Page précédente Table des matières Page suivante


MINAGRI/PNUD/FAOSEM/89/13
PROJET RWA/87/012juin 1989

SEMINAIRE TRENTE ANS APRES L'INTRODUCTION DE L'ISAMBAZA AU LAC KIVU

Gisenyi, 6–7 juin 1989

SITUATION DE LA PECHE AU LAC MUHAZI

par

Frédéric BIZIMANA
Responsable du Projet Etude et Aménagement
Piscicole du Lac Muhazi

1.0 SITUATION GEOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE DU LAC MUHAZI

1.1 Bref aperçu géographique

Situé à 30 km de Kigali et orienté d'Est en Ouest, le lac Muhazi forme un couloir présentant une valée de forme digitée entre les préfectures de Kigali, Byumba et Kibungo dans le région du Buganza-Nord. Il est alimenté par les eaux des sources et des rivières marécageuses, son débit varie en fonction des saisons. Le lac Muhazi se trouve à une altitude de 1450 m, sa superficie est de 34,10 km2. Il a 40 km de longeur sur une largeur moyenne de 0,6 km avec une profondeur moyenne de 9 m et le maximum atteint 13 m.

Les collines avoisinantes à faible pente sont densément occupées par la population agricole et pastorale dont quelques riverains s'adonnent à l'activité de pêche semi-professionnelle ou occasionnelle et saisonière, l'agriculture étant leur activité principale.

1.2 Historique du lac Muhazi en rapport avec les introductions des differentes espèces de poissons

La source d'informations relatives aux introductions des différentes espèces de poisson dans le lac Muhazi est basée sur des renseignements fournis par les anciens riverains en complément des écrits de Dames (1953, 1954).

Les premières introductions ont été effectuées de 1935 à 1936 par M. Verhulst avec du T. nilotica en provenance de l'Ouganda.

En 1940, Mr. Collet commença la pêche à la ligne, ensuite il pêcha à la senne de plage en utilisant deux balénières avec une équipe de 40 pêcheurs.

Depuis cette époque jusqu'en 1947, la production de poissons a augmenté et les captures étaient intéressantes.

En 1949, Mr. De San employait 100 pêcheurs qui pêchaient au filet maillant avec des bateaux motorisés. Il semblerait qu'à cette époque eut lieu l'introduction du Tilapia rendalli

En 1952, l'activité de pêche devenait importante et on pêchait parfois une tonne de poisson par jour (T.nilotica et rendalli). Les rwandais se sont mis à pêcher à leur compte en 1956 avec des filets maillant achetés en Ouganda. Habitués à pêcher et à manger du poisson, les pêcheurs rwandais se multiplièrent et la production diminua progressivement à la suite d'une surexploitation du lac et des mauvaises techniques de pêche néfastes à la prolifération du poisson. Il y eut une chute progressive de rendement passant de 300 t (1952) à 30 t (1983). Le moment était venu pour que le Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et des Forêts pense à la restauration de la production piscicole du lac en voie de diminution progressive et continue.

En 1983, le Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et des Forêts introduisit du Clarias gariepinus dans le lac Muhazi en provenance du lac Ihema et un an après la mission coréenne basée à la station piscicole de Kigali, déversa quelques centaines de Cyprinus carpio dans le lac dont l'existance n'est pas actuellement apparente.

2.0 AMELIORATION DE LA PRODUCTION PISCICOLE DU LAC MUHAZI

Dans le souci d'améliorer la production piscicole du lac Muhazi, le Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et des Forêts en collaboration avec le Ministère du Plan, a proposé un projet d'Etude et Aménagement Piscicole du lac Muhazi financé sur le budget de Fonds de contre partie appelé “Fonds blé belge”. Les principaux objectifs du projet sont orientés sur des volets suivants:

2.1 Etudes biologiques et limnologiques des eaux du lac.

Les résultats obtenus à la pêche expérimentale permettent de connaitre les différentes espèces de poisson qui peuplent le lac et leur régime alimentaire. Tandis que l'analyse d'échantillons d'eau donne les caractéristiques physiques et chimiques dont la connaissance s'avère indispensable avant d'organiser toute action d'introduction de nouvelles espèces de poisson.

2.2 Organisation de la pêche et encadrement des pêcheurs.

Ce volet constitue un pilier pour la bonne marche et la réussite du projet. Le problème de surexploitation du lac et l'utilisation de mauvaises techniques de pêche a suscité la nécéssité d'organiser les pêcheurs en nombre limité dans des zones de pêche. La première approche a consisté à enregistrer tous les pêcheurs lors des réunions organisées aux débarcadères. Le premier recensement a permis de dénombrer 480 pêcheurs dont la majorité prétendaient être employés par le projet, ils se sont précipité pour se faire inscrire. La deuxième approche a été d'amener les pêcheurs à prendre leurs initiatives pour la séléction des vrais pêcheurs et pour leur auto-organisation afin d'aboutir à un nombre potentiel de pêcheurs qui seront groupés par zone de pêche. Ainsi 180 pêcheurs soit 90 unités ont été enregistrés.

2.2.1 Groupement des pêcheurs par zone de pêche

Pour éviter le vol des filets et les conflits entre les pêcheurs et surtout pour le suivi des pêcheurs et la collecte des données statistiques, les pêcheurs ont été groupés en zones de pêche. Le lac a été divisé en 8 zones de pêche désignés à l'aide de lettres alphabétiques. Les pêcheurs ont adhéré aux différentes zones selon leur choix, qui sont de véritable associations. Actuellement il y a 86 unités de pirogues, réparties dans 8 zones de pêche, utilisant 688 filets maillants. Ces pêcheurs commencent à organiser leurs activités dans des groupements coopératifs et le projet s'engage pour appuyer cette action.

2.2.2 Numérotation des pirogues et distribution des fiches des pêcheurs

Avant d'exercer le metier de pêche, tout pêcheur doit avoir une fiche de pêcheur et une pirogue numérotée, le numéro de la pirogue indique aussi la zone dans laquelle la pirogue est utilisée.

2.2.3 Réglement de la pêche

Il a été formulé sous la forme d'instructions ministérielles pour expliquer aux pêcheurs les bonnes techniques de pêche à utiliser et les mauvaises techniques à banir telles que la pêche à la frappe, filets de petite maille, senne de plage et la pêche dans les frayères.

2.2.4 Réunion de sensibilisation des pêcheurs et des autorités locales

Des contacts réguliers doivent être prévus entre le projet et les différentes autorités locales pour se concerter à propos de la réalisation des objectifs assignés au projet. La nécessité d'auto-organisation et de prise de responsabilité des pêcheurs pour la surveillance et le contrôle du lac fait souvent l'objet de discussions développées au cours des réunions organisées au niveau des débarcadères avec les pêcheurs.

2.3. Réempoissonnement du lac et suivi des espèces introduites

Le projet a poursuivi le réempoissonnement du lac avec des espèces existantes déjà, ensuite avec l'introduction de nouvelles espèces pouvant s'adapter aux eaux du lac Muhazi. 250.000 alevins de T.nilotica de souche pure viennent d'être introduits dans le lac Muhazi en provenance des stations piscicoles nationales et de l'Université Nationale du Rwanda. Une partie de ces alevins a été pêchée dans les deux grands étangs de reproduction de nouvelles espèces, quelques sujets de protoptères ont été déversés dans le lac Muhazi en provenance du Zaïre (lac Amin) et de la Tanzanie (lac Victoria). Pour suivre le comportement et l'adaptabilité de cette nouvelle espèce, une dizaine de jeunes Proptères a été mis dans un petit lac de 3 ha non loin du lac Muhazi où ils seront observés régulièrement avant de l'introduire dans le lac.

2.4. Exploitation d'Haplochromis et essai de commercialisation

Ce petit Cliclidae constitue un stock important et non exploite. Il n'est pas apprécié par la population à cause de sa taille qui atteint 7 à 8 cm à l'âge adulte. On peut l'exploiter directement avec une technique de pêche appropriée et rentable ou indirectement avec l'introduction d'un prédateur qui va le consommer.

La technique de pêche choisie pour l'exploitation d'Haplochromis est l'utilisation de la senne tournante dont l'unité est composée de 4 à 5 personnes. La production d'Haplochromis fait une moyenne de 130 kg d'Haplochromis frais par unité de pêche et par nuit.

L'exploitation directe de ce poisson serait intéressante au cas où le produit serait facilement commercialisable et consommé.

Le projet a entrepris plusieurs démarches pour faire connaitre ce produit et faciliter son écoulement. Nous avons contacté les responsables des centres nutritionnels, différents commerçants pour leur montrer la nature de ce nouveau produit sous forme frais, séché, fumé et de farine. Seule la farine semble la forme préferée et commence à être recherchée par la population. La vente se fait par l'intermédiaire de l'OPROVIA, des centres nutritionnels et quelques clients viennent au projet. Le prix du kilo de farine est de 200 FRW en gros et 250 FRW au détail.

2.5 Statistiques de production

La collecte des données statistiques est faite d'une part par les moniteurs piscicoles qui enregistrent les captures aux débarcadères, d'autre part par les résultats des pêches expérimentales et la collecte des données par les agents du projet qui visitent les pêcheurs régulièrement aux débarcadères. On fait une comparaison des résultats obtenus des deux côtés.

L'estimation de la production tiendra compte de l'effort de pêche par unité de pêche et du nombre de pêcheurs existant. On peut signaler qu'il a toujours des captures frauduleuses que l'on ne peut pas estimer. De toute façon la production a subi une légère augmentation au cours de ces deux dernieres années passant de 49 t (1987) à 50 t (1988) pour les deux espèces Tilapia et Clarias et 17 t d'Haplochromis.

3.0. ESPECES DE POISSONS EXISTANT AU LAC MUHAZI

3.1 Espèces autochtones

Haplochromis sp. ou Gaurochromis
Barbus mohasicus
Clarias liocephalus

3.2 Espèces introduites

Tilapia nilotica
Tilapia hybride
Tilapia rendalli
Clarias gariepinus
Cyprinus carpio
Mastacembellus victoriae
Protopterus aethiopicus

4.0 ENGINS DE PECHE UTILISES PAR LES PECHEURS

Les pirogues monoxyles sont utilisées a 100 %; les filets maillants et les hameçons pour la pêche à la ligne et au filet maillant; les palangres pour la pêche au clarias.

5.0 PREDATION

Deux principaux prédateurs ichtyophages sont observés:

6.0 PROBLEMES RENCONTRES

Braconnage: vol de filets, pirogues et même des poissons par les braconniers. Les mêmes braconniers pratiquent la pêche frauduleuse avec du matériel prohibé.

Le lac est surexploité avec de mauvaises techniques de pêche.

Manque du matériel de pêche pour approvisionner les pêcheurs (filets maillants et hameçons).

Les pénalités données aux braconniers ne sont pas suffisament importantes au regard des infractions, d'où une récidivité de la part des braconiers.

La collaboration des conseillers et des membres des cellules est quasi-inexistante dans certains endroits.

7.0 CONCLUSION

Pour atteindre les objectifs du projet Etude et Aménagement Piscicole du lac Muhazi, il est indispensable de chercher a résoudre les problèmes posés qui handicapent les activités des pêcheurs. De nouvelles structures organisationnelles s'imposent pour mieux sensibiliser et encadrer les pêcheurs pour qu'ils puissent prendre leurs responsabilités dans le contrôle et la surveillance du lac. Il va aussi sans dire que sans l'appui des autorités locales, l'effort consenti par le projet serait sans effet palpable. La tâche du Ministère de l'Agriculture et de l'Elavage et des Forêts serait d'abord d'intervenir auprès des autorités locales pour qu'elles puissent défendre les intérêts des pêcheurs; appuyer ces derniers en matériels de pêche, ensuite de mettre en lumière une législation sur la pêche qui servira aux gestionnaires des différentes pêcheries du pays.


Page précédente Début de page Page suivante