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EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

par
Maria Teresa Cirelli[39]

RESUME

Suite aux changements politiques intervenus au début des années 1990, la plupart des pays de l'Europe centrale et orientale ont adopté de nouvelles lois forestières. L'introduction (section I) décrit brièvement les raisons qui ont conduit à cette rapide révision des législations forestières existantes, ainsi que les obstacles rencontrés par ces réformes.

La section II examine les initiatives forestières internationales et leur influence sur les évolutions récentes de la législation forestière dans cette région. L'ouverture générale de ces pays sur le monde extérieur et à la coopération internationale a influé sur le processus d'élaboration des politiques et des lois nationales, pendant que les initiatives internationales (telles que celles ayant conduit à l'adoption des Principes forestiers de Rio) étaient favorablement accueillies. L'harmonisation des lois forestières de ces pays avec celles de l'Union européenne, en vue d'une adhésion future, n'est pas nécessaire pour le moment, dans la mesure où le droit communautaire se limite, pour l'essentiel, à réglementer le financement des programmes forestiers. Néanmoins, en droit communautaire, la foresterie est conçue comme un aspect du développement rural intégré, approche globale que les pays d'Europe centrale et orientale pourraient souhaiter reprendre à leur compte.

La section III examine ensuite les six principaux thèmes traités par les législations forestières de la région. L'analyse montre que le développement durable des forêts constitue généralement un objectif déclaré de la législation. L'une des questions les plus complexes concerne le régime juridique des forêts privées, qu'il s'agisse de forêts naturelles restituées à leurs propriétaires antérieurs, de forêts privatisées ou de forêts plantées. Des règles trop restrictives (telle que l'exigence de plans de gestion détaillés élaborés par l'administration) risquent de décourager les activités forestières privées et sont difficiles à mettre en œuvre. Dans la plupart des lois étudiées, on constate que la gestion forestière intégrée et participative n'a pas encore réussi à supplanter l'approche traditionnelle fondée sur la gestion technique des forêts, quoique certaines innovations aient été introduites en la matière.

Dans les considérations finales (section IV), on évoque notamment la nécessité d'adopter des mesures d'application appropriées et d'un effort soutenu de la part des gouvernements pour mettre en œuvre les stratégies juridiques nouvellement élaborées.

I. INTRODUCTION

Dans le mouvement de réformes politiques et économiques du début des années 1990, la plupart des pays d'Europe centrale et orientale ont adopté de nouvelles lois forestières[40]. Ce processus de remplacement des législations forestières jusque là en vigueur a été d'une rapidité étonnante. En effet, la législation forestière a souvent été traitée avec davantage de célérité que d'autres questions complexes appelant une intervention urgente du législateur.

Dans la plupart des cas, le besoin de nouvelles lois forestières s'est fait sentir à l'occasion de réformes dans le domaine de la propriété foncière, principalement la reconnaissance de la propriété privée, dans la foulée de l'adoption de nouvelles législations foncières et de réformes législatives portant privatisation de divers aspects de l'économie. L'influence exercée par ces facteurs sur la politique et la législation forestières a été variable selon les pays. Dans certains cas, la privatisation a été étendue à la propriété même des ressources et des terres forestières. Dans d'autres cas, on a opté pour la distribution de terres agricoles aux agriculteurs ou aux anciens propriétaires, certains Etats se réservant la propriété des ressources et des terres forestières[41]. Cependant, même dans de tels cas, les nouvelles lois ont presque toutes introduit un certain degré de privatisation dans le secteur forestier, par exemple, en permettant aux particuliers ou aux entreprises privées de s'intéresser à la foresterie, en diminuant les interventions de l'Etat eu égard à des opérations telles que la coupe, le traitement, la commercialisation ou la fixation des prix et en assurant une plus grande ouverture à la concurrence étrangère. En dépit des différences de stratégies d'un pays à l'autre, la tendance générale a été de restructurer les domaines forestiers et les entreprises de l'Etat, lesquelles étaient trop étroitement contrôlées et souvent inefficientes.

Quelquefois, l'adoption d'une nouvelle législation forestière était destinée à confirmer la volonté de changement d'un gouvernement nouvellement mis en place et à démontrer son efficacité à traiter des questions foncières aussi complexes.

Dans tous les cas, les nouvelles lois forestières étaient perçues comme une nécessité urgente et ont souvent été adoptées à la hâte. Une telle démarche n'a pas été sans difficultés. L'expertise disponible dans les pays concernés n'était pas préparée pour concevoir des réformes législatives en profondeur du secteur forestier, dans la mesure où elle avait été formée presque exclusivement dans le cadre des anciens systèmes. Dans certains cas, les idées inculquées par le passé constituaient un handicap à la réalisation de réformes substantielles. En Arménie, par exemple, la politique extrêmement conservatrice imposée par le gouvernement central à l'époque où la République faisait encore partie de l'Union soviétique a continué d'influencer le gouvernement indépendant de l'Arménie, le rendant réticent à l'introduction de toute forme d'exploitation forestière dans les nouvelles politique et législation forestières.

Même lorsqu'une expertise technique en droit forestier était recherchée à l'étranger, ou lorsque les expériences des économies de marché étaient prises en considération, la complexité et le caractère inédit des transformations que ces pays ont connues étaient tels qu'il s'est avéré difficile de dégager des options politiques claires et satisfaisantes.

L'hypothèse générale de départ, selon laquelle la privatisation devrait se traduire par un transfert de propriété et que cela, en soi, déboucherait sur une revitalisation de l'économie, s'est révélée trop simpliste. En réalité, la privatisation a plutôt nécessité la mise en place d'un régime spécifique reposant sur un équilibre entre les actions publiques et les initiatives privées, avec une délimitation précise des droits et des responsabilités de chacun des acteurs. A cet effet, la législation était certes primordiale, mais il fallait aussi du temps pour évaluer les retombées de certains programmes et politiques de privatisation, et pour les ajuster en cas de besoin[42].

Les difficultés d'arrêter des choix appropriés de politique forestière ont été ressenties également lors de la rédaction des nouvelles lois forestières. Dans de nombreux cas, la loi nouvellement adoptée a laissé aux textes d'application ultérieurs le soin de réglementer une bonne partie de leur substance. Cela se justifiait par le fait que de nombreuses questions nécessitaient une certaine pratique avant d'être réglementées de façon détaillée. Cela étant, des lacunes de taille subsistaient dans ces régimes juridiques naissants. Par exemple, en Russie et dans quelques-unes des républiques de l'ancienne Union soviétique, comme l'Arménie, la nouvelle législation fait pratiquement l'impasse sur les forêts privées, car on pensait que ces dernières feraient l'objet d'une loi spécifique à un stade ultérieur. Dans le cas de la Russie, les «Principes de législation forestière» adoptés en 1993 furent remplacés par le Code forestier de 1997, mais celui-ci ne traite de la foresterie privée que de façon marginale.

En outre, de nombreux problèmes du secteur forestier étaient dus à des facteurs qui, dans une large mesure, ne relevaient pas directement de la loi. Par exemple, la diminution du rôle de l'Etat, les pénuries de carburant, la pauvreté et la précarité du doit de propriété étaient souvent les causes sous-jacentes de l'augmentation des coupes illégales. Les problèmes économiques ont également accru les risques de surexploitation par les gouvernements eux-mêmes qui pouvaient, durant les années difficiles, être tentés de surexploiter les ressources forestières afin d'obtenir les capitaux dont ils avaient tant besoin pour investir[43].

Ce chapitre examine la manière dont certains des problèmes les plus saillants ont été traités par les récentes lois forestières des pays d'Europe centrale et orientale[44]. Bien que comportant quelques suggestions d'amélioration, l'étude n'entend pas faire des recommandations globales à cet égard. Le champ de l'analyse est limité aux lois forestières (surtout les textes de base) et n'aborde pas en détail les législations et les politiques connexes, comme celles relatives au régime foncier, à l'agriculture, aux aires protégées, etc. De plus, l'accent est mis sur les lois forestières récemment adoptées. Un examen de la législation préexistante serait instructif à des fins comparatives, mais il déborderait le champ de la présente étude.

II. INITIATIVES INTERNATIONALES

La transformation des politiques et législations forestières dans les pays d'Europe centrale et orientale s'opère dans un contexte international caractérisé par la mondialisation[45]. Cette tendance se traduit par un développement analogue des politiques et des lois nationales des différents pays, ainsi que par la participation de ces derniers à de nombreuses initiatives internationales.

S'agissant de la législation interne, par exemple, dans de nombreux pays, et pas seulement en Europe centrale et orientale, on assiste à un amenuisement du rôle de l'Etat, un retrait des institutions forestières du cadre de l'administration publique et un plus grand intéressement du secteur privé à la foresterie. Nombreux sont les pays qui ont adhéré aux principes du développement durable et ont élaboré des lois qui les consacrent en tant que concept de référence (par exemple, en établissant des niveaux maximums de coupe autorisée, en exigeant que les coupes soient conformes aux plans de gestion, etc.).

Sur le plan international, de nombreuses initiatives régionales et mondiales ont été prises, y compris une tentative jusqu'ici infructueuse d'élaborer un instrument juridique international relatif aux forêts. De nombreux accords internationaux, à la fois régionaux et universels, traitent des forêts, bien que de façon non exclusive. La coopération internationale en matière de forêts a aussi permis l'adoption d'importants instruments de soft law (non obligatoires), en particulier les Principes forestiers de Rio[46]. Bien que juridiquement non contraignants et rédigés en termes généraux, ces principes consacrent un certain nombre de concepts, ayant reçu le consensus de la communauté internationale, qui traitent du développement durable et de la biodiversité, du commerce des produits forestiers et de la coopération technique internationale. Le droit souverain des pays sur leurs ressources forestières est clairement reconnu par les Principes forestiers, dont l'incorporation dans les politiques et les législations forestières nationales est vivement encouragée. Diverses références aux dispositions pertinentes des Principes forestiers seront faites dans les pages qui suivent[47]. De manière générale, on peut dire que les réformes des politiques et des législations forestières des pays d'Europe centrale et orientale s'inspirent des idées contenues dans les Principes forestiers de Rio. Par exemple, le code forestier de la Géorgie de 1999 se réfère directement aux principes de Rio comme fondements de la protection, de la gestion et du développement des forêts du pays (art. 4).

Avec la transformation de leur économie, les pays d'Europe centrale et orientale ont développé leur coopération avec d'autres pays. Le processus de réforme des législations forestières a, en lui-même, incité ces pays à établir des contacts internationaux dans le but d'échanger des idées et d'obtenir des informations, entre eux-mêmes et avec le reste de la communauté internationale. L'une des conséquences positives de cette ouverture a été l'adhésion progressive de ces pays aux accords internationaux relatifs à l'environnement[48]. A cet égard, le code forestier de Géorgie indique que les accords internationaux ratifiés par la Géorgie font partie intégrante de la législation nationale relative, en particulier, à la protection, la restauration et l'utilisation des ressources forestières (art. 2).

Le processus d'Helsinki est l'une des initiatives internationales auxquelles les pays européens en transition ont directement pris part[49]. Une des résolutions adoptées par la conférence d'Helsinki (résolution H3) concerne spécialement la coopération avec les pays à économie en transition. En plus de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale, cette résolution a été signée par la Communauté européenne. Elle reconnaît l'importance des forêts pour les pays en transition eu égard au développement de leurs conditions politiques, économiques et sociales, ainsi que les effets éventuels sur la protection des forêts dans la période transitoire et la nécessité d'adopter des programmes de développement forestier durable dans ces pays. Elle met ensuite l'accent sur l'importance de la coopération, qui peut prendre la forme de transfert de connaissances, de projets bilatéraux ou multilatéraux dans les domaines technique, institutionnel et juridique. La coopération devrait notamment favoriser le développement des échanges d'informations et des systèmes de suivi des causes transfrontières de dégradation des forêts, telles que la pollution de l'air, les incendies, les radiations nucléaires, la chasse, etc. Entre autres bailleurs de fonds (CEE, FAO, PNUE, PNUD, BM), la Communauté européenne exécute des projets de coopération mutuellement bénéfiques.

Une des préoccupations des pays d'Europe centrale et orientale est liée au besoin d'adaptation de leur politique et leur législation forestières en vue de leur adhésion future à l'Union européenne (UE). En ce qui concerne la gestion des forêts, il y aura lieu de prendre un certain nombre de mesures. Par exemple, la collecte et le traitement des données devront être améliorés et harmonisés en collaboration avec les pays de l'UE, ce qui nécessitera un effort considérable, compte tenu notamment de l'extension des privatisations et de la parcellisation corrélative des propriétés forestières.

Par ailleurs, s'agissant des effets directs d'une adhésion à l'UE sur la législation forestière, les amendements requis devraient être assez limités pour l'instant, car l'UE n'a encore adopté ni une politique forestière formelle, ni une législation imposant spécifiquement un régime forestier commun à tous ses membres. En fait, les textes législatifs de l'UE relatifs aux forêts traitent principalement du financement de projets de reboisement, de la protection de la diversité biologique et des forêts contre les feux et la pollution atmosphérique[50]. Cependant, par une résolution de 1998, le Conseil des Communautés européennes a adopté une Stratégie forestière de l'Union européenne qui définit les principaux éléments d'une gestion durable des forêts[51].

Il y a néanmoins une tendance générale que les pays souhaitant adhérer à l'UE devraient prendre en considération. Bien qu'il reconnaisse l'importance des forêts du point de vue environnemental, le droit communautaire appréhende la foresterie comme étant essentiellement un élément du développement rural, et plus précisément comme un substitut ou un complément à l'agriculture. Les financements pour le reboisement, par exemple, ne sont accordés qu'aux agriculteurs ou à leurs associations, en vertu du Règlement 2080/92 relatif au régime d'aides en faveur des mesures forestières en agriculture. Au titre de ce règlement, la plantation d'arbres, leur entretien pendant les cinq premières années et d'autres travaux sylvicoles peuvent être financés. Des indemnités pour l'abandon des cultures au profit de la foresterie peuvent aussi être allouées.

Il serait donc utile pour les pays d'Europe centrale et orientale de concevoir leurs politiques agricole et forestière de manière intégrée, en prenant en considération les autres politiques connexes (de l'environnement, de l'industrie, de développement économique). Même s'il s'avérait nécessaire, à un stade ultérieur, d'adopter une loi spécifique en la matière, il conviendrait dès à présent d'inclure la gestion intégrée dans les lois forestières. Cela permettrait, par exemple, de s'opposer à la préparation de plans de gestion par les seules administrations forestières, de faciliter la consultation des autres institutions et du public et, surtout, d'intégrer des facteurs autres que les aspects techniques strictement forestiers.

III. PRINCIPAUX THEMES

3.1 Développement durable des forêts

Les nouvelles lois forestières adoptées par les pays d'Europe centrale et orientale reconnaissent largement les rôles bénéfiques et multiples des forêts et la nécessité de les gérer de façon durable[52].

La loi croate de 1991, par exemple, fait référence à la protection des sols contre l'érosion, à l'influence sur les ressources hydrauliques et sur les systèmes d'énergie hydroélectrique, à la fertilité des sols et la production agricole, au climat, à l'environnement, à la production d'oxygène, à la beauté du paysage, aux loisirs, au tourisme, à la chasse et même à la défense nationale (art. 2).

De même, la loi hongroise de 1996 prévoit que les forêts devraient être exploitées de façon durable, à un rythme permettant leur préservation pour les générations futures, en se référant notamment à la protection de la diversité biologique, la fertilité et la capacité de régénération, ainsi qu'aux intérêts de la défense, de la santé, du tourisme, de la recherche et de l'éducation (art. 2 et 15). Elle dispose expressément que la création de districts forestiers à des fins de gestion doit se faire en tenant compte des exigences de la foresterie durable (art. 11) et que toute division des terres forestières ne peut être autorisée que si elle ne nuit pas à la durabilité (art. 74).

De même, la loi forestière d'Estonie de 1998 prescrit une gestion des forêts comme ressources naturelles renouvelables, qui vise à satisfaire les besoins économiques et autres de la population, sans causer de dommages inutiles à l'environnement naturel (art. 1). Le même objectif est formulé dans le premier chapitre du code forestier de Géorgie de 1999.

Traditionnellement, la gestion des forêts était envisagée comme une discipline purement technique, relevant de la compétence exclusive des forestiers professionnels. Les plans de gestion étaient habituellement préparés par l'administration, de manière scientifique. Ils s'appliquaient aux zones qu'ils couvraient et leur violation pouvait constituer une infraction. Au Kosovo, ce sont les plans de gestion qui servent de base aux autorisations de coupe de bois dans les forêts tant publiques que privées. La nouvelle institution chargée des forêts doit sélectionner et marquer les arbres, compte tenu du plan, avant leur coupe (loi sur les forêts, art. 20, 21 et 35; Règlement UNMIK No 2000/27, art. 2.2(k); Dir. adm. n° 2000/23, art. 1).

Cette approche est très affirmée dans les nouvelles dispositions régissant la planification de la gestion. Dans la plupart des pays d'Europe centrale et orientale, la préparation de plans d'aménagement forestier est expressément requise et la délivrance des autorisations de coupe en est tributaire, ce qui constitue un moyen approprié d'assurer l'exploitation durable des produits ligneux[53].

La planification nécessite, à l'évidence, un examen attentif de l'état des ressources, lequel, à son tour, dépend de la disponibilité d'informations exactes et détaillées. A cet égard, il serait opportun que la législation fasse obligation aux entités impliquées dans la gestion des forêts de communiquer de telles informations aux responsables de la planification, et ce d'autant plus qu'un nombre croissant de ces entités sont désormais privées. Des dispositions de ce genre sont toutefois rares dans les législations étudiées. Des exemples sont donnés par la loi de la République tchèque, qui impose aux propriétaires de forêts de fournir pareilles informations (art. 40), ainsi que par le code forestier de Géorgie (art. 10). Les deux textes font obligation aux propriétaires de forêts privées de soumettre des statistiques et des informations sur l'état de leurs forêts. En Lituanie également, les propriétaires de forêts doivent fournir des données statistiques sur les coupes et le reboisement effectués, conformément aux règlement relatif à l'utilisation et la gestion des forêts privées (art. 25-9). Bien que dans les autres pays des obligations similaires puissent être introduites dans des textes d'application existants ou futurs, l'analyse des lois de base montre que la collecte d'informations demeure largement une prérogative du gouvernement[54].

La gestion durable des forêts est également abordée, dans toutes des lois passées en revue, sous l'angle des conditions de base imposées au prélèvement des ressources[55]. Celles-ci concernent généralement autant les forêts publiques que privées. En Roumanie, par exemple, une série de règles comprises dans le code forestier, dites régime sylvicole, s'appliquent à tout le «domaine forestier», lequel inclut les forêts publiques et privées. En vertu de la plupart des lois, les propriétaires sont responsables de l'adéquation des opérations de coupe et pour l'utilisation de techniques appropriées de régénération. Il leur incombe également de prendre les mesures destinées à prévenir la dégradation des forêts, telle que la prévention des maladies et épidémies, le «contrôle des torrents» et même les dommages causés par le gibier. La loi tchèque, par exemple, contient des prescriptions détaillées de ce genre (art. 31-35). En vertu de la loi forestière d'Estonie (art. 24), du code forestier de Géorgie (art. 10), et du règlement sur l'utilisation et la gestion des forêts privées de Lituanie (art. 25), les propriétaires de forêts sont responsables de la mise en œuvre des mesures de protection des forêts contre les animaux nuisibles, les maladies et les feux[56].

Les lois tendent aussi à exiger que les forêts soient gérées par des forestiers professionnels ayant reçu une formation appropriée. Cela peut constituer une obligation supplémentaire à la charge des propriétaires forestiers, comme c'est le cas de la loi tchèque (art. 37). Quant à la loi croate sur les forêts (art. 28 et 42) et au règlement sur l'utilisation et la gestion des forêts de la Lituanie (art. 17), ils définissent différents niveaux de formation forestière requise, selon le type d'activités à entreprendre, soit par les forestiers professionnels soit par les propriétaires de forêts privées. Le règlement albanais relatif à l'octroi des licences professionnelles (1998) mentionne pour sa part les activités se rapportant aux forêts, à l'approvisionnement en eau, à la faune et la flore pour lesquelles de telles licences sont requises, pour les opérateurs tant nationaux qu'étrangers (art. 3). Il convient de noter que de telles dispositions risquent de détourner les propriétaires fonciers privés de la foresterie. Elles devraient donc être soigneusement contrebalancées par des incitations appropriées, fondées sur une appréciation réaliste des capacités financières et matérielles des propriétaires[57].

3.2 Privatisation et foresterie privée

Dans plusieurs pays, la «privatisation» du secteur forestier a systématiquement poursuivi une série d'objectifs divers. Variables dans leur portée et leurs modalités d'exécution, les stratégies les plus communément adoptées ont été les suivantes:

Chacun de ces objectifs requiert un régime juridique propre, lequel, bien souvent, n'est pas défini par la loi forestière de base. Par exemple, même là où de vastes programmes de restitution des terres forestières à leurs anciens propriétaires ont été adoptés, en général la législation forestière n'en fait pas mention, dans la mesure où les dispositions y afférentes peuvent être contenues dans une loi générale sur la privatisation des terres[58], comme la loi géorgienne relative à la privatisation des forêts[59]. La structure et les fonctions des anciennes entreprises d'Etat ont parfois été transformées par un acte administratif et il arrive que certaines lois forestières précisent les fonctions nouvellement assignées au service forestier, mais lorsqu'une privatisation a été opérée (par exemple, le démantèlement d'anciennes entreprises à structure verticale et la vente des unités de production), elle n'est pas visée par la loi. De même, bien que les prix des produits forestiers soient parfois libéralisés, les lois forestières passent généralement cette question sous silence.

3.2.1 Réglementation des forêts privées

Un aspect essentiel de la «privatisation» auquel sont confrontés pratiquement tous les pays d'Europe centrale et orientale est celui de la définition d'un régime approprié pour les forêts privées. Il importe, pour tout pays, de trouver un juste équilibre entre l'encadrement par l'Etat et l'encouragement des initiatives privées. Ce problème est d'autant plus pressant que, dans plusieurs pays étudiés, de vastes zones boisées sont passées (ou passeront prochainement) aux mains d'entités privées. Du fait de la privatisation massive des ressources forestières, les administrations concernées devaient s'attendre à perdre une partie des revenus générés par ces ressources. Toutefois, elles continuent à considérer l'ensemble des forêts comme des ressources productives nécessitant une gestion appropriée et refusent de soustraire les espaces boisés étendus à l'application des instruments de gestion élaborés par leurs soins ou sous leur supervision. Etant donné l'insuffisance de compétence professionnelle et de capacité financière des nouveaux propriétaires forestiers, les administrations forestières estiment que, en dehors d'elles-mêmes, il n'y a pas d'autres entités capables d'assurer une bonne gestion des forêts.

Dans cette perspective, les administrations forestières devraient évaluer l'intérêt réel que l'Etat aurait à maintenir un contrôle étroit sur la gestion des forêts privées, en tenant compte des coûts que cela occasionnerait. L'élaboration et le suivi de plans de gestion pour les forêts privées risquent d'entraîner des dépenses considérables, étant donné le nombre et de la diversité des propriétaires et des parcelles forestières. En supposant que les revenus des forêts privées profiteront principalement à leur propriétaire, il est probable que les administrations forestières seront moins intéressées à s'impliquer à fond dans la gestion de telles parcelles, surtout si, de toute façon, les propriétaires sont légalement tenus d'observer des règles de base de protection des forêts. Par ailleurs, les gouvernements peuvent avoir intérêt à accroître la production foresterie nationale, qu'elle provienne ou non du secteur public ou privé, auquel cas la non-exploitation des ressources pourrait leur sembler inacceptable, quand bien même les propriétaires auraient décidé de rester inactifs.

Les lois récentes de pays tels que l'Arménie, la Russie et la Bulgarie ne traitent pas de la gestion des forêts privées, cette question devant, est-il supposé, faire l'objet d'une autre législation. Les lois d'autres pays, comme la Croatie (art. 34-36), le Kosovo (art. 20 et 21), la Slovénie (art. 9) et la Roumanie (art. 66), exigent encore que les plans de gestion soient préparés par l'administration, indépendamment de la propriété des forêts, et font obligation aux propriétaires de les mettre en œuvre.

D'autres pays ont opté pour diverses solutions «de compromis». En Estonie, la loi forestière de 1998 fait expressément obligation à tout propriétaire forestier d'assurer une gestion durable des forêts (art. 26-3), en conformité avec les plans d'aménagement et les recommandations en vigueur. En outre, ils sont habilités à participer à l'élaboration de ces plans et recommandations (art. 7). Par ailleurs, les forêts en cours de privatisation doivent être gérées sous la responsabilité du Ministre de l'environnement, jusqu'au moment où elles sont cédées à des propriétaires privés (art. 57).

Le fait que, dans la loi hongroise, le principal acteur soit le gestionnaire de la forêt (plutôt que le propriétaire forestier) dénote également une certaine tendance à privilégier la production forestière. La loi charge le gestionnaire de la forêt de soumettre, à l'approbation des autorités, un plan opérationnel décennal et un plan forestier annuel (art. 26). Le problème de la gestion des forêts morcelées entre différents propriétaires, qui se pose dans plusieurs des pays considérés, est réglé en Hongrie par l'obligation faite aux propriétaires de mener, sous certaines conditions, des activités forestières conjointes et de recourir à un gestionnaire commun (art. 13(4)).

La loi polonaise de 1992 prévoit la préparation de plans simplifiés pour les forêts non domaniales (art. 19). A la demande et aux frais des personnes morales privées propriétaires de forêts, des plans de gestion peuvent être établis par l'administration (art. 21). Des plans peuvent être élaborés aux frais de l'Etat, si le gouverneur du Vovoid en fait la requête, pour les forêts villageoises appartenant à des personnes physiques (art. 21). Ces dispositions ont été accompagnées d'une politique déterminée de coopération avec les propriétaires privés. L'administration a assumé avec un soin particulier son rôle d'agent conseiller et vulgarisateur auprès des propriétaires forestiers privés, avec lesquels elle a réussi à établir des relations fructueuses (Baresi 1994).

Afin de prévenir la parcellisation excessive des propriétés forestières, la loi forestière lituanienne de 1994, amendée en 2001 interdit leur division en parcelles inférieures à 5 hectares. Dans le même but et pour promouvoir les pratiques de gestion appropriées, une priorité d'achat des terres forestières est donnée aux forestiers professionnels et aux propriétaires de terres forestières voisines (art. 5). Parmi les mesures d'incitation à la foresterie privée, il y a l'exonération d'impôt foncier sur les terres forestières et la promotion générale des coopératives. L'adoption d'un règlement est expressément requise pour préciser le niveau de contrôle que les agents forestiers peuvent exercer sur les forêts privées (art. 7). Des subventions et des crédits peuvent être octroyés par l'Etat aux propriétaires privés pour entreprendre des travaux forestiers et des compensations leur sont dues en cas de restriction de leurs droits (art. 8). Dans tous les cas, les propriétaires forestiers ont l'obligation de protéger les forêts et de permettre leur régénération, selon le besoin. Les problèmes de gestion sont également évoqués par le règlement de 1997 relatif à l'utilisation et la gestion des forêts privées. La mise en œuvre des plans d'aménagement incombe aux propriétaires forestiers. Cependant, les inventaires forestiers et les plans d'aménagement doivent être élaborés par l'Institut d'aménagement forestier et contrôlés par le Ministère de l'agriculture et des forêts, en collaboration avec le Ministère de l'environnement. Les plans d'aménagement doivent ensuite être approuvés par les administrations compétentes et formellement adoptés - ou modifiés s'il y a lieu - par le Gouvernement (art. 8).

En vertu de la loi tchèque, les propriétaires de forêts de plus de 50 hectares sont tenus de préparer un plan de gestion forestier (art. 24). Quant aux forêts de moindre superficie, lorsque leurs propriétaires restent passifs, l'administration peut élaborer des lignes directrices et les propriétaires peuvent, avant l'approbation finale de celles-ci, lui notifier leurs intentions de gestion. Après adoption des lignes directrices, les propriétaires peuvent accepter formellement le type de gestion qui y est stipulé, auquel cas ils sont liés par certaines dispositions des lignes directrices (pour les forêts inférieures à 3 hectares, le volume maximum de coupe autorisé; pour les forêts plus vastes, ce dernier et certaines techniques de régénération) (art. 25). Un chapitre spécifique de la loi traite de la promotion de la gestion forestière et énumère les éventuels services et aides financières pouvant être fournis, dont les modalités devront être précisées par des dispositions réglementaires annuelles (art. 46).

Il ne serait pas judicieux d'essayer de choisir, parmi les exemples décrits ci-dessus, ceux qui pourraient servir de modèle pour l'ensemble de la région[60]. En général, toutes dispositions incitant à la création d'associations ou de groupements entre les propriétaires forestiers sont à conseiller (bien que le souvenir peu reluisant du modèle coopératif dans les pays d'Europe centrale et orientale risque de dresser des obstacles psychologiques). Cet objectif devrait être soutenu, au niveau adéquat, par des programmes d'investissement, des facilités d'accès au crédit, des exonérations fiscales, etc. A cet égard, le règlement lituanien sur l'utilisation et la gestion des forêts privées dispose que, pour une gestion effective des forêts, les propriétaires forestiers peuvent, volontairement, former des coopératives, créer des fonds ou collaborer par d'autres moyens pour entreprendre des activités forestières d'intérêt commun (art. 5). En Hongrie, les propriétaires de forêts peuvent créer des associations à but lucratif, en vertu de la loi de 1994 relative aux associations de propriétaires forestiers, qui régit la constitution, l'organisation, le fonctionnement, les droits, devoirs et responsabilités de ces associations et de leurs membres.

L'administration forestière pourrait prendre directement part aux associations de propriétaires, en jouant un rôle de conseil ou, plus simplement, en exerçant une fonction de contrôle externe (par ex., par l'approbation des plans de gestion proposés). Lorsque l'Etat est propriétaire de terres limitrophes, il pourrait devenir partie à l'accord, comme tout autre propriétaire forestier. Les propriétaires et leurs conseillers pourraient convenir des modalités d'utilisation de leurs zones forestières et s'entendre sur la fourniture des services requis d'une manière entrepreneuriale (par ex., lancer des appels d'offres pour la vente du bois et d'autres produits, sélectionner des contractants, embaucher du personnel de surveillance, construire des infrastructures, etc.). Si les propriétaires sont libres d'accepter ou de refuser toute mesure de gestion particulière concernant leur terre, ils peuvent être plus facilement enclins à participer à de tels arrangements.

Des initiatives touchant, en même temps qu'aux forêts, à des domaines connexes (comme le tourisme, les services, etc.), pourraient s'avérer bénéfiques pour le développement local si elles couvrent des terres suffisamment vastes. Elles pourraient aussi être de nature à attirer davantage de financements, de source internationale ou autre, que les projets d'investissement isolés relatifs à des forêts déterminées. Par exemple, de nombreux programmes financés par l'Union européenne sont axés sur des initiatives de développement rural intégré et, dans certains cas, ils s'étendent déjà à des pays non-membres associés d'Europe centrale et orientale.

L'adoption d'un cadre juridique consacrant ces dispositions sur les forêts, ainsi que des mesures d'incitation adéquates, resterait insuffisantes s'il n'était pas accompagné par une campagne de formation et de vulgarisation appropriée sur les possibilités offertes aux propriétaires forestiers, sur les pertes de gain potentielles causées par la gestion inadéquate des forêts, ainsi que sur les bienfaits pouvant résulter de leur bonne gestion.

3.2.2 Plantations forestières

Sous réserve de dispositions contraires, le régime juridique des forêts privées s'applique aux forêts naturelles comme aux forêts plantées sur fonds privé. Il peut par conséquent influencer de manière considérable les initiatives privées en matière de plantation[61]. Si l'on désire encourager la plantation d'arbres, que ce soit ou non dans le domaine forestier de l'Etat, il faut éviter de prendre des mesures juridiques susceptibles de la contrarier. En ce sens, les pays devraient fixer un niveau acceptable d'intervention de l'Etat en matière de plantations forestières, quel que soit leur emplacement.

Actuellement, les dispositions favorables aux plantations forestières font généralement défaut dans les législations forestières des pays de la région. Par exemple, d'après la loi hongroise de 1996, dans le cas de nouvelles plantations forestières, il appartient au service forestier d'en fixer l'objectif principal, mais il ne peut s'opposer à ce qu'une finalité commerciale soit donnée à une forêt qui a été légalement plantée, sans subvention de l'Etat (art. 16). Un plan spécifique de mise en œuvre de la plantation doit être approuvé par le service forestier (art. 35). Dans tous les cas, des aides aux plantations peuvent être accordées par l'Etat, dans les conditions fixées par voie réglementaire (art. 34). Le décret No. 91 de 1997 relatif aux matériaux de plantation forestiers a été adopté en vue de préserver et développer les écosystèmes forestiers et leur diversité génétique. Ainsi, les aides que l'Etat accorde en faveur des plantations forestières sont destinées à étendre le domaine forestier et à améliorer l'environnement naturel.

En Roumanie, en l'absence de dérogation expresse du code forestier, il faut considérer que les arbres plantés dans le domaine forestier (qui englobe les terres privées) sont soumis au même régime sylvicole que les arbres naturels, que leur coupe nécessite la même autorisation que pour le bois naturel, et que même les limites annuelles de coupe maximum autorisée sont applicables. Quant à la régénération postérieure à la coupe, elle incombe au propriétaire. Un tel régime risque de décourager fortement les plantations privées, dès lors que l'unique dérogation concerne les terres actuellement situées en dehors du domaine forestier (art. 68).

Dans la loi forestière d'Estonie, les questions de reforestation sont traitées en même temps que celles relatives aux pépinières et à la régénération naturelle (art. 10 et 11). Les propriétaires forestiers doivent replanter aussi bien les zones défrichées que celles dégradées dans les forêts tant de protection que de production. Si une zone n'est pas convenablement régénérée dans les sept ans, l'autorité forestière peut la reboiser aux frais du propriétaire[62].

3.2.3 Domaine forestier

L'expression «domaine forestier», national ou de l'Etat, est communément utilisée dans la législation des pays considérés[63]. Le domaine forestier est parfois constitué des terres forestières appartenant à l'Etat; dans d'autres cas, il inclut toute terre boisée, quel qu'en soit le propriétaire.

Selon le code forestier russe de 1997, le domaine forestier englobe toutes les forêts, à l'exclusion des terres servant à la défense nationale et au développement urbain et des forêts municipales, et ses limites doivent être démarquées (art. 7). Du fait de cette disposition et de l'article 19, qui prévoit que le domaine forestier est la propriété de l'Etat fédéral, il reste peu de place à la propriété forestière privée. Néanmoins, les arbres situés sur les terres privées appartiennent au propriétaire foncier (art. 20).

En Albanie, la loi énumère et définit les terres censées faire partie du domaine forestier, à savoir les forêts de l'Etat et des communes, ainsi que les forêts privées (art. 2 et 3). Elle prévoit également une procédure de classement - et de déclassement - des terres dans le domaine forestier (art. 2 et 7).

En Roumanie, le code forestier définit également, dans ses dispositions initiales, les terres constituant le domaine forestier national (art. 1-3). Il prévoit ensuite le recours au cadastre forestier, actualisé à la date de l'entrée en vigueur du code, pour déterminer la consistance du domaine (art. 5). Les terres forestières, publiques et privées, qui ont été identifiées comme faisant partie du domaine forestier, sont soumises au régime forestier.

En Bulgarie, la loi forestière utilise la notion de «stock forestier national», qui englobe l'ensemble des forêts, y compris les clairières, pâturages, boutures, rochers, lacs, brûlis et éboulis qu'elles comportent (art. 3). Toutes les terres du stock forestier national relèvent de la propriété publique (art. 2).

Le concept de domaine forestier semble bien enraciné et il est fort peu probable que les pays qui le consacrent s'en démarqueront. Cependant, ce concept peut rendre ambiguë l'interprétation des lois. En Albanie, en Roumanie et en Russie, la loi définit les terres faisant partie du domaine forestier (plutôt que celles qui «pourraient» en faire partie) et, en même temps, elle dispose que le domaine forestier est constitué de terres désignées à cette fin (de par leur inscription au cadastre forestier ou à l'issue d'une procédure formelle). Cela peut être à l'origine de confusion: lorsque des terres forestières répondant aux critères du domaine, mais qu'elles n'y sont pas encore formellement classées, leur statut risque d'être incertain.

En Arménie, le code forestier de 1994 est communément interprété comme s'appliquant uniquement aux forêts de l'Etat, dans la mesure où il ne comporte pas de dispositions spécifiques aux forêts ou aux arbres privés. Toutefois, l'interprétation inverse est également possible, dès lors que ce même texte déclare que les forêts sont, sans distinction, propriété de l'Etat. On pourrait donc en déduire que, dès qu'une forêt est créée, même sur une terre privée, elle devient propriété de l'Etat. Cela serait évidemment de nature à décourager les plantations forestières et toutes autres activités forestières sur les propriétés privées. En outre, le code ne précise pas clairement le genre de contrôles auxquels sont soumis les arbres situés dans les propriétés privées, laissant ainsi les propriétaires privés dans l'ignorance des implications de ces dispositions.

Ces mesures contre-incitatives pour la foresterie privée, qui sont souvent involontaires, devraient être évitées lors de la rédaction des lois forestières. Dans bien des cas, il peut s'agir simplement d'un besoin de clarifier la loi, en spécifiant que les arbres plantés ou situés sur les terres privées appartiennent au propriétaire de celles-ci (en particulier lorsque la propriété privée constitue une innovation) et en distinguant clairement, parmi les dispositions de la loi, celles qui sont applicables à ces arbres et celles qui ne le sont pas, en essayant d'éviter les références ambiguës au domaine forestier chaque fois qu'il est question de terres privées.

D'autres obstacles à la foresterie privée peuvent se trouver dans des lois non forestières. En général, la législation foncière des pays d'Europe centrale et orientale tend à prescrire des normes ou des mesures visant à garantir la productivité de la terre et son usage adéquat. Parfois, la propriété de la terre peut même être perdue pour cause d'usage inapproprié. Cette règle est destinée à décourager la mauvaise gestion des terres, mais ses mérites sont discutables, surtout en matière de foresterie, où elle agit parfois comme une contre-incitation. Si la définition de la productivité des terres est limitée aux cultures ou aux arbres fruitiers, alors la plantation d'arbres risque d'être regardée comme étant un usage «improductif», susceptible d'entraîner des mesures extrêmes pouvant aller jusqu'à l'expropriation.

3.3 Gestion des forêts

Alors que, traditionnellement, la gestion des forêts était axée sur le rendement de la production ligneuse, aujourd'hui, on admet largement les limites d'une telle approche. Dans les pays démocratiques, les citoyens exigent de plus en plus que d'autres valeurs publiques, variables dans le temps et dans l'espace, soient intégrées dans la gestion forestière - comme celles liées aux loisirs, au tourisme, à la faune et aux intérêts locaux[64]. De ce fait, les lois forestières ont tendance à prévoir une plus grande implication de la société civile dans le processus décisionnel.

Certaines initiatives récentes dans les pays d'Europe centrale et orientale reflètent cette tendance. Par exemple, la politique forestière estonienne (1997) a été élaborée après consultation des représentants des différents acteurs en présence - aux intérêts conflictuels -, tels que l'industrie forestière, les propriétaires forestiers privés, les ONG et les ministères concernés, et un bref compte rendu de ces consultations a été inséré dans le texte du document lui-même. La loi hongroise de 1996 requiert, pour la préparation des plans forestiers de district, une concertation entre les différents ministères, ainsi qu'une consultation des gestionnaires de forêts et des municipalités concernées (art. 24 et 25). La loi de Slovénie de 1993 requiert également que les projets de plans de gestion soient rendus publics et que les observations formulées y soient incorporées (art. 14). Elle précise que les besoins et les propositions des propriétaires forestiers doivent, autant que possible, être respectés, pour autant qu'ils soient en cohérence avec les exigences de l'écosystème et de la loi (art. 5).

Aux termes de la loi forestière bulgare, les aspects les plus importants de la gestion, de la protection et du développement des forêts relèvent d'un organe interdisciplinaire, l'Office supérieur de la gestion des forêts, qui compte des spécialistes du ministère des forêts, de l'Académie des sciences, du ministère de la construction et de l'architecture et des institutions de l'enseignement supérieur (art. 11). La loi estonienne, d'autre part, précise que les activités forestières doivent être conduites dans le respect des plans de développement forestier préparés par les autorités publiques. Les ONG concernées sont associées à la conception de ces plans, ainsi qu'à l'élaboration de la politique et de la législation forestières (art. 35 et 36). La législation géorgienne, pour sa part, confère à des organes locaux d'importants pouvoirs de gestion des forêts locales et prescrit la participation du public dans le processus décisionnel en matière de gestion des forêts de l'Etat (chapitre X).

Des approches plus restrictives ont été retenues dans d'autres pays comme la Pologne où, en vertu de la loi de 1992, les projets de plans forestiers directeurs ne doivent faire l'objet d'une publicité formelle que lorsqu'ils concernent des forêts appartenant à des particuliers (art. 21).

En règle générale, cependant, les législations étudiées ne prévoient pas de consultation publique approfondie. Les administrations, dans la région, ne semblent pas avoir encore pris conscience des mérites potentiels de la planification et de la gestion participatives et de la nécessité d'arriver à un vaste consensus entre les parties intéressées comme moyen de faciliter l'application des décisions une fois qu'elles sont prises. Même le code forestier russe de 1997, le plus récent des textes législatifs examinés, définit encore l'inventaire et la planification des forêts comme un ensemble d'activités visant à accroître l'efficacité et à concevoir une politique forestière uniforme, au double plan scientifique et technique (art. 72). Les programmes d'utilisation et de conservation des forêts sont élaborés exclusivement par des organes administratifs (art. 72). Cependant, le code géorgien dispose que, avant qu'une décision sur l'utilisation d'une forêt donnée ne soit prise par les autorités responsables de la gestion du domaine forestier, des informations sur la zone concernée, concernant par exemple le plan d'aménagement ou le régime de protection, doivent être rendues publiques (art. 35-5). La loi lithuanienne, quant à elle, prévoit que les entreprises forestières, les administrations responsables des parcs et les services régionaux du ministère de l'environnement doivent être consultés préalablement à l'approbation des plans d'aménagement (art. 8).

S'agissant d'un autre élément important de la participation du public, à savoir l'accès aux informations détenues par les autorités, les lois nationales sont en général silencieuses. La loi hongroise, par exemple, limite expressément l'accès à la Banque nationale de données forestières aux propriétaires ou gestionnaires de forêts eu égard aux données qui les intéressent (art. 32).

Un autre aspect qui n'est pas encore traité de façon adéquate est celui de l'intégration de la foresterie dans la gestion des secteurs connexes, comme l'agriculture, l'élevage, le tourisme, la faune et les aires protégées. Un tel souci peut sembler novateur pour les pays d'Europe centrale et orientale, où les administrations forestières se sont surtout intéressées à la dimension technique de la gestion des forêts. Pour adopter une approche intégrée, un changement d'attitude de la part de ces administrations et d'autres services est certes nécessaire, mais une législation appropriée peut aussi en faciliter le processus.

Cela est d'autant plus important que certaines activités liées à la foresterie, telles l'agriculture et l'élevage, soumettent déjà les forêts à de fortes pressions dans certains pays de la région. D'autres activités, comme le tourisme, peuvent devenir plus influentes. L'accessibilité accrue aux transports permettra probablement à un plus grand nombre de personnes (cyclistes, randonneurs, skieurs, etc.) de se rendre dans les zones forestières à des fins récréatives. L'utilisation des produits forestiers non ligneux dans le cadre des activités de développement local intégré - par exemple, la récolte ou la production de miel, de champignons et de truffes, ainsi que leur vente aux visiteurs lors des excursions - est devenue chose commune dans les pays d'Europe occidentale, et on peut s'attendre à une évolution semblable dans le reste de l'Europe[65].

L'unique activité «non forestière» liée aux forêts qui soit fréquemment visée par les lois forestières étudiées est le pâturage. A cet égard, les dispositions légales se résument souvent à une liste de prohibitions. En Arménie, par exemple, l'actuel règlement relatif au pâturage, qui a été pris en application de la loi forestière de base, détermine les zones où le pâturage est interdit et n'autorise les cultures fourragères que dans des zones d'un certain type. En Roumanie, le code forestier interdit le pâturage dans l'ensemble du domaine forestier national, sauf rares exceptions (art. 6). Quant à la loi forestière tchèque, elle sanctionne pénalement le pâturage et l'entrée du bétail à l'intérieur des forêts (art. 53). De façon plus appropriée, la loi de Croatie lie le pâturage aux programmes d'aménagement forestier (art. 46). En Bulgarie, d'après la loi forestière, le patûrage est: (i) soit soumis à autorisation des agents forestiers compétents et aux prescriptions de plans annuels approuvés par le ministre chargé des forêts; (ii) soit complètement interdit dans certaines zones déterminées (art. 27-30).

Etant donné qu'il existe différents types de forêt et de bétail, et comme leurs interactions peuvent varier considérablement selon les cas, une interdiction générale du pâturage peut s'avérer inappropriée. Il est plutôt préférable d'opter pour des approches juridiques plus flexibles, qui permettent notamment d'engager des négociations entre les usagers et l'administration quant à la gestion des pâturages.

3.4 Utilisation des forêts

Toutes les lois étudiées soumettent à autorisation les coupes de bois, du moins à échelle commerciale. La législation offre une base adéquate pour l'octroi de telles autorisations, les liant aux plans de gestion et, parfois, à des limites maximales annuelles de coupe.

Dans les systèmes traditionnels les plus simples, l'administration octroie des permis de coupe et reste responsable de toutes les activités autres que la coupe dans les zones où ces permis ont été délivrés (par ex., construction de routes, régénération, etc.), ainsi que du contrôle des activités autorisées. Le code roumain, par exemple, adopte un tel dispositif.

Les arbres à couper doivent souvent être identifiés par l'administration. Les lois de la Croatie (art. 41) et du Kosovo (art. 20, 21 et 35), par exemple, prescrivent la sélection et le marquage de tout arbre à couper, dans le respect du plan de gestion annuel, mais indépendamment de l'importance des opérations et de la propriété de la terre concernée. En théorie, de telles dispositions garantissent une protection absolue contre les agissements illégaux susceptibles d'être commis sous le couvert d'un permis ou d'une concession; toutefois, en pratique, elles peuvent s'avérer insuffisantes si elles ne sont pas parfaitement mises en œuvre.

Par endroits, comme en Albanie et en Arménie, de légères innovations ont été apportées à ce schéma de base, notamment: (i) en établissant des procédures, telles les enchères, pour l'octroi des permis; ou (ii) comme en Albanie, en permettant la prorogation des permis et en réduisant les frais y afférents lorsque l'intéressé réalise des investissements sur les terres concernées.

Plusieurs lois de la région fixent des conditions générales pour la délivrance des permis. Ainsi, la loi tchèque impose des conditions liées à l'âge minimum, à la nationalité, au casier judiciaire (vierge), aux qualifications professionnelles (compte tenu du type d'activité à autoriser), aux incompatibilités (par ex., fonctions particulières dans l'administration publique ou le secteur privé). Elle détermine aussi les causes de retrait des permis (art. 41-45).

Certains pays d'Europe centrale et orientale, en particulier la Russie, ont longtemps permis l'exploitation des forêts en vertu de contrats de concession, c'est-à-dire des arrangements plus complexes et à plus long terme portant sur des superficies plus étendues, aux termes desquels le concessionnaire doit assumer des obligations supplémentaires, comme le reboisement ou la régénération, selon certaines règles. D'autres pays se demandent aujourd'hui, parfois sous la pression de compagnies étrangères intéressées, si un tel système pourrait être adapté à leur situation. C'est là une décision politique délicate, dans la mesure où le contrôle de l'application de la loi, dans un tel système, est particulièrement difficile et où, par conséquent, de sérieux risques d'épuisement des ressources peuvent être encourus. Quoi qu'il en soit, cette option suppose l'existence d'un cadre juridique approprié, ce qui n'est pas toujours le cas dans les pays considérés.

A cet égard, le code forestier russe est plus détaillé que les autres législations étudiées. Il prévoit différents systèmes pour l'utilisation des forêts. L'exploitation à grande échelle et à long terme - jusqu'à 49 ans - doit se faire dans le cadre de contrats de bail (art. 31) ou de concessions (art. 37). Ces dernières sont principalement envisagées pour les parcelles peu développées nécessitant des investissements lourds. Dans les deux cas, le code fixe le contenu minimum du bail ou de la concession, y compris les obligations des parties en matière de conservation et de régénération (art. 33 et 40). Les règles de base pour l'octroi des baux et concessions par appel d'offre sont également définies (art. 34). Les dispositions relatives à la fiscalité et d'autres questions financières sont assez détaillées (art. 103-107).

Les lois de la plupart des autres pays manquent de précision en ce qui concerne l'exploitation par concession. Celle-ci pourrait faire l'objet de dispositions réglementaires, prises en application de la loi de base, spécifiant les modalités des autorisations de coupe. Ces dispositions pourraient être d'application générale ou, éventuellement, être négociées au cas par cas. Par exemple, le titulaire d'une autorisation pourrait être chargé d'élaborer un plan de travail détaillé pour la zone concernée, à la satisfaction de l'administration.

Des conditions spécifiques quant aux qualifications requises des contractants potentiels souhaitant participer aux appels d'offres pourraient aussi être imposées (par ex., admission uniquement des entreprises ayant un représentant dans le pays, des entreprises employant un personnel ayant des références, etc.). Pour les opérations d'envergure, une approbation ministérielle pourrait être exigée, tandis que pour les autres opérations, une approbation émanant d'autorités forestières inférieures pourrait suffir. Des dispositions appropriées devraient habiliter l'administration à suspendre ou retirer les autorisations à la survenance de circonstances particulières (principalement, en cas de non-respect des conditions de l'autorisation ou de la loi).

Même pour les forêts privées, la loi pourrait imposer certaines conditions, en ce sens qu'un permis de coupe est généralement requis. Cependant, en la matière, les aspects commerciaux pourraient être réglés par des négociations privées entre les parties.

3.5 Foresterie communautaire

Les droits et contributions des communautés locales et des populations autochtones sont de plus en plus reconnus par les lois forestières récentes[66]. Parmi les nombreuses minorités ethniques de la Fédération de Russie, il existe des groupes autochtones qui, depuis l'ère de la Glasnost, revendiquent leurs droits traditionnels sur les ressources forestières. En 1992, un décret a reconnu certains de ces droits[67]. En outre, le code forestier de 1997 prévoit que toutes dispositions régissant l'utilisation des forêts dans les zones peuplées par des communautés ethniques doivent garantir le respect de leur mode de vie traditionnel.

Même en l'absence de problèmes particuliers liés à l'identité culturelle de groupes minoritaires, les populations locales ont souvent un grand besoin de produits forestiers, notamment le bois de chauffe à usage domestique, à telle enseigne que, dans le passé récent, le recours à des pratiques illégales pour l'obtention de ces produits a parfois été inévitable. Afin de satisfaire à ces exigences de façon durable, on assiste à un développement de la foresterie communautaire en maints endroits dans le monde.

Cette approche est également judicieuse pour les pays d'Europe centrale et orientale, d'autant plus que leurs populations rurales s'adonnent encore à l'agriculture et à l'élevage. Il semble possible d'identifier des parties du domaine forestier de l'Etat où, en collaboration avec l'administration forestière, les habitants locaux pourraient entreprendre des activités forestières en bénéficiant d'aides appropriées, telle que l'exonération des droits exigibles lorsque les forêts ne sont pas commercialement exploitables. A cet égard, selon le code forestier géorgien, les populations et organismes locaux sont prioritaires pour l'octroi des «bons» d'utilisation des forêts (art.s 61-64). Ces derniers leurs permettent de prélever du bois lors notamment d'opérations d'éclaircies, d'entretien et même de coupe.

Une intervention législative peut ne pas être indispensable pour prendre de telles initiatives. Néanmoins, la loi pourrait les promouvoir par des mesures d'incitation adéquates, en protégeant les parties les plus faibles par l'assouplissement de leurs obligations contractuelles, en fixant les modes de règlement des conflits, etc. Il conviendrait également de minimiser les contraintes pouvant découler de l'application de la loi dans le contexte de la foresterie communautaire. Par exemple, il ne serait pas opportun de soumettre les activités de foresterie communautaire aux conditions exigées pour les coupes commerciales.

La législation en vigueur dans les pays étudiés tient rarement compte de cette distinction, bien qu'elle permette et encourage parfois, en termes explicites, l'accès du public aux forêts. En Lituanie, la loi de 1994 donne droit aux citoyens, notamment, de récolter les plantes médicinales et de pratiquer l'apiculture dans toute forêt, sauf dans des cas particuliers limités (art. 9). La loi polonaise de 1992 autorise l'accès aux forêts publiques - et mêmes aux forêts privées, sauf désaccord des propriétaires - ainsi que la collecte de plantes et de fruits, moyennant des contrats passés avec les districts forestiers si la finalité est commerciale (art. 27).

Aux termes de la loi forestière d'Estonie, les particuliers peuvent ramasser les fruits, herbes, etc. dans les forêts publiques et privées non clôturées ou marquées, pour autant qu'ils ne perturbent pas l'écosystème et la faune. Le campement et les feux de camp sont également permis, mais seulement dans des zones déterminées et avec l'autorisation du gestionnaire ou du propriétaire de la forêt (art. 32). En Georgie, tous les citoyens ont le droit de jouir de l'environnement naturel des forêts. En plus de la liberté d'accès et de mouvement dans les forêts à des fins de récréation, ils peuvent ramasser des produits non ligneux pour usage personnel. En retour, ils doivent prendre soin des forêts et protéger leurs ressources (art. 88 du code forestier).

Une approche visant spécialement à satisfaire des besoins locaux en produits forestiers est testée actuellement à travers la création de forêts «communales» ou «municipales». En Albanie, les forêts communales doivent être créées dans le domaine de l'Etat et confiées, pour un usage collectif, à un ou plusieurs villages ou communes. Toutefois, la décision d'allouer effectivement les forêts communales est prise par l'administration forestière qui, à cette fin, devrait conclure des accords avec les institutions locales, les autorités locales n'étant, quant à elles, expressément autorisées à prendre aucune initiative en la matière. En outre, la loi de 1992 n'institue même pas un régime réglementaire de base. Ces lacunes de la loi ont jusqu'ici retardé la création de toute forêt communale.

3.6 Application de la loi

Bien que les pays d'Europe centrale et orientale aient été confrontés à de sérieux problèmes de mise en œuvre des lois forestières, en général leur législation forestière de base ne confère pas aux agents chargés de l'appliquer des pouvoirs étendus.

Des dispositions spécifiques sur les pouvoirs des agents de police figurent dans la loi croate, qui définit de façon assez détaillée leurs pouvoirs d'inspection et les habilite à suspendre les opérations illégales et à procéder aux saisies de produits (art. 75-81). Dans la loi lituanienne, les dispositions relatives à la mise en œuvre sont moins détaillées, mais elles prévoient les inspections et la suspension des activités illégales, la saisie n'étant cependant pas expressément visée (art. 7). Etant encore moins détaillée au regard de la mise en oeuvre, la loi forestière d'Estonie renvoie, pour les questions de procédure, à la loi sur l'environnement (art. 55).

La loi hongroise, quant à elle, habilite les agents à demander aux contrevenants de décliner leur identité et à engager les actions auprès des autorités compétentes. Ces pouvoirs semblent toutefois être limités aux seuls contrevenants trouvés en forêt (ce qui exclurait, par exemple, la fouille des véhicules en dehors des forêts) et la saisie n'est pas expressément mentionnée (art. 91). Des pouvoirs similaires sont reconnus aux agents forestiers par la loi forestière bulgare. Outre le contrôle des documents autorisant l'abattage et le prélèvement du bois, le patûrage, le ramassage des produits non ligneux, etc., ils peuvent immobiliser et fouiller tous véhicules transportant du bois ou d'autres produits forestiers (art. 36 et 38).

Aux termes de la loi tchèque, les gardes forestiers sont investis de pouvoirs plus étendus; ils peuvent demander aux contrevenants d'établir leur identité, sous peine d'arrestation, mais la suspension des opérations et la saisie des produits ne sont pas explicitement permises (art. 39). Le code forestier de Géorgie précise également les pouvoirs et les responsabilités du personnel forestier (art. 108 et 109). De plus, il prévoit l'octroi d'incitations aux agents performants, telles que l'attribution du titre de «Honorable forestier de Georgie» ou de médailles spéciales pour travail satisfaisant.

Bien que le renforcement des pouvoirs de police ne représente pas à proprement parler une approche novatrice en matière de formulation des lois forestières, des règles plus complètes à cet égard et, dans certains cas, un perfectionnement de ces pouvoirs peuvent s'avérer opportuns dans les pays de la région. Quelquefois, il suffirait simplement de déterminer plus clairement, dans la loi, les agents compétents et leurs attributions. Il peut être également utile d'ajouter à leurs pouvoirs celui d'inspecter les véhicules transportant des produits forestiers ou les lieux de traitement ou de vente de tels produits, ou encore celui d'arrêter les contrevenants qui refusent de décliner leur identité, lorsque de tels pouvoirs ne leur sont déjà conférés. Le pouvoir de suspension des opérations ou de saisie des produits peut également constituer un puissant moyen de prévention des infractions.

En plus des méthodes traditionnelles visant à renforcer les capacités de mise en œuvre, il existe plusieurs autres approches possibles pour faciliter le respect de la loi forestière. Certaines d'entre elles peuvent être appliquées par voie législative, pendant que d'autres requièrent des solutions ou des incitations alternatives. Par exemple, sensibiliser les communautés locales quant à l'importance des ressources locales peut faciliter la mise en œuvre. Une participation accrue du public aux processus de décision peut aussi encourager son adhésion aux actions gouvernementales et diminuer le nombre des infractions. Enfin, renforcer les capacités de vulgarisation de l'administration forestière pour mieux divulguer le contenu de la loi et pour faire connaître les mérites de la gestion appropriée des forêts peut également s'avérer bénéfique dans ce domaine. Une illustration intéressante d'une telle démarche peut être trouvée dans le règlement lithuanien relatif à l'utilisation et la gestion des forêts privés, qui prévoit la fourniture par les agents forestiers de consultations gratuites en matière de lois et règlements forestiers au profit des propriétaires privés (art. 6).

Au titre des programmes de privatisation en Europe centrale et orientale, les services forestiers étatiques ont dû être restructurés, ce qui s'est parfois traduit par leur transformation en des entités privées à but commercial. En pareils cas, il importe de distinguer les fonctions commerciales ou d'exploitation, des fonctions d'application de la loi, celles-ci devant nécessairement rester une prérogative des pouvoirs publics afin d'éviter les conflits d'intérêts. La loi devrait donc être conçue dans ce sens, pour autant que les administrations forestières soient dotées de moyens et de personnels suffisants pour assurer la mise en œuvre de la loi forestière[68]. Un exemple est fourni par la Roumanie, où la privatisation progressive de la «Régie des forêts», réalisée par le biais de textes séparés, n'a pas été accompagnée d'une réorganisation des pouvoirs de police. Le code forestier continue donc à se référer à la «Régie» comme étant l'autorité chargée de son application.

Un problème propre aux pays d'Europe centrale et orientale concerne la mise en œuvre de la loi dans les forêts appartenant aux particuliers, où les propriétaires eux-mêmes sont souvent soupçonnés de commettre des infractions, mais dont ils supportent rarement les conséquences. Quelquefois, de simples clarifications de la loi peuvent s'avérer très utiles. Par exemple, la loi devrait spécifier les cas où des règles particulières, telle que l'exigence d'un permis pour la coupe, s'appliquent également aux forêts privées, et quelles autorités publiques sont compétentes pour la mise en œuvre des dispositions en question. Mais de telles indications sont rares. La loi hongroise, par exemple, se contente de prévoir que le gestionnaire d'une forêt doit assurer sa surveillance (art. 90). Toutefois, le règlement lithuanien prévoit explicitement un contrôle de l'Etat sur la gestion privée des forêts, sur leur reboisement et sur leur protection par des agents forestiers publics (art. 27). Les propriétaires de forêts privées qui ne se soumettent pas à ces mesures de contrôle s'exposent à des peines d'amende (art. 31).

Un problème peu commun s'est posé en Roumanie: étant donné que les dispositions relatives aux infractions prévoient que la sanction est déterminée en fonction du dommage causé, un propriétaire accusé d'avoir procédé à une coupe illégale dans sa propre terre a pu, avec succès, invoquer pour sa défense le fait qu'il n'avait subi aucun dommage. Ce genre de problème peut être facilement résolu par une simple rédaction plus soignée de la loi.

IV. CONCLUSIONS

Le processus de réforme de la législation forestière qui a eu lieu dans les pays d'Europe centrale et orientale ces dernières années s'est traduit par nombre de développements positifs, qui peuvent être brièvement résumés comme suit.

L'adhésion de l'ensemble des pays de la région aux principes de l'économie de marché s'est accompagnée du souci de protéger les ressources forestières contre les méfaits d'une gestion inadéquate. C'est pourquoi, en même temps qu'elles prescrivent une productivité maximale, les nouvelles lois forestières visent à assurer la durabilité, que les forêts ou les ressources forestières aient été privatisées ou pas.

Un autre facteur positif a été la participation massive et accrue des pays de la région aux initiatives internationales concernant les forêts. Cela a permis un approfondissement des échanges d'expériences et d'informations, lesquels ont aidé à l'élaboration de législations nationales appropriées, ainsi qu'à une plus grande acceptation des obligations ou des recommandations internationales relatives à l'environnement, tels que les Principes forestiers de Rio.

La formulation ou l'amélioration d'un cadre juridique pour les forêts privées qui puisse, à la fois, prévenir les risques de mauvaise gestion et garantir les droits légitimes des citoyens, demeure une tâche complexe. Quoi qu'il en soit, des solutions intéressantes ont été adoptées par de nombreux pays, qu'il conviendra d'évaluer attentivement, à la lumière de l'expérience pratique acquise sur le terrain.

On a par ailleurs assisté à une relative ouverture des processus de décision à la participation du public et à la gestion intégrée. La consultation des parties concernées lors de l'adoption des décisions portant sur la planification de la gestion des forêts a été rendue obligatoire par quelques-unes des lois examinées. A mesure que les ONG et les groupes de pression deviendront plus actifs et prendront plus de poids, il est probable qu'ils s'affirmeront davantage, même en l'absence de dispositions législatives plus spécifiques à cet effet.

Le fait que les lois étudiées soient si récentes donne à penser que, probablement, la plupart des développements juridiques futurs prendront la forme de dispositifs réglementaires, dans la mesure où les Etats hésiteront à procéder à de nouvelles refontes des lois dernièrement adoptées. L'élaboration ou la révision des réglementations appropriées revêtira donc une importance cruciale. Nombre de changements souhaitables pourraient, en fait, être apportés même sous l'empire des lois existantes, en mettant en place des règlements appropriés. Cela pourrait être le cas, par exemple, pour l'adoption d'un cadre juridique pour les forêts privées, pour la fixation des conditions de l'exploitation forestière ou pour l'amélioration de la participation du public. D'où la nécessité d'un engagement soutenu, de la part des gouvernements, à œuvrer dans le sens des approches recommandées.

LEGISLATION CONSULTEE

Albanie

· Loi relative aux forêts et au service de police forestière, n. 7223, 13 octobre 1992

· Décision sur les tarifs dans le secteur forestier, 26 février 1993

· Règlements relatifs aux fonctions du service forestier et aux conditions d'admission en son sein, n.576 et n.581, 8 février 1993

· Règlement relatif à l'exploitation des arbres sur pied, des taillis et des arbustes, aux conditions de coupe et aux améliorations, 11 janvier 1993

· Directives relatives à la vente aux enchères des arbres sur pied, 25 juillet 1995

· Instructions sur la protection contre les incendies et maladies de forêts, 17 février 1993

· Loi foncière du 19 juillet 1991, amendée le 2 juin 1993

· Loi sur l'indemnisation des anciens propriétaires de terres agricoles, 21 avril 1993

Arménie

· Code forestier, octobre 1994

· Règlement général sur les forêts

· Règlement sur la vente des arbres sur pied

· Règlement sur la fenaison et le pâturage

· Loi foncière, 31 octobre 1990

· Code foncier, 29 janvier 1991

Croatie

· Loi sur les forêts, 18 janvier 1991

· Décrets portant amendement de la loi sur les forêts, 22 février 1991 et 30 juillet 1993

Estonie

· Loi forestière, 20 octobre 1993

· Politique forestière estonienne, 1997

Fédération de Russie

· Code forestier, 22 janvier 1997

Hongrie

· Loi sur les forêts et leur protection, 18 juin 1996

Lituanie

· Loi forestière, 22 novembre 1994, amendée en juillet 2001

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· Loi relative aux forêts, 1 janvier 1992

· Arrêté du Ministre de la protection de l'environnement, des ressources naturelles et des forêts fixant les règles de préparation des plans directeurs de gestion des forêts, 25 août 1992

· Arrêté du Ministre de la protection de l'environnement, des ressources naturelles et des forêts fixant les règles et la procédure de classement et de gestion des forêts protégées, 25 août 1992

République tchèque

· Loi forestière, 3 novembre 1995

Roumanie

· Code forestier, 26 avril 1996

· Loi foncière du 20 février 1991, amendé en 1997

· Loi pour la conservation, la protection et le développement des forêts et de leur exploitation rationnelle, 30 octobre 1987

Fédération de Russie

· Code forestier, 22 janvier 1997

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· Loi sur les forêts, 26 mai 1993

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[39] Ce texte a été initialement rédigé par Maria Teresa Cirelli en 1998 et publié comme une étude juridique de la FAO en ligne (http://www.fao.org/Legal/default.htm). Compte tenu des développements législatifs intervenus dans la région, il a été actualisé en mai 2001 par Ali Mekouar, du Service Droit et Développement de la FAO, avec le concours de Astrid Castelein, et soumis au 3ème Symposium international sur: Experiences with New Forest and Environmental Laws in European Countries with Economies in Transition, qui s'est tenu à Jundola, en Bulgarie, du 12 au 16 juin 2001.
[40] Une liste des textes examinés est citée à la fin de ce chapitre. Ceux d'Arménie sont étudiés en raison de la similitude de ses conditions avec celles des pays européens proprement dits.
[41] Par exemple, en Estonie, le programme de restitution devrait aboutir à une privatisation de 40 à 50 pour cent des forêts du pays. En Hongrie, 40 pour cent des forêts appartiennent actuellement aux propriétaires privés, mais de vastes zones forestières, des aires d'importance écologique et des forêts strictement protégées restent la propriété de l'Etat. D'autres pays sont en train d'étudier la possibilité de restituer aux anciens propriétaires - ou d'effectuer d'autres formes de transfert de propriété - des forêts de l'Etat, ce qui aboutirait à une privatisation encore plus poussée (probablement supérieure à 50 pour cent en Roumanie et jusqu'à 80 pour cent en Slovénie). Par contre, en Albanie et en Arménie, l'administration n'a pas envisagé une privatisation aussi large des terres forestières et se limite à autoriser la création de nouvelles "forêts privées".
[42] Frydman et Rapaczynski (1994) montrent en quoi la privatisation en Europe orientale devrait être considérée non pas comme un simple transfert de propriété, mais comme une réforme globale visant à libérer les forces productives de la société. C'est un "prototype de processus de restructuration micro-économique, dont les composantes doivent aller de pair avec l'évolution imprévisible et spontanée des institutions économiques".
[43] Marghescu (1994) met en garde contre les risques de surexploitation du fait non seulement des coupes illégales par les propriétaires privés, mais aussi des politiques non durables mises en œuvre par les gouvernements.
[44] Les lois forestières analysées dans ce chapitre ont été adoptées entre 1992 et 1997.
[45] Pettenella (1997) distingue trois facteurs principaux affectant les institutions publiques lors de la réforme de l'administration forestière : la mondialisation des politiques et des institutions, la recherche d'une efficacité accrue de l'administration publique et la nécessité de renforcer la participation au processus décisionnel.
[46] "Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts". D'autres dispositions de sofl law relatives aux forêts figurent dans l'Agenda 21, dont le chapitre 11 ("Lutte contre le déboisement") recommande l'adoption de stratégies forestières dans tous les pays, décrit les dimensions politiques du déboisement et souligne l'importance de la participation des groupes intéressés à la gestion des forêts.
[47] Au nombre des autres initiatives mondiales récentes, on compte notamment : (i) la création en 1997, sous l'égide de la Commission du développement durable des Nations Unies, du Forum intergouvernemental sur les forêts, chargé de poursuivre en la matière le débat politique initié en 1995 par le Groupe Intergouvernemental sur les forêts ; (ii) des initiatives non gouvernementales, telle que la création du Forest Stewardship Council et de la World Commission on Forests and Sustainable Development.
[48] Les instruments internationaux comprennent notamment la Convention sur la diversité Biologique de 1992, la Convention de Ramsar de 1971, la Convention sur le patrimoine mondial de 1972, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvages menacées d'extinction (CITES) de 1973, la Convention sur les changements climatiques de 1992, la Convention sur la désertification de 1994 et l'Accord international sur les bois tropicaux de 1994. Parmi les accords régionaux concernant les pays européens, on peut citer la Convention de 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe.
[49] Faisant suite à la première conférence tenue à Strasbourg en 1990, une conférence ministérielle européenne a eu lieu à Helsinki en juin 1993, sur initiative conjointe des gouvernements finlandais et portugais, et a adopté quatre résolutions. La plupart des pays de l'Europe centrale et orientale sont signataires des résolutions finales de la conférence.
[50] Voir par exemple : Règlement CEE 3528/86 relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique ; Règlement CEE 2080/92 instituant un régime communautaire d'aides aux mesures forestières en agriculture ; Rèlement CEE 2158/92 relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre les incendies. Un Programme d'action forestier définissant les critères d'octroi des financements a également été mis en place en 1989.
[51] Le Parlement a adopté, le 30 janvier 1997, une résolution concernant la stratégie forestière de l'UE, par laquelle il a chargé le Comité de l'agriculture et du développement régional de préparer un projet de loi sur ladite stratégie. Une Résolution est adoptée le 15 décembre 1998 sur la Stratégie forestière de l'Union européenne.
[52] Les Principes forestiers de Rio recommandent aussi une approche intégrée de tous les aspects de la protection de l'environnement et du développement socio-économique liés aux forêts et aux terres forestières (Principe 3 ©).
[53] Une approche exclusivement technocratique est cependant inadéquate du point de vue de l'intégration de la foresterie aux secteurs connexes, ainsi qu'au regard de la participation du public, comme souligné ci-après (3.3).
[54] A l'inverse, les Principes forestiers de Rio déclarent qu'il est essentiel de fournir des informations périodiques, fiables et précises sur les forêts afin d'éclairer le public et les décideurs (Principe 12).
[55] Le paragraphe sur l'utilisation des forêts, ci-après, aborde cet aspect de façon plus détaillée.
[56] En Bulgarie, par contre, cette responsabilité incombe aux agents locaux du département des forêts (art. 32 et 35 de la loi forestière de 1994).
[57] D'autres considérations sont faites à ce sujet dans le paragraphe traitant de la privatisation, ci-après.
[58] Cette législation est essentielle pour le succès de tout programme de privatisation. Beaucoup de conflits potentiels pourraient être prévenus par la loi, en tenant compte des spécificités des terres forestières. Par exemple, il peut se trouver des terres récemment défrichées et dont les propriétaires peuvent avoir droit, ou non, de tirer des revenus ; ou encore des terres sur lesquelles l'Etat a fait des investissements, par plantation ou régénération, avec possibilité ou non d'exiger des propriétaires le remboursement des dépenses effectuées. En pareil cas, la loi devrait préciser quand et dans quelle mesure les propriétaires et l'Etat peuvent faire valoir leurs prétentions. Elle devrait également tenter de résoudre les nombreux problèmes de succession susceptibles de se poser (par ex., quelles entités peuvent succéder, le cas échéant, à des organes qui ont cessé d'exister ?).
[59] Cette loi est visée à l'article 9 du code forestier de Géorgie de 1999.
[60] Certaines des observations et recommandations formulées dans cette section sont reprises d'un rapport sur la législation forestière, rédigé par l'auteur et M. Uliescu (1997), en tant que consultants juristes de la FAO auprès du gouvernement roumain, notamment quant au cadre législatif des forêts privées.
[61] En ce qui concerne les plantations forestières, les Principes forestiers de Rio soulignent leur rôle comme source viable et écologique d'énergie renouvelable et de matière première, ainsi que comme activité génératrice d'emplois pour les populations locales (Principe 6 (d)).
[62] Le chapitre XVI du code forestier de Géorgie traite des plantations forestières, principalement dans le domaine forestier de l'Etat. Ces plantations sont essentiellement destinées à la production durable de bois et d'autres produits forestiers. Elles doivent être réalisées en conformité avec le "règlement sur la gestion des plantations forestières", qui doit être élaboré par l'administration forestière.
[63] L'expression est souvent maladroitement traduite en anglais par "forest fund", autrement dit "fonds forestier", au lieu de "domaine forestier", car ce terme dérive de la racine latine fundus, qui se retrouve dans d'autres langues apparentées -fondul en roumain, fond en albanais.
[64] A cet égard, les Principes forestiers de Rio encouragent les gouvernements à promouvoir la participation des parties intéressées, notamment les populations locales et autochtones, les industries, les travailleurs, les ONG et les particuliers, les riverains des forêts et les femmes, à l'élaboration, l'application et la planification des politiques forestières nationales (Principe 1(d)).
[65] Upton (1994) montre comment une évaluation économique attentive des produits forestiers non ligneux peut constituer un bon moyen de réaliser un juste équilibre entre les demandes économiques et écologiques en ressources forestières.
[66] De même, selon les Principes forestiers de Rio, "les politiques forestières nationales devraient reconnaître et protéger comme il convient l'identité, la culture et les droits des populations autochtones, leurs collectivités et les autres collectivités, et les habitants des forêts. Des conditions appropriées doivent être faites à ces groupes pour leur permettre d'être économiquement intéressés à l'exploitation des forêts, de mener des activités rentables, de réaliser et de conserver leur identité culturelle et leur organisation sociale propres et de jouir de moyens d'existence et d'un niveau de vie adéquats" (Principe 5(a)).
[67] Décret du Président de la Fédération de Russie, en date du 22 avril 1992 - 18 Vedomosti SSSR, n.1009 -, relatif à la défense des territoires des populations septentrionales autochtones ; Levin (1992) précise qu'un procès a été intenté sur la base de ce décret.
[68] Levin (1992) rapporte que, dans la République russe de Buriatia, cette séparation est si nette que le financement du service chargé de la mise en œuvre n'est plus du tout lié à l'exploitation commerciale, mais provient uniquement du budget de l'Etat et des amendes perçues par le service au titre de ses fonctions.

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