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2. SITUATION DES RESSOURCES GENETIQUES FORESTIERES


2.1. Domaines phytogéographiques du pays
2.2. Utilisation des espèces forestières
2.3. Menaces sur les ressources génétiques forestières

2.1. Domaines phytogéographiques du pays

La flore du Burkina n'est pas suffisamment connue et les travaux d'inventaire floristique demandent à être complétés ou affinés. Les travaux réalisés ont permis de répertorier 1425 plantes indigènes et cultivées (CONAGESE/MEE, 1997) se répartissant comme suit:

Les formations forestières du Burkina Faso couvrent une superficie un peu plus de la moitié du territoire et se répartissent en deux grandes entités: Le domaine classé (25%) et le domaine non classé (75%).

Le Burkina Faso est rattaché à la vaste région soudanno-zambézienne. Selon Guinko (1984) on distingue deux domaines:

Sur le plan phytogéographique, les caractéristiques floristiques des deux domaines définis par Guinko (1984) cité par Guinko (1999) se résument comme suit:

Domaine phytogéographique sahélien

Les formations sont essentiellement des steppes arbustives pour la plupart, dominées par des épineux et soumises à une forte pression pastorale. L'analyse floristique permet de distinguer deux secteurs phytogéographiques: le secteur sahélien strict et le secteur sub-sahélien.

Le secteur sahélien strict est situé au nord du 14è parallèle dans le climat sahélien à pluviométrie inférieure à 600 mm et caractérisée par un lot d'espèces sahariennes et sahéliennes typiques qu'on rencontre très rarement ou faiblement dans les territoires méridionaux: Acacia ehrenbergiana, Acacia nilotica var.tomentosa, Acacia raddiana, Grewia tenax, Leptadenia pyrotechnica, Maerua crassifolia, Salvadora persica et Hyphaena thebaica. Cette steppe comporte de mince cordons ripicoles où dominent Anogeissus leiocarpus, Mytragina inermis, Acacia ataxacantha et Acacia seyal.

Le secteur sub-sahélien s'étend entre les 13è et 14è parallèles avec une pluviométrie comprise entre 600 et 750 mm. C'est la zone où interfèrent de nombreuses espèces sahéliennes et soudaniennes ubiquistes. Mais l'allure générale de la végétation est dominée par les éléments sahéliens et sahariens. Les espèces les plus caractéristiques de ce secteur sont: Acacia laeta, Acacia nilotica var.adansonii, Acacia senegal, Boscia salicifolia, Commiphora africana, Dalbergia melanoxylon, Pterocarpus lucens et Grewia flavescens. Les espèces soudaniennes suivantes, très ubiquistes, sont particulièrement abondantes dans ce secteur: Acacia macrostachya, Combretum glutinosum, Combretum micranthum, Combretum nigricans var. elliotii. Elles participent à la formation des fourrés couramment appelés «brousses tigrées» en groupement avec Pterocarpus lucens et Dalbergia melanoxylon.

Domaine phytogéographique soudanien

Il correspond aux zones de climat soudanien et sub-soudanien. La végétation est une savane de tous les sous-types, depuis la savane boisée et la forêt claire jusqu'à la savane herbeuse. Toutes ces savanes représentent des formations pseudo-climaciques imposées par le feu de brousse et la technique agricole. La flore est nettement dominée par des éléments soudaniens. Mais on trouve dans la partie septentrionale un important contingent d'espèces sahéliennes dont la pénétration dans le sud s'accentue avec les défrichements. Deux secteurs phytogéographiques (soudanien septentrional et soudanien méridional) peuvent y être distingués sur la base de la répartition de l'espèce grégaire Isoberlinia doka.

Le secteur phytogéographique soudanien septentrional s'étend sur la zone à climat nord-soudanien. C'est la région du pays la plus intensément cultivée. Les savanes présentent partout l'allure de paysages agrestes dominés çà et là par de gros arbres trapus de 10 à 20 m de hauteur appartenant aux espèces protégées: Faidherbia albida, Adansonia digitata, Vitellaria paradoxa subsp. paradoxa, Lannea microcarpa, Parkia biglobosa, Tamarindus indica. La strate arbustive est plus importante avec une très bonne représentation des Combretaceae. Les espèces les plus régulières sont: Combretum micranthum, Combretum glutinosum, Combretum nigricans, Guiera senegalensis, Acacia dudgeonii, Acacia gourmaensis, Acacia seyal, Bombax costatum et Sterculia setigera. En dépit de leur très faible étendue, il est important de noter la présence d'îlots de forêts denses sèches constituant des «bois sacrés», vestiges de climax forestiers anciens que les défrichements ont épargnés à cause de leur protection par les pratiques coutumières. Ils sont dominés par Anogeissus leiocarpus, Diospyros mespiliformis, Celtis integrifolia, Acacia pennata et Pterocarpus erinaceus.

Le secteur phytogéographique soudanien méridional bénéficie des climats les moins xériques du pays et comporte les formations forestières les plus denses. On retrouve dans ce secteur un fond floristique soudanien commun et auquel sont associées les espèces ripicoles guinéennes telles que Cola laurifolia, Manilkara multinervis, Elaeis guineensis, Dialium guineensis, Antiaris africana, Carapa procera, Milicia excelsa, Monodora tenuifolia, Voacanga africana, etc. Quelques espèces de forêts denses humides se rencontrent dans l'extrême sud-ouest du Burkina; ce sont entre autres Apodostigma pallens, Canthium mannii, Christiana africana, Coffea ebracteolata, Diospyros abyssinica, Gardenia nitida, Manilkara obovata, etc. Ce secteur est fondamentalement caractérisé par l'espèce arborescente Isoberlinia doka.

2.2. Utilisation des espèces forestières

Les espèces végétales locales interviennent sous diverses formes (feuilles, fleurs, fruits, graines, racines) dans l'alimentation humaine et animale et dans la médecine traditionnelle. On note également que les utilisations sont diverses et varient, selon les milieux socioculturels, dépendant des espèces. De nombreuses plantes spontanées possèdent des fruits, graines, feuilles et fleurs consommés par les populations. Certaines font même l'objet de commerces transfrontalières comme Parkia biglobosa, Lannea microcarpa, Tamarindus indica, Vitellaria paradoxa et Ziziphus mauritiana.

Par ailleurs, plus de 90% de la population burkinabè a recours aux plantes médicinales pour traiter les affections courantes telles que les diarrhées, dysenteries, coliques, jaunisse, paludisme, plaie, etc. (Guinko, 1999).

En saison sèche, les éleveurs abattent les arbustes, ébranchent et étêtent les arbres pour mettre les feuilles et fruits à la disposition du troupeau. Les ligneux interviennent dans l'alimentation du bétail, comme véritables ressources de fourrages riches en protéines, en éléments minéraux et en vitamines (Toutain cité par Sawadogo, 1990 cité par Guinko, 1999). Le tableau 1 présente la synthèse des principales espèces forestières utilisées par les populations.

Tableau 1: Synthèse des principales utilisations des ressources génétiques forestières et leur importance.

Espèces forestières

Listes des principales espèces utilisées

Espèces médicinales

Faidherbia albida, Acacia nilotica, Adansonia digitata, Annona senegalensis,Anogeissus leiocarpus, Balanites aegyptiaca, Bombax costatum, Cochlospermum sp., Commiphora africana, Craveta religiosa, Detarium microcarpum, Diospyros mespiliformis, Khaya senegalensis, Parkia biglobosa, Pterocarpus lucens, Saba senegalensis, Sclerocarya birrea, Tamarindus indica, Vitellaria paradoxa

Espèces alimentaires

Acacia macroctachya, Acacia senegal, Adansonia digitata, Annona senegalensis, Balanites aegyptiaca, Bombax costatum, Borassus sp., Ceiba pentandra, Detarium microcarpum, Dialium guineense, Diospyros mespiliformis, Gardenia erubescens, Hyphaena tebaica, Lannea microcarpa, Parkia biglobosa, Saba senegalensis, Sclerocarya birrea, Tamarindus indica, Vitellaria paradoxa, Ziziphus mauritiana

Espèces fourragères

Faidherbia albida, Acacia senegal, Balanites aegyptiaca, Bombax costatum, Commiphora africana, Khaya senegalensis, Pterocarpus lucens, Sclerocarya birrea, Ziziphus mauritiana.

Espèces de bois d'œuvre et de service

Anogeissus leiocarpus, Borassus sp., Ceiba pentandra, Commiphora africana, Khaya senegalensis, Pterocarpus lucens, Vitellaria paradoxa


Domaines phytogéographiques du Burkina Faso

Source: GUINKO 1984

2.3. Menaces sur les ressources génétiques forestières

La dégradation de la végétation ligneuse est perceptible dans les diverses zones écologiques du pays, elle l'est davantage dans la zone sahélienne et Nord-soudanienne. Plusieurs facteurs sont à l'origine de ce phénomène.

La sécheresse

Dans la partie sahélienne du Burkina, la sécheresse est identifiée comme étant une des causes principales de la dégradation de la couverture végétale. Les inventaires nationaux des espèces telles que Acacia senegal et Anogeissus leiocarpus ont montré que des peuplements entiers sont en train de disparaître par dépérissement dans la partie sahélienne du pays (Nikiema et al., 1997; Kambou et al., 1998).

L'exploitation du bois et autres produits forestiers non ligneux

Le besoin croissant en bois de feux des populations et particulièrement dans les grandes agglomérations urbaines entraîne des coupes anarchiques qui constituent une des principales causes de la dégradation des ressources génétiques forestières. Ainsi on note actuellement des zones déficitaires dans la majorité des provinces où la productivité des formations forestières est inférieure à la consommation en bois (M.E.T, 1994).

En dépit de la pauvreté des forêts naturelles en spécimens aptes à produire du bois d'œuvre, il existe quelques scieries dans le sud-ouest du pays (Banfora) qui font de l'exploitation forestière. Les espèces concernées sont essentiellement Khaya senegalensis, Afzelia africana, Isoberlinia doka, Daniellia oliveri. La durabilité de ces d'exploitations n'est pas garantie par manque de plan d'aménagement et de système de contrôle adéquats.

De même l'exploitation des produits forestiers non ligneux tels que fruits, feuilles, fleurs, écorces, racines etc. a parfois un impact négatif sur les peuplements naturels si des mesures de gestion durable ne sont pas prises (Nikiema et al., 1997). Des espèces comme Bombax costatum, Adansonia digitata, Khaya senegalensis et certains acacia subissent ainsi une pression préjudiciable à leur régénération dans la zone sahélienne et subsahélienne (Guinko, 1998).

Impact de l'agriculture sur les espèces et populations forestières

L'état de dégradation des forêts classées est largement amplifié au Burkina par le développement des activités agricoles et d'élevage. L'état partiel des lieux décrits par la Direction Générale des aux et Forêts en 1998 révèle que des forêts classées ont disparues et que d'autres sont en voie de l'être si des mesures énergiques ne sont pas prises (M.E.E., 1998). Voici présenté ci dessous, quelques cas inquiétants de dégradation:

De nombreux travaux scientifiques ont démontré que les populations rurales ont des pratiques agricoles qui sont néfastes au développement et à la conservation des ressources génétiques forestières. Il s'agit des coupes sélectives des espèces pendant les travaux de préparation des champs, de l'agriculture itinérante au sud ouest du pays, de la réduction progressive de la durée des jachères dans le plateau central due au manque de terres agricoles. Des peuplements d'espèces agroforestières telles Parkia biglobosa Vitellaria paradoxa, Faidherbia albida sont actuellement affectées par la réduction ou la suppression de la durée des jachères (Nikiema, 1993).

Impact de l'élevage sur les espèces ligneuses forestières ou les populations

L'émondage incontrôlé pratiqué par les éleveurs en saison sèche dans la partie sahélienne du pays constitue une menace sérieuse pour des espèces comme Pterocarpus erinaceus, Pterocarpus lucens, Acacia senegal Acacia seyal et Faidherbia albida. Selon la Direction Générale des Eaux Forêts, en 1998, il apparaît clairement que le pâturage des animaux dans les forêts classées constitue une des premières causes de dégradation des forêts (M.E.E., 1998).


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