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2. SITUATION DES RESSOURCES GENETIQUES FORESTIERES


2.1. Domaines phytogéographiques du pays
2.2. Utilisation des espèces forestières
2.3. Menaces sur les ressources génétiques forestières

2.1. Domaines phytogéographiques du pays

Le couvert forestier du pays est estimé en 1995 à 1,245 millions d’hectares dont 1,224 million d’hectares de forêts naturelle (FAO, 1999). La flore du Togo englobe des éléments de la forêt humide ouest - africaine et des savanes situées au nord de l’équateur et l’endémisme y est peu prononcé (Ern, 1984). Compte tenu des conditions physiques et géographiques du pays, sa végétation naturelle peut se diviser en 5 zones (Fig. 2, tirée de Ern, 1984). Ces zones ne correspondent pas nécessairement au découpage administratif.

Les plaines du nord (zone 1)

Elles comprennent les plaines du nord Togo. Le sol est du type latéritique encroûté, entrecoupé par les «Dembos» comme par exemple la «Fosse aux lions» au sud de Dapaong ou par des vallées fluviales inondables (vallées de l’Oti) avec leurs formations végétales azonales.

L’association climacique de cette zone, dans les domaines à l’abri de l’influence des eaux de crues et des nappes phréatiques, est constituée de forêts sèches où les Légumineuses et les Combrétacées constituent une strate arborescente de 8 à 10 m accompagnéee de quelques Anarcadiacées, Burséracées, Sterculiacées, etc. Les espèces ligneuses les plus fréquentes de ces forêts sont: Acacia spp., Anogeissus leiocarpa, Combretum glutinosum, Entada africana, Lonchocarpus laxiflorus, Parkia clappertoniana, Sclerocarya birrea, Sterculia setigera, Stereospermum kunthianum, Tamarindus indica, Terminalia laxiflora et Vitellaria paradoxa. Dans les savanes sèches issues de la dégradation de ces forêts par les activités anthropiques, on note la forte présence des espèces ligneuses épineuses et résistantes aux feux et au broutage comme Acacia spp., Balanites aegyptiaca, Bauhinia rufescens, Burkea africana, Chochlospermum tinctorim, Detarium microcarpum, Guiera senegalensis et Pterocarpus erinaceus. Le long des cours d’eau, l’on rencontre des forêts galeries caractérisées par Berlina grandiflora, Borassus aethiopum, Diospyros mespiliformis, Flemingia faginea, Celtis integrifolia, Daniellia oliveri, Khaya senegalensis et Vitex doniana.

Fig.2 : Les zones écologiques du Togo (Tiré de Ern, 1984)

La zone des montagnes du nord (zone 2)

Elle comprend essentiellement la branche nord des Monts Togo. La longue saison sèche et la forte exposition à l’Harmattan y déterminent un type de végétation totalement différent de celui de la branche méridionale de cette montagne. Sur les sols pierreux à rocheux du flanc des montagnes de cette zone, croît une foret sèche constituée presque exclusivement de Isoberlinia dalzielii, Isoberlinia doka, Monotes kestingii et Uapaca togoensis. Il s’agit des «Forêts Miombo du Nord» au sens de Keay (1952b cité par Ern 1984). La destruction de ces formations amène dans les parties montagneuses à la mise à nu du sous-sol rocheux sur lequel se développent alors des association de broussailles caractérisées par Bombax costatum, Dalbergia hostilis, Entada wahlbergii, Euphorbia poissonii, Hymenodictyon floribundum, Protea madiensis var. elliottii et Steganotaenia araliacea.

La zone des plaines du centre (zone 3)

Elle comprend les grandes étendues plates du centre du Togo avec des altitudes entre 200 et 400 m, une seule saison des pluies, une saison sèche de 5 mois ou moins et des sols latéritiques très étendus. En raison de la forte présence des mouches tsé tsé dans cette zone, il n’y a pas d’élevage de gros bétail.

La végétation climacique est constituée de forêts sèches, comme on peut en voir près de Blitta ou dans la forêt d’Abdoulaye au sud Sokodé. La strate arborescente, d’environ 30 m de haut, comprend les espèces telles que Afzelia africana, Anogeissus leiocarpa, Celtis spp., Diospyrios mespiliformis, Erythrophleum guineense et Khaya senegalensis. Les savanes guinéennes qui s’y retrouvent sont composées d’arbres et d’arbustes aux feuilles relativement grandes. Les espèces caractéristiques sont Afzelia africana, Burkea africana, Chochlospermum planchonii, Daniellia oliveri, Entada abyssinica, lophira lanceolata, Nauclea latifolia, Piliostigma thonningii, Prosopis africana, Xeroderris stuhlmanii, etc. Les galeries forestières sont très riches en espèces; les plus régulièrement présentes sont Albizzia coriaria, Albizzia zygia, Celtis spp. Cola gigantea var. glabrescens, Elaeis guineensis, Erythrophleum guineense, Lonchocarpus sericeus, Platycerium cf. angolense et Pterocarpus santalinoides.

La section méridionale des Monts du Togo (zone 4)

Cette zone se distingue des autres zones écologiques du pays par le fait qu’elle est seule à comporter d’authentique forêts du type semi - sempervirent (Knapp 1973 cité par Ern 1984). C’est au bas des versants et dans les vallées des montagnes du sud-ouest du Togo que, grâce à une importante humidité atmosphérique, des sols profonds, des précipitations d’origines orographiques et à l’abri de l’harmattan que sont réunies les conditions du développement de forêts tropicales semi-sempervientes. Les espèces caractéristiques sont les suivantes: Albizia spp., Aubrevillea kerstingii, Daniellia thurifera, Distemonanthus benthamianus, Erythrina milbradeii, Hildegardia barteri, Khaya grandifoliola, Milicia excelsa, Morus mesozygia, Musanga cecropioides, Piptadeniastrum africanum, Triplochiton scleroxylon. Le long des cours d’eau, on trouve Cathormion altissimum, Entada pursaetha, Pentaclethra macrophylla et Pterocarpus milbraedii.

La région côtière du sud (zone 5)

Cette zone se présente du point de vue physionomique et en grande partie, comme une continuation des savanes humides de la zone 3. Elle se distingue cependant par un climat à deux saisons des pluies. Dans les rares résidus de forêts qu’on y trouve, on note la présence des espèces comme Albizzia adianthifolia, Albizzia ferruginea, Albizzia glaberrima, Antiaris toxicaria subsp. welwitschii var. africana, Millettia thonningii, Spathodea campanulata. La degradation des forêts feuillues du sud du pays conduit soit à d’épais fourrés riches en buissons sempervirents comme Zanthoxylum zanthoxyloides, soit à des savanes qui se distinguent du point de vue floristique des savanes humides de la zone 3, par entre autres l’absence constante de Daniellia oliveri.

2.2. Utilisation des espèces forestières

Thiam (1991) estime à 100 milliards FCFA, la contribution annuelle du secteur forestier au PIB (soit 10 %) si l’on prend en compte l’ensemble des filières d’exploitation (pharmacopée, confection des éponges, cure-dents, cueillette de fruits et légumes sauvages). Ce secteur utilise près de 85 000 personnes (artisans, fournisseurs de bois de feu, etc.) dans le secteur informel et 759 agents et techniciens forestiers de la fonction publique. Dans les différentes forêts en effet, les populations s’approvisionnent en divers produits ligneux ou non pour des fins énergétiques, alimentaires, médicinales ou économiques. Les écosystèmes les plus riches en ces produits ligneux et non ligneux divers se trouvent selon Kadévi (2001), dans les zones écologiques 2 (Montagnes du Nord) et 3 (plaines du Centre).

Utilisations alimentaires

Il existe une quantité importante de légumes provenant d’essences forestières au Togo. Il en est de même des fruits et des graines qui font l’objet soit de consommations domestiques soit d’un commerce national ou même international (Kadévi 2001). Les fruits des espèces telles que Vitellaria paradoxa, de Parkia biglobosa, Diospyros mespiliformis, Sarcocephalus esculentus, Tamarindus indica, Vitex cuneata sont largement consommés. Les feuilles sont utilisées comme sauces (feuille de Adansonia digitata, Ceiba pentandra, Vitex cuneata, gousse de Bombax costatum, etc.) et comme cure-dent (Bauhinia thonningii, Pterocarpus erinaceus, Anogeissus leiocarpus, Prosopis africana, Garcinia afzelii, etc.).

Utilisations médicinales

Près de 80 à 90% de la population rurale principalement, font recours aux plantes médicinales (feuilles, écorces, et racines) pour se soigner en raison des moyens financiers insuffisants, de l’éloignement parfois des formations sanitaires et aussi de la spécificité de certains cas pathologiques. Les essences forestières qui fournissent ces produits sont selon Kadévi (2001): Khaya senegalensis, Rauwolfia vomitoria, Anthocleista nobilis, Alstonia congensis, Bridelia ferruginea, Chochlospermum tinctorium, Securinega virosa, Combretum micranthum, Alchornea cordifolia, Nauclea latifolia, Newbouldia laevis, Afzelia africana, Annona senegalensis, Guiera senegalensis, etc.

Utilisations comme fourrage

Une quantité importante de plantes fourragères est quotidiennement consommée dans la ville de Lomé et ses environs (Kadévi 2001). Les principales espèces ligneuses fourragères concernées sont entre autres Griffonia simplicifolia, Leucaena leucocephala, Afzelia africana, Nauclea latifolia, Daniellia oliveri, Pterocarpus erinaceus, Vitex sp., etc. Ces espèces qui se récoltaient jusque dans les années 80 dans les alentours immédiats de Lomé, ne peuvent être trouvées de nos jours qu’au delà d’un rayon de 20 à 30 km de la ville (Kadevi, 2001).

Utilisations comme bois-énergie

La principale énergie de cuisson provient des ressources ligneuses non transformées ou transformées en charbon de bois. Les différentes enquêtes d’économie de bois-énergie faite au plan national (Thiam, 1991) ou au niveau de certaines villes (Tsévié, Sokodé, Kara et Atakpamé) montrent clairement une forte tendance à l’utilisation du charbon de bois par les urbains, ce qui constitue globalement dans la société, un signe de changement de standing de vie. Cette utilisation de combustibles ligneux se fait sous trois formes: bois uniquement, charbon uniquement ou l’association des deux. Thiam (1991) estime la consommation individuelle de bois de feu à 347 kg. Cette consommation est beaucoup plus élevée que celle des populations du sahel. Les essences les plus utilisées sont celles à densité élevée telles que Hymenocardia acida, Anogeissus leiocarpus, Terminalia glaucescens, Isoberlinia doka, etc. Mais avec l’appauvrissement de plus en plus prononcé des formations végétales en ces espèces, les populations ont tendance à utiliser toutes sortes de ligneux comme bois de feux.

Utilisations comme bois d’œuvre et de service

Environ 24.000 m3 de bois de service et de bois d’œuvre sont prélevés par an, soit l’équivalent à la moitié des besoins nationaux.

2.3. Menaces sur les ressources génétiques forestières

La couverture végétale du Togo montre dans toutes les régions accessibles et non protégées l’influence humaine qui a mené à une dégradation forte et continue (Ern, 1994). Entre 1990 et 1995, le Togo a perdu près de 93 000 ha de forêts soit un taux de déboisement annuel de 1,4% (FAO, 1999). Les causes de cette dégradation sont principalement la production et la vente du bois de feu et du charbon surtout le long des grandes routes, les feux de brousse au cours de la saison sèche et les défrichements à buts divers (Ern, 1979 cité par Ern, 1984).

Impact de l’agriculture sur les espèces et populations forestières

Le système agricole caractérisé par la production du type sémi-sédentaire fait appel à l’usage courant de la jachère naturelle comme moyen de régénération des sols. C’est la méthode la plus généralisée sauf dans les zones à forte densité humaine où la jachère a disparu depuis longtemps. C’est le cas de l’Est de la Région Maritime, l’Est de la Région Kara, l’Ouest de la Région des Savanes. La taille des exploitations familiales (de 10 personnes en moyenne) est très variable. Elle est de 5 à 10 hectares dans la Région des Plateaux et du Centre où les terres sont encore disponibles et de 0,25 hectares dans les zones de forte densité humaine.

On assiste dans le pays à une dégradation progressive alarmante des potentialités naturelles qui se manifeste par une disparition des formations forestières riches au profit des savanes arbustives. Le défrichement se fait à un taux de 15 000 ha/an selon N’na Sary (2000). Dans la recherche de terres propices à l’agriculture, les galeries forestières sont entamées voire détruites pour être remplacées par des cultures. Ce phénomène s’est accentué depuis le début des années 1970 avec l’introduction de nouvelles variétés de caféier qui nécessitent de bons sols et beaucoup d’ensoleillement pour son développement. Beaucoup d’espèces disparaissent ainsi du fait de la destruction de leur biotope. C’est le cas de Ancistrophyllm secundiflorum, Cyathea camerooniana, Drynaria laurentii, presque endémiques des forêts du plateau de Danyi. La dégradation des écosystèmes forestiers de la région montagneuse du sud-ouest a entraîné la disparition des espèces végétales constitutives dont plusieurs sont originales (Anonyme, 1998). On peut citer Catharanthus roseus, Rauwolfia vomitoria et Strophanthus spp.

Impact de l’élevage sur les espèces ligneuses forestières ou les populations

Pour l’ensemble du pays, l’effectif total du cheptel équivaut à 351 683 UBT (Unité Bovin tropical) dont 50% en UBT-Bovin et 50% en UBT petits-ruminants (Sinsin, 1995). Ceci démontre la place prépondérante qu’occupe l’élevage des petits ruminants au Togo.

L’analyse comparative du taux de charge et de la capacité de charge des diverses régions du Togo révèle selon les travaux de Sinsin (1995) que les régions situées dans le Nord du pays (les régions de Savanes et de Kara) sont généralement déficitaires en pâturages pendant la saison sèche. La région des Savanes connaît une surcharge saisonnière de 22%. Dans la région de Kara, le taux de charge est inférieur à la capacité de charge de saison sèche mais il existe des disparités entre les sous-régions. La sous-région de Kara-est est relativement plus chargée. Cependant, dans les autres régions du Sud et de Centre, les taux de charge sont nettement inférieurs aux capacités de charge saisonnières des pâturages.

En raison de ces cas de surcharges saisonnières, pendant la saison sèche, les fruits et principalement les feuilles de certains ligneux constituent environ 20 % de l’alimentation du bétail généralement en divagation. Il s’agit des espèces ligneuses fourragères telles que Daniella oliveri, Parkia biglobosa, Faidherbia albida, Bauhinia thonningii, Prosopis africana. Elles subissent des mutilations répétées et ceci conduit à leur raréfaction dans certaines régions du pays en l’occurrence la Région des Savanes et celle de Kara. L’exemple le plus illustratif est celui de Daniellia oliveri et Pterocarpus erinaceus, des espèces hautement appétées en voie d’extinction dans l’Est de la Région de la Kara, et dans la Région des Savanes en général.

Exploitation forestière (bois d’œuvre et produits forestiers non ligneux)

L’intensité moyenne d’exploitation des forêts naturelles du pays pour le bois est estimée à 10 m3/ha selon FAO (1990). Cette valeur est nettement en dessous de la moyenne de la région Ouest - Africaine qui est de 16 m3/ha. Cependant, l’exploitation abusive de certains espèces de bois d’œuvre depuis des décennies contribue à leur disparition de la flore du pays (Anonyme, 1998). Il s’agit de Milicia excelsa et de Khaya senegalensis.

Toute la production de bois-énergie dans le pays est entièrement consommée (FAO, 1999). Elle est évaluée à 2,189 millions de m3. La crise du bois énergie est bien perceptible dans le pays. Prosopis africana dont le charbon de bois est très apprécié des ménagères, des forgerons pourrait disparaître très bientôt de la Région Centrale par suite de l’exploitation.

L’utilisation de certaines espèces végétales dans la médecine traditionnelle constitue aussi une source de menace des ressources génétiques forestières du pays. En effet, le prélèvement des racines de certaines plantes conduit souvent à leur mort. De nos jours, avec le regain d’intérêt pour l’ethnomédecine et la paupérisation des populations tant urbaines que rurales, on assiste à la disparition des espèces végétales les plus recherchées.

Autres sources de menace

Les feux de brousse qui parcourent chaque année les savanes et les itérations climatiques caractérisées par une baisse de la pluviométrie accompagnée d’une augmentation de température, sont préjudiciable au développement des plantes. Cela se note à l’examen des diagrammes ombrothermique de Tabligbo et de Mango où la température moyenne augmente de 0,5°C tous les dix ans concomitamment à une baisse de la pluviométrie. Ces facteurs ont conduit à la raréfaction ou la disparition pure de certaines espèces dans des milieux à forte densité humaine ou dans des zones contiguës au Sahel ayant ressenti le plus, les effets de sécheresse. Il s’agit de Garcinia kola, Garcinia afzelii (donnant les cure-dents), Dorstenia walleri, Botrichium chamaeconhlm, Parillari sp, Polyscia pulva, Anogeissus leiocarpus, Faidherbia albida, Borassus aethiopum.


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