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QUATRIÈME PARTIE
Perspectives

TENDANCES RÉCENTES DES PÊCHES ET DE L'AQUACULTURE MONDIALES
ET CONSÉQUENCES POSSIBLES POUR LE SECTEUR

VUE D'ENSEMBLE

À la fin des années 90, la nature et le volume de la consommation et de la production de poisson étaient encore principalement déterminés par les besoins qu'ont les hommes de se nourrir et de se procurer un revenu. Le désir de garder une partie des ressources pour des activités récréatives - notamment pour des utilisations autres que la consommation - croissait et était souvent respecté; ces utilisations étaient toutefois encore limitées à un petit nombre de pays et, à l'échelle mondiale, elles avaient peu d'impact sur ceux qui pêchaient ou élevaient des poissons pour gagner leur vie. Toutefois, en quelques décennies, les conditions qui déterminent l'utilisation traditionnelle du poisson ont évolué lentement. L'expansion du marché, tant du point de vue du nombre de personnes que des zones géographiques couvertes, a eu un impact. D'une part, la plupart des consommateurs ont eu accès à une variété croissante d'aliments et de produits de la pêche et à un nombre croissant de vendeurs; d'autre part, la majorité des producteurs primaires ont pu choisir entre de multiples acheteurs. Ainsi, de nouvelles possibilités se sont ouvertes à la fois pour satisfaire les besoins alimentaires et pour générer des revenus. L'augmentation des débouchés commerciaux a eu et continuera d'avoir des répercussions sur le secteur des pêches et de l'aquaculture.

L'administration des pêches a été influencée par les délibérations de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), tenue à Rio de Janeiro (Brésil) en 1992. Depuis cette conférence, les gouvernements, le système des Nations Unies et le secteur des pêches se sont intéressés de plus près aux dimensions écologiques des problèmes d'aménagement. Tous sont maintenant plus conscients que le poisson fait partie intégrante d'un écosystème aquatique et que, dans ce système, les modifications qui se produisent dans une zone peuvent avoir des répercussions sur d'autres zones. On considère de plus en plus qu'il est indispensable d'abord de surveiller l'état de l'écosystème aquatique, puis de gérer les interventions de l'homme à l'intérieur de cet écosystème. Seule une discipline de ce type permettra aux pêches de capture de demeurer une source d'alimentation et de revenus pour les générations futures. Au cours des prochaines années, l'humanité améliorera probablement de façon spectaculaire sa compréhension des écosystèmes aquatiques complexes, ce qui se traduira bien entendu par une augmentation des connaissances, mais aussi - et cela peut paraître paradoxal - des incertitudes croissantes. On verra donc s'intensifier les pressions pour que l'approche prudente soit rigoureusement appliquée pour toutes les interventions dans ces écosystèmes, y compris celles des pêcheurs. L'industrie aquicole et le secteur des pêches de capture estimeront qu'il est de leur devoir de donner l'exemple en respectant ce principe.

Dans de nombreux pays en développement, l'importance économique du poisson s'est accrue pendant la deuxième moitié du XXe siècle, si bien qu'à la fin des années 90, le secteur des pêches était devenu une importante source de nourriture, d'emplois et de devises - situation qui est appelée à durer. Une source stable de devises est capitale pour les pays, car la participation accrue au commerce international est une condition essentielle de la croissance économique, en particulier pour les petits pays dont les ressources minérales sont limitées ou inexistantes.

Pour de nombreux pays en développement, les pêches contribuent pour une grande part à la création de valeur ajoutée et, partant, à la promotion de la croissance économique. Dans quelques-uns de ces pays, parmi les plus pauvres, où le poisson est indispensable à la sécurité alimentaire de vastes couches de la population, notamment des pêcheurs, l'expansion continue des débouchés d'exportation s'est faite au détriment de l'approvisionnement des marchés locaux. Cette décision de vendre du poisson à l'étranger, plutôt que sur les marchés locaux où il est important pour assurer la sécurité alimentaire, posera sans doute des problèmes dans quelques pays au cours de la prochaine décennie. En outre, tout porte à croire qu'un nombre croissant de pays en développement élaboreront des stratégies nationales de sécurité alimentaire dans lesquelles le poisson aura sa place.

LE POISSON EN TANT QU'ALIMENT

Au cours des dernières décennies, la consommation de poisson par habitant a dans l'ensemble augmenté, en même temps que la croissance économique et le bien-être des populations. Toutefois, cette croissance ne se poursuivra pas éternellement. Il y a une limite à la quantité d'aliments - notamment de poisson - que peut consommer un individu, et il reste à déterminer à quels niveaux la consommation plafonnera à long terme. Il est clair que les économies riches où le poisson est un aliment de base depuis l'antiquité (par exemple au Japon) seront les premières à atteindre ce plafond.

Dans les pays développés nantis - en particulier dans ceux qui sont membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - la perception que le public a du poisson est en train de changer: il cesse d'être un aliment de base pour devenir une spécialité culinaire. Il y a deux raisons à cela: la grande majorité de la population de ces pays a les moyens d'acheter les aliments qui lui plaisent, et les détaillants comprennent que, pour attirer les consommateurs, ils doivent vendre un produit de qualité, et non pas seulement un aliment de base. Des campagnes de commercialisation ont été lancées pour certains produits de la pêche. En général, ces campagnes affirment que le poisson est idéal pour satisfaire les besoins des consommateurs qui veulent des aliments variés, nourrissants, sains, savoureux et à la mode. Vendre du poisson au détail dans ces pays ne consiste plus seulement à satisfaire un consommateur affamé à un prix compétitif.


ENCADRÉ 17
Relations entre la consommation de poisson, la richesse
et la croissance économique

La consommation mondiale de poisson par habitant s'accroît depuis les années 60. La consommation a été variable suivant les continents et les pays, mais elle a toujours été en moyenne plus élevée dans les pays riches que dans les pays pauvres. Selon de nombreuses études, la ration de poisson par habitant continuera à augmenter partout dans le monde au cours des trois prochaines décennies, et cette hausse résultera en grande partie de la prospérité économique. L'élasticité-revenu positive de la demande de poisson, qui est généralement comprise entre 1 et 2, confirme cette conclusion, mais la manière dont la consommation réagit aux augmentations de revenu semble dépendre non seulement du niveau de richesse atteint, mais aussi des quantités de poisson que mange actuellement le consommateur moyen.

Afin d'étudier ces relations, 15 pays relativement riches ayant eu une croissance économique plus ou moins régulière entre 1988 et 1997 ont été identifiés. Ces pays ont été divisés en deux groupes: les pays à faible consommation de poisson, où la consommation annuelle par habitant était généralement égale ou inférieure à 20 kg durant cette période; et les pays à forte consommation de poisson, où celle-ci était supérieure à 20 kg. Des courbes de la consommation de poisson par habitant et du PIB réel par habitant (utilisé comme indicateur du revenu) ont été tracées pour chaque période. Des coefficients de corrélation ont également été calculés.

Les coefficients de corrélation entre la consommation de poisson par habitant et la croissance économique sont reportés dans le tableau ci-contre. Le volume moyen de la consommation par habitant pour la période 1988-1997 est indiqué entre parenthèses, après le nom du pays.

Les résultats ne sont pas convaincants. D'une part, il semble, pour la plupart des gros consommateurs, qu'il n'y a pas de lien évident entre les variations du revenu et le volume de la consommation, sauf évidemment en Norvège, où le poisson demeure un aliment de prédilection. D'autre part, la consommation de l'Allemagne semble être arrivée à un plafond, alors qu'elle était à un très faible niveau. Au Japon, la situation est différente. La corrélation négative - quoique faible - entre la croissance du revenu et le volume de la consommation peut être interprétée dans le sens que l'augmentation des revenus a donné aux Japonais la possibilité de troquer leurs aliments de base contre d'autres denrées. La corrélation entre la croissance économique et la consommation de poisson est très forte en Chine, très probablement parce que l'aquaculture d'eau douce est sensible aux incitations du marché.

Source: N. Hishamunda, Département des pêches de la FAO.

Consommation 1988-1997 <20 kg/habitant

Pays

Coefficient de corrélation

Australie (18,4)

0,284

Autriche (8,0)

0,784

Belgique (17,7)

0,789

Chine (9,7)

0,998

Allemagne (11,2)

0,243

Irlande (16,6)

-0,009

Royaume-Uni (18,2)

0,862

Consommation 1988-1997 >20 kg/habitant

Pays

Coefficient de corrélation

Canada (22,6)

-0,574

Chili (22,3)

-0,076

France (27,9)

-0,257

Italie (20,7)

+0,729

Japon (72,1)

-0,626

Norvège (43,9)

+0,982

Suède (26,4)

-0,421

États-Unis (21,3)

+0,005

Le terme «poisson» désigne ici une vaste catégorie regroupant des produits de consommation variés, vendus sur les marchés de détail. Ces groupes comprennent des produits très différents d'un pays à l'autre et seul un petit nombre de ces produits sont commercialisés sur les marchés internationaux. Le commerce du poisson est encore dominé, en volume, par les produits intermédiaires, le plus souvent congelés, avec quelques catégories standard de produits salés, séchés et fumés ou en boîte. Toutefois, quelques aliments considérés comme des spécialités nationales arrivent peu à peu sur le marché international, qui offre aujourd'hui une vaste gamme de produits de ce type. Le poisson permet de satisfaire la plupart de ceux qui demandent des aliments variés, savoureux et sains, ou des produits exotiques. Le commerce international devrait continuer à croître rapidement et la composition des échanges à se modifier en faveur des produits finis à haute valeur marchande et au détriment des matières premières.

Dans les pays de l'OCDE, la croissance économique s'est traduite par une augmentation de la proportion de poisson à consommer hors de chez soi ou sous forme de produits prêts à manger. D'après une récente enquête sur la consommation de poisson au Japon1, entre 1965 et 1998, l'élasticité-revenu de la demande de poisson frais des ménages japonais était égale à - 0,26, ce qui signifie qu'à chaque fois que leur revenu moyen augmentait de 1 pour cent, ces ménages réduisaient de 0,26 pour cent leur demande de poisson frais (en volume). La consommation est néanmoins restée stable grâce à l'augmentation des quantités consommées dans les restaurants ou sous forme de produits prêts à manger.

Certains signes indiquent que, dans quelques autres pays, les consommateurs limiteront bientôt volontairement la quantité de poisson frais qu'ils mangent. Pendant les années 90, les changements de la consommation par habitant - exprimés en équivalent poids vif - ne semblaient pas être imputables à la croissance économique (voir encadré 17), tout au moins dans les pays les plus riches où la consommation de poisson était déjà supérieure à la moyenne mondiale à la fin des années 80. Il semble impossible de dire avec précision à quel niveau devrait se stabiliser la consommation de poisson dans un pays particulier, mais on peut raisonnablement partir du principe que dans la majorité des pays, ce chiffre se situera dans une fourchette allant de 20 à 40 kg/habitant/an. Ainsi, dans les pays où la consommation est très élevée, elle baissera, alors que dans ceux où elle est faible, elle augmentera. Ce sera, par exemple, le cas de l'Argentine, où la consommation de viande est depuis toujours élevée. D'après un rapport2, la consommation de poisson dans ce pays a doublé pendant les années 90, passant d'approximativement 4 kg à 9 kg par habitant et par an. Dans les pays en développement, le poisson reste un aliment vraiment essentiel. Il représente une part importante de la ration de protéines animales dans le régime alimentaire de nombreuses personnes. Au milieu des années 90, le poisson fournissait plus de 50 pour cent des protéines animales consommées par les populations de 34 pays. Plusieurs pays d'Asie et quelques pays d'Afrique entrent dans cette catégorie. Toutefois, le poisson n'est généralement pas une source de calories importante.

Dans les PFRDV, la consommation apparente de poisson a aussi augmenté au cours des dernières décennies (figure 43). Comme on l'a déjà vu (voir Vue d'ensemble), cette augmentation rapide est essentiellement due à une brusque expansion de la consommation apparente en Chine.

La figure 44 illustre la consommation apparente de poisson en Afrique. Pour l'ensemble du continent, l'offre a diminué et, dans quelques pays (par exemple Ghana, Libéria et Malawi), le régime alimentaire moyen contenait moins de protéines de poisson durant les années 90 que 20 ans plus tôt.

Dans la majorité des pays en développement, le poisson demeurera une source importante de protéines, mais il y aura toujours la possibilité d'exporter et de solides arguments macroéconomiques seront mis en avant pour que ces exportations soient autorisées et même encouragées. Ainsi, les pays ressentiront le besoin de promouvoir des programmes visant à mettre sur les marchés locaux des aliments de substitution, de préférence d'autres poissons, pour remplacer ceux qui sont exportés.

L'Afrique possède d'abondants stocks de petites espèces pélagiques dans les eaux côtières du nord-ouest et du sud-ouest. Ces espèces peuvent être exploitées à peu de frais et peuvent remplacer dans le régime alimentaire local des Africains les poissons de haute valeur qui sont exportés. Les pays riverains du golfe de Guinée voudront probablement mettre au point des stratégies communes avec des pays du nord-ouest et du sud-ouest de l'Afrique pour exploiter ces stocks qui permettront d'approvisionner les consommateurs locaux en poissons nourrissants à bas prix. Les organisations d'aménagement des pêches de la région, déjà en place, fourniront un mécanisme institutionnel pour coordonner les politiques nationales mises en œuvre dans ce but.

Dans quelques régions d'Asie, le poisson d'élevage pourrait remplacer les produits exportés de haute valeur sur les marchés locaux. En effet, presque tous les éleveurs de poisson, à l'exception des crevetticulteurs et des conchyliculteurs, vendent d'ores et déjà leurs produits sur les marchés locaux. Pris dans leur ensemble, les pisciculteurs sont en mesure de répondre à l'augmentation de la demande.

En Amérique du Sud, sauf dans les pays qui font face aux Caraïbes, la consommation de poisson est en général faible. Les populations consommatrices de poisson sont des communautés côtières qui n'auront guère de difficultés à s'approvisionner en aliments marins.

Par suite des tendances qui viennent d'être décrites pour la consommation, les échanges internationaux vont progresser - sans doute plus rapidement en valeur qu'en volume. Le commerce se développera de deux manières. Premièrement, dans les pays en développement, la transformation du poisson pour les marchés développés deviendra une source d'emplois très intéressante pour les gouvernements qui doivent permettre à certaines catégories de retrouver un emploi, en particulier aux artisans-pêcheurs et à leurs familles qui ont dû se déplacer. Dans ce contexte, le segment des aliments «prêts à consommer» est particulièrement attrayant, car il emploie beaucoup de main-d'œuvre. Cependant, la majorité des pays qui doivent importer du poisson pour couvrir la demande ont aussi des industries de transformation du poisson qui feront, bien entendu, tout ce qui est en leur pouvoir pour survivre, notamment en s'opposant à l'abolition des obstacles au commerce existants. La deuxième cause de l'expansion du commerce est que les pays en développement deviendront des marchés de plus en plus importants pour le poisson dans les prochaines décennies. Ils exporteront alors plus souvent vers des pays en développement voisins et vers d'autres marchés en développement. Par exemple, en Amérique du Sud, le Brésil restera probablement un gros importateur de poisson et ses importations viendront presque exclusivement d'autres pays producteurs d'Amérique du Sud.

LE POISSON EN TANT QUE SOURCE DE REVENUS

La plupart des individus deviennent pêcheurs ou éleveurs de poissons parce qu'ils comptent sur cette activité pour les faire vivre, eux et leur famille. Durant la première moitié du XXe siècle, en règle générale, personne n'interférait avec ce choix, et ceux qui n'étaient pas directement concernés ne s'occupaient guère des activités des pêcheurs et des aquaculteurs. Toutefois, au début des années 90, tout cela avait changé et les activités des pêcheurs et des pisciculteurs attiraient l'attention de la société civile, en particulier dans les économies développées. À en croire les ONG nationales et internationales, le principal motif de préoccupation était l'incapacité des gouvernements et des producteurs à prévenir les dommages causés aux ressources aquatiques vivantes lors de leur exploitation, ainsi qu'à l'ensemble de l'écosystème.

Voyant que cette inquiétude gagnait les pays voisins, les gouvernements et les représentants de l'industrie se sont résolus à en discuter dans des instances internationales. Ces débats ont débouché sur l'élaboration d'un certain nombre de plans d'action, de directives (pour la plupart volontaires) et d'accords internationaux visant à limiter les pratiques nuisibles dans le secteur des pêches de capture et de l'aquaculture.

Au plan mondial, ces accords ont eu un impact marginal tant du point de vue du volume de la production halieutique que de la création d'emplois. Alors même que ces initiatives étaient mises en œuvre, des progrès technologiques ont amélioré la productivité des pêcheries existantes et favorisé la création de nouvelles pêcheries. Les augmentations de la production qui en ont résulté ont largement compensé les éventuelles réductions dérivant des accords internationaux limitant les pratiques de pêche. Dans les pêches de capture, les principaux obstacles à l'accroissement de la production restent la productivité des ressources aquatiques sauvages et la possibilité économique et technologique de les récolter de manière durable.

Au cours des récentes décennies, les progrès technologiques introduits dans le secteur des pêches de capture se sont traduits par de rapides augmentations des volumes capturés par pêcheur et par an, en particulier dans les pêcheries industrielles. Comme les ressources halieutiques sont limitées (et les prix sous pression - en particulier dans le segment des produits de haut de gamme - en raison de l'expansion continue de la production aquicole), les stocks de poisson n'ont pas été suffisamment abondants ou productifs pour que tous les pêcheurs puissent rester en activité. Il s'ensuit que le nombre de pêcheurs actifs à temps plein est en baisse dans la plupart des pays de l'OCDE. Or, ces tendances se poursuivront. Étant donné que les pêcheurs se voient interdire l'accès aux pêcheries (dans le cadre d'une politique de contrôle et de réduction de l'effort de pêche qui a donné de bons résultats), que les technologies progressent et que la productivité (mesurée par le volume de poisson débarqué par pêcheur) s'accroît, une partie de ceux qui travaillent dans le secteur devront abandonner la profession.

Les débats internationaux sur les dégâts écologiques causés par la pêche - et, dans une certaine mesure, par l'aquaculture - ont attiré l'attention sur un problème que beaucoup de sociétés pourraient considérer comme relativement peu important; en fait, le principal problème est la perte continue de la rente économique dans le secteur des pêches de capture (encadré 18). Dans les pêcheries du monde entier, ces pertes sont considérables chaque année à cause du mauvais aménagement3. Il est probable que cette question prendra de plus en plus d'importance et que la société civile demandera aux gouvernements et au secteur de prélever ces rentes pour en faire bénéficier l'ensemble de la société. Les gouvernements devront probablement affronter ce problème au cours de la prochaine décennie. L'utilisation optimale des ressources marines deviendra un objectif commun, et l'accès des professionnels à la pêche sera limité et réduit, mais les progrès seront lents. Le rachat des navires de pêche industriels nécessaires coûte cher et, dans les pêcheries artisanales, des financements à long terme seront nécessaires pour permettre aux pêcheurs de trouver un autre emploi.


ENCADRÉ 18
Rente et prélèvement de rente

Dans la théorie économique, le terme «rente» s'entend du paiement pour l'usage d'une ressource quelconque (terre, main-d'œuvre, équipement, idées ou argent). Alors qu'à l'origine, le versement de la rente s'appliquait à la terre, dont l'indestructibilité était fondamentale, l'expression «rente économique» désigne aujourd'hui le paiement versé pour l'utilisation de n'importe quelle ressource dont la fourniture ne peut être détruite ni augmentée et ne dépend pas du prix, au moins à court terme.

Pour les ressources qui ne sont pas susceptibles d'appropriation privée, certains considèrent que l'ensemble de la communauté devrait faire payer aux utilisateurs de la ressource une partie de la rente économique. Cela peut être fait par le biais d'impôts, de redevances ou d'autres types de prélèvements sur les revenus réalisés par ceux qui exploitent la ressource considérée. Ces prélèvements auraient pour objet de favoriser une répartition équitable d'un «surplus» de revenu qui appartient, selon certains, à tous les membres de la communauté.

Dans le domaine des pêches, la rente s'entend généralement de la différence entre les recettes totales dérivant de la pêche et le coût total (estimé au coût d'opportunité) de l'utilisation des divers facteurs de production qui forment les actifs des entreprises qui participent à la pêcherie. Le coût total comprend les dépenses de remplacement des actifs. La rente est souvent considérée comme un «surprofit» largement supérieur au niveau normal.

Toutefois, il serait extrêmement complexe de concevoir un système permettant de retirer une rente économique des pêches, ne serait-ce que parce que, dans la plupart des pêcheries, il faut réduire considérablement l'effort de pêche avant d'instituer une rente. En outre, ce qui est «équitable» se définit généralement à travers des négociations entre les parties concernées; or, certaines feraient probablement valoir que, étant donné que depuis la nuit des temps le droit à la pêche a toujours été gratuit, il devrait le rester - au moins pour les communautés côtières.

Source: A. Lem, Département des pêches de la FAO.

L'allocation de contingents cessibles tend à se généraliser, en particulier dans les pêcheries monospécifiques industrielles. Or, la majorité des détenteurs de quotas en voudront un bon prix, et plusieurs stratégies permettent de se l'assurer. L'une d'elles est de s'assurer la présence d'un grand nombre d'acheteurs. C'est pourquoi, dans quelques pays, il est probable que des demandes seront présentées pour que soit autorisée la commercialisation des contingents au niveau international. Si cette autorisation se généralise dans les pêcheries des pays développés, des entreprises de pêche modernes des pays en développement chercheront probablement à acheter les contingents. Ils seront compétitifs car ils ont des coûts de la main-d'œuvre plus bas et des pêcheurs qui ne reculent pas devant les risques d'une profession qui est parmi les plus dangereuses du monde (voir Sécurité des pêcheurs p. 41). Cela pourrait marquer le début d'un renversement de la situation apparu vers la fin du dernier demi-siècle, lorsque les pays développés achetaient le droit de pêche dans les zones économiques exclusives (ZEE) des pays en développement. Malgré ces faits nouveaux, l'aménagement de toutes les pêcheries «nationales» continuera à relever de la juridiction des États qui ont les droits exclusifs sur les zones économiques élargies, et les acquéreurs des contingents devront respecter la législation nationale applicable aux eaux dans lesquelles ils sont valables.

Dans les économies développées, cette «internationalisation» des pêches maritimes nationales sera alimentée par la difficulté de recruter du personnel au long cours. La pyramide des âges des pêcheurs à temps plein est en train de changer. Au Japon, les pêcheurs âgés de 60 ans et plus représentaient 35 pour cent de l'effectif total de pêcheurs à temps plein au milieu des années 90, contre 14 pour cent en 19804.

Pendant la seconde moitié du XXe siècle, la pression de pêche sur les ressources côtières dans les pays en développement a accusé une augmentation constante. Les causes directes étaient l'accroissement démographique, la modernisation des méthodes de pêche, et la présence d'un nombre croissant d'acheteurs. Sous l'effet de l'intensification de l'effort de pêche, de plus en plus de stocks des eaux côtières étaient surexploités et la situation devenait critique pour de nombreuses communautés.

Quelques pays se sont attaqués à ce problème, en accordant à des organisations d'artisans-pêcheurs des droits de pêche exclusifs sur certains stocks (voir Droits de propriété et aménagement des pêches, p. 52) et en renforçant l'application des règlements interdisant certaines zones de pêche aux navires industriels dans les eaux côtières. Il devenait évident que si l'on ne donnait pas un peu de pouvoir aux organisations de pêcheurs locales, il deviendrait extrêmement difficile de limiter l'accès aux petites pêcheries artisanales tropicales. Tant que les économies seront pauvres, les paysans sans terre et les personnes sans emploi considéreront la pêche comme une possibilité de survie.

La promotion d'un meilleur aménagement des pêches artisanales et de l'aquaculture est d'autant plus justifiée que ces secteurs fournissent des emplois dans les zones côtières (marines et intérieures) et rurales qui sont souvent considérées comme économiquement et socialement défavorisées. En effet, les activités halieutiques sont souvent l'une des rares possibilités d'emploi, si ce n'est la seule, dont disposent les populations locales. Les pêches et l'aquaculture sont considérées comme un moyen de renforcer la sécurité alimentaire des communautés locales; d'accroître l'intégration géographique et économique des pays concernés; d'atténuer l'exode rural; et de créer une demande de biens et de services qui stimulent l'investissement, la décentralisation des activités économiques, la croissance économique et le bien-être social des régions.

Depuis quelques années, la contribution des pêches de capture aux approvisionnements en poisson comestible a diminué, alors que celle de l'aquaculture a augmenté. Pour l'ensemble du monde, à l'exclusion de la Chine continentale, les approvisionnements provenant de l'aquaculture sont passés de 1,6 kg par habitant et par an en 1991 à 2,12 kg en 1998. La même situation prévaut en Chine continentale où, au cours de la même période, la fourniture de produits aquicoles par habitant aurait augmenté de façon spectaculaire, passant de 6 kg à 17 kg. Il semble qu'aucun obstacle insurmontable ne s'oppose à la poursuite de la croissance de l'aquaculture. L'activité est de plus en plus reconnue en droit, de sorte qu'elle peut concurrencer sur un pied d'égalité les autres secteurs pour les ressources en terre et en eau, en aliments pour animaux, en main-d'œuvre, etc. Les externalités liées à l'aquaculture ont été identifiées, et il semble qu'un consensus ait été atteint sur le fait qu'elles doivent être combattues en demandant aux producteurs de prendre à leur charge la majeure partie des coûts qui, sans cela, incombent à des tiers.

À la fin des années 90, la majorité des pays ayant des secteurs aquicoles peu développés prévoyaient qu'ils s'accroîtraient rapidement. Beaucoup de tentatives échoueront, mais d'autres seront couronnées de succès, et de plus en plus de pays devraient se retrouver avec un secteur aquicole florissant. Cela garantira la croissance mais, par rapport à la production mondiale, les augmentations paraîtront insignifiantes et la majorité de l'expansion devrait dériver des entreprises locales. L'expansion de l'aquaculture viendra aussi probablement du fait que des entrepreneurs expérimentés apporteront leurs compétences, et parfois des espèces, d'un pays à l'autre, dans leur recherche de sites où produire pour un faible coût des produits pour lesquels il existe un marché international. Cela garantira une expansion de la production en Amérique latine et, de plus en plus, en Afrique.

La production asiatique continuera de progresser, mais le taux de croissance devrait se ralentir en Chine, lorsque ce pays accédera à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et s'ouvrira davantage aux importations alimentaires. La Chine pourrait devenir un débouché pour le poisson d'élevage produit dans les autres pays d'Asie.

PERSPECTIVES À MOYEN TERME:
LA CONSOMMATION DE POISSON EN 2010

La situation mondiale des pêches et de l'aquaculture 1998 estimait qu'en 2010 la demande mondiale de poisson de qualité alimentaire oscillerait entre 105 millions de tonnes et 110 millions de tonnes, pour une offre disponible d'environ 105 millions de tonnes, plus 30 millions de tonnes à convertir en aliments pour animaux. Aucune pression à la hausse significative sur les prix moyens du poisson n'était prévue. L'accroissement des approvisionnements provenant des pêches de capture ne devait se matérialiser que vers la fin de la première décennie du nouveau siècle, grâce à l'amélioration de l'aménagement. Ces estimations se fondaient entre autres sur les données sur la population des Nations Unies pour 1996.

En 1998, les projections de population des Nations Unies ont été révisées à la baisse5 et, d'après les nouvelles projections à moyen terme, la population mondiale atteindrait 6 795 millions d'habitants en 2010, soit une baisse de 96 millions par rapport à l'estimation publiée en 1996.

En 1999, la Banque mondiale prévoyait que l'économie mondiale dans son ensemble aurait un taux de croissance plus rapide entre 1999 et 2008 que pendant la décennie précédente. Selon les projections concernant cette période, la croissance mondiale par habitant du PIB devrait donc atteindre 1,9 pour cent, contre 1,1 pour cent selon les projections antérieures de la Banque mondiale6.

D'après les récentes projections de la FAO concernant la viande7, la consommation par habitant dans le monde devrait croître d'environ 0,7 pour cent par an jusqu'en 2015. Ce rythme est plus lent que celui projeté pour la croissance du PIB par habitant. Dans les pays industrialisés, la consommation devrait progresser légèrement, mais augmenter dans toutes les régions des pays en développement; on prévoit une expansion très rapide en Asie de l'Est, mais un niveau de consommation encore faible en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud.

Quelles sont les implications de ce qui précède pour les projections faites dans La situation mondiale des pêches et de l'aquaculture 1998? Globalement, il n'y a pas de grands changements - peut-être une légère révision à la baisse de l'ensemble des estimations de la demande mondiale. D'un côté, la réduction de l'estimation projetée de la population pour 2010 est mineure, d'environ 1,4 pour cent. De l'autre, cette population moins nombreuse que prévu devrait être un peu plus riche que ne l'indiquaient les projections d'il y a quelques années. Dans les pays de l'OCDE, l'augmentation de la richesse ne devrait pas entraîner d'accroissement significatif du volume de la production, mais les dépenses liées au poisson devraient augmenter et être davantage orientées vers des produits finis importés.

Dans les pays en développement d'Asie, en général, l'offre insuffisante des pêches de capture devrait être contrebalancée par un accroissement de la production aquicole; dès la fin des années 90, l'essentiel de la production aquicole (en volume) approvisionnait déjà les consommateurs locaux et non les marchés de l'OCDE. C'est pourquoi on prévoit une expansion continue de la consommation dans ces pays pendant la prochaine décennie.

Dans les autres pays en développement, en particulier en Afrique, l'offre locale de poisson pourrait continuer à décliner, vu le temps qu'il faut pour instituer des contrôles de l'effort efficaces dans des pêcheries multispécifiques surexploitées par un grand nombre de pêcheurs venus de multiples centres de débarquement. De plus, dans le secteur aquicole, les améliorations devraient être focalisées sur les produits de haute valeur et, par conséquent, sur les marchés d'exportation.

Il n'est pas du tout certain qu'une augmentation générale de la richesse dans les PFRDV non asiatiques se traduira effectivement par une augmentation de la production et de la consommation de poisson dans ces pays. La production pourrait stagner dans de nombreux États et, comme les transformateurs de poisson locaux auront probablement toujours accès à des marchés extérieurs lucratifs, les approvisionnements locaux risquent de diminuer. De fait, les prix réels du poisson pourraient monter dans les pays en développement, ce qui tendra à annuler l'effet éventuel de l'accroissement de la prospérité sur la demande. Il est pratiquement exclu que des obstacles à l'exportation soient introduits pour protéger la sécurité alimentaire.

Toutefois, ce scénario pessimiste ne devrait pas s'appliquer aux PFRDV dans lesquels le secteur des pêches est un pilier de l'économie nationale (par exemple la Namibie, la Mauritanie et les Maldives). C'est l'importance du secteur des pêches qui créera le besoin, la volonté et les moyens de l'aménager.


ENCADRÉ 19
Consommation de poisson et
élasticités-revenus à long terme

Les élasticités sont des mesures à l'aide desquelles les économistes analysent la sensibilité de l'offre et de la demande par rapport au prix. La demande de tout produit est influencée, non seulement par les prix des produits et de leurs substituts mais, aussi et surtout, par les revenus des acheteurs. L'élasticité-revenu mesure la réactivité de la demande de produits (mesurée par la quantité demandée) aux variations des revenus des acheteurs.

Les élasticités-revenus à court terme se calculent pour des périodes de temps déterminées, les prix des produits étant constants. Elles se réfèrent normalement à un produit particulier, mais peuvent aussi être calculées pour un groupe de produits, ou pour des périodes plus longues.

La plupart des produits sont des articles standard avec des élasticités-revenus positives, ce qui signifie que la demande augmente avec le revenu; les élasticités-revenus sont parfois négatives pour des produits inférieurs. Ainsi les poissons à très bas prix tels le maquereau, le suary et le chinchard sont considérés des aliments inférieurs.

En valeur absolue, les élasticités à long terme sont plus faibles que les élasticités à court terme, sans doute parce que des produits de substitution moins chers deviennent disponibles au fur et à mesure que le temps passe, que les technologies progressent et que les consommateurs développent des goûts et des préférences pour d'autres produits. D'après les études internationales, il apparaît clairement que la plupart des élasticités-revenus historiques des produits de la pêche sont relativement faibles, ce qui est le signe d'une réponse faible ou modérée de la demande aux augmentations de revenu, même si la relation est positive. Toutefois, les élasticités-revenus diffèrent considérablement d'un pays à l'autre.

Autant il est relativement simple de calculer des élasticités-revenus historiques, autant il est difficile de les prévoir, et ce d'autant plus que la période considérée est longue. Si l'on voulait essayer de prévoir l'élasticité-revenu à appliquer à une prévision sur 30 ans concernant le poisson, il faudrait prendre en considération d'innombrables facteurs, notamment: les habitudes alimentaires du groupe de consommateurs concerné; le fait que les prix vont changer (alors que l'on part de l'hypothèse inverse pour les élasticités); le fait que les produits sont modifiés (et deviennent parfois des produits différents); les modifications des modèles de consommation au fur et à mesure que le revenu disponible augmente, tout au long de la période considérée; le niveau de la consommation de poisson déjà atteint au début de la période; et le fait que les consommateurs remplaceront les produits peu chers par d'autres plus coûteux.

Source: A. Lem, Département des pêches de la FAO.

Il n'y a donc, semble-t-il, aucune raison d'apporter des modifications significatives aux prévisions de consommation de 1998. Toutefois, comme l'Asie est le centre de la consommation mondiale de poisson (avec les deux tiers du total mondial à la fin des années 90), l'évolution de la consommation dans le monde dépendra de ce qui se passe sur ce continent. Comme la croissance économique projetée en Asie stimulera à la fois la demande et la production dans cette partie du monde, il serait peut-être plus réaliste de prévoir pour 2010 une consommation d'au moins 110 millions de tonnes. Cela implique que, pour l'ensemble du monde, la consommation par habitant sera légèrement plus élevée (16,1 kg) qu'elle ne l'était à la fin des années 90. Seul un progrès décisif dans l'aquaculture à faible coût de production (par exemple, une diffusion extrêmement rapide de l'élevage de tilapias en Amérique latine et en Afrique) pourrait altérer cette prévision. Une diffusion plus rapide que prévu des bonnes pratiques de gestion dans les pêcheries artisanales pourrait aussi justifier une révision - mais cette éventualité est pratiquement exclue pour la première décennie du nouveau siècle.

PERSPECTIVES À LONG TERME:
QUELQUES CHANGEMENTS POSSIBLES
DANS LA STRUCTURE DE LA PRODUCTION
ET DE LA DEMANDE

En 2030, l'aquaculture sera la principale source d'approvisionnement en poisson, et moins de la moitié des aliments marins consommés proviendront des pêches de capture. Le rôle des pêches de capture dans les économies des pays actuellement membres de l'OCDE aura encore diminué avec l'accroissement de la part des pays en développement dans les captures et leur transformation. Grâce au faible coût de la main-d'œuvre, ces économies seront compétitives aussi bien au niveau de l'industrie de transformation, qui emploie beaucoup de main-d'œuvre, qu'au niveau de la pêche proprement dite, en raison de la disponibilité de marins pêcheurs. Dans les pays riches, une proportion croissante des poissons consommés seront importés et, comme ces pays voudront acheter le poisson le moins cher possible, il est probable que la majorité des obstacles au commerce seront abolis dans les économies développées.

L'aquaculture connaîtra une expansion géographique, du point de vue des espèces élevées et des technologies adoptées. Il est très peu probable que l'Asie continue à dominer aussi fortement la production que durant les années 90. La mariculture représentera une plus grande part de la production totale, surtout si des technologies d'élevage en haute mer deviennent viables.

Grâce à la croissance économique des 30 prochaines années, un plus grand nombre de personnes consommeront du poisson de manière régulière et habituelle. Une vaste gamme de produits seront consommés - mais la quantité totale de produits consommés par personne et par an ne variera pas de façon significative. À la fin des années 90, environ 10 pour cent de la population mondiale semblait avoir déjà atteint ce stade, en ce sens que sa consommation de poisson, en volume, stagnait. En 2030, les consommateurs de cette catégorie seront un peu plus nombreux, principalement en Europe, mais aussi dans quelques pays de l'Est asiatique. Toutefois, comme la croissance démographique sera plus lente dans les pays riches que dans les régions pauvres, la proportion de la population mondiale dont la consommation aura atteint un plafond (en volume) n'aura pas sensiblement augmenté et ne devrait pas dépasser les 20 pour cent en 2030.

Ainsi, au cours des prochaines décennies, dans la majorité des pays de l'OCDE, le volume total de poisson consommé ne variera pas de façon significative, et les changements qui interviendront dépendront sans doute plus des fluctuations de la taille de la population que d'un accroissement des revenus réels disponibles. Il ne faut pas en déduire que la consommation par habitant n'augmentera pas, en valeur, car les consommateurs privilégieront les produits chers; ils achèteront notamment des produits à base de poisson prêts à consommer et remplaceront les poissons à bas prix par des aliments marins coûteux.

En ce qui concerne les 80 pour cent de la population mondiale qui sont encore susceptibles d'accroître le volume de poisson qu'ils consomment, les prévisions sont complexes. Autant il est facile d'extrapoler l'effet de la croissance démographique en se basant sur les projections de l'ONU et sur la consommation apparente par habitant enregistrée, autant il est plus difficile de faire des prévisions réalistes sur la manière dont la demande réagira à l'augmentation des revenus et aux changements relatifs des pris réels des produits de substitution.

Les prévisions à court terme, c'est-à-dire à un ou deux ans, sont habituellement faites sur la base d'un calcul des élasticités de la demande par rapport à la croissance du revenu, en supposant que les prix restent stables. Pour une catégorie comme le poisson, qui comprend une vaste gamme de produits différents (qui peuvent donc se substituer entre eux) et pour une période aussi longue que 30 ans, la détermination de l'élasticité appropriée à appliquer (encadré 19) est complexe. La FAO travaille à l'élaboration de prévisions à long terme, dans le cadre d'une double approche. Dans la première, à laquelle elle a travaillé en association avec deux centres GCRAI8, un exercice de modélisation sur ordinateur a été élaboré. La deuxième approche consiste en une série d'enquêtes approfondies sur la consommation future de poisson dans les principaux pays consommateurs. Les résultats des deux approches seront publiés en 2001. 

1 FAO. Prediction of demand for fish in Japan par M. Tada. Rome. (en préparation)
2 M. I. Bertinotti, E. Errazti, A. Pagani et J. Buono. Sector pesquero Argentino. 17 pages. Instituto Nacional de Desarrollo Pesquero/Universidad Nacional de Mar del Plata, Argentine. (document ronéotypé)
3 Il existe de nombreux rapports sur ces pertes. Une étude de modélisation bioéconomique de quelques pêcheries démersales du golfe de Thaïlande, réalisée au milieu de l'an 2000, a conclu que, pour deux des pêcheries concernées, les pertes pourraient se monter à 200 millions de dollars EU par an. Toutefois, la réduction de l'effort nécessaire pour récupérer cette perte serait importante et coûteuse à mettre en œuvre.
4 Gouvernement du Japon. 1980 et 1997. Fishery statistics of Japan. Statistics and Information Department, Ministry of Agriculture, Forestry and Fisheries of Japan. Tokyo.
5 United Nations Population Division. 1998. World population prospects: the 1998 revision. New York.
6 FAO. 2000. Agriculture: towards 2015/30, p. 27. Technical Interim Report. Rome.
7 Ibid., p. 75.
8 L'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), Washington, et le Centre international d'aménagement des ressources bioaquatiques (ICLARM), Penang, Malaisie.

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