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1. Cadre institutionnel (Article 10.1)

ARTICLE 10 - INTÉGRATION DES PÊCHES DANS L'AMÉNAGE- MENT DES ZONES CÔTIÈRES

"Les Etats devraient veiller à ce que, compte tenu de la fragilité des écosystèmes côtiers, du caractère limité de leurs ressources naturelles et des besoins des communautés côtières, un cadre juridique, institutionnel et de définition des politiques approprié soit adopté pour permettre l'utilisation durable et intégrée de ces ressources." (Article 10.1.1)

13. L'intégration des pêches dans le contexte élargi de l'aménagement des zones côtières passe nécessairement par l'établissement, par les Etats, d'un cadre politique, juridique et institutionnel en vue de l'aménagement intégré des zones côtières.

14. Le cadre de politique de base dans lequel s'inscrit l'aménagement des zones côtières privilégie de plus en plus souvent la durabilité du développement en termes écologiques. Ce cadre permet d'établir une série de politiques considérées comme viables au plan écologique. Quant au problème de l'aménagement, il tient à la façon dont l'une ou l'autre de ces politiques sera retenue, à la lumière des conditions locales, notamment des considérations sociales et économiques.

15. Le problème fondamental qui se pose en matière d'aménagement des zones côtières a trait à l'allocation des ressources. Les ressources côtières diminuent progressivement sous l'effet conjoint du «développement économique et de la croissance démographique» dans les zones littorales. Comme pour d'autres ressources, compte tenu de la rareté des ressources côtières, des choix sont nécessaires entre plusieurs usages de la zone côtière. L'aménagement des zones côtières suppose que l'on établisse un cadre permettant de faire ces choix et de mettre en œuvre les politiques en résultant.

16. La zone côtière a toutefois un certain nombre de caractéristiques qui compliquent ces choix. Premièrement, elle constitue un système dynamique où interagissent des processus physiques, écologiques, sociaux et économiques qui doivent être pris en compte lors de la planification de l'aménagement des zones côtières. Deuxièmement, la nature fluide d'un certain nombre de ressources côtières rend difficile l'allocation de ces ressources. Troisièmement, le caractère local et régional des ressources peut compliquer la coordination des politiques entre les différents organismes compétents.

17. Dans la mesure du possible, l'évaluation des différentes options de développement et/ou de conservation (la question de la valeur est étudiée plus loin, au point 10.2.2) fournit une base rationnelle pour la formulation des politiques.

18. L'aménagement intégré des zones côtières requiert une approche holistique. En ce qui concerne la gestion des ressources côtières, on sera attentif à ne pas appliquer une approche strictement sectorielle qui risque de ne pas être pertinente. Par exemple, les pêches artisanales pourraient être extrêmement difficiles à gérer en l'absence d'opportunités d'emploi alternatives créées par le développement économique du littoral. Il y a bien d'autres démarches pour lesquelles une approche de coordination des politiques est nécessaire.

19. Pour appliquer ce type d'approche, il est nécessaire que les pays soient dotés d'un cadre institutionnel permettant aux autorités nationales, régionales et locales d'interagir de façon appropriée. Plusieurs approches ont été adoptées dans différents pays pour la mise en place de ce cadre. Un organisme déjà opérationnel pourrait, par exemple, recevoir le mandat de mener à bien une planification côtière intersectorielle, sans toutefois être investi de responsabilités ou de pouvoirs supplémentaires. Cette approche peut certes donner lieu à une amorce de planification côtière intersectorielle, mais elle sera rarement efficace à long terme. Une autre approche, adoptée dans plusieurs pays, prévoit que les différents organismes s'occupant de l'aménagement des zones côtières conservent toutes leurs responsabilités, mais que la coordination de la planification et des interventions soit le fait d'un organisme central dont le mandat peut fortement varier selon les cas. Enfin, une dernière possibilité est d'adopter une approche véritablement intégrée où une institution reconnue par tous est en grande partie responsable de la planification et de l'allocation des ressources. Cette institution peut être, soit une organisation déjà en place qui reçoit de plus grands pouvoirs de médiation, soit, en alternative, une nouvelle institution.

20. Pour garantir l'efficacité du cadre de gestion, une analyse institutionnelle s'impose, suivie d'une éventuelle révision des différents organismes, notamment en ce qui concerne leurs rôles et leurs responsabilités. Cette analyse permettra, d'une part, de minimiser les chevauchements ou les contradictions entre domaines de compétences et, de l'autre, de s'assurer que toutes les questions importantes sont traitées par l'un ou l'autre organisme compétent. Par conséquent, le dispositif institutionnel mis sur pied pour l'aménagement intégré des zones côtières devra garantir les points suivants: la définition des responsabilités sectorielles appropriées; l'établissement d'arrangements pertinents de coordination/intégration; la mise au courant des organismes, à tous les échelons, au sujet des politiques relatives aux zones côtières afin de garantir la cohérence dans l'application des politiques.

21. Un cadre juridique approprié s'avère indispensable pour rendre légitimes les institutions responsables de l'aménagement côtier, ainsi que les actions qu'elles entreprendront. La nature exacte de la législation est tributaire du cadre législatif plus large en vigueur dans le pays, de ce qu'elle prévoit déjà et des lacunes éventuelles. En outre, l'expérience d'un pays n'est pas nécessairement transférable directement à un autre, même lorsque le contexte social, politique, économique et culturel des pays est similaire.

"Eu égard aux multiples utilisations de la zone côtière, les Etats devraient veiller à ce que des représentants du secteur des pêches et des communautés de pêcheurs soient consultés au cours des processus de décision et qu'ils prennent part à d'autres activités en rapport avec la planification de l'aménagement et le développement des zones côtières." (Article 10.1.2)

22. Très souvent, le secteur des pêches rivalise, au niveau de la zone côtière, avec d'autres secteurs pour l'espace occupé, tant en milieu terrestre qu'en milieu aquatique, soit qu'il s'agisse d'activités de production directe (pêche et aquaculture côtière) ou de la transformation et distribution de la production. Il est donc indispensable que l'autorité responsable des pêches et le secteur des pêches lui-même participent aux décisions relatives au développement de la zone. A cet égard, il faut souligner un aspect de la dépendance du secteur des pêches à l'égard de l'environnement côtier: le rôle significatif joué par les pêcheurs et les aquacultureurs en tant qu'observateurs de l'environnement. En effet, ceux-ci sont généralement les premiers à se rendre compte de l'impact des nombreux changements susceptibles de se produire dans l'environnement aquatique à cause de la pollution ou pour d'autres raisons.

23. L'encadré 1 présente un résumé des principaux impacts que les activités d'autres secteurs peuvent avoir sur les pêches.

24. Une façon de garantir une juste représentation des intérêts liés aux pêches est de désigner un ou plusieurs organes chargés de ces intérêts et dont les responsabilités seront à la fois sectorielles et intersectorielles; plus la structure institutionnelle choisie pour représenter le secteur des pêches sera influente, plus la représentation des intérêts liés aux pêches sera efficace.

25. Le secteur des pêches se caractérise pour sa sensibilité particulière à tout changement environnemental découlant d'activités côtières, ce qui peut le conduire à avoir des intérêts divergents et même contradictoires avec les secteurs situés à terre, comme celui de l'agriculture. De plus, les pêches de capture, et l'aquaculture, dans une moindre mesure, ne fonctionnent pas de la même manière que le secteur agricole. En particulier, le modèle de production agricole - où une augmentation des intrants donne lieu à une production accrue - ne peut pas être appliqué au secteur des pêches. Il peut s'agir d'un argument convaincant en faveur de la thèse selon laquelle il vaut mieux que l'organisme responsable des pêches ne fasse pas partie d'un autre ministère ou département en raison des intérêts divergents pouvant apparaître.

Encadré 1: Quelques impacts sur les pêches résultant d'activités dans d'autres secteurs

Pollution: elle peut provenir de la terre. Par exemple, elle peut être due au déversement dans les rivières de déchets industriels ou agricoles qui sont ensuite transportés jusqu'à la zone côtière, aux écoulements de pesticides et d'engrais dans les rivières ou aux eaux usées. Elle peut également être d'origine maritime, par exemple, l'épanchement d'hydrocarbures et le déversement de déchets toxiques dans les océans. Certaines pollutions peuvent entraîner un accroissement de la productivités des zones côtières mais, le plus souvent, c'est d'une diminution qu'il s'agit. Dans les cas plus graves, la santé humaine peut être mise en danger, par exemple, par le biais d'une concentration de résidus toxiques par les crustacés. Toute baisse de productivité aura des répercussions sur les performances financières du secteur des pêches. En outre, le secteur des pêches lui-même peut contribuer à la pollution des côtes, par exemple, par le biais de la pollution pétrolière provenant des navires de pêche, des effluents évacués par les usines de transformation du poisson et à cause des systèmes d'aquaculture intensive qui provoquent un enrichissement en matières organiques et en éléments nutritifs des fonds marins et parfois de la colonne d'eau. Toutefois, il est plus courant que le secteur des pêches souffre de la pollution et non pas qu'il soit à l'origine de celle-ci.

Dégradation des habitats: elle peut survenir de façon directe, par exemple, à cause du défrichement des mangroves effectué pour laisser la place à d'autres activités ou de l'exploitation du corail, ou encore de façon indirecte, par exemple, sous l'effet de la sédimentation des prairies sous-marines et des récifs due aux écoulements terrestres associés, notamment, à la déforestation ou aux mauvais pratiques d'utilisation des terres. Comme pour la pollution, la dégradation des habitats nuit aux performances financières du secteur des pêches. La dégradation des habitats est parfois attribuée au secteur des pêches lui-même, par exemple, lorsque la pêche est réalisée avec des explosifs ou des substances toxiques ou en raison du défrichement des mangroves et de l'utilisation de produits chimiques pour le développement de l'aquaculture.

Conflits pour l'espace: ces conflits peuvent survenir lorsque les droits de propriété de l'aquaculture et des pêches côtières ne sont pas garantis et que ces activités sont progressivement évincées de leurs zones traditionnelles pour laisser la place à d'autres utilisations du littoral (en particulier, l'expansion urbaine et le développement du tourisme).


26. Compte tenu de l'importance de la zone littorale pour le secteur des pêches, il est essentiel que les autorités désignées pour s'occuper des pêches participent au processus de planification de l'aménagement des zones côtières. Par exemple, les autorités chargées de l'aménagement des pêcheries prendront part à l'examen visant à évaluer l'impact sur l'environnement des projets susceptibles d'avoir des incidences sur les eaux côtières. Elles participeront à la remise des permis de construction dans la zone côtière et elles seront consultées sur les possibles impacts sur les pêches. En outre, ces institutions devront être associées à la préparation des lois et réglementations relatives à la zone côtière, ainsi qu'au processus de planification du territoire lorsque les intérêts liés aux pêches sont en jeu, par exemple, dans le cas du développement portuaire. Mais, surtout, elles devront participer au processus de planification de l'aménagement des zones côtières.

27. Dans de nombreux cas, la gestion locale des pêches côtières sera facilitée si elle s'inscrit dans un cadre général mis en place au niveau national ou régional. Dans bien des pays, les autorités responsables des pêches pourront donc mieux négocier avec les différents organismes s'il existe un cadre pertinent, destiné aux autorités nationales, régionales et locales, qui garantit la mise en œuvre de la gestion des pêches au niveau approprié.

28. Comme dans le cas général de l'aménagement des zones côtières, une fonction importante de l'organisme responsable des pêches est de veiller à ce que que tous les échelons de l'administration soient suffisamment bien informés et motivés de façon à poursuivre des objectifs communs. Les différents échelons de l'administration forment ce que l'on appelle ici les "autorités responsables des pêches". L'organe retenu pour chaque échelon sera déterminé cas par cas.

29. Il est également important que les autorités responsables des pêches mettent en place des mécanismes leur permettant d'associer à leurs travaux toutes les parties prenantes du secteur des pêches. Ainsi, le secteur sera représenté de façon adéquate lors des réunions d'examen des impacts intersectoriels auxquelles participeront les différents organismes. Par parties prenantes, on entend ici toutes les parties reconnues par le gouvernement comme ayant un intérêt dans le secteur.

"Les Etats devraient mettre en place, le cas échéant, des cadres institutionnels et juridiques en vue de déterminer les utilisations possibles des ressources côtières et régir l'accès à ces ressources, en tenant compte des droits des communautés côtières de pêcheurs et de leurs pratiques coutumières de manière compatible avec un développement durable." (Article 10.1.3)

30. Une cause importante à l'origine des problèmes rencontrés dans l'aménagement des zones côtières est l'accès libre et ouvert à tous aux ressources côtières renouvelables. Cette question, reconnue depuis longtemps comme représentant un problème dans le secteur des pêches, nuit également à bien d'autres ressources côtières, notamment, l'eau, l'espace et la productivité primaire.

31. Là où l'accès aux ressources halieutiques côtières est libre et ouvert à tous, il est important que ce système soit remplacé dans les délais les plus brefs par un régime fondé sur des droits d'utilisation exclusifs. Cette modification est pleinement justifiée, non seulement parce que la liberté d'accès engendre des inefficacités dans le secteur même des pêches, mais également en raison de la présence d'autres secteurs dans la zone côtière. Si l'accès aux ressources halieutiques demeure ouvert à tous, il sera difficile de persuader les autres organismes et utilisateurs des ressources de limiter leurs propres activités en faveur du secteur des pêches, étant donné que tout bénéfice supplémentaire sera dissout de la même manière que la rente halieutique. En revanche, si l'objectif d'un régime basé sur des droits exclusifs est poursuivi, il est primordial que le secteur des pêches puisse opérer dans le cadre d'un système global de mise en valeur des ressources côtières basé sur des droits d'usage.

32. Dans la zone côtière, l'accès libre et ouvert à tous ne concerne pas uniquement les ressources halieutiques mais, souvent, des ressources clés telles que les mangroves et les récifs coralliens. De plus, la liberté d'accès s'applique aux eaux du littoral qui servent de dépotoir pour les déchets. Ainsi, d'autres utilisateurs de la zone côtière peuvent influer de façon négative sur le secteur des pêches proprement dit, par exemple à cause de la destruction des habitats et de la pollution des eaux, et sur les autres fonctions précieuses des écosystèmes.

33. On distingue deux grandes approches pour traiter les conflits du secteur: la première est fondée sur les réglementations, la seconde sur les instruments d'intervention économique. Les deux approches peuvent poursuivre les mêmes objectifs; c'est le moyen d'atteindre ceux-ci qui les différencient. Les réglementations fixent des limites légales à ce qui peut être fait, tandis que l'approche économique cherche à encourager certains comportements par le biais de mesures d'incitation ou de dissuasion. Les instruments économiques comportent plusieurs avantages, notamment dans le sens où ils permettent une allocation plus efficace de ressources limitées du marché, mais ils sont souvent difficiles à appliquer. Dans de nombreux cas, il est nécessaire de recourir aux réglementations, parfois conjuguées avec des instruments d'intervention économique. Des réglementations et des instruments d'intervention économique sont présentés dans l'encadré 2.

Encadré 2: Réglementations et instruments d'intervention économique

Les réglementations permettent d'exercer un contrôle sur l'utilisation des ressources par le biais d'interdictions ou de restrictions. Elles peuvent inclure, par exemple, des règlements sur la transformation ou la production, l'interdiction ou la restriction des activités polluantes, la restriction des activités de production, notamment en limitant l'utilisation de certains engins et pratiques de pêche, selon la saison, les zones, l'époque. Ces règlements ont en commun le fait que des sanctions sont prévues s'ils ne sont pas observés.

Souvent, le principal problème des réglementations tient à leur mise en application. En l'absence, dans de nombreux pays, de moyens adéquats pour faire respecter les règlements, on pourrait penser qu'il est préférable de ne pas fixer de règlements ne pouvant être appliqués. Un autre problème des réglementations est la nécessité d'une certaine souplesse pour que toute la gamme de situations susceptibles de se produire puissent être couvertes. A cet égard, on pourrait notamment prévoir d'assortir les réglementations d'un processus de concertation et de négociation entre les parties intéressées afin de garantir la pertinence des règlements.

L'approche économique peut faire appel à différents instruments d'intervention, par exemple, les taxes (frais d'utilisation, redevances sur la pollution déversée), les subventions, la création de marchés (permis d'émission négociables), les systèmes de consigne (emballages consignés et repris) et les incitations financières de mise en application (amendes en cas de non-respect et cautions de bonne application des mesures de protection de l'environnement).

Le principal avantage de l'approche économique, lorsqu'elle peut être appliquée, tient au fait qu'elle inscrit la question de la répartition des ressources côtières dans le même cadre qui est généralement utilisé dans le secteur économique pour résoudre les problèmes d'allocation des ressources. Même si l'approche ne peut être que partiellement mise en application, elle permet souvent d'accroître la souplesse du système de gestion, par ex., il pourrait être plus facile de réviser les taxes imposées aux différents utilisateurs que de modifier les réglementations qui les concernent. Un autre avantage de l'approche économique, et non des moindres, est qu'elle peut servir à constituer des fonds pour compenser une partie des coûts de gestion.


34. La suppression de la liberté d'accès aux ressources ne peut pas être appliquée partout de façon identique, même au sein d'un même pays. La meilleure solution dépendra entièrement des circonstances locales, c'est-à-dire du type de ressources, des arrangements institutionnels, à la fois ceux en vigueur et ceux appliqués dans le passé, des objectifs, etc. En outre, elle peut évoluer avec le temps. Par conséquent, les gouvernements devront bien comprendre ce qu'ils souhaitent obtenir et examiner toute la gamme de solutions possibles avant de prendre une décision; la souplesse est indispensable pour pouvoir réagir aux circonstances changeantes.

35. Un autre aspect de la liberté d'accès concerne le fait que les utilisateurs des ressources n'ont pas été en mesure de faire valoir par l'Etat leurs droits sur ces ressources. Par conséquent, les pêcheurs et aquaculteurs qui maintiennent des pratiques traditionnelles et coutumières sont souvent désavantagés lorsque d'autres utilisateurs de ressources commencent à dominer la situation. Une illustration de cette problématique est présentée dans l'encadré 3. Lorsque la souplesse du régime juridique permet la reconnaissance et l'intégration des perceptions coutumières locales des droits et obligations, les Etats peuvent reconnaître de facto les droits locaux sur ces ressources. Si le système juridique ne permet pas cette approche, ils peuvent apporter des amendements à la législation. Parallèlement, les autorités responsables des pêches devraient fixer certaines conditions pour que les pêcheurs et les aquaculteurs reconnaissent et respectent les impératifs écologiques de l'environnement côtier.

Encadré 3: Droits des pêcheurs et aquaculteurs qui maintiennent des pratiques traditionnelles et coutumières

Là où il n'existe pas de marché pour les biens environnementaux se trouvant en zone côtière (par ex., la productivité naturelle des récifs coralliens), les pêcheurs qui exploitent ces récifs n'ont pas été en mesure de se garantir des droits en vue de leur futur bien-être. Ils sont également vulnérables du fait des menaces que d'autres utilisateurs font peser sur leur productivité, par ex., le tourisme et l'exploitation du corail. En outre, dans de nombreux pays, l'aquaculture côtière sur petite échelle a souvent été une pratique traditionnelle durable, mais elle pourrait être supplantée par l'aquaculture industrielle.


36. Des mesures de ce type pourraient protéger l'environnement tout en reconnaissant aux utilisateurs des ressources opérant selon des pratiques traditionnelles et coutumières, le droit à une certaine qualité de l'environnement pour garantir partiellement leurs moyens d'existence.

37. Il est possible que ces utilisateurs de ressources aient mis au point leurs propres mécanismes d'accès en fonction des changements saisonniers, qui ont une incidence sur les disponibilités de poisson ou conditionnent le calendrier des principales opérations agricoles, comme les semailles et les moissons. Il est impératif que les planificateurs tiennent compte de ces stratégies lorsqu'ils formulent les plans de gestion des ressources, quelles qu'elles soient, sans quoi ils risquent d'être confrontés à de graves conséquences économiques et sociales.

"Les Etats devraient favoriser l'adoption de pratiques de pêche qui permettent d'éviter les conflits entre les utilisateurs des ressources halieutiques, ainsi qu'entre ces derniers et d'autres usagers de la zone côtière." (Article 10.1.4)

38. Des conflits peuvent naître entre pêcheurs de provenances différentes qui souhaitent pêcher dans la même zone, entre pêcheurs qui utilisent différents engins de pêche, entre pêcheurs commerciaux et pêcheurs sportifs, entre pêcheurs industriels et pêcheurs artisanaux, entre pêcheurs et aquaculteurs et entre toutes les catégories citées et les opérateurs de tourisme, autant de rivaux en compétition pour l'espace et les ressources à disposition, pour ne citer que quelques cas.

39. Les conflits existant dans le secteur des pêches proprement dit peuvent être abordés par le biais d'une allocation des zones de pêche et donc, d'une répartition univoque des ressources (si la ressource occupe une aire bien déterminée) ou en réduisant les conflits (si la ressource se déplace entre les différentes zones), par exemple, en désignant des zones de chalutage, des zones de pêche aux casiers, etc. Ils peuvent aussi être traités en contrôlant les intrants par exemple par des limitations sur les engins de pêche, sur l'époque de pêche ou encore en contrôlant les extrants comme dans le cas de la fixation des quotas. Les autorités compétentes devraient également envisager la constitution de comités de pêcheurs et aquaculteurs, par zone de pêche ou par type de pêche, selon les cas, pour discuter et résoudre, dans la mesure du possible, ce genre de problème.

40. Les conflits intersectoriels sont habituellement plus difficiles à résoudre que ceux existant à l'intérieur du secteur, même si les solutions peuvent se ressembler. Les autorités responsables des pêches devraient représenter les intérêts du secteur lors des négociations avec les organismes des autres secteurs pour garantir que les intérêts des pêcheurs et des aquaculteurs soient respectés. Le cas échéant, les autorités responsables des pêches et les pêcheurs devraient pouvoir recourir à la loi pour protéger leurs intérêts.

41. On a souvent recours au zonage pour résoudre les différends intersectoriels concernant les pêches, notamment en associant des restrictions temporelles et des limitations géographiques. Des mesures économiques pourraient également jouer un certain rôle.

"Les Etats devraient promouvoir l'établissement de procédures et de mécanismes au niveau administratif approprié pour régler les conflits qui surgissent à l'intérieur du secteur des pêches, ainsi qu'entre les utilisateurs des ressources halieutiques et les autres usagers de la zone côtière." (Article 10.1.5)

42. Les conflits potentiels devront être anticipés et prévenus dans la mesure du possible. Le développement du secteur des pêches et les plans de gestion sont souvent établis depuis la seule optique du secteur des pêches ou même pour un seul stock de poisson. Il incombe aux autorités responsables de la gestion des pêches d'examiner explicitement dans quelle mesure des interactions risquent de se produire avec d'autres pêches ou d'autres secteurs. Si ces interactions sont considérées comme étant d'une importance potentielle ou effective, elles devront être prises en compte dans les plans et des actions devront être prévues pour traiter les conflits pouvant surgir.

43. En matière d'aménagement des zones côtières, l'une des fonctions institutionnelles ou juridiques les plus importantes est de s'assurer de l'existence d'un mécanisme de résolution des conflits. Il est nécessaire d'étudier la manière de résoudre les demandes concurrentielles entre secteurs, celles qui existent déjà et celles qui risquent de se présenter, d'autant que les ressources côtières sont de moins en moins nombreuses. Les consultations sur la planification avec les autorités responsables des pêches n'empêcheront pas l'apparition de conflits, d'où le besoin d'un mécanisme pour résoudre ces derniers.

44. Il est nécessaire que les autorités responsables des pêches assument un rôle actif dans l'identification de l'ampleur des problèmes qui nuisent à l'environnement aquatique et dans la recherche de l'origine des problèmes. Un système approprié de suivi est essentiel à cette fin (cet aspect est abordé ci-après, au point 10.2.4). En outre, lorsque les autorités compétentes collaborent étroitement avec les pêcheurs et les aquaculteurs, elles sont en mesure de déceler plus rapidement les changements survenant dans les conditions écologiques, même s'il pourrait s'avérer plus difficile d'en identifier les responsables.


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