autres problèmes. Le nouveau cycle devra contribuer au développement durable.

· Les aspects «gagnant-gagnant» des politiques d’environnement doivent être soulignés, comme par exemple dans le cas de l’élimination des subventions qui, dans les domaines de la pêche et de l’agriculture, favorisent les surcapacités et la surproduction, ou encore dans le cas du besoin du libre-échange des biens et services environnementaux.

· Nécessité de se battre pour un réel équilibre entre le commerce et la protection de l’environnement en parvenant à un accord sur un ensemble de directives dès le début du nouveau cycle de négociation.

11.5.4 L’OMC et les autres forums internationaux

L’OMC et les subventions à la pêche. Ces dernières années, la question des subventions dans le secteur des pêches a fortement attiré l’attention du Comité sur le commerce et l’environnement de l’OMC. En 1997, plusieurs réunions du Comité ont considéré cette question en détail. En 1998, à la demande du Comité, le Secrétariat a produit une note détaillée décrivant les règles correspondantes de l’OMC et présentant un recensement de toutes les subventions accordées au secteur de la pêche notifiées sous l’Article 25 de l’Accord SCM. Les subventions aux activités de pêche continuent d’être une question essentielle dans le travail actuel du CCE.

Les actions des autres forums internationaux. La question de la surexploitation des ressources halieutiques a fait l’objet d’études approfondies dans des forums internationaux aussi divers que la FAO, le CSD, l’OCDE, le PNUD, la CNUCED ou l’APEC. La Déclaration de Rome adoptée lors de la Réunion ministérielle sur la pêche de la FAO, en mars 1999, a bien illustré les préoccupations concernant la surexploitation des principales ressources halieutiques mondiales, ces pratiques s’avérant destructrices, inefficaces et un véritable gaspillage des capacités, et à l’origine d’une baisse des rendements et des revenus économiques. En 1999, de longs débats ont ainsi porté, au sein de la Commission sur le développement durable, sur la question spécifique des subventions aux activités de pêche. La Réunion ministérielle de l’OCDE qui s’est tenue à Paris, en mai 1999, a demandé à ce que des études complémentaires soient réalisées sur l’impact des transferts financiers publics sur la durabilité des ressources halieutiques, et notamment sur leur surexploitation5.

5Source: WT/CTE/W/IZI, Soumis par la Nouvelle Zélande au Comité de l’OMC sur le commerce et l’environnement.

11.6 L’assistance technique et les sources d’information

11.6.1 La nature des problèmes des pays en développement

Dans les pays en développement, les produits de la pêche constituent une part essentielle de l’approvisionnement en protéines animales et ils contribuent substantiellement aux rentrées de devises via les exportations d’une multitude de produits. Dans le but de maximiser ces revenus, il est essentiel de bien connaître les marchés les plus rentables, d’être en relation avec eux, et de tirer parti de la meilleure valeur possible des produits. Pour ce faire, l’information et le savoir-faire technique sont essentiels.

11.6.2 Qu’est-ce que la FAO a fait à ce sujet?

Les initiatives de la FAO

Dans le but d’aider les pays en développement à renforcer leur participation au commerce international du poisson et des produits de la pêche, et à améliorer leur compétitivité sur le marché international, la FAO a créé, dès 1976, un réseau d’appui à la commercialisation du poisson. Celui-ci a été discuté et entériné par la Conférence mondiale de la FAO de 1984 sur la gestion et le développement de la pêche. Ce réseau est à présent composé de:

· cinq services régionaux d’information commerciale et de conseil technique (via les organisations intergouvernementales INFOFISH, INFOPÊCHE, INFOPESCA et INFOSAMAK et le projet EASTFISH) et le projet national INFOYU en Chine;

· la base de données GLOBEFISH et ses activités connexes (programme de recherches sur les marchés, commerce international et conférences internationales sur le commerce et les denrées, études et analyses stratégiques); et

· le Sous-comité sur le commerce du poisson du COFI en tant que forum de discussions intergouvernementales sur les questions liées à la commercialisation du poisson et en tant qu’organisme international par produit, chargé d’élaborer des projets, de superviser leur mise en œuvre et d’assurer la liaison avec le Fonds commun pour les produits de base.

Récemment, une composante a été développée afin de permettre aux pays en développement d’obtenir de l’information et de l’assistance technique directe en matière d’assurance qualité et d’innocuité des produits de la pêche. Ceci répond aux changements de réglementation des importations et d’exigences sur la qualité des produits introduits par les principaux marchés d’importation des pays développés. Ces activités acquerront une importance croissante au cours des prochaines années. Ces questions sont abordées plus en détail dans le module III.14 intitulé Contrôle des produits de la pêche destinés à la consommation humaine.

11.7 Conclusions

Préparer les négociations

L’expérience passée a montré que les délégations des pays en développement aux négociations commerciales multilatérales manquent généralement de connaissances spécifiques sur les activités de pêche et, qu’en retour, les experts et officiers mariniers n’apprennent qu’avec retard les implications pour leur pays des lois et règles commerciales internationales nouvellement convenues. Il est par conséquent nécessaire de commencer par organiser un système d’échange d’informations et d’expériences à l’échelon national. La viabilité d’un tel mécanisme au niveau régional dépendra en définitive de la disposition de chaque Etat à partager ses analyses avec celles des autres Etats. Dans le passé, la plupart d’entre-eux se sont avérés rétifs à partager, avant négociation, les détails de leurs positions, de peur que ces révélations ne les affaiblissent durant les négociations elles-mêmes.

De façon plus positive, les Etats doivent toutefois reconnaître qu’il existe à présent des forums utiles, où les questions techniques du commerce international du poisson peuvent être discutées, et où chaque Etat peut influencer l’ordre du jour et le contenu des analyses. L’un de ces forums, le Sous-comité du COFI sur le commerce du poisson a organisé sa 7e session à Brème, en Allemagne, du 22 au 25 mars 2000. Des contributions utiles pour définir des positions régionales ont pu être préparées en utilisant les organisations régionales de commercialisation telles qu’INFOFISH, INFOPÊCHE, INFOPESCA, INFOSAMAK et EASTFISH.

En conclusion, et en prévision de ce que les questions d’environnement joueront un rôle majeur dans le prochain cycle de négociation, l’Annexe 1 reproduit une partie du résumé et des conclusions de Tsamenyi et Mcllgorm, sur Les instruments environnementaux internationaux et l’industrie des pêches, une excellente synthèse sur les principales questions en ce domaine.


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