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Chapitre 29

Viande, poisson, œufs, lait et produits dérivés

Les aliments d'origine animale ne sont pas indispensables à une alimentation équilibrée, mais ils apportent un complément à la plupart des régimes alimentaires, en particulier à ceux des pays en développement qui sont essentiellement basés sur un aliment riche en glucides tel qu'une céréale ou une racine vivrière. La viande, le poisson, les œufs, le lait et les produits laitiers fournissent tous des protéines à haute valeur biologique, ce qui constitue souvent un bon complément aux acides aminés limitants des aliments d'origine végétale. Ces produits sont également riches en autres nutriments. Le fer héminique, qui provient de la viande et du poisson, est facilement absorbé par l'organisme et il favorise l'assimilation du fer issu de sources végétales comme le riz, le blé ou le maïs. Toutefois, les aliments d'origine animale sont souvent relativement coûteux, trop coûteux pour les familles dont le pouvoir d'achat est limité. Certaines personnes plus aisées des pays développés et en développement consomment des quantités importantes de ces aliments. Par conséquent, leur apport lipidique, en particulier en graisses saturées, peut être trop élevé, ce qui augmente les risques de maladies cardiaques et d'obésité. Les Américains mangent environ 80 kg de viande par personne et par an, soit près de 250 g par jour.

VIANDES ET PRODUITS CARNÉS

On définit généralement la viande (photo 62) comme la chair (principalement les muscles) et les organes (foie, rognons, etc.) des animaux (mammifères, reptiles et amphibiens) et des oiseaux (la volaille en particulier). On différencie parfois la viande rouge (bœuf, chèvre, mouton, porc, etc.) de la viande blanche (volaille essentiellement). La viande comestible est issue d'animaux sauvages ou d'animaux domestiqués. La quantité de viande que l'on consomme dépend souvent de facteurs culturels, du prix de celle-ci par rapport aux revenus et de sa disponibilité.

La viande contient environ 19 pour cent de protéines d'excellente qualité et du fer qui est très bien absorbé par l'organisme. La quantité de matières grasses de la viande dépend de l'origine de l'animal, et de la façon dont elle a été découpée. La valeur énergétique de la viande augmente avec sa teneur en matières grasses. Les graisses de la viande ont un taux assez élevé d'acides gras saturés et de cholestérol. La viande apporte également de la riboflavine et de la niacine, un peu de thiamine, et de petites quantités de fer, de zinc, et de vitamines A et C. Par contre, les abats (les organes), en particulier le foie, en contiennent beaucoup plus. Ils ont un taux relativement élevé de cholestérol. Tous les animaux - sauvages et domestiques, petits et gros, oiseaux, reptiles et mammifères - ont une viande dont la valeur nutritionnelle est presque identique. La seule variable est la teneur en matières grasses.

On trouve et on consomme une grande quantité de produits d'origine animale partout dans le monde. Ils ne sont pas tous appréciés partout, bien sûr. Certains aliments qui sont populaires dans certaines parties de la zone tropicale et d'Asie de l'Est - tels que les criquets, les sauterelles, les termites, les fourmis volantes, les mouches de lac, les chenilles et autres insectes; les babouins et les singes; les serpents et les escargots; les rats et autres rongeurs; les chiens et les chats - seront introuvables dans l'alimentation européenne ou américaine. De la même manière, le goût des Français pour les cuisses de grenouille et la viande de cheval et celui des Anglais et des Japonais pour les anguilles et les huîtres crues n'est pas partagé par nombre de personnes vivant ailleurs. Appréciés ou détestés, ces aliments sont tous nutritifs et constituent une source de protéines d'excellente qualité.

Une viande contaminée peut provoquer des maladies. Il est nécessaire d'améliorer les conditions de production de la viande destinée à la consommation locale et familiale, mais surtout de celle qui est destinée à la vente. Pour que la viande destinée à la consommation humaine soit saine, les pratiques d'hygiène sont essentielles à tous les niveaux: de la ferme en passant par l'abattoir, le commerçant et dans la cuisine. La plupart des pays ont une réglementation concernant l'hygiène de la viande, et des autorités responsables de son application, mais leur efficacité varie énormément.

POISSON ET FRUITS DE MER

Tout comme la viande, le poisson et les fruits de mer sont des aliments intéressants dans l'alimentation parce qu'ils renferment généralement 17 pour cent ou plus de protéines d'excellente qualité biologique, en particulier des acides aminés soufrés. Ils sont particulièrement bons quand ils sont associés à un régime à base de manioc qui, lui, est très pauvre en protéines.

La teneur en matières grasses des poissons varie, mais elle est souvent moins importante que celle de la viande. Le poisson apporte également de la thiamine, de la riboflavine, de la vitamine A, du fer et du calcium. On trouve un peu de vitamine C quand les produits sont consommés frais. Les petits poissons de mer et de lac tels la sardine et le sprat (dagaa en République-Unie de Tanzanie, kapenta en Zambie) se consomment entiers avec leurs arêtes, ce qui apporte calcium et fluor. Un dagaa séché, par exemple, peut contenir 2 500 mg de calcium par 100 g. On trouve très rarement les abats de poisson comme faisant partie des régimes alimentaires. Par contre, le foie et les huiles de poisson sont d'excellentes sources de vitamines A et D liposolubles. La quantité varie selon l'âge et l'espèce du poisson.

Partout où l'on trouve de l'eau, la consommation de poisson est un moyen facile d'augmenter la quantité de protéines dans le régime alimentaire. Repeupler les lacs artificiels, construire des viviers (photo 63), améliorer et développer la pêche dans les rivières, les lacs et la mer sont des actions qui mériteraient toutes d'être encouragées.

Il y a une grande variété régionale d'animaux marins comestibles. Encourager les enfants vivant près des côtes à ramasser des oursins, des limaces de mer, des patelles et autres créatures de mer comestibles, tout comme les enfants vivant à l'intérieur des terres ramassent les sauterelles et les mouches de lac, améliorerait considérablement leur alimentation pauvre. L'introduction de cours de natation dans les clubs de jeunesse, et en tant qu'activité de développement communautaire, encouragerait l'essor de ce loisir ainsi que celle de la pêche comme une activité à la fois de plaisir et de profit. La peur de l'eau, parce qu'on ne sait pas nager, est un frein à ces activités, en particulier pour les personnes qui ne vivent pas au bord de l'eau.

œuFS

L'œuf est l'un des rares aliments qui ne contient pas de glucides. Tout comme le fœtus puise ses nutriments à partir du sang de la mère dans l'utérus de façon à croître et à se développer en être humain, l'embryon d'oiseau puise ses nutriments à l'intérieur de l'œuf. Il n'est donc pas surprenant que l'œuf soit hautement nutritif. Chaque œuf renferme une proportion élevée de bonnes protéines et de lipides, des quantités importantes de calcium, de fer, de vitamines A et D, de thiamine et de riboflavine.

L'œuf faisant partie du cycle reproductif de l'oiseau, il n'est surprenant non plus que la consommation d'œufs soit interdite, en particulier aux femmes, pour des raisons de tabous, dans de nombreuses sociétés. L'ironie, c'est que les œufs sont souvent plus facilement accessibles que n'importe quel autre aliment à haute valeur nutritive. Dans les pays en développement, une famille peut rarement se permettre de tuer une vache ou même une chèvre pour se nourrir, alors que les œufs sont petits et pondus régulièrement. Les œufs sont également faciles à préparer, digestes, riches en protéines, adaptés aux enfants de plus de 6 mois. Les œufs ont cependant un inconvénient nutritionnel, qui est de contenir beaucoup de cholestérol, présent dans le jaune de l'œuf.

La production d'œufs destinée à la consommation familiale devrait être encouragée partout où cela est possible, même dans un petit jardin ou dans la cour d'un immeuble de ville (photo 64). Il faudrait donner les œufs en priorité aux très jeunes enfants.

SANG

Le sang de bétail, qui est régulièrement consommé par de nombreuses sociétés pastorales, en particulier d'Afrique, est hautement nutritif. Il est riche en protéines, a une valeur biologique élevée et contient de nombreux autres nutriments. De plus, il est particulièrement riche en fer. Transformé et consommé, généralement sous la forme de saucisse, il est une bonne source de nutriments.

LAIT ET PRODUITS LAITIERS

Les laits d'animaux et les autres produits laitiers sont hautement nutritifs et peuvent jouer un rôle important dans l'alimentation des enfants comme des adultes. La composition du lait varie selon l'espèce de l'animal, car il apporte ce qu'il faut pour un niveau adéquat de croissance et de développement au petit de cette espèce. Par conséquent, le lait humain est meilleur pour le nourrisson que ne l'est le lait de vache ou tout autre produit laitier. Un allaitement exclusif au sein, sans autre aliment ou autre liquide, est l'alimentation idéale pour un nourrisson durant les six premiers mois de vie (voir chapitre 7). Poursuivre l'allaitement durant quelques mois supplémentaires, alors que l'on introduit d'autres aliments à l'enfant, est tout à fait conseillé. Si le lait maternel reste un élément important de l'alimentation du jeune enfant la deuxième voire la troisième année, il n'est pas nécessaire de lui donner du lait animal.

La composition du lait humain et du lait de vache est comparée au chapitre 7 (tableau 7). A part quelques vitamines, la composition du lait maternel est à peu près constante, quel que soit le régime de la mère. La malnutrition maternelle n'entraînera pas la production d'un lait au contenu nutritif plus faible, mais elle aura des répercussions sur la quantité de lait qu'elle pourra produire. Quelques nutriments tels que la thiamine et la vitamine A peuvent être moins importants si la mère présente des carences dans ces nutriments.

La caséine et la lactalbumine, protéines à haute valeur biologique, sont parmi les constituants les plus importants du lait de vache. Le glucide du lait de vache est le lactose, un disaccharide. Les lipides sont présents sous forme de globules en suspension, qui fusionnent et montent en surface lorsque le lait est au repos. La matière grasse du lait contient un niveau élevé d'acides gras saturés. Le contenu en calcium du lait de vache (120 mg pour 100 ml) est quatre fois plus élevé que celui du lait humain (30 mg pour 100 ml); la raison en est que le veau grandit beaucoup plus vite et a un plus gros squelette que celui du petit humain; il a donc besoin de davantage de calcium. Quand un nourrisson est nourri exclusivement au lait de vache, l'excès de calcium n'est pas bon mais ne cause pas de dommage. Il n'entraîne pas une croissance excessive, car l'excès de calcium passe dans les urines.

Le lait est également une bonne source de riboflavine et de vitamine A. Il contient aussi de la thiamine et de la vitamine C, mais il est très pauvre en fer et en niacine. La mère fournit généralement une réserve en fer à son enfant durant la grossesse. Cependant, cette réserve diminue après les six mois de vie du nourrisson et, si l'alimentation au lait seul se poursuit, une anémie ferriprive peut apparaître.

La thiamine est le constituant du lait humain qui varie le plus par rapport aux autres constituants, et sa quantité est liée à l'apport de cette vitamine par la mère. Un béribéri infantile peut survenir chez les enfants nourris au sein d'une mère carencée en thiamine. Le contenu en vitamine A du lait humain est, dans une certaine mesure, dépendant du régime alimentaire de la mère.

Malgré les variations dans la composition du lait des différents animaux, tous les laits sont riches en protéines et autres nutriments et constituent un bon aliment pour l'être humain, en particulier pour l'enfant (photo 65). Le lait de vache (photo 66) est celui qui est le plus souvent consommé par les hommes mais certaines sociétés utilisent également du lait de bufflonne, de chèvre, de brebis ou de chamelle. Le lait peut être l'objet de tabous dans certaines sociétés.

Nombreuses sont les régions du monde où le lait est plus souvent consommé caillé ou fermenté que frais. En fait, certaines personnes détestent le lait frais. Il n'y a aucune raison de vouloir modifier cette habitude, car le lait caillé se conserve plus longtemps, garde sa valeur nutritive et est peut être plus digeste et plus hygiénique que le lait frais. Par contre, il est plus sain de boire du lait qui a été bouilli et conservé dans un récipient propre, car le lait peut être un véhicule de transmission d'organismes pathogènes.

La pasteurisation du lait menée efficacement dans une grande laiterie bien organisée réduit grandement le risque de développement d'organismes pathogènes, pourvu que le lait soit placé dans des récipients propres, pour être livré directement au consommateur. Toutefois, dans de nombreuses petites villes où la pasteurisation n'est pas bien contrôlée, le lait peut être insuffisamment chauffé et les récipients mal nettoyés. Il arrive que le lait quitte l'usine dans de larges bidons pour être embouteillé ailleurs dans un environnement insalubre. Le consommateur de lait ne doit pas faire confiance aux laits étiquetés "pasteurisés", car ils ne sont pas obligatoirement dépourvus d'organismes pathogènes.

Dans les nombreux pays où le lait de vache est un élément courant de l'alimentation, il est d'usage de sevrer le nourrisson avec un régime alimentaire dans lequel le lait de vache a une place importante. C'est une bonne pratique, car elle permet d'assurer un régime alimentaire équilibré à l'enfant, en fournissant tous les besoins nutritionnels nécessaires à sa croissance et à sa santé.

Certaines personnes sont obligées de limiter leur consommation de lait à cause d'une intolérance au lactose. Cela est dû à l'absence de lactase, l'enzyme intestinale qui permet l'assimilation du lactose (sucre caractéristique du lait). Cette diminution de l'activité lactasique chez l'adulte moyen est normale et est très fréquente dans les populations africaines et asiatiques. Des études ont montré que la plupart des personnes intolérantes au lactose peuvent en fait supporter de petites quantités de lait (trois à cinq tasses par jour) sans développer de symptômes.

Lait écrémé et lait écrémé en poudre

Le lait écrémé est du lait auquel on a retiré les matières grasses (celles-ci servant généralement à faire du beurre). Le lait écrémé en poudre est un produit très courant dans de nombreux pays. Il contient presque toutes les protéines du lait, ainsi que les glucides, le calcium et les vitamines B. C'est un excellent aliment, en particulier pour ceux dont l'alimentation est essentiellement à base de glucides et pour ceux qui ont davantage besoin de protéines. Dans certains endroits, les cliniques et les centres de santé fournissent le lait écrémé en poudre à ceux qui ont des besoins particuliers. On l'utilise beaucoup dans les hôpitaux et les dispensaires comme base de traitement pour la malnutrition protéino-énergétique. On le distribue également dans les cliniques pour enfants pour prévenir cette forme de malnutrition qui est la plus dévastatrice. Le lait écrémé est un excellent complément à tout régime alimentaire, mais il est particulièrement recommandé aux enfants et aux femmes enceintes et allaitantes. Toutefois, il n'est pas adapté comme substitut du lait entier pour les nourrissons. Il est parfois ajouté à des suppléments diététiques tels que le mélange maïs/soja/ lait.

Lait entier en poudre

Ce lait, comme son nom l'indique, est un lait entier qui a été déshydraté. Contrairement au lait écrémé en poudre, il a conservé sa teneur en lipides. Il est adapté aux nourrissons qui ne peuvent être nourris au sein.

Lait condensé et lait concentré sucré

Ce sont des laits auxquels on a retiré une grande partie de l'eau qu'ils contiennent mais qui restent liquides. Le lait concentré est sucré parce qu'on y a rajouté du sucre, alors que le lait condensé n'en contient pas. La plupart des fabricants de lait condensé ajoutent des vitamines à leurs produits. Il est préférable de choisir ces marques, en particulier si ce lait est destiné à l'alimentation des jeunes enfants. Ces laits ne sont pas adaptés comme substitut du lait maternel pour les nourrissons.

Yaourt et laits caillés ou fermentés

Pour préparer des yaourts et des laits fermentés, on a recours à des ferments lactiques. Ces produits sont faciles à préparer, sont très nutritifs, se conservent plus longtemps, et sont moins susceptibles d'abriter des germes pathogènes que le lait frais. Leur consommation devrait être encouragée.

Caséine

La caséine est la protéine du lait. Elle est plutôt chère. On la mélange souvent à des préparations pour enfants souffrant de malnutrition protéino-énergétique (voir chapitre 12).

Fromage

La fabrication du fromage est sans doute née du désir des fermiers de conserver l'excédent de lait en été. Il existe de nombreux procédés, mais le principe général est de faire cailler le lait (caillage) et par la suite d'en retirer une partie de l'eau (égouttage). On peut y ajouter du sel et autres parfums. Faire du fromage est un excellent moyen d'utiliser les excédents de lait produits pendant les périodes de fort rendement.

Beurre et beurre clarifié (ou ghee)

Ce sont tous les deux des dérivés du lait mais, étant particulièrement riches en lipides, ils sont traités dans le chapitre consacré aux matières grasses (voir chapitre 30).



PHOTO 62

La viande, aliment très important en Somalie, est transportée à dos d'âne



PHOTO 63

La construction de viviers devrait être encouragée dans les endroits où l'on trouve de l'eau



PHOTO 64

Un poulailler dans une arrière-cour à Accra, au Ghana, fournit des œufs, un aliment très digeste et riche en protéines, bon pour les nourrissons et les jeunes enfants



PHOTO 65

Le lait (maziwa) contient des protéines, comme le poisson (samaki), des lipides, comme l'huile (maputa) et des glucides, comme le maïs (mahindi)



PHOTO 66

Traite d'une vache au Kenya

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