Previous PageTable Of ContentsNext Page

Section 4 Contributions des autres approches à l'estimation des ressources en PFNL

 

Cette section présente des approches qui sont typiquement moins quantitatives et évalue leur valeur biométrique et leur pertinence pour l'inventaire des PFNL. Ces approches sont :

· les inventaires de la biodiversité

· les techniques de la science sociale

· les perspectives culturelles

· l'ethnobotanique

· les méthodes économiques

4.1 L'inventaire de la biodiversité

Qu'est-ce qu'un inventaire de la biodiversité ?

Fondamentalement, l'inventaire de la biodiversité est une liste de contrôle :

"une liste d'entités biologiques se trouvant sur une zone ou dans un milieu particulier" (Stork & Davies, 1996).

Lecture complémentaire : HMSO, 1996

Comment cet inventaire est-il réalisé et utilisé ?

En général, des spécimens de tous les individus sont collectés et mis en archive dans des herbiers ou des musées - cela rend les noms scientifiques fiables. Les résultats des inventaires de biodiversité sont d'habitude présentés comme des listes d'espèces, classées par famille et par genre, pour une localité donnée. Ces listes permettent la comparaison des données entre des sites différents et contribuent à la préparation des cartes de distribution d'espèces.

L'enquête botanique est un type d'inventaire de biodiversité qui cherche des modèles à l'échelle du paysage. Elle utilise beaucoup de placettes (taille fixée ou sans dimensions) à travers le paysage, et produit une liste d'espèces sur des localités précises connues, mais sans quantification d'abondance. Elle peut aider à identifier des zones à haute diversité biologique et/ou des priorités de conservation (Healey et al., 1998). Les données peuvent être analysées pour produire une classification de la végétation (par exemple, Hall et Swaine, 1981), des cartes de distribution, des profils écologiques d'espèces et une compréhension des relations environnementales et des processus d'évolution (Hawthorne, 1996).

Valeur biométrique et pertinence pour les PFNL ?

Les PFNL constituent évidemment un sous-ensemble de toutes les "entités biologiques", donc l'inventaire de biodiversité peut fournir une information utile pour savoir si des taxons intéressants connus sont présents et de connaître leur distribution. Mais les inventaires de biodiversité indiquent rarement quels taxons sont des PFNL et, ce qui est plus important, incluent seulement de temps en temps une information sur l'abondance - c'est-à-dire la quantité de ressource présente.

Des faits nouveaux récents ont tendance à souligner l'importance des techniques quantitatives et des mesures d'abondance pour répondre à des objectifs de gestion. Le travail à base de placettes peut être utile s'il y a beaucoup de répétitions, car cela fournit des données plus quantitatives et un potentiel pour des analyses statistiques.

4.2 Les techniques de la science sociale

Qu'est-ce qu'une technique de la science sociale ?

Les techniques de la science sociale utilisées pour les inventaires de ressources ont tendance à se baser sur des approches participatives pour accroître l'implication de la population locale. Ces techniques sont plus préoccupées d'inclure le savoir local que de fournir une information biométriquement rigoureuse sur la ressource.

Méthodes de collecte des données de science sociale

Comme noté plus haut, les approches participatives sont utiles. Cependant, il faut souligner que les méthodes de science sociale ne sont pas des protocoles formalisés, mais sont plutôt des approches pour collecter et traiter l'information. Comme l'a exprimé Havel (1996), chacune de ces méthodes est "...une combinaison d'outils, assemblés entre eux par un principe directeur".

Quelques approches participatives différentes :

· Diagnostic rural rapide (DRR) ;

· Diagnostic rural participatif (DRP) ;

· Formation et action participatives (FAP) ;

· Analyse des genres ;

· Planification par objectif (PPO) ;

· Appréciation-influence-contrôle (AIC) ; et

· Evaluation sociale.

Caractéristiques clés de ces approches :

· la participation d'une équipe de chercheurs et des méthodes multi-disciplinaires (quoique rarement statisticiens ou spécialistes d'inventaires) ;

· un choix d'outils et de méthodes, selon l'informateur ;

· une planification adaptative tout au long du processus de collecte des données, à mesure que les chercheurs discutent des résultats; et

· la triangulation - utilisation d'une variété de méthodes de vérification croisée pour vérifier l'information collectée sur le terrain.

Lecture complémentaire : Davis-Case, 1990; Nichols, 1991; Ingles et al., 1999

Ces approches se sont développées avec le temps. Les approches précédentes, comme le DRR, avaient tendance à être des processus d'exclusion, alors que les approches plus récentes, comme le DRP, mettent plus l'accent sur la population locale et son implication dans l'analyse de l'information et la résolution des problèmes identifiés dans le processus. Ces approches récentes reconnaissent que la population locale est souvent mieux placée que les chercheurs extérieurs pour analyser et chercher des solutions à leurs problèmes. Plus récente, la méthode FAP se concentre moins sur la collecte de l'information, et plus sur la formation mutuelle des locaux pour promouvoir le développement rural.

Il existe une gamme étendue de moyens pour recueillir l'information et explorer les problèmes locaux, dont de nombreux types d'entrevues et des outils différents tels que des activités, des supports visuels et des jeux.

4.3 Considérer les PFNL d'un point de vue culturel

Les approches anthropologiques

L'anthropologie est l'étude des origines humaines, des institutions et des croyances - c'est-à-dire "la culture". Elle inclue l'étude de l'interaction entre les populations et leur environnement, dont les plantes qu'elles utilisent, connue sous le nom d'ethnobotanique.

Approches internes et externes

Externe - Regarder à l'intérieur depuis l'extérieur. C'est la catégorisation et l'organisation de l'environnement par des chercheurs non locaux, avec des définitions et des règles issues des sciences occidentales. Une approche de l'extérieur est utile lorsqu'il y a un besoin d'objectivité dans des objectifs de gestion, ou si certains des objectifs sont externes (comme par exemple la conservation d'une espèce particulière).

Il existe deux approches principales dans les méthodes anthropologiques - une vision de l'intérieur et les perspectives vues de l'extérieur. Les deux approches ne sont pas mutuellement exclusives, mais constituent plutôt les deux extrémités d'un processus continu et peuvent être utilisées ensemble pour optimiser l'efficacité de la recherche.

L'ethnobotanique est une discipline anthropologique qui s'intéresse au savoir indigène sur l'utilisation des plantes - elle a une approche interne. D'autres disciplines potentiellement utiles incluent l'anthropologie écologique et l'écologie comportementale humaine. Ces disciplines ont développé des méthodologies pour étudier l'utilisation humaine du monde naturel.

Les approches externes de l'écologie comportementale (des exemples sont donnés dans le Tableau 15) sont plus quantitatives et permettent l'analyse statistique des hypothèses. De cette façon, elles fournissent une compréhension plus détaillée, empirique et théorique des relations entre les populations humaines et leurs ressources végétales, tout comme l'analyse de la signification des plantes d'un point de vue culturel.

Tableau 15: Méthode de recherche comportementale conduite de l'extérieur

Méthode

Description et objectif général

Exemple de méthodologies

Utilisations de l'information

Analyse de la distribution spatiale

Décrit et explique les relations spatiales entre les communautés humaines et leurs ressources naturelles

Cartographie du paysage et télédétection

Cartographie du sol

Extrapolation de la production de ressources

Distribution spatiale de la production et de la productivité des ressources

Opérations variées de descriptions et d'analyses, traitant des relations spatiales entre les communautés humaines et leurs ressources naturelles

Etude des activités humaines

Enregistre le temps passé aux activités variées liées à la ressource, au moyen de techniques d'observation systématique; compare le temps passé entre les différentes activités

Etudes du temps et de la mobilité

Etudes d'occupation du temps

Description et analyse statistique des types d'activités d'une communauté; composante nécessaire des études sur les entrées/sorties

Comptage des ressources

Maintient à jour les données sur les types de ressources et les quantités récoltées ou utilisées par la communauté en étude pendant une période déterminée

Enquête sur le régime alimentaire (inventaire de poids, registre diététique, fréquence de la nourriture, poids consommés)

Enquête de commercialisation

Enquête ethnopharmacologique

Mesures indirectes de l'importance des différentes espèces ressources et du niveau de la pression d'exploitation sur ces ressources ; composante nécessaire des études sur les entrées/sorties

Analyse des entrées-sorties

Analyse de type coût-bénéfice des différentes activités utilisant des données sur le temps alloué et le comptage des ressources

Modèle de choix rationnel

Analyse de l'exploitation optimale

Analyse de programme linéaire

Décrit ou explique les relations interactives entre les populations et leurs ressources

D'après Zent (1996)

Bien qu'elles ne soient pas encore appliquées à l'inventaire des PFNL, de telles méthodes sont potentiellement utiles car :

· leur nature quantitative fournit une rigueur plus biométrique que les approches anthropologiques classiques; et

· ces méthodes sont compatibles avec celles pratiquées dans d'autres domaines professionnels, comme la foresterie, l'économie et le développement commercial.

4.4 L'ethnobotanique

Qu'est-ce que l'ethnobotanique ?

C'est l'étude de l'interaction entre la population et son environnement, dont les plantes qu'elle utilise.

Définir l'ethnobotanique.

L'ethnobotanique est pratiquée depuis 1895, bien que ses définitions et sa portée aient changé depuis. Les définitions actuelles varient encore de façon importante, mais en fait il s'agit de l'étude du savoir des populations locales et de leurs relations avec les plantes.

Inventaire ethnobotanique

Les ethnobotanistes se considèrent de plus en plus comme des conseillers dans la gestion des ressources. Il est donc important que leurs recommandations soient bien fondées pour éviter la surexploitation des plantes en question (Cunningham, 1996b). Les méthodes quantitatives sont fondamentales pour donner le meilleur conseil de gestion. Ainsi, l'ethnobotanique est en pleine évolution - depuis une méthode classique et purement descriptive jusqu'à une science plus quantifiable, en acquérant certaines des méthodologies citées ci-dessus dans la Section 3. Le Tableau 16 souligne quelques différences fondamentales entre les méthodes anciennes et nouvelles.

Tableau 16: Evolution des méthodes en ethnobotanique

 

Inventaire ethnobotanique classique

Ethnobotanique quantitative

Caractéristique principale

Typiquement, l'inventaire ethnobotanique préparait des listes d'espèces végétales utilisées par différents groupes ethniques. La détermination scientifique des plantes était la principale priorité

Transforme le savoir traditionnel local en valeur quantifiable d'utilisation relative

Avantages pour l'inventaire des PFNL

Les listes peuvent fournir une vue générale utile des plantes utilisées par la communauté locale

La quantification signifie que :

· les études peuvent être répétées - deux différents chercheurs obtiendraient le même résultat

· cela permet des hypothèses statistiques en testant le niveau d'importance de certaines plantes pour la population locale

Inconvénients

Il y a rarement une information quantitative sur le niveau d'utilisation ou d'abondance, et aucune indication sur l'importance relative pour la société

L'origine des données peut être variable, rendant difficiles les comparaisons et la vérification

Le temps nécessaire est en général supérieur au temps disponible dans les inventaires et évaluations de PFNL dans les projets de développement

Méthode non biométriquement rigoureuse car :

· il n'y a pas d'échantillonnage formel (la sélection systématique d'une placette prend du temps et est coûteuse)

· il n'y a pas ou peu de répétitions (souvent une placette par site)

· il n'y a pas de compilation ni d'analyse des données collectées

Requiert une connaissance des techniques d'échantillonnage biométrique et de leurs bases théoriques pour fournir une rigueur statistique

Développements nécessaires

Il y a un progrès limité dans le développement des techniques d'évaluations rapides

Une plus grande utilisation de l'échantillonnage biométrique, là où des recommandations de gestion sont nécessaires, comme p. ex. pour les réserves d'exploitation ou les zones de protection/conservation

Ethnobotanique quantitative et inventaire de PFNL

Lecture complémentaire sur l'ethnobotanique : Alexiades, 1996; Cotton, 1996; Martin, 1994; Given & Harris, 1994.

Malgré le manque de fondement biométrique solide, l'ethnobotanique quantitative a été utilisée pour l'évaluation des ressources en PFNL. Les méthodes clés impliquent des valeurs relatives à l'utilisation - pour des espèces et pour la forêt dans son ensemble.

Plusieurs méthodologies basées sur la valeur de l'utilisation des espèces ont été développées (voir le Tableau 17). Cette approche est prometteuse car, en même temps, elle est quantitative et se concentre sur les plantes; cependant, elle présente les limites suivantes :

· les données sont collectées en un seul jour, fournissant une vision instantanée des priorités locales, qui pourraient être différentes un autre jour en fonction des changements d'humeur ou de saison. La répétition de la collecte de données sur différents jours/saisons aiderait à réduire au minimum l'erreur, comme elle premettrait de s'assurer qu'il y a eu un nombre adéquat d'informateurs;

· cette approche suppose qu'une plante ayant plusieurs utilisations (par exemple, une plante utilisée de temps en temps pour plusieurs maladies) a plus de valeur qu'une autre ayant une utilisation unique (par exemple, une alimentation de base), car elle ignore la fréquence et la quantité récoltée;

· cette approche pourrait également passer à côté des PFNL qui ont une importance pour seulement quelques membres de la communauté.

Tableau 17: Méthodes pour quantifier les valeurs d'utilisation d'une espèce

Méthode

Données exigées

Calculs

Assignation subjective

Plusieurs types de technique d'interviews et/ou d'observations directes

L'importance relative de chaque utilisation est subjectivement assignée par le chercheur sur la base de son évaluation de l'importance culturelle ou de l'utilisation de chaque plante

Consensus d'informateurs

Interviews indépendantes d'informateurs individuels

Importance de chaque utilisation calculée directement à partir du degré de consensus dans les réponses des informateurs

Utilisations totalisées

Interviews, parfois par observation directe

Le nombre des utilisations est additionné par catégorie d'utilisation de plantes, par taxon ou par type de végétation. Cette méthode n'est pas très bonne car toutes les utilisations possibles ont des poids égaux et le nombre total d'utilisations peut être fonction de l'effort de recherche plutôt que de la véritable importance de la plante, type de végétation, etc.

(d'après Phillips, 1996)

A la base de la détermination des valeurs d'utilisation de la forêt, on utilise des placettes mesurées, dans lesquelles le nombre et l'importance des espèces utiles sont évalués quantitativement par des chercheurs et des locaux. Les valeurs d'utilisation des espèces dans une placette sont ajoutées ensemble pour donner une valeur d'utilisation totale de la placette. Les placettes sont d'habitude choisies pour être représentatives, par exemple, différents types de forêt (raisonnement scientifique, externe) ou utilisations et perspectives locales (raisonnement local, interne). Avec des placettes typiquement de 1 ha, ce niveau de travail prend du temps et est coûteux - généralement, peu de placettes sont échantillonnées. Les dépenses peuvent être réduites si des PPE écologiques précédemment établies sont utilisées, car cela élimine le besoin de récolter des échantillons et déterminer les noms.

A partir des placettes, les valeurs d'utilisation sont souvent extrapolées au type de forêt, à l'ensemble des territoires de la communauté, voire même parfois nationalement. Cependant, le petit nombre de placettes utilisées rend souvent douteuse la validité d'une telle extrapolation.

4.5 Méthodes économiques

Que sont les méthodes économiques ?

· Elles évaluent la contribution des PFNL aux économies locale et globale, à travers la commercialisation et la valeur ajoutée ; et

· Elles évaluent les coûts et bénéfices engendrés par l'intégration des PFNL dans les plans de gestion.

Lecture complémentaire : Godoy et al., 1993; Wollenberg, 2000.

Les méthodes économiques sont liées au potentiel de plus en plus reconnu des PFNL pour le développement de nouvelles industries, marchés et sources de revenu et pour les études d'évaluation. Elles ne sont pas conçues pour être des méthodes biométriquement rigoureuses - car elles n'impliquent pas l'évaluation directe des ressources, mais utilisent à la place l'information sur le marché (l'économétrie). Cependant, elles peuvent être importantes dans la conception des inventaires de PFNL, car cette information influence les décisions de gestion.

Lecture complémentaire sur l'analyse et le développement des marchés :

Lecup & Nicholson, 2000

Les études de marché et de revenus évaluent le potentiel de revenu des PFNL par :

· l'enquête de marché, soit conventionnellement à l'échelle la plus grande, soit en utilisant des méthodes participatives à l'échelle des communautés;

· l'examen des schémas de distribution et des quantités de produits dans les réseaux de commerce. Cela permet d'évaluer la quantité de matière première impliquée dans différentes entreprises et est utile pour mettre en évidence les endroits de la chaîne où il existe des problèmes d'approvisionnement ou pour améliorer la compréhension des relations commerciales. Autrement dit, cet examen améliore la vision de l'offre et de la demande et peut être utilisé conjointement avec des comptes rendus de récolte; et

· l'étude de la relation entre les revenus locaux et l'utilisation des PFNL, par la compilation de l'information sur les niveaux d'exploitation et les prix.

Les études de rentabilité et d'évaluation s'intéressent à la valeur actuelle de la ressource pour les différents acteurs et peuvent être utilisées pour comparer les valeurs de différentes utilisations de la terre - comme par exemple, la conservation de la couverture forestière par rapport à la conversion agricole. Cela a été utilisé pour donner du poids aux débats sur la conservation des forêts.

Clairement, les données basées sur la ressource sont nécessaires, tout comme les études économiques, pour une gestion efficace de la ressource. Cependant, les études économiques peuvent mettre en évidence des obstacles au développement des ressources, obstacles qui ne sont pas liés à la ressource elle-même.

Previous PageTable Of ContentsNext Page