FAO/SMIAR: Rapport sur l'Afrique, Août 1998:

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PREMIERE PARTIE: VUE D'ENSEMBLE




Les perspectives alimentaires pour l’Afrique subsaharienne en 1998 sont variables. A la mi-1998, les récoltes s’annoncent généralement bonnes dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est, notamment au Kenya, en Ethiopie, en Tanzanie et en Ouganda, avec une certaine reprise après les effets catastrophiques des dernières sécheresses et inondations. En revanche, la situation alimentaire demeure précaire dans le sud du Soudan et en Somalie où les intempéries conjuguées aux troubles intérieurs et à l’insécurité permanente ont empêché une reprise de la production. Dans la région des Grands Lacs, l’insécurité et les déplacements de population persistants dans certaines zones n’empêchent pas une reprise progressive de la production vivrière, qui se rapproche des niveaux enregistrés avant la crise, au début des années 90. En Afrique australe, la production vivrière a chuté dans plusieurs pays, essentiellement à cause des anomalies météorologiques liées au phénomène El Niño, tandis que dans d’autres, les récoltes ont été supérieures à la normale. En Afrique de l’Ouest, plusieurs pays connaissent des difficultés d’approvisionnement alimentaire dues, soit à la production insuffisante par endroits en 1997, soit à des troubles intérieurs récents ou en cours. Les besoins d’importations céréalières et d’aide alimentaire pour l’Afrique subsaharienne devraient largement dépasser ceux de 1997.



PRECARITE DE LA SITUATION ALIMENTAIRE DANS PLUSIEURS ZONES D’AFRIQUE DE L’EST MALGRE DES BONNES PERSPECTIVES DE RECOLTES DANS L’ENSEMBLE

Dans le sud du Soudan, fortement touché par des troubles intérieurs permanents et par une mauvaise récolte en 1997, la situation alimentaire s’est détériorée de façon radicale au cours des derniers mois. La malnutrition et les pénuries alimentaires graves sont en augmentation en dépit de la distribution accrue de l’aide alimentaire. Des conditions de famine ont fait leur apparition dans plusieurs zones, en particulier dans la région de Bahr-El-Gazal où les combats intenses sont à l’origine des récents déplacements de population. A Wau, on signale l’arrivée journalière de 2 500 personnes. Selon des rapports récents, des enfants meurent de faim dans cette région. Les études nutritionnelles font également état d’un taux accru de malnutrition grave parmi les enfants, avec des augmentations allant jusqu’à 78 pour cent selon les endroits (Ajiep). Dans les états les plus touchés (Bahr-El-Ghazal, Equatoria oriental, Haut-Nil occidental et Jonglei), on estime à 1,2 million le nombre total de personnes se trouvant dans des conditions de famine. Les besoins d’aide alimentaire de ces populations ont été révisés à la hausse de 50 pour cent et devraient se chiffrer à 15 000 tonnes de denrées alimentaires par mois, céréales et légumineuses pour l’essentiel. Dans l’ensemble, on estime qu’environ 2,6 millions de personnes nécessitent une aide alimentaire au Soudan, surtout dans le sud.

L’insécurité et le mauvais état des routes sont des obstacles importants qui empêchent d’atteindre les populations concernées. Il faut donc recourir au transport aérien, ce qui rend la fourniture de l’aide alimentaire extrêmement coûteuse. En dépit de l’intensification de la distribution de l’aide alimentaire, les quantités distribuées en juin ont été inférieures de quelque 40 pour cent aux besoins estimés. Néanmoins, la situation devrait s’améliorer à la suite de la récente autorisation du gouvernement d’augmenter le nombre d’avions affectés aux opérations de secours. De nouvelles annonces d’aide alimentaire et un appui logistique sont nécessaires sans délai si l’on veut éviter une famine généralisée.

Les moissons des cultures céréalières de 1998 ont débuté dans la plupart des zones du sud du Soudan, mais elles s’annoncent mauvaises. Les superficies ensemencées ont diminué en raison des déplacements continus de population, auxquels il faut ajouter les pluies tardives et insuffisantes, ainsi que les pénuries de semences qui se sont déclarées malgré les programmes de distribution de semences organisés sur grande échelle par les organismes internationaux. Quant aux pluies irrégulières de mai et juin, elles ont nui au développement des cultures. La situation suscite une grande inquiétude dans les zones situées à l’ouest du Nil où le temps sec s’est prolongé, notamment dans la région de Bahr-El-Gazal septentrional, où des mauvaises récoltes sont attendues. En revanche, le niveau élevé des eaux du Nil Blanc a provoqué des inondations à l’est du pays, le long du couloir de la Sobat. Il s’agira de la deuxième mauvaise récolte consécutive, après une production céréalière en 1997 inférieure de 45 pour cent à celle de 1996. Après 15 ans de troubles intérieurs, les mécanismes d’adaptation sont épuisés et l’aide alimentaire d’urgence devra se prolonger jusqu’en 1999.

En Somalie, les perspectives des récoltes céréalières de la campagne principale (Gu), qui ont lieu en ce moment, ne sont pas bonnes. On estime que les superficies ensemencées en maïs et en sorgho ont diminué d’un tiers par rapport à la production déjà réduite de l’année passée. Cette situation est due aux pluies insuffisantes depuis le début de la saison, ainsi qu’à un ensemble de facteurs négatifs liés aux récentes inondations. Ces facteurs comprennent la superposition de la campagne Gu avec la récolte des cultures de contre-saison ensemencées immédiatement après les inondations, la prolifération de plantes adventices, les attaques de ravageurs et d’insectes au moment des semis, la destruction de l’infrastructure d’irrigation, en plus des inondations et des pénuries de semences. Un autre facteur déterminant a été l’insécurité dans certaines zones du pays. Les rendements devraient également souffrir de la période prolongée de sécheresse qui a sévi entre la deuxième semaine du mois de mai et la fin juin, avec une seule interruption, le 24 et le 25 juin, lors des fortes pluies suivies d’inondations qui sont tombées dans certaines zones. Selon les premières prévisions, la production céréalière devrait diminuer de 50 pour cent par rapport aux récoltes Gu de l’année dernière, soit un tiers à peine du niveau enregistré avant les troubles intérieurs. Les régions les plus touchées sont le Shebelle inférieur et moyen, le Djouba inférieur, le Hiraan et le nord-ouest du pays.

On signale que le bétail est en bonne santé du fait des pâturages abondants, mais l’actuelle interdiction imposée par l’Arabie saoudite d’importer du bétail et de la viande de Somalie risque de compromettre gravement les revenus de la population pastorale. L’Arabie saoudite est en effet le principal marché pour écouler leurs produits. En outre, l’élevage est la première source de recettes en devises pour la Somalie. La diminution des exportations a donc entraîné la dévalorisation de la monnaie nationale et une hausse des prix des céréales importées. Les prix du sorgho et du maïs ont également subi une forte hausse il y a un mois en prévision de la mauvaise récolte de la campagne Gu.

La production réduite de la campagne Gu de 1998 fait suite aux inondations catastrophiques de la fin 1997 qui ont assené un coup très dur à la situation alimentaire déjà précaire du pays qui subissait alors les effets de plusieurs mauvaises récoltes consécutives et de troubles intérieurs persistants. Une aide alimentaire accrue sera nécessaire jusqu’à l’arrivée des récoltes de la deuxième campagne, à partir de décembre 1998, si l’on veut éviter une crise alimentaire généralisée.

En Erythrée, la situation alimentaire déjà rendue difficile par la récolte céréalière réduite de 1997 s’est détériorée dans le sud en raison du conflit avec l’Ethiopie, pays voisin. On estime que les hostilités ont causé le déplacement de plus de 50 000 personnes dans la région d’Afar, au sud du pays, exerçant une pression supplémentaire sur la situation alimentaire fragile des communautés d’accueil. Les personnes déplacées ne pourront pas se consacrer à l’agriculture au cours de cette saison. Les prix des denrées alimentaires ont augmenté à l’échelle nationale depuis la dernière récolte de décembre.

Les semis des céréales de 1998 ont commencé. Les premières perspectives sont incertaines du fait des pluies inférieures à la normale tombées en juin dans le sud-est du pays.

En Ethiopie, les cultures secondaires "Belg", bonnes dans l’ensemble, sont moissonnées en ce moment. Malgré l’arrivée tardive et la faiblesse des premières pluies, les précipitations qui ont suivi ont été généralement suffisantes pendant le reste de la saison, en particulier dans le sud-ouest du pays. Dans les zones où les cultures "Belg" assurent l’essentiel des approvisionnements alimentaires annuels, le bon niveau de la production a conduit à une baisse des prix des denrées alimentaires et, partant, à une meilleure sécurité alimentaire. Néanmoins, dans le sud du Tigré, dans le nord et le sud de Wollo, dans l’est et l’ouest de HARRAR et dans le nord-ouest de Choa, la récolte "Belg" devrait être limitée en raison de la longue vague de sécheresse du début de la saison et des infestations de ravageurs.

La situation des approvisionnements alimentaires est satisfaisante dans l’ensemble. Pourtant, on estime que des difficultés alimentaires persistent pour 5,3 millions de personnes, dont celles ayant rentré de maigres récoltes en 1997 et pour les groupes vulnérables de la population. En ce qui concerne l’aide alimentaire, les contributions annoncées par les donateurs couvrent pratiquement tous les besoins estimés, mais les livraisons effectuées sont inférieures aux niveaux établis. Cette situation est partiellement due à la fermeture des ports de Massawa et d’Assab en Erythrée, à la suite du récent conflit frontalier et à l’encombrement du port de Djibouti. La situation alimentaire des quelques 170 000 personnes déplacées par le conflit suscite également une grande inquiétude.

Selon les premières prévisions, la récolte des cultures de la campagne "Meher" de 1998 s’annonce bonne. Ces cultures assurent plus de 90 pour cent de la production céréalière annuelle du pays. Les pluies généralement suffisantes de mai et juin ont été bénéfiques pour les semis et pour l’établissement des cultures ensemencées précédemment.

Au Kenya, un volume important de maïs a été importé entre avril et juin, le gouvernement ayant renoncé à taxer les importations de maïs après la récolte réduite de l’année dernière. Cela a provoqué une chute des prix et a permis un meilleur accès à la nourriture pour la majorité de la population. La situation alimentaire est satisfaisante dans l’ensemble, même si des difficultés persistent dans les régions pastorales du nord-est où les inondations de la fin 1997 ont causé d’énormes pertes de bétail. Les prix n’ont pas baissé dans ces régions en raison du mauvais état des routes qui gêne le transport des denrées alimentaires.

Les précipitations moyennes ou supérieures à la normale tombées en juin ont permis le maintien de conditions favorables pour le développement des cultures céréalières de la longue saison des pluies de 1998. Malgré l’arrivée tardive de la saison des pluies et l’abondance des précipitations ayant suivi, on estime que les surfaces ensemencées en maïs sont dans la moyenne. Les premières prévisions sont favorables en ce qui concerne la récolte qui débutera en octobre dans la zone principale de production de la vallée du Rift. En revanche, les semis de haricots ont subi une forte réduction en raison des pénuries de semences après deux années consécutives de production faible et de prix élevés.

En Tanzanie, une mission FAO/PAM d’évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires a fourni des estimations sur la production des cultures des "pluies saisonnières" de 1998, dans les régions à régime de pluies unimodal (ces cultures assurent l’essentiel de la production céréalière annuelle), ainsi que sur la production des cultures "Masika" dans les zones à régime bimodal. Selon ces prévisions, la production sera nettement supérieure aux faibles récoltes de l’année dernière et au-dessus de la moyenne. La production des cultures "Vuli", récoltées en début d’année, a également été bonne, malgré les graves inondations attribuées à El Niño. La mission a donc estimé que les disponibilités alimentaires nationales dépasseront la demande pour toutes les cultures vivrières, à l’exception du mil et du sorgho pour lesquels on prévoit des déficits qui devraient être couverts par les substitutions croisées avec d’autres cultures. Des exportations transfrontalières informelles de denrées alimentaires sont attendues avec les pays voisins.

Cependant, des déficits vivriers très importants sont signalés dans la plupart des régions du centre et dans certaines zones du nord et de la côte. En coopération avec le PAM, le gouvernement réalise actuellement un travail d’identification des villages à déficit vivrier et des ménages vulnérables nécessitant une aide alimentaire. Aucune aide alimentaire de source extérieure n’est requise.

En Ouganda, la situation générale des approvisionnements alimentaires est satisfaisante, mais de graves difficultés alimentaires touchent le nord et l’ouest du pays où les troubles intérieurs persistants continuent à provoquer le déplacement des populations et à perturber les travaux agricoles. L’insécurité croissante qui règne dans ces régions depuis la mi-avril a empêché d’accéder aux populations déplacées et de distribuer une aide alimentaire. Ailleurs, la situation difficile des approvisionnements alimentaires dans les régions de l’ouest et du nord, où la récolte de la deuxième campagne de 1997 a été réduite, devrait s’améliorer avec l’arrivée de la nouvelle récolte sur les marchés à partir de ce mois.

Dans l’ensemble, les perspectives sont incertaines pour les cultures de la première campagne de 1998, dont la récolte a déjà commencé dans certaines zones du pays. L’arrivée tardive des pluies et les précipitations irrégulières et sporadiques durant la période de végétation se traduiront sans doute par une baisse des rendements. Dans certaines régions, les faibles rendements pourraient toutefois être compensés en partie par un accroissement des surfaces ensemencées en maïs, la disponibilité de semences étant plus grande. Dans les districts septentrionaux de Gulu et de Kitgum, l’intensification des actions des forces rebelles au moment des semis devrait entraîner une diminution de la production pour cette saison.



SITUATION ALIMENTAIRE DIFFICILE DANS PLUSIEURS PAYS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST

En Guinée-Bissau, des combats ont éclaté le 7 juin à Bissau, la capitale du pays, entre une fraction des forces armées et les troupes loyales au gouvernement du Président Joao Bernardo Vieira. Le conflit s’est étendu aux autres villes, notamment à Mansoa. Environ 400 000 personnes, pratiquement 80 pour cent de la population de la capitale, s’est enfui vers les régions rurales de Cacheu, Biombo et Quinara, ainsi que vers les îles côtières ou vers le Sénégal et la Guinée-Conakry, pays voisins. Environ 3 000 étrangers, dont le personnel des Nations Unies, des missions diplomatiques, des organismes d’aide humanitaire et des ONG internationales ont été évacués. Un accord de cessez-le-feu, signé le 26 juillet, devrait permettre la mise en oeuvre des programmes d’aide d’urgence.

Le conflit s’est déclaré au moment où commençait la période de végétation, ce qui a fortement perturbé les travaux agricoles. L’insécurité a également entravé la distribution des intrants aux agriculteurs. La production vivrière devrait donc chuter en 1998 et la situation des approvisionnements alimentaires risque d’être extrêmement difficile en 1998/99. Dès à présent, de grandes inquiétudes existent en ce qui concerne les disponibilités de denrées alimentaires et d’eau dans les villes et lieux où sont arrivées en masse les personnes déplacées. En ce moment, les stocks alimentaires locaux sont insuffisants et les réseaux habituels d’approvisionnement alimentaire sont désorganisés. Enfin, la saison des pluies étant en cours, il existe des risques réels d’épidémies de choléra et de paludisme.

La Guinée-Bissau importe normalement environ 40 pour cent de ses besoins de consommation céréalière, une grande partie de ceux-ci passent par le port maritime de Bissau. L’insécurité et les combats ont donc entraîné des pénuries alimentaires dans la capitale et ses environs. Avant la crise, la FAO avait estimé que les besoins d’importations céréalières pour la campagne de commercialisation 1997/98 (novembre/décembre) s’élevaient à 76 000 tonnes, mais les importations effectives ne devraient pas atteindre ce chiffre en raison de l’interruption des activités portuaires durant le conflit. L’un des effets majeurs pourrait être la diminution des approvisionnements céréaliers dans le sud du Sénégal. En effet, des quantités importantes de riz de production locale ou d’importation y sont généralement exportées. Des missions religieuses ont été actives en matière de distribution d’eau potable et de riz, mais les stocks vivriers et les réserves de carburant baissent progressivement. Dans l’immédiat, une aide extérieure d’urgence pourrait être expédiée.

En Sierra Leone, la situation des approvisionnements alimentaires est en amélioration à Freetown et dans le centre du pays où règnent désormais des conditions de paix relative. Des denrées alimentaires, des semences et des outils sont distribués dans ces régions. Cependant, les combats se poursuivent dans l’est et le nord du pays entre l’ECOMOG et les forces de la junte évincée du pouvoir, ce qui nuit à la disponibilité des denrées alimentaires et aux travaux agricoles. Des déplacements de population et des pillages sont signalés dans ces zones où la production vivrière de l’actuelle période de végétation devrait rester très limitée. En outre, les faibles précipitations de juin dans le centre et l’ouest du pays pourraient compromettre le développement des cultures et limiter ultérieurement la production agricole.

Les problèmes de sécurité empêchent les organismes d’aide humanitaire d’accéder à 130 000 des 200 000 réfugiés environ se trouvant près de la frontière avec la Guinée. Ces personnes déplacées sont extrêmement vulnérables et des problèmes de malnutrition grave risquent de faire leur apparition à moins qu’une aide alimentaire ne leur soit rapidement fournie. La situation des approvisionnements alimentaires reste précaire dans l’ensemble. Après plusieurs années de troubles intérieurs, le pays est en grande partie tributaire de l’aide alimentaire pour couvrir ses besoins. Un appel consolidé commun inter-Agences des Nations Unies pour fournir une aide humanitaire au pays a été lancé à la mi-juillet. Quelques 11,2 millions de dollars E.-U. sont estimés nécessaires pour satisfaire les besoins humanitaires immédiats pour la période 1er juillet-31 décembre 1998. Selon les estimations de la FAO, les besoins les plus urgents s’établissent à 2,7 millions de dollars E.-U., en faveur des 40 000 familles d’agriculteurs des régions de Bafata et de Gabu. A la fin juillet, la FAO a approuvé un projet visant à fournir des semences et des intrants agricoles aux populations sinistrées. Les prix des denrées alimentaires sont élevés sur les marchés urbains et devraient encore augmenter avant le début des récoltes. Les activités commerciales ont repris à Freetown et dans le centre du pays après la réouverture des routes principales. Les régions de l’est et du nord restent isolées du reste du pays du fait de l’insécurité.

Au Libéria, la période de végétation a bien commencé à la fin mars et des précipitations supérieures à la normale ont été enregistrées dans tout le pays depuis le début de la saison. La plus grande sécurité a permis de mettre en oeuvre des programmes de réhabilitation, y compris la distribution d’intrants agricoles. La situation des approvisionnements alimentaires est stable, mais le pays est encore largement tributaire de l’aide alimentaire pour satisfaire ses besoins. Les prix des denrées alimentaires sont élevés. On estime à 800 000 le nombre de réfugiés et de personnes déplacées, dont quelques 56 000 viennent d’arriver de la Sierra Leone. L’organisation du rapatriement est en cours.

Dans les pays sahéliens, suite aux récoltes de 1997 en dessous de la normale dans plusieurs pays, on signale des difficultés d’approvisionnement alimentaire dans certaines zones à déficit du Burkina Faso, de Mauritanie, du Niger et du Sénégal. Une longue période de sécheresse en juillet/août de l’année dernière a gravement nui aux cultures tout en réduisant la production céréalière à l’ouest du Sahel (Gambie, Mauritanie et Sénégal). Les populations vulnérables de différentes zones du Burkina Faso et du Niger sont également concernées par les faibles récoltes. Selon les estimations définitives des récoltes de 1997, la production céréalière totale dans les neuf pays membres du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) s’établit à 8,2 millions de tonnes, soit environ 10 pour cent en moins que la production de 1996 et que la moyenne des cinq dernières années. Pourtant, les marchés restent généralement bien achalandés, malgré les prix élevés et en augmentation des céréales dans les régions touchées par les mauvaises récoltes. La vente à des prix subventionnés ou la distribution gratuite de denrées alimentaires se poursuit ou est planifiée pour la période de soudure. Plusieurs gouvernements ont sollicité une aide alimentaire internationale pour les populations vulnérables. Au Niger et au Tchad, la situation s'est aggravée par les faibles stocks alimentaires nationaux de sécurité; pour leur reconstitution, on a obtenu seulement des fonds et des annonces d’aide alimentaire limités de la part des donateurs.



FORTE DIMINUTION DE LA PRODUCTION ALIMENTAIRE DANS PLUSIEURS PAYS D’AFRIQUE AUSTRALE

Bien que le phénomène El Niño ait eu, dans la sous-région, un impact inférieur aux prévisions, des périodes de sécheresse prolongées ont endommagé les cultures dans plusieurs pays, en particulier au Lesotho, en Namibie, en Zambie, au Botswana, en Afrique du Sud et au Zimbabwe. On prévoit donc dans ces pays une production céréalière inférieure aux récoltes de 1997. En revanche, en Angola, au Malawi, en Mozambique et au Swaziland, les précipitations abondantes et relativement bien réparties qui sont tombées pendant presque toute la saison des pluies ont donné lieu à une production céréalière au-dessus de la normale. A Madagascar, des criquets persistent encore dans maintes régions de production céréalière, mais ils n’ont généralement provoqué que des dégâts limités dans les champs.

Compte tenu de la diminution des récoltes dans plusieurs pays, on prévoit une nette augmentation des besoins d’importations céréalières par rapport au niveau de 1997, en particulier au Lesotho, en Namibie, en Zambie et au Zimbabwe. Une aide alimentaire d’urgence et ciblée est nécessaire dans certaines zones pour les populations touchées par les inondations ou la sécheresse. Un appui des donateurs sera également requis dans plusieurs pays, notamment des intrants agricoles, en vue d’une reprise de la production vers des niveaux normaux.



MEILLEURES PERSPECTIVES ALIMENTAIRES DANS LA REGION DES GRANDS LACS EN DEPIT DES DIFFICULTES DANS CERTAINES ZONES

Au Burundi, une récente mission FAO d'évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires a estimé que la production de la campagne B de 1998 sera supérieure de 4 pour cent à celle de l’année dernière. Ce résultat est le reflet de la situation plutôt calme en terme de sécurité, auquel il faut ajouter les précipitations suffisantes et bien réparties durant la période de végétation. Selon les prévisions de la mission, la production totale de 1998 sera supérieure de 15 pour cent aux récoltes de 1997.

Suite aux meilleures récoltes, les prix des denrées alimentaires, surtout les haricots et les bananes, ont commencé à baisser. Cela devrait garantir une plus grande sécurité alimentaire pour la majorité de la population. Néanmoins, des difficultés alimentaires demeurent pour les quelques 530 000 personnes se trouvant dans les camps de regroupement et pour les personnes déplacées qui regagnent leurs terres. Une aide alimentaire est requise pour ces secteurs de la population.

Au Rwanda, les prévisions sont meilleures pour les cultures dont la moisson a déjà commencé. Les pluies satisfaisantes de mai et juin ont été bénéfiques pour les cultures et, selon les premières estimations, la production vivrière de la deuxième campagne de 1998 sera supérieure à celle de l’année dernière et proche du niveau de 1990. La nouvelle récolte a permis une amélioration de la situation alimentaire difficile qui avait suivi la production vivrière insuffisante de la dernière campagne. Les prix des denrées alimentaires ont commencé à baisser en juin.

Néanmoins, dans le nord-ouest, dans les préfectures de Gitarama, Ruhengeri et Gisenyi où l’on signale une insécurité persistante et des incidents violents, la situation alimentaire reste difficile pour les personnes déplacées qui n’ont pas pu semer les cultures de cette saison. Une aide alimentaire est nécessaire pour ces populations. Il y a également un besoin urgent d’intrants agricoles pour permettre aux personnes déplacées de reprendre les activités de production dès la prochaine campagne. Malgré les meilleures récoltes dans l’ensemble, on prévoit le maintien d’une situation alimentaire difficile pour les habitants de la préfecture de Gikongoro, où la production a diminué en raison des pénuries de main-d’oeuvre et de semences, et pour un grand nombre de personnes rendues vulnérables par les événements de 1994.

En République démocratique du Congo, les perspectives de récoltes de la campagne B de 1998 étaient favorables. Début août, les combats ont toutefois repris dans les provinces orientales du nord et du sud Kivu, ce qui risque de provoquer une détérioration de la situation des disponibilités alimentaires. Les troubles intérieurs avaient déjà causé des déplacements importants de population et avaient empêché le déroulement normal des travaux agricoles. On signale une malnutrition grave. Selon les estimations, environ 80 pour cent de la population rurale de ces provinces aurait été contrainte à s’enfuir au moins une fois au cours des douze derniers mois. En outre, un déplacement de réfugiés burundais a été signalé près de Uvira. La récente intensification des combats va également entraver les activités de commercialisation et devrait entraîner de nouveaux déplacements de population.

De plus, les précipitations anormalement intenses de début 1998 ont provoqué les plus graves inondations depuis 35 ans. Ces dernières ont touché de larges zones du pays, causant d’importants dégâts aux habitations, à l’infrastructure, aux cultures et aux stocks vivriers et entravant l’acheminement de l’aide humanitaire. L’insécurité et les inondations ont fortement réduit la production agricole, ce qui a donné lieu à une hausse importante des prix des denrées alimentaires.



DEBUT DE LA PERIODE DE VEGETATION AU SAHEL DANS DES CONDITIONS VARIABLES

Dans l’ensemble, la saison des pluies a commencé dans les temps requis dans le centre et l’est du Sahel. Les premières pluies sont tombées en avril au Burkina Faso, à l’extrême sud du Tchad, au Mali et au Niger. A la mi-mai, elles avaient atteint l’est de la Guinée-Bissau et, entre début juin et la mi-juin, l’extrême sud-est du Sénégal et l’est de la Gambie. Des pluies ont également été enregistrées dans plusieurs zones de Mauritanie. La saison des pluies a commencé avec quelque retard à la mi-juillet ou à la fin juillet dans le centre et le nord du Sénégal. Les pluies plus abondantes tombées à la mi-juillet ont été bénéfiques pour les cultures au Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. Les images satellite de la dernière décade de juillet témoignent de la progression des nuages vers le nord, ceux-ci couvrant la plupart des zones productrices du Sahel. Les semis généralisés ont donc pu commencer dans le nord du Sénégal et en Mauritanie. Des pluies torrentielles ont été signalées début août dans la région de Niamey et à l’ouest du Niger où l’on déplore des dommages aux infrastructures et probablement aux cultures.

Les semis se poursuivent vers le nord avec l’arrivée des pluies. Les cultures se sont généralement développées de façon satisfaisante au Mali, au Burkina Faso, à l’ouest du Niger et au sud du Tchad. L’arrivée tardive de la saison des pluies dans le centre et le nord du Sénégal a raccourci la période de végétation.

On signale la présence de sauteriaux au Burkina Faso, au Niger et au Tchad. D’autres insectes ou même des oiseaux granivores ont également été signalés dans plusieurs pays. Des traitements sont en cours. Une faible activité de criquets pèlerins a été signalée au Mali. La ponte, peu importante, devrait commencer avec l’arrivée des pluies d’été dans le sud de la Mauritanie, dans le nord du Mali et au Niger.



RECENTES MISSIONS EN AFRIQUE D'EVALUATION DES CULTURES ET DES APPROVISIONNEMENTS ALIMENTAIRES

Entre janvier et juillet 1998, des missions d’évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires se sont rendues dans les pays suivants: Angola, Burundi, République démocratique du Congo, Mozambique, Rwanda, Somalie, Tanzanie et Zambie. En étroite collaboration avec les parties concernées, les missions ont fourni des estimations sur la production de céréales ou d’autres cultures vivrières, ainsi que sur les besoins d’importations céréalières pour 1998 ou 1998/99.

Angola: une mission conjointe FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires (avril/mai) a prévu une production céréalière pour 1997/98 de 594 000 tonnes, soit 38 pour cent de plus que la production de l’année dernière qui avait souffert d’un manque de pluie. La production était composée à 85 pour cent de maïs, le reste étant du sorgho et du mil. Selon les estimations, la production des autres cultures vivrières, en particulier le manioc et la patate douce, aurait également augmenté en raison des plus grandes surfaces ensemencées et des conditions météorologiques favorables ayant permis de meilleurs rendements. Néanmoins, le pays devra importer quelques 470 000 tonnes de céréales lors de la campagne de commercialisation 1998/99 (mai/avril) pour satisfaire les besoins de consommation.

Burundi: une mission FAO d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires s’est rendue sur place en juillet et a conclu que la production vivrière du pays est sur la voie de reprise. Selon les estimations, la production vivrière totale pour la campagne B de 1998 devrait être supérieure de 4 pour cent à celle de l’année passée. On prévoit que la production vivrière totale de 1998 sera supérieure de 15 pour cent au volume de l’année dernière.

République du Congo: Après les troubles intérieurs intenses qui ont provoqué le déplacement de presque tous les habitants de Brazzaville entre mai et novembre 1997, une mission conjointe FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires s’est rendue dans le pays en janvier. Cette dernière s’inscrivait elle-même dans le cadre d’une mission élargie inter-institutions chargée d’évaluer les besoins et d’examiner la situation des disponibilités alimentaires du pays. Selon ses estimations, la production alimentaire totale, en équivalent-céréales, va connaître un déficit de 118 000 tonnes par rapport aux besoins de l’année. Le pays a de grandes capacités d'importation et, en temps normal, ce déficit pourrait être couvert sans trop de difficulté par les importations commerciales. Cependant, les filières d’approvisionnement/de commercialisation des denrées alimentaires sont complètement désorganisées et le pays ne devrait pas être capable d’importer plus de 72 000 tonnes, soit 61 pour cent du déficit. Le reste devra donc être couvert par une aide alimentaire et par une série de mécanismes d’adaptation.

Mozambique: une mission FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires s’est rendue sur place en avril/mai et confirme les succès obtenus dans le pays en matière de production vivrière. Les récoltes de céréales du pays sont estimées à 1,69 million de tonnes, soit 10 pour cent de plus que la production déjà accrue de l’année dernière, une production en reprise continue depuis 1994. On prévoit un excédent exportable de maïs de 59 000 tonnes.

Somalie: une mission FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires s’est rendue dans le pays en mai. Elle a estimé que les perspectives sont peu favorables pour les cultures céréalières de la principale campagne Gu de 1998, qui représente normalement entre 70 et 80 pour cent de la production annuelle. Selon les observations de la mission, les surfaces ensemencées en maïs et en sorgho ont considérablement diminué alors que les rendements devraient chuter à cause d’une série de facteurs, notamment les pluies insuffisantes et irrégulières. La production céréalière de la campagne Gu de 1998, la cinquième mauvaise récolte consécutive, devrait s’établir, au mieux, à un quart du niveau de l’année dernière qui était déjà faible.

Tanzanie: une mission FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires a visité le pays en juin/juillet pour évaluer les cultures des "pluies saisonnières" et les cultures "Masika". Selon ses observations, la production vivrière de 1998 devrait être nettement supérieure à la récolte réduite de l’année

dernière et au-dessus de la moyenne. On prévoit des excédents pour toutes les cultures, à l’exception du mil et du sorgho. Néanmoins, une aide alimentaire sera requise pour un grand nombre de personnes se trouvant dans les zones à déficit vivrier du centre et du nord du pays, ainsi que dans les zones côtières.

Zambie: une mission FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires a visité le pays en avril/mai et a conclu que les anomalies des conditions météorologiques liées à El Niño ont fait chuter la production alimentaire. Le nord du pays a souffert de l’excès de pluie et des inondations tandis que le sud a connu des conditions proches de la sécheresse, qui ont entraîné une baisse de 37 pour cent de la production totale de céréales par rapport à la récolte de l’année dernière. Les besoins d’importations céréalières pour 1998/99 sont estimés à 660 000 tonnes (90 pour cent de maïs, 10 pour cent de riz/blé). Les importations commerciales prévues s’élevant à 364 000 tonnes, il reste un déficit de 296 000 tonnes, qui devra être couvert en grande partie par une aide extérieure, compte tenu du manque de devises dans le pays.



FORTE AUGMENTATION PREVUE DES BESOINS D’IMPORTATIONS ET D’AIDE ALIMENTAIRE

En Afrique subsaharienne, les besoins d’importations céréalières de 1998 devraient augmenter considérablement, essentiellement en raison des récoltes réduites de la première campagne et de la production insuffisante dans plusieurs pays d’Afrique australe. Les estimations les plus récentes du SMIAR concernant la production de 1997 et les besoins d’importations et d’aide alimentaire pour 1997/98 sont résumés au tableau 2. Les besoins totaux d’aide alimentaire sont évalués à 2,5 millions de tonnes, soit quelques 44 pour cent de plus que les importations effectives en 1996/97. Les annonces d’aide alimentaire pour 1997/98, y compris celles reportées de 1996/97, s’élèvent à 1,8 million de tonnes, dont 1,1 million ont déjà été livrées.



DOMAINES D’INTERVENTION PRIORITAIRE

La situation alimentaire est extrêmement grave dans le sud du Soudan et une action concertée d’urgence est requise pour conjurer une famine généralisée. En Sierra Leone, les combats continus ont obligé de large sections de la communauté d’agriculteurs de l’est et du nord à se déplacer. Ces derniers n’ont donc pas pu ensemencer leurs champs ou s’occuper de leurs cultures. En Somalie, la prochaine récolte s’annonce très mauvaise pour la cinquième fois consécutive. Dans la région des Grands Lacs, on observe des signes encourageants de reprise de la production vivrière, mais la situation demeure fragile. Dans ce contexte, l’attention de la communauté internationale est appelée sur les quatre domaines ci-après où une intervention prioritaire est requise.

Premièrement, le sud du Soudan nécessite une aide d’urgence, non seulement en terme de quantités supérieures de denrées alimentaires, mais également en matière d’aide logistique pour la distribution de ces denrées et des semences en vue de la prochaine période de végétation.

Deuxièmement, une aide alimentaire continue à être nécessaire dans un certain nombre de pays, en particulier en Somalie, en Sierra Leone, au Libéria, au Rwanda et au Burundi.

Troisièmement, la reprise constante de la production alimentaire est aujourd’hui évidente dans la région des Grands Lacs. Toutefois, le maintien de la croissance est tributaire d’un appui soutenu. Cela s’applique également au Libéria et à la Sierra Leone.


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