Page précédente Table des matières Page suivante


Système d’exploitation agricole mixte extensif (Cerrados et Llanos)


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Le système d’exploitation agricole mixte extensif couvre environ 230 millions d’ha, dont 190 millions d’ha - les Cerrados - sont situés dans le centre du Brésil et 40 millions d’ha - les Llanos - qui s’étendent de la Guyane au sud du Venezuela et à l’est de la Colombie. La population totale du système est de 24 millions de personnes dont environ 40 pour cent sont des ruraux[201]. La zone possède un climat tropical subhumide (pluviométrie de 1000 à 2000 mm par an) avec une saison sèche bien marquée; les Llanos sont plus humides que les Cerrados. La couverture végétale naturelle va des prairies ouvertes des savanes arborées aux couvertures forestières le long des rivières.

Encadré 7.1 Données de base: système d’exploitation agricole mixte extensif (Cerrados et Llanos)

Population totale (m)

24

Population agricole (m)

10

Superficie totale (m ha)

233

Zone agroécologique

Humide à subhumide

Superficie cultivée (m ha)

32

Superficie irriguée (m ha)

0.4

Population animale (m)

60

Historiquement, les zones de savane, éloignées des villes de la côte, aux sols acides et pauvres en éléments nutritifs et aux longues saisons sèches furent considérées n’être bonnes qu’à l’élevage extensif. Au début des années 70, seuls 3 pour cent d’entre-elles étaient cultivés. Depuis lors, la mise en culture a été rapide, spécialement sur les meilleurs sols des Cerrados. Le riz en sec est souvent la première culture pratiquée, elle est encore dominante dans les Llanos. Cependant, le soja et le maïs ont pris aujourd’hui plus d’importance dans les Cerrados. La surface totale cultivée de ce système est actuellement évaluée à plus de 30 millions d’ha, y compris les cultures permanentes. Toutefois, on estime qu’une mauvaise gestion des terres a entraîné la dégradation sévère de 40 millions d’ha de Cerrados, principalement les zones mises en culture durant les premières années de colonisation de ces terres semées simultanément en riz et en Brachiaria.

De grandes exploitations (supérieures à 500 ha) dont les propriétaires sont souvent absents, ont traditionnellement dominé les Cerrados et les Llanos; elles représentent aujourd’hui encore 10 pour cent des exploitations. L’élevage en ranch est toujours l’activité principale de la grande majorité des exploitations (70 pour cent dans les Cerrados et probablement plus dans les Llanos). Cet élevage couvre 40 à 45 millions d’ha de pâturages et compte 60 millions de têtes de bétail pour l’ensemble de ce système d’exploitation agricole.

En dépit de la prédominance de l’élevage en ranch, il existe dans la zone des Cerrados un nombre croissant d’exploitations mixtes agriculture-élevage parmi celles dont la taille varie de 10 à 100 ha, qui représentent 50 pour cent du nombre total d’exploitations (voir encadré 7.2). Ces unités de taille moyenne ont tendance à employer un nombre considérable de travailleurs saisonniers. Les Cerrados représentent déjà environ 20 pour cent de la production nationale de haricot - importante culture de base du Brésil - tandis que la production de café se développe à l’est. Les autres productions importantes des Cerrados sont: le soja (34 pour cent de la production brésilienne), le maïs (21 pour cent) et le riz (21 pour cent). L’agriculture est beaucoup moins développée dans les Llanos. L’irrigation, utilisée aujourd’hui sur moins d’un pour cent des terres (0,4 millions ha) se développe.

Encadré 7.2 Un ménage typique du système d’exploitation agricole mixte extensif (Cerrados et Llanos)

L’exploitation de 50 ha est cultivée en famille dans le nord de l’Etat de Goias, au cœur des Cerrados; elle fut créée et enregistrée il y a 20 ans et pourrait avoir été achetée à un riche propriétaire de ranch établi depuis longtemps dans la région. Une grande partie de l’exploitation est encore consacrée à l’élevage extensif de 40 bovins pour la viande, mais les cultures annuelles de haricot (4 ha), maïs (4 ha) et riz (2 ha), ainsi que la production de cultures maraîchères pour la consommation familiale, représentent des activités importantes. Les rendements sont assez bons grâce à l’utilisation d’engrais; toutefois, la formation de semelles de labour pose un problème croissant. La famille, composée de six personnes, vit presque exclusivement des revenus de l’exploitation car il y a peu de possibilités de travail régulier en dehors de celle-ci. De la main-d’œuvre saisonnière peut être recrutée pour les récoltes. La commercialisation des produits et l’achat des intrants représentent un des principaux problèmes pour la famille car la ville la plus proche se trouve à 40 km et les routes sont en mauvais état, spécialement pendant la saison des pluies.Aussi n’est-il pas possible de produire des denrées périssables. En raison de l’isolement, l’éducation et les soins de santé représentent des problèmes supplémentaires. La pauvreté n’est pas importante.

Le rôle des exploitations de taille moyenne devient de plus en plus important aussi bien dans les Cerrados que dans les Llanos. Les chiffres indiquent que, durant la période 1961-1997, le nombre des exploitations de plus de 1 000 hectares des Llanos à chuté de plus d’un tiers; le nombre des exploitations de moins de 20 hectares a aussi diminué pendant la même période. De même, moins de 10 pour cent des exploitations des Cerrados ont une superficie inférieure à 10 ha et les statistiques de certains états montrent que leur nombre a diminué depuis 1970. Ces faits tendent à prouver que la consolidation des terres est en cours.

Des études sur le potentiel agricole des Cerrados estiment que la surface des terres cultivables dépasse 100 millions d’ha. Dans les Llanos, dont les sols posent plus de problèmes, quelque 10 à 15 millions d’ha supplémentaires pourraient probablement être mis en culture. Ces nouvelles possibilités permettraient un triplement des superficies actuellement cultivées. L’expansion rapide de l’agriculture dans ce système a cependant entraîné une dégradation très importantes des sols et une réduction de la biodiversité originelle.

Le niveau de pauvreté de ce système est, dans l’ensemble, beaucoup moins important que dans le système d’exploitation agricole mixte aride qui borde les Cerrados. Les deux tiers des agriculteurs sont propriétaires de leur exploitation; une faible proportion d’entre eux loue leurs terres. Cependant, le nombre d’ouvriers émigrés sans terre s’accroît dans les Cerrados. On compte aussi un certain nombre de faillites parmi les agriculteurs.

En raison de la faible densité de population qu’a toujours connu le système mixte extensif, les infrastructures sont peu développées et les coûts de transport et de stockage sont restés relativement plus élevés que ceux d’autres zones plus peuplées. La productivité des terres est faible en raison du prix élevé des intrants, de la faible teneur des sols en éléments nutritifs et du bas prix des terres. Les rendements des principales cultures sont inférieurs aux moyennes nationales (80 à 90 pour cent pour le soja et le maïs, et seulement 50 pour cent pour le riz dans les Cerrados). Les investissements du gouvernement dans l’éducation, la formation et les autres services sont faibles.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME MIXTE EXTENSIF (CERRADOS Y LLANOS)

La croissance actuelle du système d’exploitation agricole mixte extensif devrait continuer et même s’accélérer au cours des prochaines années; toutefois, les taux de croissance dépendront étroitement de l’accès aux marchés et de la demande en soja, en viande, en céréales et dans les autres cultures. La surface cultivée totale devrait être proche de 70 millions d’ha en 2030 ou plus de 100 millions d’ha en y incluant les pâturages. L’élevage ne sera plus à l’avenir l’activité dominante. La spéculation sur la terre pourrait devenir un problème. Les données relatives à la zone des Llanos indiquent déjà, pour 1995, un renouvellement annuel des propriétés foncières de 12 pour cent, beaucoup plus important que la moyenne nationale de 3,5 pour cent au Venezuela. La future structure des exploitations aura un impact majeur sur la nature du développement. La pauvreté pourrait considérablement se développer si la terre reste dans les mains de grands propriétaires. Cependant, si la distribution des terres devient plus équitable, comme les tendances actuelles semblent en démontrer la possibilité, le développement de la pauvreté ne devrait pas avoir lieu. L’intensification pourrait aussi survenir plus rapidement que prévu.

On peut s’attendre à ce que des investissements très importants, en partie financés par le secteur privé, soient réalisés dans les systèmes de transport, les facilités de stockage, l’infrastructure sociale et la transformation. Ces changements devraient réduire les coûts de transport, augmenter les revenus agricoles, faciliter la diversification et accroître l’emploi hors exploitation (et entraîner une migration plus importante vers ces zones). En raison de son taux actuel de croissance et des migrations, la population totale du système devrait doubler au cours des 30 prochaines années. Cependant, le taux de croissance des populations agricoles devrait être légèrement plus faible que celui des populations urbaines.

Les possibilités de diversification agricole dans des activités telles que la production des fruits tolérants aux sols acides (pamplemousse, fruit de la passion, mangue et avocat) sont importantes. Les cultures vivrières de saison sèche telles que le pois d’Angola et le petit mil devraient aussi s’étendre dans les Cerrados. Ces deux types de cultures pourraient devenir plus intéressants, surtout pour les petits producteurs. Cependant, l’augmentation de l’intensité culturale entraînera un accroissement de la demande en eau pour l’irrigation; elle nécessitera une planification efficace faute de quoi des conflits pourraient survenir.

Le principal changement à venir pour les cultures annuelles dans les Cerrados devrait être l’adoption de méthodes de production sans labour. Déjà pratiquées sur plusieurs millions d’ha, elles pourraient s’étendre rapidement dans le futur. Les principaux avantages en sont: i) l’augmentation du nombre de semis réalisés à temps; ii) l’amélioration des rendements; iii) la récolte plus précoce permettant une seconde culture, qui peut être un engrais vert; iv) la conservation de la matière organique du sol; et v) la réduction des coûts de production. Cependant, toutes les expériences d’agriculture sans labour n’ont pas été des réussites. Les principaux problèmes rencontrés ont été: les traitements pesticides inappropriés, le manque de technologies adaptées aux petits agriculteurs et la mauvaise formation des vulgarisateurs.

La recherche entreprise au niveau des exploitations par l’Institut brésilien de recherche agricole (EMBRAPA), montre que l’adoption à grande échelle d’une approche de production durable pour l’environnement permettrait, au cours des 30 prochaines années, des gains importants de productivité pour les cultures et pour l’élevage. Les potentiels d’accroissement des rendements sont de plus de 100 pour cent pour le maïs et les haricots de plein champ (jusqu’à 5,5 tonnes/ha et 3,2 tonnes/ha respectivement pour ces deux cultures), de 75 pour cent pour le riz (jusqu’à 2,8 tonnes/ha) et de 40 pour cent pour le soja (jusqu’à 3,5 tonnes/ha). La production de viande à l’hectare pourrait augmenter de 300 pour cent, pour atteindre 0,2 tonne/ha par an. Les augmentations de rendements prévues viendraient exclusivement de l’amélioration des systèmes de production et non des variétés améliorées, alors que les fortes augmentations de production de viande à l’hectare seraient dues à la réhabilitation de grandes étendues de pâturages dégradés.

En résumé, les principaux problèmes du système d’exploitation agricole des nouvelles terres de savanes seront au cours des 30 prochaines années:

PRIORITÉS DU SYSTÈME MIXTE EXTENSIF (CERRADOS ET LLANOS)

Les principales stratégies pour réduire la pauvreté des agriculteurs de ce système sont l’intensification de la production associée à l’amélioration des infrastructures et à l’augmentation de la taille des exploitations des petits producteurs. Les stratégies secondaires sont la diversification des productions et l’accroissement du revenu hors exploitation.

Une série d’actions prioritaires est recommandée pour relever les défis décrits ci-dessus. Ces actions sont la mise en place de mécanismes pour promouvoir l’agrandissement des unités de production petites à moyennes, le renforcement des services d’assistance technique aux petits producteurs, un régime fiscal favorable aux exploitations de moins de 100 ha, le financement de l’acquisition de terres, et la promotion de coopératives et d’autres formes collectives de services pour la commercialisation des produits et des intrants. Le développement de nouvelles agroindustries et activités après récolte (aux niveaux familial, coopératif ou de sociétés par actions) devrait être facilité afin de créer une nouvelle demande et des emplois hors exploitation.

Il est important de valider et de diffuser l’information sur les systèmes intensifs de production intégrée et sur les possibilités de diversification, spécialement pour les petits agriculteurs, en particulier l’utilisation efficace de l’eau, les méthodes de culture sans travail du sol et les systèmes intégrés élevage-agriculture. Pour être efficace, cette diffusion requiert l’amélioration des communications avec les agriculteurs et la participation de ceux-ci à la recherche adaptative et aux essais. Les efforts devraient se concentrer sur la restauration des quelque 40 millions d’ha de pâturages dégradés, correspondant à une surface supérieure à celle actuellement cultivée, afin de canaliser la croissance agricole sur les zones existantes et de réduire ainsi la pression pour la mise en culture de nouvelles terres de savane.

On peut s’attendre à ce que des interventions spécifiques puissent entraîner des changements importants au cours des 30 prochaines années. Cependant, il existe déjà des approches et des technologies innovantes capables de restaurer les terres des pâturages dégradés (voir encadré 7.3). Bien que testées principalement sur de grandes exploitations, ces approches sont aussi adaptées aux petits producteurs; elles ont démontré leurs capacités à permettre un accroissement durable très important de la charge animale à l’hectare.

La combinaison optimale des cultures du système varie en fonction de l’humidité disponible. Certaines de ces cultures, telles que le ricin, le petit mil, les graines d’amarante, le kenaf, le pois d’Angola et le quinoa, sont peu connues dans la savane. Les systèmes de production intégrés qui ont été testés ont inversé la tendance à la dégradation des sols et entraîné d’importantes augmentations de rendement. Les résultats obtenus sur le terrain montrent que la production de viande à l’hectare peut être augmentée de 300 pour cent, et celle du maïs et des haricots de 100 pour cent. Les revenus nets moyens des agriculteurs participants à ces opérations se sont accrus de 200 à 350 dollars EU. Alors que l’adoption des techniques d’agriculture mixte par les agriculteurs possédant de grandes surfaces ne requiert que peu de soutien en matière d’investissement, elle nécessite une assistance beaucoup plus importante pour les petits agriculteurs. Le potentiel agricole du système justifie: i) l’accroissement des programmes de recherche appliquée, en particulier au niveau du terrain; ii) la multiplication des semences; et iii) le recours aux systèmes de gestion intégrée des ravageurs. Ces technologies pourraient être utilisées non seulement dans les Llanos mais aussi dans les savanes de Afrique de l’Ouest.

Encadré 7.3. Réalisation d’accroissements durables de la productivité dans le système d’exploitation agricole mixte extensif[202]

L’absence de rotation dans les systèmes de production basés sur l’élevage ou sur les cultures, a contribué à la dégradation importante des sols sur 40 millions d’ha du système et pose des problèmes en termes de maladies et de ravageurs. La recherche et les essais en champ ont clairement démontré l’importance des effets bénéfiques de l’association agriculture-élevage dans les systèmes de production. L’introduction du soja et d’autres cultures et le semis de pâturage dans les zones d’élevage en ranch (typique des grandes exploitations) peuvent permettre la restauration des terres et, par la suite, de plus fortes charges de bétail à l’hectare dans le cadre de rotations. Les petites exploitations qui élèvent des bovins, à la fois pour le lait et pour la viande, à partir de leurs cultures, pourraient bénéficier de ces innovations et augmenter ainsi la charge animale à l’hectare.


[201] La proportion de population non agricole de ce système est plus élevée que ce à quoi on pourrait s’attendre à cause de la présence de Brasilia dans ce système.
[202] Spehar 2000.

Page précédente Début de page Page suivante