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MINAGRI/PNUD/FAOSEM/89/14
PROJET RWA/87/012juin 1989

SEMINAIRE TRENTE ANS APRES L'INTRODUCTION DE L'ISAMBAZA AU LAC KIVU

Gisenyi, 6–7 juin 1989

LA PLACE DE LA BIOLOGIE DANS LA GESTION D'UNE PECHERIE: LE CAS DU LAC MUHAZI

par

Rose MUKANKOMEJE
Doctorante en Biologie
F.U.N.D.P. Namur

1.0 INTRODUCTION

Le Projet Etude et Aménagement Piscicole du lac Muhazi a plus de 4 ans d'existence. Dès le début, ses responsables se sont occupés de l'encadrement des pêcheurs, de la surveillance du lac sans délaisser le côté scientifique. En effet avant de tenter toute exploitation d'un lac, il nous semble que trois aspects sont essentiels pour en assurer une bonne gestion. Il faut:

  1. Une bonne connaissance de la nature et de l'importance des stocks de poissons disponibles avant de rechercher toute technique d'exploitation et de commercialisation.

  2. Voir comment on peut améliorer la qualité et la quantité des stocks existants. Pour ce faire, il faut suivre tous les facteurs qui influencent directement ou indirectement la vie des poissons dans le milieu. Il s'agit des facteurs physico-chimiques et surtout les sources de nourriture disponible pour chaque espèce.

  3. Enfin, connaître la biologie, l'écologie, l'éthologie et surtout le régime alimentaire de différentes espèces avant de les introduire dans le milieu. Nous allons voir comment ces différents aspects ont été pris en considération au lac Muhazi. Nous donnerons quelques résultats atteints à l'heure actuelle et tirerons quelques conclusions.

2.0 CONNAISSANCE DE LA NATURE ET DE L'IMPORTANCE DES STOCKS DE POISSONS DISPONIBLES AVANT DE RECHERCHER LES TECHNIQUES D'EXLOITATION ET DE COMMERCIALISATION

La production piscicole du lac Muhazi a fortement chuté. De 350 t/an vers 1950 (DAMAS, 1952) elle a chuté à 30 t/an en 1985, elle est passée de 49,5 t/an (PRISNIER,87) après trois ans de contrôle et de surveillance du lac. Cette baisse est due à plusieurs causes dont:

Dès le début, on s'est intéressé au stock existant par des pêches expérimentales. On a inventorié six genres avec onze espèces, dont certains sont endémiques du lac Muhazi et d'autres introduits. L'estimation quantitative s'est faite à l'aide des filets maillants monofilaments ayant une gamme assez large de maillages afin de capturer les individus de toutes les tailles.

Le tableau ci-après donne la proportion de chaque espèce pour deux ans d'étude (1986–1987 et 1987–1988).

Nous constatons que la deuxième année on a capture plus de Tilapia nilotica qu'en 1987 (23,02% en poids contre 16,32 %).

 juin 1986–juin 1987juin 1987–juin 1988
Espèces% Poids% Nombre% Poids% Nombre
Barbus spp  0,001  0,0040,0040,001
Cyprinus carpio----
Clarias gariepinus0,820,016,0820,041
Haplochromis spp71,74  99,11  63,130   98,041  
Clarias liocephalus1,410,050,0760,004
Tilapia nilotica (hybride)16,32  0,5020,170   0,690
Tilapia nilotica (pure)--2,8500,670
Tilapia rendalli3,660,326,9500,670
Mastacembelus victoriae0,040,010,0030,040

Parallèlement les Haplochromis ont chuté. Ils sont passés à 71,74 % (poids) contre 63,13 % en 1988. Les Tilapia rendalli ont presque doublé (6,95 % contre 3,66 %).

En 1988, les données recueillies par le Projet auprès des pêcheurs ont permis d'estimer une production de 56 t/an, basée sur deux espèces Tilapia nilotica et Clarias gariepinus. Une équipe exploitant les Haplochromis spp. a pêché 17 t/an (d'avril 1988 à avril 1989). Ainsi on pouvait estimer la production du lac à plus de 70 t/an.

2.1 Techniques d'exploitation

3.0 CONNAISSANCE APPROFONDIE DE TOUS CES FACTEURS QUI INFLUENCENT DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT LA VIE DES POISSONS DANS LE MILIEU AQUATIQUE.

3.1 Les données climatiques

3.1.1 La pluviosité

Les facteurs climatiques ont changé au cours de ces trois années d'étude. L'année 1986 a connu un total de précipitations de 902 mm contre 906,3 mm en 1987 et 1118,3 mm en 1988. Cette pluviosité joue une importance capitale pour la vie aquatique, en effet, elle joue sur;

3.1.2 La transparence

Elle a été mesurée au disque de Secchi et la valeur moyenne était de 70,2 cm en 1986. Elle a diminué en 1987 pour atteindre 66,2 cm et rester stable en 1988. Cette valeur faible est due sans doute à la richesse en phytoplancton mais aussi à d'autres matières en suspension provenant du lessivage du bassin versant. Les particules d'argile sédimentent et la transparence de l'eau en est réduite.

3.1.3 La température

La température de l'eau et de l'air ont comme source le rayonnement solaire. La température a été prise tous les midis; celle de l'air à 07H 00, et 17H 00. Le tableau ci-dessus reproduit les valeurs moyennes pendant les trois années.

AnnéeTo Air(°C)
07H 00
To Air
12H 00
To Air
17H 00
To Eau
12H 00
198615,725,223,124,3
198716,425,723,025,7
198815,825,321,824,7

Cette température se répercute sur le métabolisme, la croissance et la reproduction des poissons (BISHAI, 1965). Elle agit sur la solubilité des sels minéraux. Donc au lac Muhazi, cette température de l'eau est favorable à la reproduction des poissons en l'occurence de Tilapia nilotica parce que sa température minimale est de 20°C (DASHOW, 1958). Il s'agit d'une espèce eurytherme. Ceci explique le succès de son introduction en Afrique.

3.2 La production primaire

La production primaire d'un écosystème aquatique désigne l'ensemble de la matière organique synthétisée par les organismes autotrophes. Ceux-ci utilisent le dioxide de carbone (CO2) inorganique dissous dans l'eau sous forme gazeuse ou de bicarbonate comme source de carbone. Certains éléments minéraux dont l'azote, le phosphore, silice, etc … sont indispensables à cette synthèse. Cette production dépend surtout de l'activité photo-synthétique des végétaux aquatiques qui est elle-même contrôlée par l'intensité lumineuse, la température et les nutriments. Ces trois facteurs sont variables dans la colonne d'eau. Pour étudier cette production, différents paramètres sont aussi mesurés tels que: la température de l'eau, l'intensité lumineuse, la concentration en 02 dissous, la conductivité, le phosphore et la transparence de l'eau. Il existe différentes méthodes pour estimer cette production.

3.2.1 Comptage des organismes phytoplanctoniques

On peut suivre l'évolution de la biomasse algale par le comptage des organismes pytoplanctoniques. Nous avons utilisé une méthode semi-quantitative. Nous avons pu constater que les Cyanophycées sont plus represéntées. Elles sont suivies par les Chlorohycées. Les Bacilliariophycées occupent la trosième place. Après viennent les Pyrrophytes, les Desmidiales. Le groupe le plus pauvre en espèces quant à la qualité et la quantité est les Euglénophycées. Pour certaines espèces, nous avons constaté une distribution verticale. Connaissant le volume et le poids de chaque espèce (on peut le calculer ayant sa forme sous microscope). On peut calculer le pourcentage volumétrique ou pondéral. Mais cette méthode ne donne pas une image fidèle de la biomasse car le volume et le poids des cellules varient d'une espèce à une autre et pour une même espèce au cours de son cycle de développement (POURRIOT et al, 1982).

3.2.2 La mesure des pigments chlorophylliens

C'est une méthode spécifique au phytoplancton car la concentration en chlorophylle “A” est en relation directe avec la photosynthèse et détermine en grande partie le taux de production primaire à un moment donné (POURRIOT, 1982). Nos résultats ont révélé que le lac est riche en producteurs primaires. Des valeurs de 55 mg de chlorophille “A” par litre ont été atteintes, nous avons constate que cette concentration est variable dans le temps et dans la colonne d'eau.

3.2.3 Evaluation de la production primaire par la production de l'oxygène (Méthode des bouteilles claires et sombres)

Il s'agit d'un suivi de la quantité d'oxygene produit par les algues lors de la photosynthèse. Des incubations des échantillons d'eau ont été réalisées pendant une période de 6 heures réparties de telle façon qu'on soit dans la gamme ou les rayons sont photo-synthétiquement actifs. Nos résultats ont montré que la production est maximale à la surface. Il y avait peu de photo-inhibition.

La production brute exprimée en gramme d'02/m2/durée d'incubation a été calculée par planimétrie à l'aide des courbes photosynthèse-profondeur. Des valeurs de 11,72 gr 02/m2/6H ont été obtenues.

La production chute à partir de 3 m probablement à la suite de la réduction de l'intensité lumineuse due à la faible transparence de l'eau. Bientôt avec les données d'intensité lumineuse nous pourrons calculer la production journalière.

4.0 BIOLOGIE ECOLOGIE REGIME ALIMENTAIRE DE QUELQUES ESPECES DE POISSONS VIVANTS OU SUSCEPTIBLES DE VIVRE DANS LE LAC MUHAZI

4.1 Haplochromis spp est un petit poisson de 9 a 12 cm de longueur standard.

Des études ont été faites sur sa biologie (MAES, 1986). Au lac Muhazi, il s'est avéré omnivore à tendance insectivore. Il peut même consommer ses congénères. Il consomme surtout des larves de Chaoborus et des Chironomidae, il est incubiteur bucal et a une coloration différente lors de la reproduction. Longueur totale est de 76 mm. La taille minimale de maturité est de 69 mm de longueur totale pour les mâles et 57 mm chez les femelles. Ils se reproduisent toute l'année mais le maximum se situe dès le début de la saison des pluies jusqu'à la fin de la saison sèche. Le repos sexuel se situe à la fin de la petite saison sèche et de la petite saison des pluies.

Clarias gariepinus a été étudié par GASHAYIJA (1987–1988). C'est un silure à grande distribution; depuis l'Asie Mineure a l'Afrique Australe on le trouve dans tous les affluents du Nil. Il peut atteindre 1,5 m et peser jusqu'à 30 kg. Il respire l'oxygène terrestre grâce à un appareil suprabranchial. Ainsi, il peut vivre dans des zones faiblement oxygénées. Les jeunes consomment des insectes aquatiques et terrestres et des débris végétaux. A la taille de 35 cm, ils consomment d'autres poissons et des crustacés.

4.3 Tilapia nilotica

Au lac Muhazi, l'étude ne commence que maintenant. Mais cette espèce a été étudiée ailleurs au Rwanda: lac Ihema (MUKANKOMEJE, 1984).

Il se trouve dans toute l'Afrique sauf dans le nord et le sud-ouest. Il a été introduit vers les années 1930. Il préfère des températures très élevées et vit entre 0 et 7 m. C'est un incubiteur buccal. Il se nourrit du phytoplancton mais l'étude de son régime alimentaire est en cours pour voir le lien qu'il y a entre la production primaire et son utilisation par Tilapia nilotica.

5.0. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Il nous semble que la démarche suivie au lac Muhazi est à continuer et même à souhaiter sur d'autres lacs rwandais car avant de tenter toute introduction, il est nécessaire d'évaluer la production primaire du lac et ses potentialités d'utilisation par les poissons. Il existe une étroite relation entre la production piscicole et primaire.

Après cette première phase sur la relation phytoplancton-poissons, une deuxième phase plus vaste est envisageable en s'intéressant à:

On peut avoir une connaissance plus globale et evaluer vers un modèle éventuellement applicable sur d'autres lac rwandais. On évoluera ainsi vers une meilleure gestion des importantes ressources de nos nombreux écosystèmes lacustres.


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