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Chapitre 14

Les troubles de la carence en iode

La carence en iode est responsable non seulement du goitre endémique et du crétinisme, mais également d'un retard de la croissance et du développement intellectuel, entre autres. On réunit maintenant ces pathologies sous le nom de troubles de carence en iode (TCI). Leur importance tient à plusieurs points:

En fait, comme l'a écrit H.R. Labrouisse, lorsqu'il était directeur de l'UNICEF en 1978, "la carence en iode est si facile à prévenir que c'est un crime de permettre qu'un seul enfant naisse handicapé mental pour cette raison". (cité dans Hetzel, 1989). Et pourtant ce crime persiste.

Le goitre endémique et le crétinisme grave ne sont que la partie émergée de l'iceberg des TCI. Ce sont des anomalies visibles dans les populations où elles sont fréquentes et leur diagnostic clinique est facile pour le personnel de santé. L'immense partie immergée de l'iceberg comprend les hypertrophies plus discrètes de la thyroïde et toute une gamme d'autres anomalies. Dans de nombreuses régions d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, les TCI sont à l'origine de retards mentaux et empêchent les enfants de se développer psychologiquement comme leur potentiel initial le permettrait. Les TCI sont aussi associés à des fausses-couches plus fréquentes, à une mortinatalité plus élevée, à la surdimutité, à différentes anomalies congénitales, notamment neurologiques.

Depuis plusieurs décennies, la prévention repose sur l'iodation du sel qui, lorsqu'elle a été bien conduite, s'est révélée très efficace dans de nombreux pays et relativement bon marché. Plusieurs réunions internationales, dont la Conférence internationale sur la nutrition qui a eu lieu à Rome en 1992, ont plaidé pour l'élimination virtuelle des TCI en 2000. Cet objectif aurait pu être atteint si les efforts consentis avaient reçu un soutien international et si chaque pays concerné par les TCI avait fait preuve d'un réel engagement.

CAUSES

La cause principale du goitre endémique et des autres TCI est l'insuffisance d'apport alimentaire en iode. La quantité d'iode présente dans le sol varie et influence la concentration d'iode dans les aliments, en fonction de leur lieu de culture, et dans l'eau. L'iode est lessivé des sols et rejoint les rivières pour finir dans les océans. Les zones où le goitre endémique était très répandu correspondent généralement à des plateaux, des montagnes ou des plaines intérieures éloignés de la mer: les Alpes, l'Himalaya et les Montagnes Rocheuses; des chaînes de montagnes plus modestes en Chine, en République-Unie de Tanzanie, en Nouvelle-Zélande, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et dans les pays d'Afrique Centrale; enfin, les plaines intérieures des Etats-Unis, d'Asie centrale et d'Australie (figure 8).

La consommation d'aliments dits goitrogènes constitue une cause moins importante de TCI. Ce sont des "antinutriments" qui inhibent l'absorption ou l'utilisation de l'iode ou ont une activité antithyroïdienne. Les aliments du groupe Brassica comme le chou, le kale, les graines de colza ou de moutarde en contiennent tout comme le manioc et les navets. Contrairement aux légumes précités, le manioc est un aliment de base dans certaines régions et, en Afrique, notamment au Zaïre, sa consommation est considérée comme une cause majeure de goitre endémique.


ÉPIDÉMIOLOGIE

On appelle goitre toute hypertrophie de la thyroïde. La thyroïde est une glande endocrine située à l'avant du cou; elle comprend deux lobes reliés par un isthme. Chez l'adulte, chaque lobe a la taille d'un gros haricot. Dans les zones où le personnel de santé ne voit que des cas sporadiques de goitre, la nourriture n'est généralement pas en cause. Ce peut être une tumeur bénigne ou maligne. A l'inverse, si le goitre est fréquent dans une communauté, la cause est probablement nutritionnelle. Là où le goitre est endémique, il faut s'attendre à trouver d'autres signes de carence en iode. Dans ces régions, de nombreuses personnes ont une hypertrophie de la thyroïde qui va parfois jusqu'à un gonflement disgracieux de tout le cou. La prévalence du goitre endémique est généralement plus élevée chez les femmes, surtout à la puberté et lorsqu'elles sont enceintes. Ce goitre peut être lisse (goitre colloïde) ou irrégulier (goitre adénomateux ou nodulaire).

Le contenu en iode des aliments varie considérablement, mais celui d'aliments de base comme les céréales et les tubercules dépendent plus du sol où ils poussent que de l'aliment lui-même. C'est pour cette raison qu'il n'est pas possible de fournir des tables de contenu en iode des aliments. Les aliments provenant de la mer comme le poisson, les coquillages et les algues sont généralement très riches en iode.

Dans de nombreuses populations, surtout dans les pays industrialisés et chez les gens les plus fortunés partout, les aliments consommés ne sont pas d'origine exclusivement locale. Ils ont donc des teneurs en iode variées et contribuent à un apport final suffisant. Par exemple, les populations vivant dans les Montagnes Rocheuses, où le goitre était endémique, ne consomment plus seulement des aliments locaux; ils peuvent manger du pain fait de blé récolté dans les plaines du centre des Etats-Unis, du riz de Thaïlande, des légumes de Californie ou du Mexique, des fruits de mer de la côte atlantique etc. De même, les gens fortunés de La Paz, en Bolivie, consomment toutes sortes d'aliments qui ne viennent pas de l'altiplano et qui contiennent assez d'iode. Par contre, les pauvres de la même région ne consomment que des aliments locaux et ont toujours des goitres.

De nombreux pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine ont encore un problème important de carence en iode, bien que certains aient fait de grands progrès dans la réduction de la prévalence du goitre. En Chine et en Inde, le goitre endémique est toujours très fréquent. On ne dispose pas de données pour toute l'Afrique, mais on sait que les TCI existent toujours en Ethiopie, au Nigéria, en République-Unie de Tanzanie, au Zaïre, au Zimbabwe et dans d'autres pays plus petits. Dans les Amériques, le goitre endémique a été presque totalement éliminé aux Etats-Unis et au Canada, mais il persiste dans les pays andins comme la Bolivie, la Colombie, l'Equateur et le Pérou, accompagné d'un certain taux de crétinisme. Les TCI existent aussi en Amérique centrale et dans certaines régions du Brésil.

Lors d'une enquête réalisée par l'auteur dans les années 60 sur les plateaux Ukinga en République-Unie de Tanzanie, 75 pour cent des personnes examinées avaient un goitre. C'était la prévalence la plus élevée jamais rapportée en Afrique. Cependant, des prévalences de plus de 60 pour cent ont été rapportées dans plusieurs pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.

En général, on considère comme faible une prévalence de goitre endémique de 5 à 19,9 pour cent; comme modérée, une prévalence de 20 à 29,9 pour cent; et comme grave, une prévalence supérieure à 30 pour cent. Mais même si elle n'est que de 10 ou 15 pour cent, il faut agir, et quand elle est grave, il faut agir de toute urgence (voir tableau 25).

MANIFESTATIONS CLINIQUES
Goitre endémique

L'hypertrophie de la thyroïde est la manifestation la plus fréquemment décrite et la plus évidente de la carence en iode (photos 21 et 22). On estime que, lorsque l'apport d'iode devient inférieur à 50 µg par jour chez un adulte, la thyroïde commence à compenser cette carence en augmentant progressivement de volume. Quand cette carence en iode est chronique, cette augmentation de volume débute souvent dès l'enfance et s'accentue à la puberté, surtout chez les filles. Dans les zones d'endémie, pratiquement toute la population a une hypertrophie à des degrés variables.

Les hormones thyroïdiennes sont essentielles au métabolisme et à la croissance. La glande se compose de follicules remplis d'une substance colloïde, les acini. Chacun de ces acini fabrique, stocke et sécrète les hormones dans le courant sanguin en fonction des besoins. L'hormone principale est la thyroxine dont la quantité sécrétée est contrôlée par la TSH (hormone stimulant la thyroïde) hypophysaire. La fonction de la thyroïde s'apparente à celle du thermostat d'un système de chauffage dans une maison. Elle contrôle le niveau du métabolisme et le métabolisme de base ainsi que, à un moindre degré, la fréquence cardiaque et la croissance des enfants.

TABLEAU 25

Gravité et signification des TCI en termes de santé publique

Gravité

Signes cliniquesa

Prévalence typique du goitre (%)

Iode urinaire médian µg/litre

Besoin d'action

 

Goitre

Hypothyroïdie

Crétinisme

 

 

 

Faible
(stade I)

+

0

0

5-19,9

50-99

Important

Modérée
(stade II)

++

+

0

20-29,9

20-49

Urgent

Grave
(stade III)

+++

+++

++

>30

<20

Critique

Source: Adapté de OMS, 1994.

a 0 = absent; + = faible; ++ = modéré; +++ = grave.

La glande adulte normale contient environ 8 mg d'iode; en cas de goitre simple, ce contenu peut n'être que de 1 ou 2 mg bien que la glande soit plus volumineuse. La thyroxine contient 64 pour cent d'iode. Quand l'iode est déficient, il devient de plus en plus difficile pour la thyroïde de fabriquer suffisamment de thyroxine. C'est pourquoi elle augmente de volume afin de compenser le déficit. Cette hyperplasie comme l'appellent les histologistes est due à la stimulation par la TSH produite en plus grande quantité. Un examen microscopique montre des invaginations de l'épithélium à l'intérieur des acini. Il y a une multiplication cellulaire intense avec un excès de colloïde. Ce mécanisme compensatoire qui vise à capter le maximum d'iode est partiellement efficace. En effet, de nombreux patients porteurs d'un goitre n'ont pas de signes d'insuffisance thyroïdienne.

Les enquêtes de prévalence des goitres sont un des meilleurs moyens d'évaluer s'il existe un problème de santé publique en matière de TCI. L'examen d'échantillons bien choisis d'enfants d'âge scolaire a souvent été recommandé en première intention pour sa simplicité (les enfants sont rassemblés, contrairement aux adultes, plus disciplinés, et on peut en examiner un grand nombre en peu de temps). Cependant, pour avoir une vision complète du problème, il faut à un moment examiner des sujets des deux sexes et de tous âges.

Pour évaluer la taille de la glande, il faut à la fois l'observer et la palper. L'observation, en position normale ou la tête légèrement penchée en arrière, permet de savoir si un goitre est visible. Pour palper la thyroïde, l'examinateur doit être face au patient, les yeux au niveau de son cou, et placer ses pouces de chaque côté de la trachée sous la pomme d'Adam. En faisant rouler ses pouces, l'examinateur peut sentir la glande et évaluer sa taille. Une thyroïde normale est environ cinq fois plus petite que la dernière phalange du pouce. Si chaque lobe dépasse cette taille, il y a un goitre. Certaines personnes recommandent la palpation par derrière car la pulpe des doigts est plus sensible que celle des pouces.

Il faut ensuite classer le goitre selon, par exemple, les critères établis par l'OMS il y a plus de 30 ans et revus par l'OMS, l'UNICEF et le Conseil international de contrôle des TCI (ICCIDD) (tableau 26). Ce système permet de comparer les observations faites par différentes personnes dans différentes régions, et il est surtout utile au cours des enquêtes de façon à comparer la prévalence des goitres d'une région à l'autre. L'évaluation de chaque observateur n'est pas d'une objectivité parfaite, mais la classification harmonise raisonnablement le recueil de données.

Les sujets porteurs d'un goitre ont plus de risques d'avoir une fonction thyroïdienne perturbée que les autres, dans le sens d'une hypothyroïdie en général. De plus, un goitre volumineux qui dépasse le haut du sternum peut créer une pression sur la trachée et l'_sophage, donc entraîner une difficulté à respirer, une toux irritative ou une altération de la voix et parfois gêner la déglutition.

Des goitres modérés ou volumineux sont également disgracieux et peuvent empêcher le port de certains vêtements. Cependant, dans certaines régions de prévalence très élevée, le goitre est considéré comme normal (et son absence comme anormale) et même comme un critère de beauté. Cependant, sur les hauts plateaux Ukinga en République-Unie de Tanzanie où la prévalence dépassait 70 pour cent, l'auteur a constaté que les gens n'étaient pas ravis d'avoir le cou enflé et que beaucoup d'entre eux portaient des cicatrices en regard de leurs goitres témoignant d'une tentative de traitement local (en Afrique de l'Est, le traitement consiste souvent à faire des scarifications en regard de la zone incriminée et parfois à frotter des herbes médicinales à ce niveau) (photo 23). Ces personnes avaient manifestement envie de se débarrasser de leurs goitres.

TABLEAU 26

Classification simplifiée des goitres selon l'OMS/UNICEF/ICCIDD

Degré

Taille de la thyroïde

0

Pas de goitre visible ou palpable

1

Masse palpable, non visible en position normale, se déplaçant vers le haut à la déglutition. Parfois palpation de nodules même sans masse visible

2

Gonflement du cou visible en position normale et augmentation de volume à la palpation

Source: OMS, 1994.

Hypothyroïdie

La diminution de la sécrétion des hormones thyroïdiennes entraîne une baisse du métabolisme basal et des signes cliniques d'hypothyroïdie qui peuvent évoluer jusqu'au myxœdème. Chez l'adulte, l'hypothyroïdie se manifeste par des traits plus grossiers, une peau sèche et parfois un visage bouffi. Le patient prend du poids, a un pouls lent et se sent léthargique. Des examens montreraient un métabolisme basal abaissé et une diminution du taux sanguin des hormones thyroïdiennes.

A l'inverse, une thyroïde hyperactive produit une hyperthyroïdie ou maladie de Graves. Le patient maigrit, est nerveux et a un pouls rapide, notamment pendant le sommeil. De même, les examens montrent un métabolisme basal élevé et un taux sanguin élevé d'hormones thyroïdiennes.

Comme nous l'avons déjà dit, les porteurs de goitre ont souvent une compensation suffisante et une fonction normale, appelée euthyroïdie. Mais dans les zones de goitre endémique, les cas d'hypothyroïdie sont fréquents; même s'ils ne vont pas tous jusqu'au tableau clinique de myxœdème, les sujets ont un métabolisme basal faible, une productivité plus faible et un ralentissement mental.

Cependant, le problème le plus inquiétant dans les pays en développement est l'hypothyroïdie des enfants parce qu'on sait maintenant qu'elle entraîne à la fois un retard mental et un ralentissement de la croissance. Le retard mental peut être grave et évident ou plus modéré et passer inaperçu mais, dans les zones de prévalence élevée, ce sont des milliers d'enfants qui n'atteindront pas leur plein développement intellectuel à cause d'un QI et de performances scolaires inférieurs à celles d'enfants vivant dans des zones exemptes de TCI. De même, devenus adultes, ils n'apporteront pas à leur société et à leur pays la même contribution que si leurs mères et eux avaient consommé suffisamment d'iode.

Crétinisme endémique

Le crétinisme endémique qui comprend une surdimutité et un retard mental commence dès les premiers mois. Cet état peut exister dès la naissance si la mère a subi une carence en iode pendant sa grossesse. L'enfant peut paraître normal à la naissance, mais sa croissance va être lente de même que son développement; tous ses apprentissages vont être ralentis et retardés. Ces enfants sont souvent sourds et muets. A mesure que l'enfant grandit, son aspect physique se rapproche du crétinisme typique (photos 24 et 25) qui comprend une peau épaisse, des traits grossiers, une ensellure nasale, une grosse langue proéminente et souvent un strabisme (c'est-à-dire un défaut de parallélisme des yeux). Souvent, l'enfant est encore incapable de marcher seul à l'âge de 2 ans et de parler ou de comprendre des ordres simples à 3 ans.

Le crétinisme peut se présenter sous deux formes, neurologique ou hypothyroïdienne, mais la majorité des victimes présente un peu des deux. La forme neurologique comporte un retard mental profond, l'aspect caractéristique décrit ci-dessus, une incapacité à marcher ou une démarche traînante, des difficultés à contrôler les mouvements précis des mains et des pieds (spasticité) et, parfois, un goitre avec ou sans signes d'hypothyroïdie.

Dans la forme hypothyroïdienne par contre, les signes d'hypothyroïdie sont flagrants: pouls lent, visage bouffi, peau épaisse, retard marqué de la croissance staturale, de l'âge osseux et du développement mental et métabolisme basal abaissé. Dans la majorité des pays asiatiques, en Amérique du Sud et en Europe autrefois, c'est la forme neurologique qui prédomine, alors que dans l'est du Zaïre, par exemple, c'est la forme myx_démateuse, peut-être liée à la consommation de manioc.

Dans les deux cas, les lésions neurologiques, le retard mental et le nanisme ne sont pas réversibles avec le traitement. On peut seulement éviter l'aggravation, mais pas corriger les dégâts survenus pendant la grossesse. C'est pourquoi il est si important de mettre l'accent sur la prévention et de s'assurer que les femmes en âge de procréer ne sont pas victimes de carence en iode.

Retard mental

La conséquence la plus grave au niveau des communautés touchées par la carence en iode n'est pas tellement le goitre endémique ou le crétinisme flagrant, mais l'incapacité d'un grand nombre de personnes à atteindre leur plein potentiel physique et mental bien qu'elles n'aient pas l'aspect caractéristique des crétins. Certains peuvent avoir des troubles neurologiques (photo 26). On a de plus en plus de preuves que la carence en iode est une cause majeure de retard scolaire qui empêche les enfants de développer tout leur potentiel, même parmi ceux qui n'ont pas un retard mental flagrant.

Enfin, la carence en iode a également un impact négatif sur les animaux domestiques: le bétail, les ovins et la volaille ont une croissance médiocre et se reproduisent mal.

EXAMENS DE LABORATOIRE

L'examen le plus utilisé est le dosage de l'iode urinaire, idéalement sur les urines de 24 heures. Sur le terrain, il est difficile de recueillir les urines de 24 heures; on se contente donc d'échantillons et on rapporte la concentration de l'iode à celle de la créatinine (µg d'iode par g de créatinine). Si ce rapport est en dessous de 50 µg/g, on considère qu'il y a un problème de TCI dans la population; en dessous de 20, le problème est grave. Dans les urines de 24 heures (ou en l'absence de dosage de la créatinine), on soupçonne des TCI en dessous de 5 mg/dl. Cet examen n'est cependant pas réalisable dans un hôpital de district, et peu de laboratoires des pays en développement possèdent le matériel et le personnel nécessaires.

Les autres examens mesurent la fonction thyroïdienne: le taux de thyroxine sérique (T4) et de plus en plus le dosage de TSH, de préférence par radioimmunoessai. Dans les pays industrialisés, on recueille du sang du cordon ou du talon sur papier filtre pour dépister tous les bébés. En effet, environ un enfant sur 4 000 est hypothyroïdien parce que sa thyroïde ne s'est pas correctement développée. En l'absence de dépistage et de traitement, cet état aboutirait notamment à un retard de développement. Mais cette forme congénitale n'a aucun rapport avec une carence en iode. On considère qu'un traitement est nécessaire quand la T4 est inférieure à 4 µg. Ces examens sont également rarement réalisables dans les pays en développement.

Enfin, on peut mesurer le taux de captage de l'iode 131 radioactif pour évaluer "l'avidité" de la thyroïde pour l'iode. En cas d'hypothyroïdie, plus de 90 pour cent de l'iode vont être captés.

Autrefois, on dosait l'iode lié aux protéines plasmatiques.

Certains praticiens recommandent de faire une échographie de la glande, qui permet d'évaluer sa taille avec plus de précision. Cette méthode a l'avantage d'être non invasive et inoffensive, contrairement à la radiographie. Mais elle se prête mal aux enquêtes de terrain dans les pays en développement. Le matériel est cher, et il faut un bon technicien pour le faire fonctionner et interpréter les résultats.

Il est essentiel que les personnes en charge de l'évaluation et du contrôle des TCI en Asie, en Afrique et en Amérique latine déterminent de manière sensée la meilleure façon d'évaluer l'étendue du problème et l'efficacité des mesures de lutte. Il est rarement possible de recourir aux examens sophistiqués et onéreux, et même si cela l'était, ce ne serait pas un emploi judicieux de ressources limitées. Ces méthodes, si elles sont disponibles dans un centre hospitalier universitaire ou un laboratoire de nutrition de la capitale, devraient être réservées à des fins diagnostiques pour des patients atteints de maladies métaboliques, pour des projets de recherches bien conçus et pour des études limitées à des échantillons de population bénéficiant d'une étude intensive des TCI.

Traitement

Dans le cas d'un goitre simple ou colloïde pas très important, le traitement est simple et gratifiant: 6 mg d'iodure de potassium ou du Lugol (1 goutte/jour, soit 6 mg d'iode pendant 10 jours puis 1 goutte/semaine) amèneront rapidement une réduction du goitre. N'importe quel petit laboratoire peut diluer le Lugol de façon qu'une cuillère à café apporte 1 mg d'iode. Le Lugol est bon marché et disponible partout. Chez des enfants des écoles primaires en République-Unie de Tanzanie, plus de 60 pour cent de ceux qui avaient un goitre de degré 1 l'ont vu disparaître après 12 semaines de traitement par Lugol, et les goitres plus importants avaient nettement diminué. On peut également recourir aux extraits thyroïdiens ou à la thyroxine, mais sous contrôle médical.

Les gros goitres nodulaires et ceux qui ne répondent ni à l'iode ni à la thyroxine justifient une exérèse surtout s'ils exercent une pression sur la trachée ou derrière le sternum. La thyroïdectomie requiert un bon chirurgien et un bon suivi post-opératoire. Les patients qui ont subi une thyroïdectomie totale doivent recevoir des hormones thyroïdiennes pour le reste de leur vie.

Prévention des TCI

Il est évidemment préférable de prévenir la carence en iode dans une communauté ou un pays que de traiter chaque sujet porteur d'un goitre. La mesure la plus utilisée, et souvent la meilleure, est l'iodation du sel qui va réduire la prévalence et la gravité des goitres dans un temps assez court parmi les personnes qui consomment ce sel. Ces mesures sont détaillées au chapitre 39.



PHOTO 21

Goitres chez des enfants des hauts plateaux Ukinga en République-Unie de Tanzanie



PHOTO 22

Goitres chez des adultes des hauts plateaux Ukinga en République-Unie de Tanzanie



PHOTO 23

Goitre chez une adolescente avec cicatrices de scarifications où ont été appliqués des remèdes traditionnels



PHOTO 24

Enfant atteint de crétinisme en Asie



PHOTO 25

Enfant atteint de crétinisme en Afrique



PHOTO 26

Retard mental chez un enfant de mère goitreuse

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