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Partie IV
Les aliments

Chapitre 25

Tables de composition des aliments, besoins nutritionnels et bilans alimentaires

Différents outils sont utilisés pour évaluer la situation nutritionnelle de groupes de personnes, notamment des familles, des communautés et des nations. Les tables de composition des aliments fournissent un moyen d'estimer la teneur en nutriments des aliments consommés par la population étudiée. Les tables des besoins en nutriments ou apports alimentaires recommandés (AAR) indiquent soit les besoins journaliers conseillés pour chaque nutriment important jugé nécessaire pour maintenir un état nutritionnel satisfaisant, soit les taux qu'il faut atteindre pour les apports en nutriments. Ces taux offrent généralement une marge de sécurité; ils sont établis un peu au-dessus des besoins physiologiques des individus, excepté en ce qui concerne l'apport énergétique. En général, les besoins conseillés et les AAR sont conçus pour être utilisés pour des groupes de personnes et non pour un individu. L'évaluation de l'état nutritionnel d'un individu doit être basée sur sa consommation alimentaire (convertie en consommation journalière de nutriments à partir des tables de composition des aliments), un examen clinique, une évaluation biochimique, les variables anthropométriques et éventuellement d'autres examens.

Les bilans alimentaires sont utilisés pour fournir des données sur les aliments disponibles au niveau national pour la population entière. La FAO aide de nombreux pays à rassembler des données sur les estimations de la production alimentaire, les importations, les exportations et les autres usages alimentaires de façon à donner une idée de la nourriture disponible sur une année précise pour la population d'un pays. Si les chiffres concernant la population sont disponibles, les disponibilités alimentaires moyennes peuvent alors être calculées. Grâce à l'utilisation des tables de composition des aliments, on peut ensuite les convertir en disponibilité nutritive moyenne (par exemple, la disponibilité journalière - ou annuelle - énergétique, protéique et de tout autre micronutriment important) par habitant.

Les tables de composition des aliments, les estimations sur les besoins en nutriments ou apports alimentaires et les bilans alimentaires sont des outils utilisés de plusieurs manières et pour différents usages par les personnes désirant évaluer la situation nutritionnelle de groupes de personnes ou de pays.

TABLES DE COMPOSITION DES ALIMENTS

Une table de composition des aliments consiste généralement en une liste d'aliments pour lesquels on indique les teneurs respectives en certains nutriments. L'annexe 3 donne une table succincte du contenu nutritif des aliments le plus couramment consommés dans les pays en développement. Cette table figure en annexe à ce livre pour que le lecteur spécialisé puisse, grâce à un seul ouvrage, estimer, par exemple, la consommation en nutriments de certains groupes de personnes ou calculer la teneur en nutriments d'un régime alimentaire donné ou recommandé, alimentation des collectivités ou rations d'urgences par exemple.

On trouve des données plus complètes sur la composition des aliments dans de nombreux livres qui sont utiles dans le cadre de recherches ou pour des études nutritionnelles. On peut citer: Composition of foods - raw, processed and prepared, du Département de l'agriculture des Etats-Unis, en plusieurs volumes, dont la première édition, USDA Handbook No. 8, remonte à 1963 et qui a été mis à jour en 1984; les différentes publications de McCance et Widdowson The composition of foods et leurs suppléments; les ouvrages sur la composition des aliments concernant soit des zones géographiques particulières (dont certains publiés par la FAO), soit des pays en développement particuliers, soit encore certains types de nutriments.

La table de composition des aliments de l'annexe 3, extraite de la publication Gestion des programmes d'alimentation des collectivités (FAO, 1995), donne le contenu nutritif par portion comestible de 100 g de chaque aliment répertorié. Les nutriments indiqués, choisis pour leur importance dans les pays en développement, sont l'énergie, les protéines, les lipides, le calcium, le fer, la vitamine A, la thiamine, la riboflavine, la niacine, le folate et la vitamine C. Les lecteurs désireux de connaître la teneur en autres nutriments tels que le zinc, le sélénium ou la biotine, devront se référer à des tables de composition des aliments plus détaillées.

Certaines tables donnent la teneur en nutriments dans ce qu'on estime être une portion normale plutôt que par ration pesée; d'autres préfèrent les données sur les nutriments que l'on trouve dans différents aliments préparés plutôt que dans les aliments crus, comme c'est le cas de l'annexe 3, qui, elle donne le contenu nutritif de la farine de blé mais aussi du produit préparé, le pain; en fait, très peu d'aliments préparés y sont mentionnés. Ainsi, on trouvera le contenu nutritif du maïs mais pas celui des tortillas que l'on consomme en Amérique centrale, ni celui de l'ugali, un plat à base de maïs de l'Afrique de l'Est. Par souci de simplicité et de façon à faciliter l'utilisation de la table, les aliments sont répertoriés par catégories.

Une mise en garde est nécessaire pour ceux qui utilisent les tables de composition des aliments. Les chiffres donnés pour un nutriment particulier dans un aliment spécifique sont basés sur les analyses d'échantillons de cet aliment. Toutefois, la teneur en nutriments des aliments varie, selon le pays et le climat où on les a fait pousser, le type d'aliment analysé, la façon dont l'aliment est préparé avant d'être consommé (qui diffère selon les groupes culturels) et de nombreux autres facteurs. Il faut également admettre que même les analyses faites dans des laboratoires performants ont une marge d'erreur, plus ou moins grande selon les nutriments concernés. Par exemple, il existe plusieurs variétés de tomates, qui poussent dans différents types de sols en climats tropicaux et tempérés, et qui peuvent être cueillies vertes ou mûres. La quantité de carotène (qui peut être transformée en vitamine A dans l'organisme) pour 100 g de tomates consommées varie donc énormément. La table de l'annexe 3 montre qu'une portion de 100 g de tomates contient 113 µg de vitamine A, mais certaines tomates en contiennent beaucoup plus, d'autres beaucoup moins. Les tables de composition des aliments sont utiles mais elles doivent être utilisées avec discernement.

BESOINS NUTRITIONNELS ET APPORTS
ALIMENTAIRES RECOMMANDÉS

De nombreuses recherches ont été faites pour déterminer les besoins en nutriments de l'être humain. Les besoins en nutriments varient, bien sûr, selon les groupes: ils augmentent chez les enfants du fait de la croissance et chez les femmes enceintes et allaitantes. De nombreux ouvrages traitent en détail des recherches menées pour aboutir aux meilleures estimations concernant les besoins des différents individus pour chacun des nutriments.

Dans de nombreux pays, on donne les quantités recommandées qui devraient être consommées par la population pour chaque nutriment important. En général, ces recommandations prévoient des marges de sécurité et prennent en compte les variations selon les besoins. Par conséquent, les chiffres sont souvent un peu plus élevés que les besoins minimums pour la santé.

Les apports journaliers recommandés pour un pays ne sont généralement que des directives pour l'évaluation et la mise au point d'une bonne alimentation pour la population. Il faut bien comprendre que les valeurs présentées ne sont pas des normes absolues: on sait que nombre d'individus consomment des quantités inférieures à celles qui sont recommandés et ils sont pourtant en bonne santé. Par ailleurs, on ne connaît pas avec précision les besoins réels pour chaque nutriment. Les apports journaliers recommandés ne doivent donc pas être considérés comme des besoins absolus, mais plutôt comme des niveaux d'absorption qui devraient convenir parfaitement à presque tous les membres de la population. Ce type d'indication alimentaire semble approprié pour les pays riches tels que les Etats-Unis. Il l'est sans doute moins pour nombre de pays qui ont des problèmes plus urgents et où la nourriture et l'argent font défaut à beaucoup de gens.

Dans l'optique de cet ouvrage, l'annexe 1 donne les apports en nutriments recommandés et les apports de sécurité qui s'appliquent à des groupes de personnes et non à des individus. Ils se réfèrent à des personnes en bonne santé, et non à des malades. Ces tables sont conçues pour recommander, d'après ce qui est couramment admis, les apports d'une sélection de macro et micronutriments qui préserveront la santé, préviendront les maladies de carences et permettront de garder des réserves adéquates de nutriments dans des circonstances normales. Les recommandations pour les enfants sont les quantités de nutriments qui permettent une croissance correcte; et celles pour les femmes en âge de procréer prennent en compte leurs besoins spécifiques, entre autres lors de la grossesse et de la lactation.

Dans les pays en développement, les chercheurs et les décideurs devraient utiliser, quand elles sont disponibles, les tables des apports alimentaires recommandés qui ont été adoptées dans leur propre pays ou dans leur région géographique. Plus de 40 pays ont de telles tables. Elles devraient toutes être utilisées à bon escient, et combinées avec les publications d'organisations internationales telles que la FAO, l'OMS et l'Union internationale des sciences de la nutrition (UISN).

BILANS ALIMENTAIRES

Un grand nombre de pays en développement, utilisant leurs propres ressources ou avec l'aide de la FAO ou d'autres organisations, publient occasionnellement des bilans alimentaires. Ce sont les meilleures estimations qui peuvent être faites à partir des données existantes sur la quantité globale de nourriture disponible destinée à la consommation de la population humaine sur une année donnée (ou autre période). Ces estimations sont généralement basées sur la quantité totale de nourriture produite dans un pays, sur les aliments importés et sur les fluctuations des réserves alimentaires pour la période. On aura déduit les céréales ou les légumineuses utilisées comme semences, les aliments destinés à la consommation du bétail ou aliments du bétail, les produits utilisés à des fins non alimentaires (par exemple, les huiles et les graisses utilisés pour la fabrication de savon ou d'éthanol) et une part correspondant aux pertes. Les chiffres définitifs obtenus après ces déductions représentent la quantité de nourriture potentiellement disponible pour la consommation de la population du pays.

Ces quantités peuvent ensuite être divisées par le nombre total d'habitants d'un pays en milieu d'année pour donner la disponibilité alimentaire moyenne par habitant pour l'année; elle peut, à son tour, être convertie en disponibilité de nutriments par habitant à partir des tables de composition des aliments. La disponibilité totale énergétique et en nutriments pour le pays peut aussi être calculée. Ces chiffres peuvent ensuite être comparés aux besoins en nutriments calculés, afin d'évaluer l'adéquation de la disponibilité alimentaire du pays. Plus important, les données fournissent des informations sur la disponibilité énergétique alimentaire (DEA), qui, combinée avec des informations sur la distribution des réserves alimentaires, permet d'estimer le nombre de personnes dont les apports énergétiques sont trop bas. La principale limite de la DEA est qu'elle n'est pas une évaluation directe de la consommation alimentaire. Les bilans alimentaires ne prennent pas non plus en compte des facteurs comme l'âge et le sexe, les variations de la distribution à l'intérieur d'un pays ou les variations saisonnières de la disponibilité alimentaire.

Les bilans alimentaires sont souvent utilisés pour indiquer si un pays a suffisamment de nourriture ou de certains nutriments, s'il est déficitaire. Quand ils sont rédigés plusieurs années de suite, ces bilans montrent les tendances de la disponibilité alimentaire du pays, indiquant si elle s'améliore ou si elle diminue, ce qui permet au pays d'instituer une politique appropriée afin de protéger la sécurité alimentaire nationale et d'orienter la production agricole. Les tables peuvent aussi aider le pays à concevoir une politique de diversification des cultures dans le but d'améliorer à la fois les revenus agricoles et la production d'aliments nutritionnellement souhaitables. En outre, les données indiquent le degré d'autosuffisance d'un pays en matière de production alimentaire et de sa dépendance des importations de denrées, et elles peuvent ainsi contribuer à concevoir une politique nationale d'importation des aliments.

Les bilans alimentaires de la plupart des pays en développement pauvres ne sont que des estimations approximatives de la situation alimentaire. La précision des données utilisées pour la préparation des bilans alimentaires diffère largement selon la qualité des données disponibles et le niveau de développement des services de statistiques agricoles. Ils sont généralement meilleurs dans les pays développés. Les données des recensements de la population ne sont pas disponibles dans nombre de pays en développement. Il faut donc examiner les bilans alimentaires avec précaution, en tenant compte de leurs limites, avant d'utiliser ces informations pour concevoir des politiques de sécurité alimentaire, agricoles ou économiques dans un pays.

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