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CHAPITRE 2 - Pratiques de ciblage


Le grand éventail de contextes sociaux dans lesquels se déroulent les différentes activités conduira souvent à de grandes différences dans le choix final de la méthode de ciblage.

FAO/17860/A. Conti

Une fois établie la raison d'être du ciblage d'un programme alimentaire ou nutritionnel, le choix d'un plan de ciblage devient partie intégrante de la conception et du processus d'élaboration du programme. Les objectifs spécifiques d'un programme ont une importance particulière pour le ciblage. Aussi bien la population à risque, donc le groupe cible, que les objectifs du programme sont identifiés par l'intermédiaire d'une analyse des problèmes, d'un bilan de vulnérabilité et d'un profil de pauvreté. Ce sont généralement les premières étapes dans le processus de conception du programme. Dans ce contexte, il est important de faire une distinction entre les personnes ou les ménages souffrant d'insécurité alimentaire ou nutritionnelle, et les personnes ou les ménages vulnérables (ou à risque de l'être) en matière d'insécurité alimentaire ou nutritionnelle (voir le tableau Terminologie du ciblage au Chapitre 1).

On se souviendra qu'il n'existe pas de règles simples pour sélectionner une méthode de ciblage appropriée. Le grand éventail des contextes sociaux dans lesquels se déroulent les différentes activités conduira souvent à de grandes différences dans le choix final de la méthode de ciblage. Par exemple, les déterminants de la malnutrition varient beaucoup d'un endroit à l'autre et d'un type de population à l'autre. Par conséquent, les meilleurs indicateurs pour prédire le risque de malnutrition future pourront aussi varier.

De plus, le choix de la meilleure stratégie de ciblage dépend du type de programme envisagé. Par exemple, un programme comportant une distribution alimentaire sur place pourra tirer avantage du regroupement des bénéficiaires pour réaliser un tri sélectif continu, comme le tri à partir de l'anthropométrie qui exige des pesées mensuelles. Un tri de ce type dans un programme de distribution de vivres à emporter nécessiterait le prêt d'un pèse-personne à chaque participant, ce qui permettrait d'effectuer des pesées moins fréquentes.

En général, les stratégies de ciblage doivent être en phase avec le niveau existant d'infrastructure (logistique, ressources humaines, institutionnelle) et avec la région. Leur conception doit également tenir compte des contraintes politiques, financières, culturelles et techniques du programme.

Toute intervention peut être ciblée en utilisant plusieurs méthodes et plusieurs critères de sélection. On a souvent recours à des méthodes combinées pour renforcer l'efficience globale du ciblage. Le ciblage géographique peut être combiné avec des dispositifs de ciblage centrés sur la communauté, les ménages ou les personnes. Par exemple, l'aide alimentaire d'urgence est souvent ciblée d'abord sur une base géographique, selon la gravité générale de la crise dans les différentes régions, puis d'après des critères de tri sélectif au niveau des ménages. On utilisera alors les infrastructures communautaires pour allouer l'aide à des ménages spécifiques (voir en Annexe l'étude de cas de l'Ethiopie).

Différentes méthodes peuvent être utilisées pour le ciblage de programmes alimentaires et nutritionnels. En règle générale, les programmes sont soit ciblés administrativement, soit auto-ciblés. Le ciblage administratif implique le choix de régions, de zones ou de communautés spécifiques (ciblage géographique) ou bien de ménages ou de personnes spécifiques. Ce dernier type de ciblage peut être effectué par les planificateurs ou le personnel du programme, ou bien par la communauté (ciblage à base communautaire). L'auto-ciblage ne repose pas sur la sélection de participants mais sur des mesures incitatives dans le programme destinées à encourager une participation maximum des membres d'un groupe cible. Quand ces incitations sont introduites par des changements dans les mécanismes du marché, on parle de ciblage basé sur le marché.

Le ciblage peut aussi être un processus à étapes multiples. Par exemple, certaines régions peuvent être ciblées d'abord parce que le problème alimentaire ou nutritionnel y est jugé plus grave, à la suite peut-être d'une catastrophe naturelle. Puis, à l'intérieur de chaque région choisie, on pourra sélectionner des communautés répondant à certains critères, par exemple des communautés ayant un fort pourcentage de ménages où les femmes sont chefs de famille, ou encore des communautés présentant une proportion élevée de ménages déplacés à l'intérieur d'un pays. On pourra ensuite cibler des ménages ou des personnes spécifiques au sein de communautés sélectionnées remplissant les critères d'éligibilité. Le mécanisme de ciblage est l'application d'une série de règles selon lesquelles on décide qui inclure et qui exclure. Les différents dispositifs de ciblage sont examinés en détail dans les sections qui suivent.

Le ciblage administratif

Dans un plan de ciblage administratif, les décisions concernant l'éligibilité de personnes ou de groupes (y compris de régions) sont prises par le personnel du programme selon que les candidats correspondent ou non aux critères d'éligibilité définis. Ces critères sont basés sur un ou plusieurs indicateurs préalablement définis pour les besoins du ciblage. Le ciblage administratif peut aussi être basé sur une «étude de ressources»: pour être admis à participer au programme, le ménage ou la personne ne devra disposer ni de ressources ni de la quantité minimum de biens lui permettant d'accéder à un niveau d'alimentation adéquat (ceci pourra être décidé par exemple en fonction du revenu par tête, des superficies cultivées ou de la taille du troupeau). Des études de ressources peuvent être établies sur la base d'indicateurs de ciblage mais des études de ce type sont habituellement plus coûteuses à entreprendre et à gérer. Le ciblage sur la base d'indicateurs nécessite le recueil et l'analyse de données sur les indicateurs de ciblage que l'on jugera les plus objectifs et les plus représentatifs parmi les critères de sélection définis. Les critères doivent être définis et mesurés de manière uniforme pour chaque candidat ou groupe de candidats, qu'il s'agisse de personnes isolées, de ménages ou de groupes de personnes ou de ménages.

La plupart des formes de ciblage comprennent un élément administratif que ce soit pour la définition des zones du programme, la définition des critères de ciblage ou la définition des groupes cibles. Chaque forme de ciblage administratif peut être utilisée seule ou en conjonction avec d'autres méthodes de ciblage. Par exemple, la sélection de différents marchés pour des interventions sur le marché ou le choix de différentes communautés pour des activités auto-ciblées de travaux communautaires sont des formes de ciblage administratif.

Elaborer une méthodologie de ciblage administratif nécessite dans un premier temps l'étude des différents niveaux d'administration et de prises de décision qui seront nécessaires à la mise en œuvre d'un programme. On évaluera aussi les informations disponibles pouvant servir de base, à chaque niveau, aux décisions concernant le ciblage. Dans de nombreux cas, les ressources du programme seront d'abord gérées à un niveau central et allouées progressivement à des niveaux inférieurs de prise de décision administrative jusqu'à ce qu'elles atteignent finalement la population bénéficiaire.

L'application de plans de ciblage administratifs peut devenir problématique dans des pays où il n'existe pas de politique alimentaire et nutritionnelle articulée au niveau national et où les décisions administratives sont prises à différents niveaux (niveau national, régional et local). Différentes séries de critères d'éligibilité pourront donc être établies d'une région ou d'une localité à l'autre. Des critères déterminés localement peuvent cependant avoir une plus grande validité que des critères uniformes appliqués au plan national.

Une fois que les besoins en matière de structure administrative et de prise de décision ont été définis à chaque niveau, le ciblage administratif nécessite l'accomplissement des tâches supplémentaires suivantes:

Avantages


Parce qu'il repose sur l'utilisation d'indicateurs objectifs, le ciblage administratif est considéré comme un outil relativement impartial pour définir des conditions d'éligibilité applicables à toute une série de populations différentes, dans des localités différentes, d'une manière à peu près uniforme. Ainsi, la gestion du programme au niveau national peut en être facilitée.

Inconvénients


1 Les critères d'éligibilité et les indicateurs de ciblage sont définis et jugés par des personnes externes, travaillant en général pour le gouvernement ou pour des organismes non gouvernementaux. En tant que personnes externes, il se peut que le personnel du programme n'ait qu'un accès limité aux informations concernant la population cible considérée et une compréhension limitée des principaux problèmes se posant au sein des communautés participantes. Sans une connaissance claire et approfondie des conditions locales, des erreurs d'appréciation en matière de perception sociale et culturelle peuvent peser sur les décisions concernant la définition des critères de ciblage et l'application des indicateurs de ciblage correspondants.

2 L'identification des bénéficiaires, le tri des candidats au programme, le contrôle des conditions d'éligibilité, la prévention de la participation de personnes ne répondant pas aux critères et l'application correcte des critères de sortie entraînent des coûts administratifs élevés. L'utilisation de méthodes d'échantillonnage pour réduire le coût du tri sélectif individuel n'est généralement pas adaptée. En effet, ces méthodes excluent des bénéficiaires potentiels et peuvent conduire à des erreurs d'exclusion nombreuses dans le ciblage du programme.

3 L'utilisation d'une méthode standardisée ciblant toutes les populations en même temps n'est pas toujours appropriée. Les facteurs de pauvreté peuvent varier de manière importante d'une communauté à l'autre ou d'un groupe socio-économique à l'autre. Par exemple, il y a souvent des différences dans les facteurs de pauvreté entre les agriculteurs et les éleveurs nomades. Des contextes différents peuvent nécessiter l'utilisation d'indicateurs très différents pour identifier les groupes à inclure. Il existera sans doute aussi des différences d'une communauté à l'autre dans le niveau des revenus définissant la pauvreté (par exemple entre un milieu urbain et rural), ce qui rendra nécessaire la définition de critères de ciblage différents dans chaque contexte.

4 Des critères d'éligibilité mal définis, mal compris ou mal appliqués, résultant peut-être d'erreurs de mesure et d'analyse des indicateurs de ciblage, peuvent nuire à l'efficacité d'une méthode de ciblage administratif.

5 Les possibilités de corruption existent du fait qu'un petit nombre d'agents du programme contrôlent l'allocation des ressources et par un manque de transparence possible dans les procédures administratives. Les programmes de ciblage administratif nécessitent en général des systèmes qui ne se limitent pas seulement à établir des conditions d'éligibilité mais qui peuvent aussi contrôler, confirmer, mettre en application et remettre en cause les décisions ayant trait à l'éligibilité.

Les coûts d'information dépendent en grande partie du déploiement du personnel et de l'infrastructure du projet par rapport à la localisation de la population bénéficiaire. Ils dépendent aussi des mécanismes de recueil d'information utilisés. Lorsque le personnel est basé à proximité de la population cible envisagée (par exemple lorsque les informations nécessaires au ciblage sont collectées par le personnel des dispensaires ou des écoles), le coût du recueil de données peut être minime. De même, lorsque le mode de distribution des services demande que les candidats au programme se rendent dans un lieu centralisé pour devenir bénéficiaires (par exemple dans un centre de SMI), le coût du recueil des données peut également être bas. Ce système risque néanmoins d'entraîner d'importantes erreurs d'exclusion dans le ciblage si des efforts supplémentaires ne sont pas fournis pour localiser les ménages ou les personnes remplissant les conditions d'éligibilité. En revanche, le ciblage administratif peut se révéler onéreux lorsque le personnel du programme a un accès limité et temporaire à la population cible envisagée et qu'il doit encourir des coûts élevés en transport et en temps pour recueillir les informations nécessaires au ciblage.

Le ciblage basé sur la communauté

Les plans de ciblage basés sur la communauté dépendent de structures de prise de décisions au niveau communautaire pour allouer les biens et/ou les services du programme de manière efficace, conformément aux critères définis dans les objectifs du programme. Dans certains cas, les communautés elles-mêmes peuvent contribuer à définir ces objectifs par le biais d'un processus de participation aux prises de décision. Dans d'autres cas, comme dans des actions d'aide alimentaire d'urgence, les objectifs peuvent être plus évidents et applicables de manière générale. Des communautés différentes peuvent interpréter les critères différemment, ce qui conduit à des différences dans l'allocation de l'aide d'urgence. Il est donc important de s'assurer que les membres de la communauté comprennent clairement les objectifs du programme et la base sur laquelle l'aide d'urgence est allouée, avant la mise en œuvre du programme.

Un ciblage à base communautaire efficace exige des efforts préalables dans les domaines suivants:

L'évaluation sert à examiner ce que seront les résultats probables d'un plan de ciblage à base communautaire: quelles seront les personnes couvertes par le programme dans la communauté? Dans quelle mesure le programme pourra-t-il répondre de manière efficace aux problèmes d'alimentation et de nutrition de la communauté? L'examen préliminaire peut aussi aider à déterminer si le programme doit intégrer des activités spécifiques pour renforcer les structures de prise de décision dans la communauté.

Pour que les erreurs de ciblage puissent être identifiées et corrigées, il est très important de procéder à des vérifications fréquentes et participatives des résultats du ciblage à base communautaire. Des vérifications de ce type peuvent servir d'outil de contrôle et aider les communautés à faire le bilan des pratiques locales de ciblage et à les ajuster.

Avantages


1 Dans le ciblage à base communautaire, ce sont les membres de la communauté ou leurs représentants, c'est-à-dire des personnes situées à l'intérieur de la communauté, qui tirent le bénéfice des analyses. Confrontés réellement à une crise alimentaire ou nutritionnelle particulière, ils sont les mieux placés pour définir la nature de cette crise et pour sélectionner de manière objective les critères de ciblage ainsi que la population cible dans le cadre d'une intervention destinée à résoudre des problèmes spécifiques.

2 Les coûts du ciblage se limitent au temps passé par la communauté elle-même pour prendre les décisions d'allocation du programme et procéder à leur contrôle.

3 Les critères de ciblage sont susceptibles d'être mieux adaptés aux conditions locales et seront facilement compris et acceptés par la population dans son ensemble.

4 Le ciblage à base communautaire a davantage de chance de déboucher sur une meilleure compréhension des objectifs du programme ciblé, de conférer un plus grand sentiment d'appropriation aux habitants de la communauté et aux participants au programme et, potentiellement, d'augmenter la capacité de prise de décision du public en général.

Inconvénients


1 Parce qu'il est naturel que les communautés élaborent leurs propres critères indépendamment les unes des autres, les résultats d'un ciblage à base communautaire pourront présenter des différences d'une communauté à l'autre, ce qui peut rendre plus difficile la gestion et l'administration du programme au niveau central. Il est difficile d'entreprendre un ciblage de manière uniforme quand le programme couvre une vaste zone. D'une localité et d'une communauté à l'autre, des différences en matière de normes culturelles, de niveaux de vie, de sources de revenus, de composition ethnique et d'efficacité des institutions politiques locales peuvent conduire à des différences notables dans l'allocation des prestations.

2 Pour de nombreux problèmes liés à la nutrition, la définition des besoins est en grande partie technique: il conviendra donc de ne pas toujours se baser uniquement sur des méthodes de ciblage à base communautaire.

3 Au moment des prises de décision en matière d'allocation de ressources, il est difficile de déterminer qui représente effectivement la communauté et qui la représente le mieux. Il est également difficile de s'assurer que des groupes désavantagés comme les femmes ou les minorités ethniques sont représentés de manière équitable dans les décisions. Les plus démunis risquent donc de n'être pas couverts de manière adéquate par le programme.

4 La réalisation d'un consensus pour une distribution juste et équitable des biens et/ou des services du programme peut être un processus long et difficile. En effet, un consensus doit d'abord être trouvé entre les membres de la communauté et leurs dirigeants, puis entre les membres de la communauté et leurs dirigeants, et les organismes externes.

5 Les pressions sociales ou le besoin des responsables politiques locaux de renforcer leur base de pouvoir peuvent modifier l'allocation des ressources au détriment de ceux qui ne détiennent relativement aucun pouvoir et qui devraient bénéficier le plus des biens et/ou des services du programme.

Le ciblage à base communautaire est souvent influencé par quelques dirigeants et administrateurs locaux. Ceci peut conduire à une sélection subjective des bénéficiaires qui ne sera pas basée sur un examen des besoins. Dans des contextes locaux, les gens suivent souvent l'avis de leurs dirigeants et n'ont pas la possibilité réelle d'exprimer leur opinion personnelle. D'un autre côté, le personnel du programme ne peut aborder une communauté sans impliquer directement les responsables et les décideurs politiques. Le meilleur moyen de remédier à cette situation est d'encourager et de faciliter la création d'un contexte de prise de décision plus participatif, en commençant peut-être par une évaluation participative des besoins de la communauté en ce domaine.

L'auto-ciblage

Ce qui détermine l'allocation des prestations d'un programme auto-ciblé est la décision des personnes ou des ménages de participer ou non à un programme donné. En d'autres termes, l'auto-ciblage a lieu lorsque les prestations sont à la disposition de tous, mais que les mesures d'incitation du programme sont fixées pour que les non nécessiteux choisissent de ne pas participer. Alors que les autres programmes ciblés nécessitent la présence de travailleurs sociaux ou d'autres personnels de ressources humaines pour établir les critères d'éligibilité, procéder au tri sélectif et au contrôle de l'éligibilité, dans l'auto-ciblage la décision de participation est prise directement par les ménages ou les personnes concernées.

Dans un programme purement auto-ciblé, il est nécessaire d'assurer à tous l'accès aux prestations du programme, que ce soit sous la forme de biens, de services ou d'emplois. Si des contraintes budgétaires doivent restreindre les prestations, l'auto-ciblage pourra être couplé à d'autres éléments de ciblage administratif ou géographique. Par exemple, si un programme «vivres contre travail» prévoit de générer des revenus autres qu'agricoles pour les femmes dans une zone affectée par la sécheresse, on pourra combiner un ciblage géographique, un ciblage administratif (où seules les femmes seront éligibles) et l'auto-ciblage (le niveau des rations alimentaires sera établi de telle sorte que seules les femmes les plus démunies seront susceptibles de décider de participer).

La décision individuelle de participer à une activité donnée dépend de trois éléments principaux:

1 Les coûts de participation;

2 La quantité et la qualité des biens et/ou des services pouvant être obtenus en participant, et la valeur qu'attachent les participants à ces prestations;

3 L'image négative sur le plan social associée à la participation (que l'on peut aussi considérer comme faisant partie des coûts de participation).

Une des clefs du succès en matière d'auto-ciblage est la définition claire de la population ciblée au cours du stade d'élaboration du programme, de manière à ce que les prestations proposées soient en principe demandées uniquement par la population cible à un prix qu'elle seule sera désireuse de payer.

Un auto-ciblage efficace de programmes alimentaires nécessite des informations détaillées sur les conditions du marché concernant les approvisionnements et le prix d'aliments spécifiques ainsi que sur les revenus et les modèles de consommation de différents segments de la population (élasticité des prix de la demande au sein de groupes de revenus différents). Il convient de segmenter la population pour recenser les principales différences qui existent en matière de préférences et de comportement vis à vis du marché entre différents groupes. De cette manière, les différences de type, de qualité et de coûts des produits alimentaires proposés entraînent une auto-sélection de la part de la population cible envisagée. Par exemple, s'il se produit une réduction du prix d'une denrée alimentaire que la plupart des consommateurs jugent être de qualité inférieure et/ou de faible valeur sociale, la demande pour ce produit augmentera probablement beaucoup plus chez les groupes les plus pauvres que chez les groupes à revenus plus élevés. Dans de nombreux pays en développement, l'utilisation d'un mécanisme de différentiation de qualité (basé sur les mécanismes du marché) visant à favoriser le succès de programmes d'auto-ciblage a bien fonctionné, particulièrement dans des programmes de subventions alimentaires. Un certain nombre d'éléments devront néanmoins être pris en compte pour que l'auto-ciblage puisse fonctionner (voir en Annexe l'étude de cas de la Tunisie).

La conception d'un programme de subventions alimentaires auto-ciblé basé sur une différentiation de qualité implique l'examen des dépenses des ménages pour déterminer si des différences significatives apparaissent dans les modèles de consommation d'un groupe de revenus à l'autre, particulièrement en ce qui concerne les produits alimentaires de base. Pour citer un exemple, la farine de maïs jaune est considérée comme inférieure par les consommateurs d'Amérique Centrale comparée à la farine de maïs blanc. La farine de maïs jaune (qui a une valeur nutritionnelle supérieure) est consommée par les pauvres et la farine de maïs blanc par les groupes aux revenus plus élevés. Si le panier alimentaire des pauvres se différencie de celui des consommateurs plus riches, il conviendra de subventionner le prix d'un ou de plusieurs des aliments contenus dans ce panier. Le classement qualitatif peut aussi être introduit par l'intermédiaire de conditionnements différents avec des codes et des étiquetages de couleur: par le biais d'un emballage plus attrayant, on peut donner à un aliment une meilleure image sans modifier fondamentalement le produit alimentaire lui-même. La question de l'acceptation par le consommateur est un problème important des programmes alimentaires auto-ciblés. Il faudra veiller à ce qu'un produit alimentaire que l'on aura rendu peu attrayant pour les consommateurs aux revenus plus élevés ne perde pas non plus son pouvoir d'attraction sur les pauvres.

Un bon exemple de l'importance de l'acceptation d'un produit par le consommateur est le cas de la Tunisie: l'introduction de sucre brun, moins raffiné, fortement subventionné s'est soldée par un échec. Son prix avait été fixé à presque la moitié du prix du sucre blanc, couramment utilisé, mais ce nouveau sucre subventionné n'a pas été accepté spontanément par les consommateurs, quels que soient leurs revenus, parce que le sucre plus foncé a été jugé «sale». L'échec de cette intervention a été attribué principalement au manque de compréhension préalable, de la part des concepteurs du programme, de la notion d'acceptabilité par le consommateur. Ont également fait défaut les efforts parallèles pour sensibiliser les consommateurs et leur apporter des éléments d'information en matière de nutrition.

Voici quelques exemples d'activités intégrant des mécanismes d'auto-ciblage:

L'auto-ciblage résultant du dernier exemple n'est pas (ou ne devrait pas être) intentionnel dans la mesure où les actions devraient toujours viser à l'amélioration des services publics de santé et d'éducation.

Les subventions alimentaires représentent un des moyens d'augmenter le pouvoir d'achat des pauvres et de compenser les pertes en revenu réel causées par la crise économique, le chômage, les disparités entre les salaires ou les guerres. Les subventions font partie d'un ensemble de mesures de protection sociale. Dans plusieurs pays, ces programmes ont eu un effet positif sur la sécurité alimentaire et la nutrition des ménages, en particulier parmi les populations urbaines. En Inde et aux Philippines, des rapports indiquent que ces programmes ont réduit la prédominance des cas d'insuffisance pondérale chez les enfants. Certains programmes de subventions alimentaires basés sur une aide alimentaire étrangère ont aidé à compenser le coût des subventions sur le plan fiscal, et ont contribué à augmenter l'investissement public dans les services sociaux. Les crises économiques en cours forcent de nombreux gouvernements à considérer l'utilisation de l'auto-ciblage dans les programmes subventionnés comme un moyen de réduire les coûts budgétaires et de diriger les prestations de manière plus efficace vers ceux et celles qui en ont le plus besoin.

En pratique, l'élaboration d'activités d'auto-ciblage peut aussi intégrer des éléments de ciblage géographique: localisation de programmes de travaux publics dans des zones géographiques spécifiques ou distribution de produits alimentaires subventionnés par l'intermédiaire des petits détaillants dans les zones d'habitation défavorisées.

Avantages


1 Les coûts administratifs de l'auto-ciblage sont peu élevés parce que ces programmes reposent en grande partie sur la décision des bénéficiaires potentiels eux-mêmes de participer à l'aide alimentaire ou aux services: le tri sélectif et le contrôle de l'éligibilité des participants au programme ne sont donc pas nécessaires.

2 Il est relativement facile à mettre en place à condition de disposer de suffisamment d'informations sur la consommation alimentaire des groupes à bas revenus ou sur les structures du marché du travail.

3 Dans le cas de programmes «vivres contre travail», l'auto-ciblage ne conforte pas l'idée que ces programmes puissent offrir des perspectives d'emploi à long terme puisque les participants quitteront le programme dès que de meilleures opportunités d'emploi se présenteront.

4 La décision de participation dépend des bénéficiaires eux-mêmes, minimisant ainsi les occasions de corruption pour modifier la distribution des ressources du programme.

5 La dignité et le respect de la vie privée de la population cible sont bien préservés, vu l'absence presque totale d'interaction entre les bénéficiaires du programme et le personnel du programme.

6 Les pertes dues à la revente de produits alimentaires subventionnés seront vraisemblablement minimes. En effet, lorsque les aliments subventionnés auront été bien sélectionnés, il n'y aura pas de demande pour ce produit de la part de consommateurs à revenus plus élevés.

Inconvénients


1 Avec l'auto-ciblage, il est difficile de savoir qui bénéficie réellement des subventions alimentaires et dans quelle mesure les subventions alimentaires contribuent à une réduction de l'insécurité alimentaire dans son ensemble ou à une amélioration de l'état nutritionnel dans les groupes à bas revenus.

2 Dans le cas de programmes «vivres contre travail» ou «salaire contre travail», le coût en temps impliqué représente souvent un plus grand obstacle à la participation pour les pauvres: ils peuvent moins se permettre de perdre des heures productives que les autres. Pour les subventions alimentaires, on estime qu'il n'y a pas de coût en temps à proprement parler.

3 Les pauvres rencontrent souvent de grandes difficultés d'accès à l'aide, ce qui peut constituer un obstacle à leur participation à moins d'inclure un ciblage géographique soigné qui tiendra compte du problème de l'accès à l'aide.

4 Même lorsque des personnes nécessiteuses choisissent de participer à l'auto-ciblage, des facteurs tels que la basse qualité des denrées alimentaires ou des services, ou encore les coûts d'opportunité associés à la participation au programme ont tendance à réduire le bénéfice net de la participation.

5 Dans le cas d'auto-ciblage par le biais de subventions alimentaires, il est nécessaire d'opérer une surveillance continue pour savoir si le produit a bien été remis par les détaillants aux consommateurs. On devra fournir aux consommateurs des informations sur le produit et mettre en place un système d'enregistrement des plaintes. Les achats d'aliments subventionnés auront besoin d'être contrôlés, au même titre que les prix des denrées alimentaires de substitution, ceci pour pouvoir ajuster la subvention des produits alimentaires pour en assurer leur consommation par les groupes à faibles revenus.

6 Comme pour tout programme de subvention, les coûts fiscaux des subventions pourront être élevés et même augmenter sur la durée, à cause d'une inflation générale des prix. Les subventions créent aussi des distorsions sur le marché et peuvent entraîner des pertes économiques pour les producteurs locaux.

Le ciblage basé sur les marchés

Le ciblage basé sur les marchés s'apparente beaucoup à l'auto-ciblage dans le sens où il dépend du choix des individus d'acheter ou de vendre des biens et des services sur les marchés. Le ciblage basé sur les marchés repose sur le principe de l'offre et de la demande. L'application des deux méthodes, le ciblage basé sur les marchés et l'auto-ciblage, s'appuie sur les postulats suivants:

Des interventions sur le marché peuvent être orientées pour influencer les approvisionnements vivriers alimentaires et les services disponibles à l'achat, en ayant recours par exemple à la vente locale de céréales en stock ou encore à la commercialisation de sels de réhydratation par voie orale ou d'aliments de sevrage produits localement. Ces types d'intervention peuvent aussi influencer la demande du marché, soit directement par l'intermédiaire d'achats officiels de produits du marché pour soutenir les prix locaux et les revenus des producteurs, soit plus indirectement par le biais de l'éducation publique et du marketing social dans le but d'orienter les préférences du consommateur vers des denrées ou des services essentiels.


Les interventions basées sur les marchés tendent à augmenter l'offre et la demande d'aliment particulier au sein de la population cible.

FAO/16581/G. Bizzarri

Les interventions sur le marché pourront également choisir d'atteindre leur objectif en se servant des prix pour augmenter la demande ou l'offre d'un bien ou d'un service particulier au sein de la population cible. On peut y parvenir soit par un contrôle des prix, soit par des subventions sur les prix de denrées alimentaires ou de produits essentiels, de telle sorte que les consommateurs se tourneront plus volontiers vers un aliment spécifique ou un service particulier. De nos jours, les contrôles de prix sont de moins en moins fréquents, et les prix subventionnés (de moins en moins fréquemment utilisés dans les économies orientées vers le marché) s'apparentent beaucoup aux mécanismes d'auto-ciblage lorsqu'ils sont appliqués aux aliments de base. Améliorer la productivité des producteurs locaux de denrées agricoles et augmenter les importations de denrées commerciales représentent des moyens plus durables pour accroître les disponibilités alimentaires sur le marché intérieur et faire baisser les prix des denrées alimentaires locales.

Une compréhension claire des différentes caractéristiques d'un marché sélectionné, en particulier son niveau d'intégration, est essentielle pour déterminer l'intervention appropriée, son efficacité et son champ d'action probables, ainsi que le niveau de ressources nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés. Par exemple, le choix entre un programme «salaire contre travail» et «vivres contre travail» quand il s'agit de transférer un pouvoir d'achat à des ménages pauvres, dépend en grande partie du niveau d'intégration du marché dans la zone du programme. Quand les marchés sont bien intégrés et que les produits alimentaires circulent librement en réponse aux changements de la demande, l'utilisation d'aides en espèces aura toutes les chances de minimiser les effets déformants des aides alimentaires sur les mesures incitatives du marché local. De même, lorsque les marchés sont bien intégrés, l'effet sur les prix d'une intervention visant à l'achat d'aliments locaux peut être réparti sur une zone plus large, ce qui nécessite l'achat en plus grandes quantités pour produire un changement de prix donné.

Avantages


1 La mise en œuvre d'un ciblage basé sur les marchés est relativement facile. Mais dans le cas de contraintes budgétaires, il faut identifier le meilleur moyen d'intervenir sur le marché, et décider s'il convient de mettre en œuvre un programme unique ou, selon toute vraisemblance, une combinaison de programmes.

2 Le risque de corruption est assez limité.

3 Comme pour l'auto-ciblage, un ciblage basé sur les marchés ne mobilise pas de personnel ou de ressources du programme pour le tri sélectif et le contrôle des conditions d'éligibilité des participants.

Inconvénients


1 En général, un ciblage basé sur le marché a peu de chances d'être efficace sans un investissement important en matière de recueil et d'analyse d'informations sur ce qui détermine l'offre et la demande du marché pour des produits alimentaires spécifiques, les prix et l'élasticité des revenus.

2 Parce que les différences sont souvent restreintes en matière de préférence pour les produits du marché, il est possible que l'impact des activités ciblées par le biais des mécanismes du marché ne fasse pas de différence suffisamment nette entre les groupes, et que l'on assiste à des pertes importantes en direction des moins nécessiteux. Des activités telles que le soutien des cours du bétail ont tendance à aider les éleveurs proportionnellement à la taille de leurs troupeaux: les plus gros propriétaires sont donc avantagés par rapport aux plus petits. Sans une action en direction des différents groupes d'éleveurs qui tiendrait compte de leurs besoins et sans repérage des mécanismes du marché s'appuyant sur le comportement de chaque groupe vis à vis du marché, l'impact d'une intervention de ce type pourra avoir un effet diamétralement opposé à l'effet désiré.

3 Les pertes risquent d'être importantes par manque de détails sur la population cible ou par manque de suivi des modifications de comportement au fil du temps.

4 Un ciblage basé sur les marchés peut reposer sur toute une série de décisions relevant du ciblage administratif. Des groupes de population particuliers sont souvent choisis par des moyens administratifs pour être au centre d'une activité ciblée par le biais de mécanismes des marchés. L'étendue géographique du marché sélectionné pour l'intervention aura nécessairement une influence sur la population finalement ciblée par cette activité.

Le ciblage géographique et régional

On peut effectuer un ciblage géographique ou régional en utilisant toute une série de méthodes. La forme la plus simple se base directement sur les estimations locales de besoins dans le cadre d'activités répondant à la demande, les ressources étant allouées en fonction des besoins déclarés. Néanmoins, les besoins locaux risqueront d'être surestimés dans le contexte de la compétition interrégionale pour les ressources du programme. Une forme de ciblage régional plus complexe mais de plus en plus courante implique une évaluation de la pauvreté, de l'insécurité alimentaire et de la vulnérabilité ainsi qu'un système de cartographie utilisant l'évaluation rurale rapide, le diagnostic rural participatif ou des méthodologies d'évaluation rapide de la sécurité concernant l'alimentation et les moyens d'existence. Une autre méthode est la construction d'une carte de la pauvreté basée sur un index composite de la pauvreté (voir en Annexe la partie concernant le ciblage géographique du programme d'alimentation scolaire dans l'étude de cas du Costa Rica). Ces actions utilisent toute une série de sources d'information et d'indicateurs. Elles impliquent habituellement l'élaboration d'un index à plusieurs variables ou d'un modèle statistique visant à capturer les dimensions essentielles des critères de ciblage énoncés en utilisant divers indicateurs socio-économiques: taux d'alphabétisation, taux d'instruction des femmes, taux de chômage, niveau des revenus, déficit agricole, taux de croissance démographique et prévalence de la malnutrition.

Les systèmes d'information de l'alerte rapide fournissent des données sur les crises alimentaires naissantes dans des zones spécifiques, basées sur les conditions agro-climatiques, les estimations en matière de cultures vivrières et les conditions du marché en ce qui concerne les prix des aliments locaux. Des estimations concernant les réserves alimentaires régionales, particulièrement quand elles sont calculées mensuellement, peuvent aussi fournir un indice d'alerte rapide en matière de pénurie alimentaire. Des évaluations de vulnérabilité structurelle et des analyses détaillées concernant l'insécurité en matière d'alimentation et de moyens d'existence fourniront les informations et les données nécessaires à la conception et la mise œuvre de programmes locaux de développement.

Bien que l'on procède parfois par ciblage régional, les méthodologies nécessaires à une application efficace et efficiente ne sont pas toujours bien développées (voir en Annexe quelques-unes des études de cas par pays). Par exemple, on part souvent du principe que les disparités régionales en matière de sécurité alimentaire et d'autres mesures d'accompagnement social peuvent facilement être comprises et identifiées en se basant sur les opinions de personnes bien informées ou de décideurs locaux. Cependant, des distorsions dans la perception des causes de l'insécurité alimentaire ont parfois conduit à un sérieux manque d'efficience du ciblage géographique. Pour éviter ces distorsions, il est essentiel d'avoir une compréhension plus précise de la sécurité alimentaire et des conditions nutritionnelles d'une région donnée. Ceci est particulièrement vrai lorsque l'aide alimentaire d'urgence est distribuée dans différentes régions victimes d'une catastrophe naturelle ou d'un désastre provoqué par l'homme (voir en Annexe l'étude de cas sur l'Ethiopie).

Dans certains cas, on s'est aperçu que le ciblage de zones géographiques largement définies n'offrait que des avantages minimes pour l'efficience du programme comparé aux cas où aucun ciblage n'avait été utilisé. Des études utilisant des données provenant d'enquêtes sur les ménages indiquent que l'utilisation de plus petites unités géographiques dans le ciblage géographique peut réduire les pertes du programme et améliorer la couverture de la population cible, avec des résultats d'autant plus probants que l'unité ciblée sera plus petite.

En fait les programmes de nutrition peuvent être géographiquement ciblés, mais la sélection des zones d'intervention ne sera pas toujours faite en fonction de critères nutritionnels. Des préoccupations autres que nutritionnelles dominent fréquemment lors de la définition de larges zones d'intervention (régions, provinces, états,...) alors que les préoccupations nutritionnelles peuvent jouer un rôle important dans la sélection de villages, ménages et personnes spécifiques au sein d'une zone d'intervention plus largement définie.

Au Burkina Faso, l'aide alimentaire, qui avait été ciblée sur la base des différents potentiels agricoles des régions, s'est soldée par la distribution de grandes quantités d'aide alimentaire à des ménages relativement aisés. En fait, les ménages des zones au potentiel agricole peu élevé avaient développé des stratégies de diversification des revenus: leur accès à la nourriture était donc moins sérieusement affecté par les mauvaises conditions agro-climatiques par comparaison aux ménages de zones à plus haut potentiel agricole en fait plus dépendants de l'agriculture qui représentait la source principale de leurs revenus et de leur alimentation.

Avantages


1 En général, il n'est pas nécessaire de procéder à une mise à jour fréquente du ciblage géographique et régional, parce qu'il repose par nature sur des données existantes de recensement, des données secondaires collectées annuellement pour différents secteurs économiques et sociaux, ou encore sur des enquêtes par échantillonnage ou des évaluations rapides périodiques.

2 Leur coût peut être relativement peu élevé et ne nécessiter l'intervention que d'un petit nombre d'analystes au niveau central et régional.

3 Les réductions de coûts réalisées grâce au ciblage régional peuvent être très importantes, permettant ainsi une couverture plus adéquate et plus efficace de zones géographiques finement délimitées.

4 Les coûts politiques du ciblage peuvent être minimisés si l'on se concentre sur de petites zones géographiques. Etant donné que les circonscriptions de la plupart des chefs politiques se définissent, au moins en partie, sur une base géographique, le ciblage de petites unités géographiques augmente la probabilité que les dirigeants locaux auront parmi leurs électeurs des gens ayant un intérêt marqué pour une activité locale donnée.

5 Les informations locales obtenues dans le cadre du processus de ciblage géographique peuvent aussi encourager un processus plus décentralisé de prise de décisions et de planification. Ceci permettra le développement de politiques et de programmes correspondant de plus près aux conditions locales.

Inconvénients


1 En pratique, il est souvent difficile de cibler des unités ou des zones administratives fortement décentralisées puisque la majorité des données du ciblage ne sont disponibles et valides par nature que pour de plus grandes unités géographiques. En outre, dans la plupart des pays en développement, on ne dispose de données secondaires (celles de la production agricole par exemple) que pour un quelques grandes régions. Pour les données primaires recueillies au cours d'enquêtes, la limitation propre aux méthodes d'échantillonnage ne permet pas de se fier à des indicateurs de ciblage à des niveaux de désagrégation plus élevés.

2 Pour un ciblage plus performant, il est nécessaire d'appliquer des règles d'allocation explicites, comme par exemple l'allocation de ressources d'une région à l'autre basée sur la proportion des niveaux de pauvreté attendue ou de prévalence de la malnutrition. Les méthodes de ciblage régional sont souvent basées sur un index qui ne fournit qu'une hiérarchie de conditions d'une localité à l'autre et ne tient pas compte des besoins en termes absolus à l'intérieur de chaque localité.

Dans de très nombreux cas, il s'est avéré que des techniques d'estimation appliquées sur des zones restreintes produisaient des estimations de variables fiables pour de petites unités géographiques. Largement utilisées aux Etats-Unis et dans d'autres pays développés, les méthodes d'estimation sur des zones restreintes commencent aussi à être utilisées plus fréquemment dans les pays en développement. En fournissant au niveau local des estimations statistiquement rigoureuses pour les indicateurs de ciblage, ces méthodes peuvent augmenter de manière notable l'efficience du ciblage régional.


Ciblage géographique pour les secours en cas de sécheresse en Ethiopie

En Ethiopie, une carte montrant les zones chroniquement vulnérables et victimes d'insécurité alimentaire a été établie sur la base d'un index composite de neuf indicateurs. La carte classifie les weredas (districts) comme «très fortement vulnérables», «fortement vulnérables», «modérément vulnérables», «légèrement vulnérables» et «très légèrement vulnérables». On ne dispose d'aucunes données pour deux districts (Afar et Somali). Les indicateurs utilisés pour établir l'index sont les suivants:

1 production vivrière de base par habitant;

2 cheptel - têtes de bétail par habitant;

3 qualité et superficie des pâturages;

4 infrastructure routière/accès;

5 prix des aliments - moyennes pour le maïs et le sorgho;

6 évaluation en matière d'aide urgence pour les dernières années;

7 risque de sécheresse;

8 variabilité de la production vivrière de base; et

8 probabilité de chocs climatiques extrêmes (manque ou excès de précipitations).

Chacun des neuf indicateurs a été pondéré, d'abord individuellement par une série d'organismes travaillant en collaboration (la Commission pour la préparation et la prévention de la sécheresse [Unité d'alerte rapide], le Ministère de l'agriculture, le CIDA, le SCF UK, l'Agence de développement international des Etats Unis [USAID], la Communauté européenne [CE] et l'Unité d'analyse et de cartographie sur la vulnérabilité du Programme alimentaire mondial [VAM/PAM]) puis par l'application à chaque indicateur d'un indice pondéré moyen. L'index est actuellement en cours de validation sur le terrain dans des weredas sélectionnées.

Le ciblage des ménages et des personnes

La sélection de groupes cibles, ménages ou personnes, est souvent déterminée par un dispositif de ciblage à stades multiples: en premier lieu un ciblage administratif et/ou géographique conduit à la sélection de grandes zones de services (régions, groupes de villages, provinces, états), puis on applique des critères d'éligibilité au niveau des ménages ou des personnes. Les groupes cibles sont sélectionnés par l'utilisation de critères spécifiques qui établissent la différence entre les plus nécessiteux et les moins nécessiteux au sein d'une communauté définie.


Les nourrissons et les jeunes enfants risquent plus particulièrement de manquer des aliments dont ils ont besoin pour être en bonne santé, grandir et se développer normalement.

FAO/19468/G. Bizzari

Le choix des critères les plus appropriés est essentiel pour minimiser les erreurs d'inclusion et d'exclusion au moment du tri sélectif des bénéficiaires potentiels, au niveau des ménages ou au niveau individuel. Ces critères sont basés sur les caractéristiques des ménages ou des individus.

Pour les programmes de nutrition, le tri sélectif des ménages s'effectue principalement sur la base de la taille du ménage, de sa situation socio-économique, du niveau d'instruction de la mère, de l'espacement des naissances au sein de la famille et/ou d'un antécédent de mauvaise nutrition chez un membre quelconque de la famille. La situation socio-économique d'un ménage peut être un moyen utile d'identifier les individus souffrant de malnutrition dans les groupes à haut risque. Les indicateurs socio-économiques pertinents comprennent les personnes vivant dans des familles ou ménages où un enfant en bas âge est déjà décédé, où la mère est très jeune ou relativement âgée, ou encore avec de nombreux jeunes enfants.

Le ciblage de toutes les personnes à risque dans une zone de programme de nutrition se fait principalement par le biais d'indicateurs tels que:

Une étude effectuée sur l'ensemble du pays a démontré qu'un certain nombre d'indicateurs simples (chacun mesuré seulement par 2 ou 3 valeurs différentes) fonctionnaient très bien, seuls ou combinés à d'autres, pour identifier les ménages et les enfants de moins de cinq ans en danger d'insécurité alimentaire ou nutritionnelle. Ces indicateurs comprennent: le nombre d'aliments différents consommés; la taille du ménage; la proportion de personnes dépendantes dans le ménage; le nombre de pièces par personne; l'incidence des maladies; la situation en matière de vaccination; l'âge du sevrage des enfants de moins de cinq ans; et les installations en matière d'eau potable et de sanitaires.

On pourra appliquer n'importe lequel de ces indicateurs, seul ou en combinaison avec d'autres, au moment de la sélection des participants potentiels. Les indicateurs de tri sélectif les plus couramment utilisés dans le ciblage des personnes sont l'âge et les mesures anthropométriques. Le concept de sélection par cohorte d'âge spécifique correspond au fait que le risque ou le haut risque de souffrir de malnutrition se développe au sein de certains groupes d'âge. Comme exemple de ces groupes d'âge et des risques particuliers qu'ils encourent, on peut citer l'ostéoporose chez les femmes âgées et la malnutrition chez les jeunes enfants entre 6 et 36 mois.

Les indicateurs anthropomorphiques les plus utiles sont:

Les rapports poids/âge et taille/âge sont les mesures de malnutrition les plus couramment utilisées pour les enfants de moins de cinq ans, même si, dans des situations d'urgence, on utilise souvent le rapport poids/taille et le périmètre brachial pour identifier les enfants les plus à risque. Lorsque la malnutrition est due à un déficit protéique grave, de même qu'en cas de kwashiorkor, le rapport poids/âge peut être un mauvais indicateur à cause de la présence d'œdème: on peut alors s'exposer à une erreur d'exclusion. L'utilisation de critères de gain de poids pour le ciblage se justifie par le fait qu'un enfant de moins de cinq ans qui n'a pas pris de poids au cours d'une certaine période est en danger extrême de malnutrition. Dans les zones où la malnutrition est très répandue, le tri sélectif en fonction du critère de gain de poids est relativement efficace pour les enfants de moins de cinq ans dont l'état nutritionnel est normal. Par contre, elle ne donne aucune indication sur tous ceux dont l'état nutritionnel risquerait de se détériorer dans le futur sans l'apport de compléments alimentaires. On utilise aussi souvent des critères d'âge combinés à des valeurs anthropomorphiques pour cibler de manière plus étroite les groupes d'enfants les plus à risque, par exemple entre 6 et 36 mois.

En règle générale, les critères nutritionnels pourront convenir au ciblage individuel alors que les facteurs socio-économiques s'avèreront plus utiles quand le ciblage portera sur les ménages.

Avantages


1 Le ciblage des personnes ou des ménages améliore la précision du ciblage en réduisant les pertes.

2 Il permet une vérification subjective des niveaux de vie et permet d'obtenir d'autres informations.

3 Il abaisse le taux de non-participation.

4 Il améliore l'ensemble des bénéfices sociaux d'une activité.

5 La collecte d'informations sur place par le biais de mesures directes effectuées par du personnel formé permet d'obtenir des données exactes à un prix de revient peu élevé.

6 Le ciblage des personnes et des ménages permet une intervention immédiate.

Inconvénients


1 Lorsque les informations nécessaires font défaut, la collecte de données pour les indicateurs est coûteuse, particulièrement celles liées à l'état nutritionnel. Il faut du personnel formé et un bon support logistique et financier pour obtenir des informations fiables sur les aspects biochimiques, cliniques, anthropométriques et/ou alimentaires.

2 Des données/informations relevées sur place sur la foi de déclarations peuvent conduire à un taux élevé de non-participation ou d'erreurs d'auto-sélection dans la couverture du programme. Selon les informations demandées, les inexactitudes pourront être nombreuses: les personnes interrogées pourront faire des déclarations volontairement erronées, ce qui entraînera de grosses erreurs d'inclusion.

Il est important de ne pas exclure un objectif de programme ou un critère de ciblage particulier seulement parce qu'il semble être d'un faible rapport coût/efficacité. S'il peut sembler coûteux à court terme de soumettre chaque personne à un tri sélectif en fonction des critères donnés, le programme bénéficiera à long terme de cette procédure qui permettra de réduire les erreurs d'inclusion et d'exclusion.


L'utilisation d'indicateurs anthropométriques pour le ciblage des programmes d'alimentation de groupes (PAG).

ON UTILISE LES INDICATEURS ANTHROPOMÉTRIQUES POUR:

  • évaluer la situation nutritionnelle d'une population ou d'un groupe pour décider s'il convient de mettre en place un PAG et où il faut le situer;

  • sélectionner les bénéficiaires pour ce programme;

  • surveiller la croissance de chaque bénéficiaire;

  • mesurer les tendances et les changements de la situation nutritionnelle de la population ou du groupe bénéficiaire pour décider s'il convient de poursuivre, d'élargir ou de clôturer le PAG.

INDICATEURS CHOISIS DANS LES PROGRAMMES D'ALIMENTATION COMPLÉMENTAIRE D'URGENCE

Pour les enfants appliquer le rapport poids/taille (ou le rapport poids/taille couchée). Il est prioritaire de sélectionner les enfants émaciés car ils sont en plus grand danger de maladie grave ou de mort. Si les enfants sont nombreux, on pourra effectuer un tri sélectif préliminaire en utilisant le périmètre brachial. Les limites d'inclusion utilisées pour sélectionner les enfants varieront selon les ressources disponibles, mais on peut recommander la procédure suivante (ACC/SCN, 1990b et UNICEF 1986):

  • rations supplémentaires pour les enfants dont le rapport poids/taille couchée est inférieur à 80 pour cent et dont le périmètre brachial est inférieur à 13,5 cm;

  • alimentation thérapeutique pour les enfants dont le rapport poids/taille couchée est inférieur à 80 pour cent et dont le périmètre brachial est inférieur à 12,5 cm.

On pourra également sélectionner les enfants dont les courbes de croissance indiquent un gain de poids insuffisant.

INDICATEURS CHOISIS DANS LES PROGRAMMES D'ALIMENTATION COMPLÉMENTAIRE SANS CARACTÈRE D'URGENCE

Puisqu'il est vraisemblable que le nombre d'enfants émaciés sera moins élevé dans les situations non urgentes que dans les situations d'urgence, on pourra sélectionner, si les ressources le permettent, des enfants accusant un retard de croissance. Les indicateurs et les limites d'inclusion suivantes sont recommandés:

  • pour les enfants jusqu'à deux ans: rapport poids/taille inférieur à 80 pour cent; rapport taille/âge de moins de 90 pour cent; gain de poids insuffisant;

  • pour les enfants âgés de deux à cinq ans: rapport poids/taille inférieur à 80 pour cent; gain de poids insuffisant (des enfants présentant un retard de croissance en taille ne composent pas un groupe à haute priorité parce que ce retard de croissance aura pu se produire plus tôt et ne sera vraisemblablement pas le résultat d'une sous-alimentation en cours).

Si l'on ne peut mesurer la taille, utiliser le rapport poids/âge à moins de 80 pour cent ou, pour des enfants de un à cinq ans seulement, le périmètre brachial à moins de 13,5 cm.


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