FAO/SMIAR - Perspectives de l'Alimentation No. 2 , Avril 1998

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MANIOC




 

Accroissement de la production de manioc en 1997

Les estimations de la production mondiale de manioc en 1997 ont été légèrement révisées à la hausse depuis le dernier rapport de novembre 1997 et s’établissent actuellement à 166,4 millions de tonnes de racines fraîches, dues essentiellement aux augmentations en Afrique et en Amérique latine et aux Caraïbes. En Afrique, la principale région productrice, la production s’élèverait à 85,2 millions de tonnes, soit un million de plus que la campagne précédente, principalement grâce aux bonnes conditions météorologiques qui ont favorisé un accroissement des semis et des rendements. Les récoltes ont été meilleures dans les pays suivants: Bénin, Cameroun, République centrafricaine, Côte d’Ivoire, Ghana, Libéria, Madagascar, Mozambique et Ouganda. Au Nigeria, (le premier producteur mondial), la production de manioc est estimée à 32 millions de tonnes, légèrement mieux qu’en 1996. En revanche, les récoltes ont été médiocres au Burundi et au Kenya compte tenu du temps sec, ainsi qu’en Tanzanie, à cause d’infestations généralisées de ravageurs, tels que l’acariose du manioc, la cochenille farineuse, et de maladies comme le virus de la mosaïque du manioc qui ont réduit les semis et les rendements. Les troubles civils en République du Congo et en Sierra Leone, qui ont perturbé les travaux agricoles, ont également contribué à un recul de la production. Les volumes des récoltes n’ont guère subi de changements dans les autres pays de la région.

En Asie, la production totale de 1997 est estimée à 48,6 millions de tonnes, pratiquement au même niveau que celle de la campagne précédente. Parmi les principaux pays producteurs, en Thaïlande, la production a été supérieure de 4 pour cent à celle de 1996, tandis qu’en Indonésie, elle a baissé de 5 pour cent à cause de la sécheresse qui a régné durant les derniers mois de 1997. Au Viet Nam, la production est estimée à 2,1 millions de tonnes, comme l’an dernier, en dépit de la conversion des terres habituellement cultivées en manioc au profit de cultures plus rémunératrices, telles que le riz et le maïs. Toutefois, au sud, d’anciennes friches sont en train d’être transformées en terres de culture intensive du manioc avec des variétés à haut rendement ayant une forte teneur en fécule, compte tenu du grand intérêt manifesté par les féculeries.

En Amérique latine et aux Caraïbes, la production de manioc devrait s’établir à 32,4 millions de tonnes en 1997, soit une hausse de 2,5 pour cent, essentiellement due à une reprise au Paraguay, où les agriculteurs sont passés du coton au manioc, ainsi qu’à des relèvements de la production en Bolivie, en Colombie, au Pérou et au Venezuela. En revanche, un recul de la production a été observé au Brésil, le deuxième producteur et transformateur mondial, et au Costa Rica et en République dominicaine, à cause de la diminution des semis et des problèmes de sécheresse.
 

PRODUCTION MONDIALE DU MANIOC 1/
 
1995  1996  1997 prélim. 
(. . . millions de tonnes . . .) 
Total mondial  165.2  164.8  166.4
Afrique  84.9  84.2  85.2
Congo, Rép, dem.  19.4  16.8  16.8
Ghana  6.6  7.1  7.6
Madagascar  2.4  2.4  2.4
Mozambique  4.2  4.7  5.3
Nigéria  31.4  31.4  32.1
Ouganda  2.2  2.2  2.3
Tanzanie  6.0  5.9  4.4
Asie  48.2  48.8  48.6
Chine  3.5  3.5  3.5
Inde  6.0  6.0  6.0
Indonésie  15.4  17.0  16.1
Philippines  2.0  1.9  1.9
Thaïlande  18.2  17.4  18.1
Viet Nam  2.2  2.1  2.1
Amérique latine et les Caraïbes  31.9  31.6  32.4
Brésil  24.6  24.6  24.5
Colombie  1.8  1.8  1.8
Paraguay  3.1  2.6  3.2
 

Accroissement de la demande

En Afrique, plusieurs facteurs ont contribué à un essor de la demande de produits alimentaires à base de manioc frais et transformé en 1997, notamment les politiques en vigueur visant à restreindre les importations céréalières et le bouleversement des systèmes de commercialisation des céréales dans certains pays touchés par les troubles civils. D’après des enquêtes menées récemment en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Nigeria, les farines et la fécule de manioc sont de plus en plus utilisées pour remplacer la farine de blé importée dans la production de pain, collations, tartes/pâtisseries et autres produits alimentaires. Les consommateurs de ces pays ont bien accueilli le remplacement de la farine de blé par la farine de manioc (jusqu’à 20 pour cent) dans la fabrication du pain et d’autres produits. Ceci souligne le potentiel de cette culture qui pourrait devenir un intrant important pour l’industrie de l’alimentation de nombreux pays africains. Dans d’autres zones de la région, par exemple, en Tanzanie et en Sierra Leone, le manioc et d’autres racines ont continué à jouer un rôle important dans la sécurité alimentaire, aidant à combler une bonne partie du déficit vivrier céréalier en 1997. En revanche, l’utilisation du manioc pour l’alimentation du bétail demeure relativement restreinte dans la région à cause de l’insuffisance d’installations de transformation et de commercialisation qui limite sa compétitivité par rapport aux aliments pour animaux à base de céréales.

En Amérique latine et aux Caraïbes, l’utilisation globale de manioc frais et transformé a augmenté, essentiellement au Paraguay, en Bolivie, au Pérou et au Venezuela, ainsi que dans les pays des Caraïbes. Au Brésil, la consommation alimentaire de manioc aurait augmenté principalement au détriment de son usage fourrager. L’accroissement de la consommation a été favorisé par la popularité croissante des nouveaux produits dérivés du manioc, comme par exemple, la fécule fermentée, connue sous le nom de "polvilho azedo" qui sert à la fabrication du pain, à l’industrie alimentaire et aux chaînes urbaines de restauration rapide. De même, on note une transformation accrue du manioc en pain sans levain ("casaba") dans les pays du bassin des Caraïbes. Parallèlement à l’évolution de la production, l’utilisation du manioc pour l’alimentation des animaux aurait augmenté en Bolivie et au Paraguay, mais diminué au Brésil.

En Asie, la consommation totale de manioc devrait avoir légèrement reculé en 1997, l’essentiel de cette baisse étant concentré en Indonésie. Elle a toutefois augmenté dans plusieurs pays, notamment en Chine, en République de Corée, aux Philippines et en Malaisie, qui ont tous accru leurs importations. On estime également que l’utilisation du manioc -surtout sous forme de produits alimentaires et de produits industriels- a progressé en Thaïlande, en dépit d’une augmentation des exportations.

Dans les pays développés, l’utilisation du manioc comme aliment du bétail est resté proche du niveau de l’année précédente dans la CE, le plus vaste marché de farines protéiques et d’aliments pour animaux, y compris le manioc, et ceci, en dépit de la peste porcine qui a frappé les principaux pays utilisateurs de manioc, en particulier les Pays-Bas et l’Allemagne. Par ailleurs, on n’a guère noté de changements au Japon et aux Etats-Unis, tandis qu’en Israël, les achats de granulés pour l’alimentation animale, qui avaient été interrompus en 1995, ont repris.
 


Intensification des échanges en 1997

En 1997, les échanges mondiaux de manioc ont été révisés à la hausse (+ 300 000 tonnes) depuis le dernier rapport, et sont désormais estimés à 6,3 millions de tonnes (15,8 millions de tonnes en équivalent racines fraîches), soit 9 pour cent de plus qu’en 1996. Les cossettes et les granulés pour usage fourrager ont représenté 85 pour cent du total, contre 15 pour cent pour la farine et la fécule, à peu près les mêmes proportions que l’année précédente. L’accroissement des échanges de manioc tient principalement à l’augmentation des achats des pays non-CE, tandis que les importations de la CE sont demeurées pratiquement inchangées.
 
COMMERCE MONDIAL DU MANIOC 1/
 
1995  1996  1997 prélim.
( . . millions de tonnes . . ) 
Exportations 
mondiales  5,2  5,8  6,3
Thaïlande  3,9  4,6  5,1
Indonésie  0,5  0,4  0,4
Chine 2 0,4  0,4  0,4
Autres pays  0,4  0,4  0,4
Importations mondiales  5,2  5,8  6,3
CE 3 3,3  3,5  3,5
Chine 2 0,5  0,3  0,5
Japon  0,3  0,3  0,4
Corée, Rép. de  0,2  0,6  0,5
Autres pays  0,9  1,1  1,4
  Les expéditions vers les pays non-CE ont augmenté de 22 pour cent en 1997, s’établissant à 2,8 millions de tonnes, soit 44 pour cent du commerce mondial. La Chine, l’Indonésie, Israël, la Malaisie, le Japon, la République de Corée, le Pakistan, les Philippines, Singapour et la Turquie ont effectué des achats beaucoup plus importants. Ses droits d’importation ayant été abaissés de 35 à 20 pour cent, la Chine a importé davantage de farine et de fécule, mais aussi de cossettes et de granulés. Dans les autres pays, la plupart des augmentations sont imputables à l’accroissement des importations de farine et de fécule, sauf pour la République de Corée, qui n’achète des cossettes et des granulés que pour la fabrication d’alcool et la production d’aliments pour animaux. Les importations de manioc de la CE, qui continuent à être limitées par les accords de coopération avec les principaux exportateurs, sont demeurées aux alentours de 3,5 millions de tonnes en 1997, compte tenu essentiellement des politiques en vigueur dans les grands pays fournisseurs de la Communauté qui visaient avant tout à satisfaire la demande croissante des marchés intérieurs.

La progression des exportations mondiales de manioc en 1997 est due à un accroissement des expéditions de Thaïlande qui assurent environ 80 pour cent des échanges internationaux. Les exportations totales de produits dérivés du manioc en provenance de ce pays sont estimées à 5,1 millions de tonnes, soit 11 pour cent de plus qu’en 1996, dont 4,1 millions de tonnes de cossettes et de granulés. En Indonésie, les ventes vers l’étranger en 1997 sont estimées à 400 000 tonnes, à peu près comme l’année précédente, compte tenu de la récolte réduite et des restrictions à l’exportation imposées par le gouvernement pour couvrir les besoins intérieurs. En particulier, les livraisons à la CE ont été inférieures à 100 000 tonnes, considérablement moins que le contingent autorisé de 866 000 tonnes. Pour ce qui est des autres exportateurs traditionnels de manioc, les ventes de la Chine et du Viet Nam seraient au même niveau qu’en 1996. Aucun des deux pays, tous deux exportateurs et importateurs de produits à base de manioc, n’a réussi à atteindre ses contingents, comme l’Indonésie, à cause de la progression de la demande intérieure et d’un transfert des approvisionnements vers d’autres marchés. Les expéditions des exportateurs mineurs d’Afrique, Amérique latine, Caraïbes, et Asie, sont restées aux alentours de 400 000 tonnes.
 


Les prix des granulés de manioc ont atteint leur plus bas niveau

Prix du manioc, de la farine de soja et de l'orge dans l'UEEn 1997, le prix à l’importation des granulés de manioc, le produit dérivé du manioc le plus commercialisé à l’échelle internationale, a continué à baisser dans la CE, perdant 29 pour cent pour s’établir à 108 dollars E.-U. la tonne, soit le plus bas niveau des dix dernières années. Les prix du manioc ont été victimes de la demande d’importations relativement faible de cossettes de tapioca et de granulés dans la CE par rapport à la campagne précédente, due principalement à la poussée de fièvre porcine, à la chute des prix des céréales fourragères sur le marché intérieur et au raffermissement des cours des farines protéiques. Du côté de l’offre, la baisse des prix s’explique également par la faible teneur en fécule des racines de manioc en Thaïlande due aux précipitations excessives au moment de la récolte. Dans le même temps, en 1997, les prix de l’orge, un des principaux concurrents du marché fourrager, étaient de 161 dollars E.-U. la tonne dans la CE, soit 17 pour cent de moins que la moyenne de 1996, tandis que ceux des granulés de soja d’Argentine (c.a.f. Rotterdam) atteignaient une moyenne annuelle de 276 dollars E.-U. la tonne, soit 3 pour cent de plus qu’en 1996. Malgré la légère hausse des prix de la farine de soja et de la baisse des cours de l’orge (voir tableau), les mélanges manioc/soja dans la Communauté ont maintenu des prix attrayants, dus en grande partie au fort recul des prix du manioc.
 




 

PRIX DU MANIOC, DE LA FARINE DE SOJA ET DE L’ORGE DANS LA CE
 
Granulés de 
manioc 1/ 
Farine de soja 2/  Mélange manioc/ farine de soja 3/  Orge 4/
( . . . . . . . . . . . . . . . .dollars E.-U./ tonne . . . . . . . . . . . . . . . . .) 
1991  178  197  186  222
1992  183  204  187  235
1993  137  208  151  197
1994  144  192  154  182
1995  177  197  181  209
1996  152  268  175  194
1997  108  276  142  161
1998 5 98  210  120  155
 

Production, échanges et prix: perspectives pour 1998

D’après les premières indications, la production mondiale de manioc en 1998 devrait subir une forte contraction due aux conditions météorologiques défavorables liées au phénomène El Niño dans plusieurs pays le long de la zone équatoriale ainsi que dans l’hémisphère Sud. On prévoit une diminution des récoltes dans plusieurs pays d’Afrique occidentale et australe, y compris la République démocratique du Congo, le Bénin, la Tanzanie et l’Ouganda, où le manioc joue un rôle important pour la sécurité vivrière. En outre, si les conditions de sécheresse persistent, les principaux pays producteurs, tels que le Brésil, l’Indonésie et la Thaïlande, pourraient connaître des baisses de la production en 1998. Un recul de la production dans ces deux derniers pays pourrait se traduire par une contraction du volume mondial des échanges en 1998, en particulier compte tenu des prévisions actuelles d’une chute des cours mondiaux des céréales fourragères et d’une abondance d’aliments pour animaux dans la CE. Le recul des échanges serait dû à la baisse des expéditions de cossettes et de granulés pour le fourrage, tandis que les échanges de farine et de fécule pourraient augmenter.

Des disponibilités réduites de manioc pourraient provoquer une hausse des prix intérieurs et internationaux. Les prix intérieurs des racines en Thaïlande ont déjà atteint un plafond historique, en devise locale, de 2,30 baht/kg (52,6 dollars E.-U. la tonne) 1/ durant la première moitié de mars 1998, contre 1,03 baht/kg (39,8 dollars E.-U. la tonne) 2/ durant la même période de l’an dernier. Sur les marchés internationaux, les prix à l’exportation de la farine/fécule de tapioca Thaï (f.o.b. Bangkok), sont passés de 250 dollars E.-U. la tonne en mars 1997 à 325 dollars E.-U. la tonne en mars 1998. Par ailleurs, les prix des granulés de manioc exportés vers la CE au cours du premier bimestre 1998 ont diminué, mais ils pourraient augmenter étant donné les perspectives de baisse des prix du soja. Toutefois, ceci dépendra en grande partie de l’évolution des prix des céréales fourragères sur les marchés de la Communauté.

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1/ Au taux de change moyen de 43,7 baht pour un dollar E.-U. (mi-mars 1998).
2/ Au taux de change moyen de 25,82 baht pour un dollar E.-U. (mi-mars 1997).  


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