Page précédente Table des matières Page suivante


2. Mesures en matière de définition des politiques (Article 10.2)

"Les Etats devraient encourager la prise de conscience du public quant au besoin de protéger et d'aménager les ressources côtières, et la participation au processus d'aménagement de ceux qui sont concernés par ce processus." (Article 10.2.1)

45. Des procédures institutionnelles et un cadre juridique appropriés permettront à la population de participer de façon adéquate à la prise des décisions (par ex., sur l'utilisation des ressources), ce qui garantira un appui élargi aux plans proposés. Les législateurs et les planificateurs doivent être conscients du fait que les mesures qui rencontrent l'hostilité des personnes qu'elles sont censées toucher risquent d'échouer à long terme.

46. Un apport significatif de la population est particulièrement important au niveau local. En effet, en associant les utilisateurs des ressources et les autres parties prenantes à la planification et à la gestion, on augmente l'acceptation des mesures, on minimise le risque d'erreur au niveau des décisions prises et on réduit la possibilité d'hostilités collectives. Pour garantir que les intérêts des parties prenantes soient dûment représentés, il faut que ces dernières soient elles-mêmes conscientes de leurs intérêts et qu'elles participent au processus de définition des politiques (ou qu'elles soient consultées, selon les conditions dans le pays) et cela, à tous les échelons - national, régional et local. Les démarches traditionnelles comprennent la création de comités consultatifs, le recours à des documents de discussion, la tenue de réunions publiques avant d'établir des règlements, l'utilisation des mass media et le rôle actif des organisations non gouvernementales (ONG).

47. Les pêcheurs pourraient avoir du mal à participer effectivement au processus de définition des politiques en raison de la nature de leur activité, notamment dans le cas des pêches maritimes de capture, où les horaires de travail laissent généralement peu de temps pour la vie sociale. Ils risquent donc de se retrouver dans une position de désavantage par rapport aux autres usagers des ressources côtières en mesure d'exercer davantage de pressions lors du processus. Cette difficulté pourra être contournée si l'Etat encourage la mise en place d'associations représentant le point de vue des pêcheurs. Un cadre juridique approprié pourra garantir l'existence d'un mécanisme permettant à ces organisations de faire entendre leur voix lors de la prise de décision. Ces associations constituent également un moyen pour les pêcheurs d'être tenus informés du calendrier des consultations de façon à y participer ou à se faire représenter.

"Pour faciliter la prise de décision relative à l'allocation et à l'utilisation des ressources côtières, les Etats devraient promouvoir l'estimation de leur valeur en tenant compte des facteurs économiques, sociaux et culturels." (Article 10.2.2)

48. La valeur économique réelle et potentielle des ressources (dans le cas d'une gestion optimale) devrait être examinée en tenant compte des intérêts des personnes autres que les utilisateurs de ces ressources, des générations à venir, ainsi que des groupes d'utilisateurs existants. Il s'agit d'estimer la valeur économique totale. L'évaluation peut découler de l'identification, pour toute ressource ou écosystème, de la valeur d'usage, de la valeur d'option et de la valeur in situ de la ressource. Pour arriver à une estimation de cette valeur, il est impératif d'identifier clairement les différents biens et services générés par l'environnement côtier. On fera appel à certaines techniques d'évaluation si la ressource ou l'écosystème n'a pas de valeur marchande, par exemple, l'évaluation contingente et le prix hédoniste. L'encadré 4 présente quelques aspects de l'évaluation des ressources.

"Lors de la définition des politiques d'aménagement des zones côtières, les Etats devraient tenir dûment compte des risques et incertitudes liés à cet aménagement." (Article 10.2.3)

49. Il appartient aux autorités responsables des pêches d'identifier les menaces possibles et de veiller à ce que des actions appropriées soient entreprises pour protéger les intérêts du secteur. Dans ce sens, il convient de chercher à protéger le secteur des pêches de tout dommage en agissant de façon préventive. Des dégâts pourraient quand même apparaître, par ex., à cause d'une pollution accidentelle ou même d'une décision prise sciemment par le gouvernement qui considère que les coûts encourus par le secteur des pêches seront compensés par des avantages dans un autre secteur. Dans ce cas, une intervention sera requise pour remettre le système en état et une indemnité pertinente devra être versée aux parties prenantes du secteur des pêches.

50. Le terme "risque" est souvent employé lorsque le résultat précis d'une action donnée est inconnu, mais que l'on dispose de suffisamment d'informations pour déterminer le degré de probabilité de certains résultats; dans ce sens, les risques peuvent donc généralement être couverts par une assurance.

51. Le terme "incertitude" est parfois utilisé pour décrire une situation où il n'existe pas d'informations suffisantes sur le degré de probabilité de voir se concrétiser une gamme de résultats possibles; les incertitudes ne peuvent donc pas être couvertes par une assurance. Enfin, il faut distinguer plusieurs degrés d'incertitudes. On parle d'incertitude totale lorsqu'il est impossible d'identifier la gamme de résultats probables qui devraient résulter d'une action donnée.

52. Il est important de prendre en compte les risques et les incertitudes, en dépit des difficultés pouvant en découler et pourvu que cela ne conduise pas à une paralysie des politiques. A cet effet, on pourra recourir à une adaptation de l'approche de précaution (se référer aux Directives techniques No. 2 sur l'approche de précaution appliquée aux pêches de capture). Les Etats devront se doter d'un cadre juridique suffisamment souple pour être en mesure de répondre aux risques et incertitudes.

Encadré 4: Evaluation des ressources côtières

Un aspect important de l'aménagement des zones côtières a trait à la nécessité de trouver des critères communs pour pouvoir comparer les répercussions des différentes décisions. Il s'agit fondamentalement d'évaluer les ressources pour déterminer le coût de tout impact sur celles-ci, et donc pour comprendre quelle utilisation de la ressource serait optimale (après étude, si possible, de plusieurs utilisations potentielles). Il est primordial que les avis concernant l'utilisation rationnelle des ressources, parfois difficiles à émettre, reposent sur une approche cohérente et objective.

L'évaluation des ressources côtières peut faire apparaître plusieurs problèmes. En premier lieu, ces ressources pourraient être sous-évaluées par manque de reconnaissance de toute la gamme de biens et services qu'elles apportent. Cette sous-évaluation est typique des situations où les biens et services apportés ne font pas partie de la logique du marché. Par exemple, dans le cas des mangroves, il se peut que toute l'attention soit axée sur la valeur du site pour sa conversion en vue de l'élevage de crevettes et non pas sur les fonctions écologiques des mangroves, notamment le rôle qu'elles jouent en offrant un habitat aux poissons ou une protection contre tempêtes et cyclones.

En deuxième lieu, la valeur des ressources côtières peut subir l'influence des actions d'un autre secteur. Les effets ainsi obtenus sont appelés externalités. Ils peuvent être positifs, par exemple, les émissions d'eaux propres et chaudes d'une centrale électrique peuvent avoir un impact positif sur la production des crustacés et mollusques dans une zone donnée. Néanmoins, les effets sont généralement négatifs, par exemple, une diminution de la productivité des ressources côtières causée par la pollution.

Pour que l'évaluation des ressources soit efficace, elle doit prendre en compte tous les éléments qui leur confèrent une valeur et non pas seulement ceux ayant une valeur marchande. Le fait qu'une ressource ne fasse pas l'objet d'échanges sur le marché ne signifie pas qu'elle est dépourvue de valeur (il suffit de penser à l'air pur).


53. Dans de nombreux cas, les probabilités des divers résultats possibles (risques) échappent à tout calcul. Il est toutefois courant d'avoir au moins une idée des résultats les plus probables. Dans d'autres cas, on pourrait opter, même s'il y a des risques, pour la poursuite des actions, mais en ayant recours à un système de consigne (prime pour la restitution des déchets), ou en exigeant que la société ou l'entité qui souhaite intervenir achète un bon d'une valeur au moins égale à celle des dommages qui pourraient être causés.

54. Ce genre d'approche reconnaît l'existence des risques et incertitudes tout en faisant appel à des outils économiques pour encourager les parties concernées à réduire tout effet nuisible. Son principal avantage réside dans le fait qu'elle encourage la prévention plutôt que la dépollution et que les sociétés sont fortement stimulées à investir dans des technologies inoffensives, compatibles avec la situation locale.

55. Une autre manière d'aborder la question est de prendre en compte les avantages auxquels il faudrait renoncer en cas d'intervention de développement. Supposons qu'une proposition d'activité comporte la destruction d'une zone de mangroves. Le coût inhérent à la non-poursuite de cette activité, en termes d'avantages auxquels on renonce, donne une idée des avantages apportés par l'utilisation actuelle des mangroves pour compenser les avantages que donnerait l'activité proposée. Dans de nombreux cas, il ressortira que la valeur de ces activités est relativement peu élevée, ce qui conforte la thèse intuitive s'opposant à tout développement destructif. Si les arguments sont toutefois jugés insuffisants, la valeur économique totale des mangroves (la somme des valeurs d'usage, d'option et la valeur in situ) devra alors être calculée.

56. En l'absence de mesures analogues, le calcul des coûts de production continuera à ne pas tenir compte des coûts totaux de l'utilisation de l'environnement; cela équivaut à ce que la société offre une subvention à tous ceux qui tirent profit à court terme d'une activité conduisant à la dégradation de l'environnement.

57. Le résultat d'une activité donnée pourrait être totalement incertain, c'est-à-dire que la gamme des résultats possibles serait inconnue. Compte tenu de l'impossibilité de calculer les coûts potentiels, la règle d'or dans une telle situation devrait être de s'abstenir de mettre en œuvre des activités dont les conséquences pourraient être irréversibles.

"Les Etats devraient, dans les limites de leurs capacités, établir ou promouvoir l'établissement de systèmes de surveillance de l'environnement côtier dans le cadre du processus d'aménagement des zones côtières en utilisant des paramètres physiques, chimiques, biologiques, économiques et sociaux." (Article 10.2.4)

58. Compte tenu des risques et incertitudes liés aux décisions d'aménagement, les Etats devraient reconnaître la nécessité d'établir des systèmes de surveillance de l'environnement côtier. Le but de cette surveillance est de déceler toute dégradation de l'environnement, quelle que soit sa provenance, dans les meilleurs délais possibles; l'objectif des politiques doit être la prévention, non pas la dépollution.

59. Le suivi permanent de l'environnement est nécessaire pour relever l'impact des différentes activités. Les autorités responsables des pêches devront être associées aux aspects intéressant le secteur des pêches, tels que l'habitat et la qualité de l'eau. Pour effectuer ce type de surveillance, il faudra: (a) définir des indicateurs pertinents; (b) créer des capacités institutionnelles appropriées pour tout le processus de surveillance; (c) développer la capacité analytique à interpréter les tendances, par exemple, pour distinguer les changements induits par l'environnement des changements imputables aux activités humaines.

60. Il n'est pas nécessaire que les autorités responsables des pêches se chargent elles-mêmes du suivi, mais leur position se verra renforcée si elles le font. Quelles que soient les arrangements institutionnels retenus, les Etats devront cependant être dotés des capacités requises pour surveiller l'environnement côtier et les autorités responsables des pêches devront avoir accès aux informations existantes pour être en mesure de déceler les impacts sur le secteur des pêches, ainsi que ceux provenant du secteur des pêches/ de l'aquaculture.

61. L'encadré 5 présente quelques-uns des paramètres utilisés pour le suivi permanent et qui sont d'un intérêt particulier pour les autorités responsables des pêches.

62. L'efficacité du suivi est tributaire de l'existence de capacités institutionnelles. Ces capacités pourraient être en rapport avec le cadre juridique pour les activités de suivi et, en particulier, pour les pêches. Des mesures pourraient également s'avérer utiles pour créer et développer à l'échelle nationale (gouvernement, secteur privé, université) les capacités requises pour l'élaboration et l'utilisation des outils nécessaires, tels que l'évaluation de l'impact sur l'environnement, l'analyse des politiques intersectorielles, les techniques de l'économie de l'environnement, l'analyse des paysages terrestres/marins, l'évaluation des capacités environnementales, les systèmes d'information géographique (SIG), etc. Leur développement exige des travaux de recherche d'appui et la mise en contact des chercheurs à l'intérieur des pays et entre les pays, par exemple, au niveau sous-régional ou régional.

Encadré 5: Paramètres relatifs à l'intégration des pêches dans la planification de l'aménagement côtier

Il est indispensable d'arrêter des indicateurs qui permettront d'effectuer le suivi permanent. Le choix des indicateurs dépendra des circonstances (la nature du problème, le budget à disposition), mais elle devra inclure:

Des paramètres physiques, par ex., cartes de l'utilisation des terres, zones mises en valeur et bassins hydrographiques, changements au niveau des plages, proportion superficies des terres vierges/terres aménagées;

Des paramètres biologiques et chimiques, par ex., transparence des eaux et intégrité des fonds marins, étendue des prairies sous-marines et des zostères, indicateurs de la diversité biologique, polluants organiques rémanents de production aquatique, fréquence des marées rouges, degré de protection des habitats;

Des paramètres économiques et sociaux, par ex., densité de population, emploi et chômage, niveaux des revenus, PIB régional, barrières entravant le changement d'occupation (pour les principales activités), systèmes d'allocation des ressources, fréquence des conflits sociaux, niveau de subvention dans les différents secteurs.


"Les Etats devraient promouvoir des recherches multidisciplinaires à l'appui de l'aménagement des zones côtières, en particulier sur ses aspects environnementaux, biologiques, économiques, sociaux, juridiques et institutionnels." (Article 10.2.5)

63. La recherche sur l'interaction entre le système environnemental et le système économique devrait être encouragée en raison des risques et incertitudes auxquels l'aménagement des zones côtières est exposé.

64. Il sera nécessaire de hiérarchiser les besoins de recherche. A cet égard, les autorités responsables des pêches devraient consacrer leur attention aux enjeux intersectoriels, économiques et socio-économiques par rapport au secteur des pêches; elles devraient en outre se consacrer à la recherche sectorielle traditionnelle qui s'est habituellement concentrée sur l'évaluation des stocks de poisson et sur la biologie. L'encadré 6 décrit brièvement plusieurs sujets possibles de recherche.

65. Il n'appartient pas aux autorités responsables des pêches de veiller à ce que les chercheurs effectuent ce type de recherche. Toutefois, on pourrait s'attendre à ce qu'elles s'occupent de promouvoir une bonne communication entre les instances chargées de formuler les politiques relatives aux pêches et les chercheurs. Cela permettrait de garantir que les instituts de recherche abordent les aspects clés de l'intégration des pêches dans la planification de l'aménagement côtier. Au moment d'établir les priorités de recherche, les autorités responsables des pêches devront s'assurer que ces priorités sont conformes aux fonds disponibles (et présenter des arguments, le cas échéant, pour obtenir des fonds supplémentaires) et que les fonds sont alloués aux priorités retenues. En outre, même si elles ne sont pas directement responsables de l'ensemble des recherches effectuées, elles devraient prendre des dispositions pour que les chercheurs soient mis au courant de ce qui se fait en la matière.

Encadré 6: Sujets de recherche possibles en vue de l'intégration des pêches dans l'aménagement des zones côtières

Fonctions écologiques: il est nécessaire de bien les comprendre pour pouvoir évaluer l'impact des projets proposés sur les différents usagers de la zone côtière, notamment les pêcheurs. Il s'agit notamment de l'étude de la capacité de charge, de la réversibilité de l'impact, etc.;

Dynamique des ressources: cela inclut la recherche pour distinguer la variabilité naturelle des ressources de l'impact humain, ainsi que les prévisions des tendances à long terme résultant d'actions d'aménagement et/ou d'un changement de climat;

Recherche appliquée: par ex., l'étude de la dynamique sectorielle, l'élaboration de plans simples de surveillance écologique fondés sur l'évaluation des risques environnementaux et des méthodes de prévision;

Domaine socio-économique: par ex., l'identification des facteurs qui sous-tendent les activités économiques dans la zone côtière et leurs répercussions;

Domaine économique: par ex., l'application des techniques d'évaluation, l'élaboration et l'impact des systèmes d'incitation économique;

Aspects institutionnels: par ex., le cadre juridique et le régime de propriété pour permettre la fixation des prix sur le marché; les arrangements organisationnels pour la gestion locale par les communautés et pour le développement d'accords de cogestion de grands territoires.


66. Il est également souhaitable d'encourager les chercheurs à collaborer avec ceux issus d'autres institutions, que celles-ci soient nationales ou internationales.


Page précédente Début de page Page suivante