CHAPITRE 2
CONTRIBUTION DIRECTE DE LA FAUNE SAUVAGE A LA SECURITE ALIMENTAIRE
2.1 LA FAUNE SAUVAGE, RESSOURCE ALIMENTAIRE
2.1.1 La viande de brousse
En Afrique, la viande de brousse est une importante source de protéines
animales pour les ménages ruraux et urbains (encadré 4).
L'ampleur de son exploitation et de sa consommation varie d'un pays à
l'autre et est déterminée en premier lieu par sa disponibilité;
toutefois, elle est aussi influencée par les restrictions gouvernementales
sur la chasse, la situation socioéconomique et les préjugés
culturels. Dans les zones dotées d'animaux sauvages, les populations
les prélèvent et les chassent ou achètent et consomment
leur viande pour de multiples raisons. Certaines personnes satisfont ainsi
leurs besoins en protéines animales, soit parce qu'il n'en existe
pas d'autres soit parce qu'elles coûtent trop cher, alors que d'autres
mangent de préférence la viande de brousse parce qu'elle
représente un mets prisé à consommer en certaines
occasions spéciales. Pour le premier groupe, toutes les espèces
d'animaux sauvages sont considérées comme comestibles alors
que le deuxième groupe déploiera de grands efforts et sera
disposé à payer des sommes élevées pour se
procurer les espèces favorites. Pour la grande majorité
des populations rurales africaines, la viande de brousse représente
un élément vital du régime alimentaire et ce, pour
un ensemble complexe de raisons: manque d'autres sources de viande, contraintes
financières, préférence et valeurs culturelles. Pour
ces personnes, les animaux sauvages constituent une ressource alimentaire
précieuse qui ne peut facilement être supprimée ou
remplacée sans causer des déséquilibres socioéconomiques
d'une vaste portée.
Dans la sous-région de l'Afrique de l'Ouest, où l'exploitation
des animaux sauvages et des produits dérivés est particulièrement
bien documentée (cf. Asibey, 1965; 1966a; 1974; 1977; 1978; Ajayi,
1973; 1974; 1979; Sale, 1981; Martin, 1983; Jeffery, 1977; Ntiamoa-Baidu
1987), la viande de brousse est consommée par tous les groupes
de la population qui la préfèrent à la viande des
animaux domestiques. En Afrique australe, les Boschimans n'élèvent
pas de bétail et sont donc fortement tributaires de la faune sauvage
pour leurs protéines (Maliehe, 1993). La majorité de la
viande consommée au Botswana vient de la chasse bien que, dans
le régime alimentaire, le pourcentage de viande de brousse par
rapport à celle des animaux domestiques varie grandement au sein
du pays. C'est ainsi que toute la viande consommée par les groupes
de chasseurs-cueilleurs tels que les Sans est de la viande de brousse,
alors que les éleveurs de bovins nomades tirent environ 80% de
leur viande des animaux sauvages et le reste du bétail (Butynski
et Richter, 1972; Prescott-Allen et Prescott-Allen, 1982). Une étude
sur le régime alimentaire des villages de Kwango-Kwilu au Zaïre
(Kukwikila et al., 1993) montrait que la principale source de
protéines était le gibier forestier, les poissons d'eau
douce et les insectes, notamment les chenilles et les sauterelles qui
étaient particulièrement abondantes en période de
pénuries alimentaires (décembre janvier). Chez les Ntombas
du Zaïre, le nouveau-né reçoit comme première
nourriture de la graisse et du foie d'espèces à sabot, telles
que le céphalophe bleu Cephalophus monticola et le potamochère
Potamochoerus porcus, qui sont introduits dans son régime
alimentaire entre 4 et 9 mois, tandis que les chenilles le sont entre
12 et 14 mois (Pagezy, 1993). En Tanzanie, pour les personnes vivant aux
alentours des forêts et des herbages, la sécurité
alimentaire est assurée grâce aux disponibilités en
viande de brousse bon marché (Chihongo, 1992), et dans toutes les
régions du Malawi les aliments sauvages (chenilles, termites, miel)
et la viande des grands mammifères font habituellement partie du
régime alimentaire de la population (Nyirenda, 1993).
Un grand nombre de recherches ont été menées au
cours des années 1970 et au début des années 1980
pour documenter la consommation de viande de brousse, notamment en Afrique
de l'Ouest. Cependant les statistiques se fondaient en grande partie sur
les estimations du nombre de personnes qui s'en nourrissaient ou sur des
évaluations de la contribution de la viande de brousse aux disponibilités
protéiques nationales. En ce qui concerne la consommation annuelle
de viande d'animaux sauvages, certaines des études réalisées
antérieurement dans la région faisaient état de pourcentages
variant entre 20% des protéines animales consommées par
les populations rurales de la forêt ombrophile du Nigéria
contre 13% pour l'ensemble du pays, 75% dans les zones rurales du Ghana
contre 9,2% au niveau national, 70-80% dans les forêts du Cameroun
contre 2,8% pour l'ensemble du pays et 80-90% au Libéria (Ajayi,
1979; Asibey, 1977). La base de ces estimations était souvent contestable
et certains auteurs ont attribué ces chiffres élevés
à "l'excès d'enthousiasme des promoteurs de la viande
de brousse".
On dispose de données plus récentes sur la consommation
de viande d'espèces sauvages par des ménages individuels
et des collectivités de quelques zones africaines; c'est ainsi
qu'une enquête menée en 1987 à Bukavu, Zaïre,
indiquait que 72% de la population de la ville consommaient régulièrement
de la viande de brousse et que la consommation annuelle de la ville était
estimée à 400 tonnes (Keita, 1993). En Côte d'Ivoire
elle était évaluée à 83 000 tonnes en 1990
soit 117 000 000 de dollars EU (Feer, 1993), alors qu'au Libéria
les trois quarts de la production carnée du pays sont imputables
à la viande de brousse, les rendements de la chasse de subsistance
atteignant 105 000 tonnes de viande par an (Anstey, 1991). Les estimations
de la consommation de viande au Cameroun en 1981 s'élevaient à
33,1 kg par habitant par an, soit 9 g par jour, 8,8% allant à la
viande de brousse, 34,1% au poisson et le reste à la viande d'animaux
domestiques (27,5% aux bovins; 9% aux porcins; 6,2% aux ovins et caprins
et 10,4% aux produits laitiers, oeufs et produits animaux importés).
La proportion attribuable à la viande de brousse était de
28 500 tonnes par an (Gartlan, 1987). Parmi les collectivités villageoises,
Infield (1988) estimait que la consommation de gibier par personne s'élevait
à 100 kg par an dans les villages autour du parc national de Korup
(Cameroun) contre 250 g par adulte par semaine à Akyem Ayirebi,
un village du Ghana (Dei, 1991). Des niveaux de consommation allant de
67 à 333 g (classe modale 100-150 g) par personne et par repas
ont été enregistrés dans de petits restaurants traditionnels
de la ville d'Accra (Tutu et al., 1993). La quantité minimale
consommée par personne en un repas (soit 67 g) représentait
175% de la ration protéique journalière par habitant au
Ghana (FAO, 1986) et 120% des besoins nutritionnels quotidiens.
Les études relatives au volume de la production de viande de
brousse en Afrique concernent généralement des zones limitées
et les seules indications du volume produit par les pays sont les estimations
publiées par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation
et l'agriculture (FAO). Ces dernières sont le fruit des données
succinctes fournies aux différents départements de la faune
sauvage ou des enquêtes sur la consommation alimentaire comme celles
que mène la FAO. La limitation de ces données est due au
fait que d'une part elles n'embrassent pas le volume effectif de la viande
de brousse exploitée et, de l'autre, elles ne couvrent pas la gamme
tout entière des espèces prélevées. En effet,
les rongeurs, les escargots et les insectes, souvent consommés
par le chasseur et sa famille, sont rarement vendus sur les marchés
et n'apparaissent donc pas dans les statistiques. La situation est bien
décrite par Prescott-Allen et Prescott-Allen (1982) qui observent
que "lorsqu'un chasseur vend le produit de sa chasse à un voisin
ou l'introduit dans la marmite familiale, il le raconte rarement au statisticien".
Un certain nombre de facteurs contribuent à la rareté
et à l'insuffisance des données sur la consommation de viande
de brousse. Tels sont:
- la grande dispersion des sources d'approvisionnement en viande de
brousse en Afrique et le fait que ces sources se situent pour la plupart
dans des zones éloignées des centres urbains où
résident les statisticiens ou les fonctionnaires publics chargés
de la faune sauvage;
- la destination d'une grande partie de la viande de brousse récoltée
à l'alimentation familiale ou au commerce local;
- l'analphabétisme; en effet la plupart des chasseurs sont illettrés
et ne tiennent pas un registre de leurs captures;
- la limitation des infrastructures: la grande majorité des systèmes
servant à enregistrer les prélèvements et les ventes
d'animaux sauvages sont insuffisants ou inadéquats.
Les estimations de la production de viande de brousse publiées
par la FAO pour des pays désignés figurent dans le tableau
2.1 qui indique aussi la contribution de cette viande à la ration
protéique journalière. Les estimations se fondent sur des
données très succinctes et servent moins à fournir
des chiffres absolus de la production qu'à établir des comparaisons
entre différents pays. En outre, les chiffres relatifs à
la consommation de viande de brousse ne traduisent pas la situation qui
règne effectivement dans maintes collectivités rurales africaines.
On ne saurait assez insister sur la nécessité d'un surcroît
de recherche dans ce domaine.
Tableau 2.1 Production et consommation de viande de
brousse dans des pays africains désignés (Source
FAO, 1995)
Pays
|
Production de viande de brousse estimée
|
Consommation de protéines (g/jour)
|
1980
|
1985
|
1990
|
1994
|
Total protéines
|
Protéines animales
|
Viande de brousse
|
Angola
|
6
|
6
|
6
|
6
|
-
|
-
|
-
|
Botswana
|
5
|
5
|
5
|
5
|
71.3
|
21.5
|
1.9
|
Cameroun
|
33
|
40
|
44
|
46
|
52.3
|
11.1
|
0.2
|
Congo
|
10.2
|
10.6
|
11
|
11.8
|
51.3
|
21.6
|
1.4
|
Ethiopie
|
52
|
62
|
72
|
74
|
-
|
-
|
-
|
Gambie
|
1
|
1
|
1
|
1
|
56
|
13.2
|
0.7
|
Gabon
|
18.5
|
18.5
|
18.5
|
18.5
|
-
|
-
|
-
|
Ghana
|
44
|
57
|
57
|
57
|
46.3
|
13.2
|
3.4
|
Guinée
|
3.9
|
4
|
4
|
4
|
-
|
-
|
-
|
Côte d'Ivoire
|
13
|
13
|
13
|
13
|
53.1
|
13
|
1.3
|
Kenya
|
8.5
|
9.1
|
9.6
|
9.9
|
-
|
-
|
-
|
Libéria
|
5.8
|
6
|
6
|
6
|
45.9
|
11.9
|
3.8
|
Malawi
|
-
|
-
|
-
|
-
|
63.8
|
5.8
|
0.4
|
Namibie
|
2.6
|
3.1
|
3.6
|
4
|
-
|
-
|
-
|
Nigéria
|
100
|
100
|
100
|
100
|
47
|
6.5
|
0.5
|
Rwanda
|
5.8
|
6.4
|
6.8
|
7
|
50.9
|
4.1
|
0.6
|
Sénégal
|
-
|
-
|
-
|
-
|
69.7
|
18.7
|
0.5
|
Afrique du Sud
|
10
|
10
|
-
|
-
|
77.1
|
27.9
|
0.1
|
Soudan
|
6
|
6.5
|
7.5
|
7.7
|
60.6
|
25.1
|
1.7
|
Tanzanie
|
8.5
|
11
|
12.2
|
12.8
|
55.3
|
11.3
|
0.2
|
Togo
|
4
|
4
|
4
|
4
|
51.8
|
8.3
|
0.7
|
Ouganda
|
-
|
-
|
-
|
-
|
50.5
|
10.1
|
0.5
|
Zaïre
|
6.9
|
74
|
79
|
83
|
34.3
|
7.7
|
2.9
|
Zambie
|
22.4
|
26
|
28.5
|
30.5
|
57.7
|
10
|
1.5
|
Zimbabwe
|
14
|
16
|
18.5
|
20
|
52.8
|
8.1
|
0.9
|
Encadré 4 LA FAUNE SAUVAGE, UNE RESSOURCE ALIMENTAIRE
EN AFRIQUE
Pays
|
Utilisation de la viande de brousse comme ressource alimentaire
|
Afrique de l'Ouest
|
Bénin
|
La viande de brousse est vendue sur la plupart
des marchés et on l'achète de préférence
à celle des animaux domestiques. L'aulacode, Thryonomys
swinderianus, est l'espèce favorite de la plupart
des clients (Baptist et Mensah, 1986). La production de viande de
brousse a été estimée à 20 000 tonnes,
soit 40 millions de FCFA en 1989.
|
Cameroun
|
La viande de brousse est une composante vitale
du régime alimentaire de nombreux habitants des zones urbaines
et rurales et fournit de 70 à 80% des protéines animales
consommées dans le Sud (Ajayi, 1979; Belisle, 1987). Les
espèces comprennent les escargots, les chenilles et d'autres
insectes. Sur les 33,1 kg environ de viande consommée annuellement
par chaque habitant, 8,8% provenaient de la viande de brousse (Gartlan,
1987).
|
Ghana
|
Toutes les espèces d'animaux sauvages sont
considérées comme comestibles. Asibey (1977) a estimé
que 70% des habitants du Ghana mangeaient de la viande de brousse
et que, pour les collectivités rurales, les animaux sauvages
représentaient la principale source de protéines animales.
Des enquêtes menées récemment sur la consommation
de viande ont révélé que la viande de brousse
était encore très répandue, et plus de 90%
des personnes interrogées ont déclaré qu'elles
en auraient mangé si elles en avaient la possibilité
(Falconer, 1992, Ntiamoa-Baidu, 1992, Tutu et al., 1996).
En 1991, sur une période de 27 jours, on a signalé
la présence de 3 682 carcasses d'animaux sauvages pesant
au total 13 884,6 kg dans trois marchés de viande de brousse
à Kumasi (Falconer, 1992).
|
Libéria
|
Les espèces prisées exploitées
comme viande de brousse comprenaient des antilopes et diverses espèces
de singes (Jeffrey, 1977; Verschuren, 1983). Selon des estimations
faites dans les années 1970, la viande de brousse contribuait
à 60-90% des protéines animales consommées
(Ajayi, 1979; Sale, 1981). Une enquête plus récente
a montré que les trois quarts de la production carnée
du pays provenaient d'animaux sauvages. La chasse de subsistance
produisait 105 tonnes de viande évaluées à
42 m de dollars EU (Anstey, 1991).
|
Nigéria
|
La faune sauvage est normalement exploitée
pour sa viande qui est très appréciée par les
habitants aussi bien des campagnes que des villes et qui fournit
20% des protéines animales dans le Sud du pays. Les espèces
consommées le plus souvent sont les petits mammifères
y compris les écureuils, les aulacodes, les rats géants,
les athérures et les chauves-souris (Ajayi, 1979; Martin,
1983; 1984; Anadu, 1987). Il a été estimé qu'au
cours d'une période de six mois les agriculteurs de trois
zones écologiques ont prélevé 1 320 000 tonnes
de viande de brousse (Adeola et Decker 1987).
|
Sénégal
|
La consommation de viande de brousse s'élevait,
d'après les estimations, à 373 600 tonnes par an (Cremoux,
1963). Suivant une enquête menée récemment dans
la région de Siné, les Serères consommaient
12,9 g par personne par jour contre 24 g de viande d'animaux domestiques/personne/jour.
Les espèces favorites étaient les oiseaux et c'était
les enfants qui en mangeaient le plus (Vincke et al., 1987).
|
Sierra Leone
|
La viande de brousse était jadis un aliment
de base. On en trouve sur la plupart des marchés ruraux et
urbains, malgré la raréfaction croissante de la faune
sauvage dans le pays, et 55% des ménages en mangent régulièrement
(Smith, 1979; Teleki et al., 1981).
|
Afrique orientale et centrale
|
RCA
|
Pour les pygmées Aka, la chasse est un mode
de vie (Motte-Florac, 1993). La viande de brousse n'est pas seulement
la principale source de protéines mais elle assure aussi
un revenu et peut être échangée contre des aliments
riches en glucides.
|
Gabon
|
Le gibier est vendu et consommé en fonction
de sa taille et des préférences de la clientèle.
On mange les petits pangolins et rongeurs localement alors que les
porc-épics, les céphalophes, les lézards et
les crocodiles sont vendus sur les marchés de la viande de
brousse (Lahm, 1993).
|
Tanzanie
|
La viande de brousse est une source de protéines
bon marché pour les populations rurales et urbaines. Pour
celles qui vivent à proximité des parcs et des réserves
elle revêt une importance vitale (Chihongo, 1992).
|
Zaïre
|
72% de la population de la ville de Bukavu mangeaient
régulièrement de la viande de brousse et, en 1987,
la consommation annuelle de la ville était de l'ordre de
400 tonnes (Keita, 1993). Les chasseurs-collecteurs vivant dans
les zones forestières tiraient toutes leurs protéines
animales de la forêt et jusqu'à 200 espèces
animales, des animaux de taille moyenne et grande aux oiseaux, aux
reptiles et aux insectes, étaient exploitées comme
ressource alimentaire (Ichikawa, 1993).
|
Afrique australe
|
Botswana
|
Les protéines animales proviennent pour
la plupart d'animaux sauvages de toutes espèces et tailles;
elles comprennent non seulement le gibier traditionnel mais aussi
la viande de tous les mammifères y compris les prédateurs,
les oiseaux et leurs oeufs, les chauves-souris et les insectes;
pratiquement tous les animaux sont comestibles (Richter, 1970; Butynski
et Richter, 1972). Plus de 50 espèces d'animaux sauvages
sont prélevées à des fins de nutrition et,
dans certaines zones, produisent 90,7 kg par an et par personne,
soit 40% du régime alimentaire (Child, 1970).
|
Malawi
|
Dans toutes les régions du Malawi, on exploite
comme nourriture des animaux sauvages tels que les chenilles, les
termites et le gibier et on en consomme les produits comme le miel
(Nyirenda, 1993).
|
Afrique du Sud
|
Pour les communautés rurales vivant à
proximité des forêts, des terres boisées naturelles
et des jachères forestières, les animaux sauvages
occupent souvent une place importante dans le régime alimentaire;
dans certains cas la viande de brousse est la source principale
de protéines animales. La chasse des grands animaux sauvages
est interdite légalement mais diverses espèces comme
les genettes, les rats des champs, les damans des rochers, les porcs-épics,
les potamochères et les lièvres sont chassés
pour leur viande. Les singes sont particulièrement appréciés
par les Zoulous. Les reptiles et les batraciens tels que les lézards,
les iguanes (Varanus sp.), les tortues, de nombreux serpents
y compris les serpents venimeux comme la vipère hébraïque
(Bitis sp.), les grenouilles et les crapauds sont considérés
comme des mets de choix (Maliehe, 1993).
|
Zimbabwe
|
A part les grands, mammifères qui sont chassés
illégalement, on consomme un très grand nombre de
rongeurs et d'oiseaux dans toutes les zones ou se pratique la petite
agriculture. Le miel et les insectes sont collectés et consommés
par la plupart des ménages; parmi les insectes comestibles
importants figurent les termites, les chenilles et quelques sauterelles
(McGregor, 1991; Wilson, 1990).
|
Adeola et Decker (1987) ont tenté d'évaluer au Nigéria
la viande de brousse produite dans une zone plus étendue grâce
à une enquête menée sur son utilisation par les agriculteurs
et les chasseurs de trois régions écologiques (forêt
ombrophile, forêt décidue et savane). Ils ont observé
que les principales espèces de grands mammifères prélevées
dans ces trois régions étaient les guibs et les céphalophes
et que le prélèvement était de l'ordre de 6,1 animaux
par mois dans la savane contre 4,9 dans la forêt décidue
et 3,6 dans la forêt ombrophile. Les petits mammifères formaient
l'essentiel des animaux exploités. Parmi ces derniers dominaient
trois rongeurs, à savoir l'aulacode, le rat géant et les
écureuils qui fournissaient 41,7 animaux par mois dans la savane,
27,5 dans la forêt décidue et 26,2 dans la forêt ombrophile
(tableau 2.2). L'étude estimait qu'au total 1 263 000 tonnes de
viande de brousse, y compris les petits et les grands mammifères
mais sans compter les éléphants, étaient prélevés
par les agriculteurs tous les mois pendant la saison des pluies, soit
696 000 tonnes dans la savane, 183 000 dans la forêt décidue
et 385 000 dans la forêt ombrophile.
Malgré l'imprécision des estimations sur la consommation
et la production totales de viande de brousse, on peut affirmer que ce
produit est l'une formes de protéines animales les plus appréciées
et demandées par les populations aussi bien rurales qu'urbaines
de nombreuses parties d'Afrique. Suivant des études menées
récemment au Ghana (Falconer, 1990; 1992; Ntiamoa-Baidu, 1992),
plus de 90% des personnes interrogées dans les campagnes et les
villes ont dit qu'elles auraient mangé de la viande de brousse
si elles en avaient le choix, et de 40 à 70% ont déclaré
que c'était leur viande favorite (figure 1). La popularité
de la viande de brousse a été confirmée par les résultats
d'une enquête sur les viandes que consommaient de préférence
les habitués des petits restaurants traditionnels d'Accra, où
ils avaient le choix entre divers types de mets à base de viande
ou de poisson (Tutu et al., 1993); 65% des 374 clients choisissaient
les plats à base de gibier.
A la différence de l'Afrique centrale où la viande de
brousse est encore relativement abondante et à laquelle est en
grande partie imputable la consommation de protéines animales des
ménages, en Afrique de l'Ouest sa contribution réelle à
la ration protéique totale s'avère actuellement très
faible. La viande de brousse ne faisait pas régulièrement
partie du régime alimentaire pour plus de 70% des personnes interrogées
dans l'étude sur le Ghana réalisée par Tutu et
al., (1993) et moins de 5% des protéines animales totales
consommées par les collectivités rurales et urbaines lui
étaient imputables. Au poisson revenait la majorité des
protéines animales consommées (figure 2). La faible contribution
actuelle de la viande de brousse à la ration protéique dans
la région était attribuée à sa rareté,
à ses prix relativement élevés et à la difficulté
d'obtenir de petits morceaux d'un coût abordable, notamment en zone
rurale, car la majeure partie des animaux prélevés étaient
vendus entiers et destinés à la vente au détail dans
les marchés citadins. C'est ainsi que la viande de brousse, jadis
la principale source de protéines animales, représente aujourd'hui
un produit de luxe consommé occasionnellement dans la plupart des
foyers. Pour ceux qui l'aiment mais ne peuvent se permettre de l'acheter,
les petits restaurants traditionnels restent les fournisseurs principaux
de plats à base de gibier. La rareté du produit a donné
lieu à une situation où tout animal sauvage quel qu'il soit
est considéré désormais comme comestible et où
les gens ont dû se résoudre à exploiter et à
commercialiser toutes les espèces disponibles, y compris un grand
nombre de petits animaux qui, dans le passé, n'étaient pas
consommés du tout ou qui ne l'étaient que par les enfants.
Fig. 1 Viandes préferées par les personnes
interrogées dans trois localités du Ghana: Doryum (village);
Mankesim (petit centre urbain); Accra (grande ville)
2.1.2 Autres produits tirés des animaux sauvages
Mis à part leur rôle dans la securité alimentaire
grâce à la consommation directe de leur viande, les animaux
sauvages et leurs produits dérivés remplissent maintes autres
fonctions. Introduits dans la nourriture ils peuvent servir à la
relever et à encourager, par là, les gens à manger
des quantités suffisantes d'aliments de base souvent fades et monotones.
Le miel, produit par les abeilles, est un ingrédient recherché
dans le monde entier. Il sert d'aliment, d'édulcorant, de tonique
ou de médicament ainsi que de base pour la fabrication de boissons.
Pour de nombreuses collectivités africaines, notamment les Masaïs,
le miel revêt aussi une importance sociale car on le consomme au
cours de diverses cérémonies telles que le mariage et la
circoncision (Chihongo, 1992).
Le miel est tiré des espaces naturels ou produit dans des fermes
apicoles. On estime qu'il existe 2 000 de ces fermes en Afrique du Sud
où la production de miel atteindrait 3 200 tonnes par an (Maliehe,
1993). L'apiculture est sans nul doute une industrie capable de créer
des revenus substantiels pour les populations rurales, en particulier
celles qui vivent à proximité de zones protégées
où la faible pression démographique permet d'intensifier
les activités apicoles. Au plan économique cette industrie
justifie bien la gestion durable des forêts naturelles. C'est ainsi
qu'un grand nombre de projets "populations et parcs" en Afrique visent
à inciter les populations vivant dans les réserves à
pratiquer l'apiculture, ce qui leur permet de réaliser le triple
objectif de multiplier les avantages à tirer de la forêt,
d'accroître la production alimentaire et d'augmenter le revenu et
l'emploi axés sur les industries forestières. Le miel produit
peut être consommé localement, écoulé sur les
marchés citadins ou exporté.
Fig. 2 Pourcentage de la ration protéique animale
imputable à différents types de viande en fonction de la
fréquence de leur utilisation dans l'alimentation familiale.
Tableau 2.2 Production de faune sauvage dans trois zones
écologiques au Nigéria (estimée à partir
des prélèvements des agriculteurs pendant la saison des
pluies) (Source: Adeola et Decker, 1987)
Espèce
|
Poids de la carcasse
|
Savane
(n = 60)
|
Forêt décidue
(n = 30)
|
Forêt ombrophile
(n = 30)
|
(Kg)
|
Nbre par agriculteur
|
Kg par agriculteur
|
Nbre par agriculteur
|
Kg par agriculteur
|
Nbre par agriculteur
|
Kg par agriculteur
|
Grand gibier (éléphants non compris)
|
Céphalophes Cephalophus monticola, Sylvicapra. Grimmia
|
6.7
|
4.03
|
27.00
|
3.56
|
23.85
|
2.84
|
19.03
|
Guib Tragelaphus scriptus
|
11.0
|
2.11
|
23.21
|
1.33
|
14.63
|
1.77
|
19.47
|
Cobe defassa Kobus ellipsiprymnus
|
120.0
|
1.57
|
188.40
|
0.02
|
2.40
|
0.57
|
68.40
|
Antilope roanne Hippotragus equinus
|
144.0
|
1.02
|
146.88
|
0.00
|
0.00
|
0.50
|
72.00
|
Cobe Kobus kobus
|
56.0
|
0.73
|
40.88
|
0.03
|
1.68
|
0.57
|
31.92
|
Phacochère Pacochoerus aethiopicus
|
45.0
|
0.63
|
28.35
|
0.68
|
30.60
|
0.08
|
3.60
|
Buffle Syncerus caffer
|
420.0
|
0.52
|
218.40
|
0.21
|
88.20
|
0.24
|
100.8
|
Papion Papio anubis
|
9.0
|
0.33
|
2.97
|
0.58
|
5.22
|
0.06
|
0.54
|
Prélèvement mensuel est. (millions de kg)*
|
|
|
578.1
|
|
120.6
|
|
318.4
|
Eléphant Loxodonta africana
|
1600.0
|
0.07
|
112.0
|
0.00
|
0.00
|
0.03
|
48.00
|
Petit gibier
|
Ecureuils Funisciucus aneuythrus, Xerus erythroups
|
0.5
|
16.85
|
8.43
|
10.69
|
5.35
|
12.98
|
6.49
|
Aulacode Thryonomys swinderianus
|
4.0
|
13.52
|
54.08
|
7.97
|
31.88
|
4.73
|
18.92
|
Rat géant Cricetomys gambianus
|
2.0
|
11.31
|
22.62
|
8.83
|
17.66
|
8.53
|
17.06
|
Porc-épic Hysterix cristata
|
4.0
|
8.67
|
34.68
|
4.11
|
16.44
|
3.90
|
15.60
|
Chauve-souris Eidolon helvum
|
0.3
|
2.93
|
0.88
|
10.13
|
3.04
|
5.53
|
1.66
|
Ecureuil volant Anomalurus spp.
|
0.5
|
1.58
|
0.79
|
1.63
|
0.82
|
1.42
|
0.71
|
Pangolin Manis gigantea
|
2.0
|
0.87
|
1.74
|
0.68
|
1.36
|
0.46
|
0.92
|
Prélèvement mensuel est. (millions de kg)
|
|
|
105.4
|
|
55.4
|
|
61.9
|
Oiseaux |
Pintade Numida meleagris
|
0.4
|
27.70
|
9.69
|
17.90
|
6.26
|
7.82
|
2.74
|
Francolin Francolinus spp.
|
0.4
|
14.10
|
4.94
|
9.50
|
3.32
|
4.40
|
1.54
|
Prélèvement mensuel est. (millions de kg)
|
|
|
12.5
|
|
6.9
|
|
0.43
|
Reptiles/mollusques
|
Varan Varanus niloticus
|
-
|
3.58
|
-
|
2.38
|
-
|
2.40
|
-
|
Tortue Kinixys belliana
|
-
|
2.60
|
-
|
1.52
|
-
|
0.86
|
-
|
Crocodile Crocodylus niloticus
|
-
|
1.74
|
-
|
0.00
|
-
|
0.48
|
-
|
Python Python sebae
|
-
|
1.06
|
-
|
66.00
|
-
|
0.40
|
-
|
Cobras et vipères Naja nigricollis, Causus rhombeatus, Bitis
spp.
|
-
|
0.48
|
-
|
0.32
|
-
|
3.42
|
-
|
Escargot géant Archachatina marginata
|
-
|
12.50
|
-
|
36.54
|
-
|
17.16
|
-
|
* Nombre estimé d'agriculteurs: savane: 855 069; forêt
décidue: 723 808; forêt ombrophile: 1 008 208.
2.2 ESPECES ET VARIETES D'ANIMAUX SAUVAGES CONSOMMES
Pratiquement toutes les espèces d'animaux sauvages sont comestibles
en Afrique mais certaines qui sont taboues pour un groupe de consommateurs
sont des mets délicieux pour d'autres. Les espèces consommées
vont des antilopes aux singes, aux rongeurs, aux reptiles et à
toute une gamme d'invertébrés comprenant les escargots,
les termites et les scolytes. Jardin (1970) énumère des
centaines d'espèces appartenant à 236 genres qui seraient
consommées par les populations africaines. La viande de brousse
est mangée fraîche, fumée, salée ou séchée
au soleil (biltong). Le fumage est la forme de conservation la plus répandue
et on trouve de la viande de brousse fumée sur les marchés
urbains de la plupart des pays africains.
La gamme des espèces prélevées et leur importance
relative ont été documentées pour diverses régions
africaines; elles varient d'un endroit à un autre en fonction essentiellement
des espèces exploitables et des restrictions imposées sur
la chasse dans chaque pays. Les rongeurs appartiennent à un large
éventail d'espèces et sont prélevés en peu
partout en Afrique, sans doute à cause de l'absence de normes sur
leur capture dans de nombreux pays et de leur capacité élevée
de reproduction. Une comparaison entre l'utilisation des espèces
mammifères par rapport à leur présence dans différents
milieux et l'activité de base des populations qui y vivent laisse
entendre que les collectivités forestières disposaient de
plus d'espèces que les collectivités pastorales des milieux
arides (tableau 2.3).
Tableau 2.3 Espèces mammifères utilisées
comme aliment par rapport au milieu et à l'activité de base.
(Source: Ichikawa, 1993)
Pays
|
Populations
autochtones
|
Environnement
|
Activé de base
|
Espèces
comestibles (*)
|
Zaïre
|
Mbuti
|
forêt
|
prélèvement/échange
|
57 (60)
|
Zaïre
|
BaMbote
|
terres boisées
|
prélèvement/échange
|
35 (90)
|
Kenya
|
Dorobo
|
forêt/savane
|
prélèvement/pastoralisme
|
26 (41)
|
Botswana
|
Kung
|
savane sèche
|
prélèvement
|
28 (58)
|
Tanzanie
|
Tongwe
|
terres boisées
|
horticulture
|
37 (91)
|
Kenya
|
Rendille
|
semi-désert
|
pastoralisme
|
7 (29)
|
Kenya
|
Turkana
|
savane sèche
|
pastoralisme
|
44 (56)
|
(*) Nombre total d'espèces signalées dans la zone
Des études détaillées ont été réalisées
sur la composition du régime alimentaire de plusieurs groupes de
population vivant en Afrique occidentale et centrale. Les tableaux 2.4
et 2.5 fournissent des indications sur la gamme d'animaux sauvages utilisés
comme nourriture par trois groupes ethniques au Zaïre: les Mbutis
(chasseurs-cueilleurs vivant dans la forêt d'Ituri au Zaïre)
et les Ngandus et les Boyelas (sous-groupes de la population Mongo habitant
la partie centrale du Zaïre). Les Mbutis exploitaient comme aliment
plus de 200 espèces animales. Toutes les espèces de mammifères
de taille moyenne et grande et tous les oiseaux présents dans la
zone (à l'exception des hirondelles, des bergeronnettes grises,
des hiboux et des mange-maringouins), sept espèces de reptiles,
29 espèces d'insectes (larves et/ou adultes) et environ 20 espèces
de poissons étaient considérés comme comestibles.
Les populations Ngandu et Boyela, par ailleurs, exploitaient 285 espèces
d'animaux sauvages comprenant des mammifères, des oiseaux, des
reptiles, des batraciens, des poissons et des insectes. La fréquence
de consommation des insectes présentait un caractère fortement
saisonnier même si des espèces telles que les ailés
des termites (Macrotermes sp.) étaient assez abondantes
toute l'année (Takeda et Sato, 1993).
Tableau 2.4 Nombre d'espèces appartenant à
différents groupes fauniques exploitées comme aliments par
trois groupes ethniques (Boyelas, Ngandus et Mbutis) vivant
dans le bassin du Zaïre (Sources: Takeda et Sato 1993;
Takeda, 1990)
Groupe
|
Horticulteurs
|
Chasseurs-cueilleurs
|
Boyelas
|
Ngandus
|
Mbutis
|
Mammifères
|
52
|
62
|
57
|
Oiseaux
|
38
|
46
|
113
|
Reptiles
|
14
|
20
|
7
|
Batraciens
|
8
|
2
|
2
|
Poissons
|
51
|
104
|
22
|
Insectes
|
22
|
51
|
29
|
Lahm (1993) a signalé 254 espèces d'animaux sauvages prélevés
par les chasseurs et les poseurs de pièges dans trois villages
du Nord-Est du Ghana. Les ongulés représentaient 57,5% des
captures, le céphalophe bleu Cephalophus monticola étant
l'espèce la plus commune. Les primates formaient le deuxième
groupe le plus recherché; Cercopithecus nictitans notamment
était capturé avec le plus de fréquence. Parmi les
rongeurs, l'athérure Atherurus africanus faisait l'objet
d'une chasse assidue et occupait le deuxième rang par ordre numérique
parmi toutes les espèces prélevées (tableau 2.6).
Les différences dans le nombre des espèces capturées
était attribuées à l'abondance relative de certaines
d'entre elles sur le terrain de chasse, à leur accessibilité
et à des facteurs tels que les tabous alimentaires, la petite taille,
un comportement imprévisible et le type d'activité.
Des espèces comme les varans (Varanus sp.), les grenouilles,
les crapauds, les tortues et plusieurs espèces de serpents, y compris
des serpents venimeux comme la vipère hébraïque (Bitis
sp.), sont considérées comme des mets délicieux
par de nombreux groupes en Afrique australe, alors que les chenilles et
un certain nombre de papillons nocturnes sont appréciés
par les collectivités rurales (Maliehe, 1993). La gamme des espèces
prélevées est très différente en Afrique de
l'Ouest et comprend un large éventail de rongeurs et d'autres petits
mammifères et invertébrés, du fait sans doute de
la disparition des grands mammifères. Les escargots géants
(Achatina sp. et Archachatina sp.) sont très
demandés dans les villes et les campagnes de l'Afrique de l'Ouest
(Ajayi, 1971; Anadu, 1987; Afolayan et Ajayi, 1983; Osemeobo, 1992). Ils
abondent notamment dans les zones forestières de la région
pendant la saison des pluies où ils sont intensément exploités
à des fins alimentaires.
Malgré la grande variété apparente d'animaux sauvages
servant de nourriture dans la région, les gens manifestent des
préférences marquées. L'aulacode est sans contredit
la viande de brousse la plus exploitée dans toute l'Afrique de
l'Ouest sous l'angle du volume de son commerce et de sa popularité
(figure 3 et tableaux 3.6-3.8). Dans une enquête menée sur
les viandes préférées au Ghana, pour 40-50% des personnes
interrogées dans diverses villes l'aulacode était l'espèce
favorite et 76% des habitués des petits restaurants d'Accra la
commandaient régulièrement. En deuxième lieu venait
l'antilope royale (Neotragus pygmaeus). En revanche, les grands
rongeurs autres que l'athérure à grande queue jouaient un
rôle moins important dans l'alimentation au Gabon et dans d'autres
zones de la sous-région d'Afrique centrale où existent encore
des populations denses de grands mammifères.
Fig. 3 Espèces préférées
par les consommateurs de viande de brousse.
Tableau 2.5 Consommation mensuelle d'insectes par les
Ngandus (pourcentage de jours) (Source: Takeda et Sato, 1993)
Espèces (et stades de consommation)
|
Jan
|
Fév
|
Mar
|
Avr
|
Mai
|
Juin
|
Juil
|
Août
|
Sep
|
Oct
|
Nov
|
Déc
|
Noctuidés (larves)
|
4.0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
21.7
|
14.9
|
72.6
|
35.9
|
31.9
|
20.1
|
5.5
|
Macrotermes sp., Termitidés (imago)
|
6.2
|
13.1
|
15.6
|
22.5
|
31.5
|
31.1
|
20.9
|
8.1
|
6.7
|
18.3
|
23.3
|
8.3
|
Pseudantherea discrepans, Saturniidés (larves)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2.2
|
2.4
|
16.7
|
14.6
|
8.8
|
0
|
Pseudantherea discrepans, Saturniidés (nymphes)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
3.3
|
0
|
Anaphe sp., Notodontidés (l.)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
13.3
|
2.7
|
3.1
|
0
|
Notodontidés (larves)
|
0
|
9.2
|
4.7
|
0
|
0
|
0
|
0
|
3.2
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Saturnia sp., Saturniidés (lar.)
|
0
|
2.8
|
4.4
|
0
|
0
|
0
|
0
|
3.2
|
0
|
0
|
7.9
|
0
|
Lobohunaea goodi, Saturniidés (larves)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
4.8
|
0
|
4.8
|
1.1
|
0
|
Saturniidés (larves)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
4.8
|
0
|
4.8
|
1.1
|
0
|
Saturniidés (larves)
|
0
|
5.3
|
0
|
0
|
0
|
1.7
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Vespidés (larves)
|
0
|
2.6
|
0
|
0
|
3.2
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Vespidés (larves)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
3.3
|
1.6
|
3.3
|
0
|
Nudaurelia dione, Saturniidés (larves)
|
0
|
1.3
|
0
|
0
|
4.8
|
1.7
|
2.9
|
0
|
1.7
|
0
|
0
|
0
|
Anaphe infracta, Notodontidés (larves)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2.2
|
0
|
Saturniidés sp. (larves)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1.8
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Nymphalidés sp. (larves)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1.4
|
0
|
Lepidoptères (larves)
|
0
|
1.3
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Rhynchophorus phoenicis, Rhyncophores (larves)
|
0
|
1.3
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Scarabéidés (imago)
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1.1
|
0
|
Tableau 2.6 Gibier prélevé par les chasseurs
villageois dans les zones boisées du Nord-Est du Gabon (adapté
de Lahm, 1993)
Groupe d'animal sauvage |
Espèce
|
Total
|
% Total
|
Reptiles
|
Osteolaemus t. tetraspis
|
1
|
|
Varanus niloticus
|
4
|
|
Pangolins
|
Manis tricuspis
|
9
|
5.5
|
Rongeurs
|
Atherurus africanus
|
28
|
|
Cricetomys emini
|
1
|
|
Epixerus ebii
|
2
|
|
Protoxerus stangeri
|
1
|
|
Thryonomys swinderianus
|
3
|
13.8
|
Primates
|
Cercopithecus cephus
|
9
|
|
Cercopithecus mona
|
1
|
|
Cercopithecus neglectus
|
2
|
|
Cercopithecus nictitans
|
14
|
|
Cercopithecus pogonias
|
8
|
|
Cercocebus albigena
|
3
|
|
Colobus guereza
|
2
|
|
Mandrillus sphinx
|
6
|
|
Gorilla g. gorilla
|
1
|
|
Pan t. troglodytes
|
1
|
18.5
|
Carnivores
|
Bdeogale nigripes
|
2
|
|
Felis aurata
|
2
|
|
Nandinia binotata
|
3
|
|
Panthera pardus
|
4
|
|
Poiana richardsoni
|
1
|
4.7
|
Ongulés
|
Cephalophus callipygus
|
11
|
|
Cephalophus dorsalis
|
15
|
|
Cephalophus leucogaster
|
2
|
|
Cephalophus monticola
|
95
|
|
Cephalophus nigrifrons
|
3
|
|
Hyemoschus aquaticus
|
12
|
|
Potamochoerus porcus
|
6
|
|
Tragelaphus spekei
|
2
|
57.5
|
Total
|
254
|
|
2.3 VALEUR NUTRITIONNELLE DE LA VIANDE D'ANIMAUX SAUVAGES
Il ressort d'un grand nombre d'études menées sur la valeur
nutritionnelle de la viande d'animaux sauvages qu'elle est comparable
à celle d'animaux domestiques et dans certains cas meilleure. D'une
manière générale, la viande de la plupart des espèces
sauvages a une plus faible teneur en matières grasses et un pourcentage
égal ou plus élevé de protéines et de vitamines
que la viande de boeuf, de mouton, de poulet ou de porc (tableaux 2.7
et 2.8). A part le grand gibier, des espèces "non traditionnelles"
comme les rongeurs, les insectes et les escargots ont également
fait l'objet d'études nutritionnelles. Celles concernant les rongeurs
consommés dans les forêts du Zambèze indiquaient pour
12 espèces une teneur moyenne en protéines (poids vif) de
24%, en matières grasses de 2,8 à 16,8% et en cendres de
2% (Malaise et Parent 1982, voir tableau 2,7). Sur la base de ces résultats
les auteurs ont rangé, du point de vue de la valeur nutritionnelle,
les rongeurs aux côtés du boeuf et du poulet.
Plusieurs espèces d'insectes consommés en Afrique ont
une teneur calorique et protéique élevée (Hickin,
1971, par exemple). Il a été observé que les larves
du ver à soie Anaphe venata, mangées en grandes
quantités dans les campagnes du Nigéria, contenaient davantage
de protéine brute que d'autres types de viande comme l'agneau et
le porc. La teneur en fer (Fe) était supérieure à
celle du poulet et les larves contenaient également six des huit
acides aminés essentiels au corps humain, à savoir la thréonine,
la valine, l'isoleucine, la leucine, la phényl-alanine et la lysine,
faisant d' A. venata un aliment d'appoint précieux dans
les régimes pauvres en protéines et en substances minérales
(Ashiru, 1988). Avec une teneur en matières grasses de seul 1,3%
et de fer de 12,2 mg/100g de la carcasse comestible, la valeur nutritionnelle
des escargots serait comparable à celle de la viande de boeuf (Ajayi
et al., 1978).
Tableau 2.7 Teneur en calories et substances minérales
de rongeurs exploités comme ressource alimentaire (Source:
Malaisse et Parent, 1981)
Espèces
|
Energie
|
Ca
|
P
|
Fe
|
Kj
|
Cal
|
mg
|
mg
|
mg
|
Paraxerus cepapi
|
497
|
119
|
230
|
250
|
5
|
Aethomys kaiseri
|
455
|
109
|
400
|
270
|
15
|
Cricetomys gambianus
|
936
|
224
|
400
|
360
|
10
|
Dasysmys sp.
|
526
|
126
|
280
|
225
|
10
|
Lophuromys flavopunctatus
|
601
|
144
|
300
|
170
|
7
|
Praomys sp.
|
618
|
148
|
270
|
300
|
10
|
Saccostomus campestris
|
723
|
173
|
550
|
350
|
15
|
Thamnomys sp.
|
418
|
100
|
280
|
225
|
10
|
Pelomys fallax
|
459
|
110
|
210
|
270
|
8
|
Hystrix africae-australis
|
973
|
233
|
150
|
310
|
5
|
Thryonomys swinderianus
|
1132
|
271
|
320
|
380
|
20
|
Cryptomys hottentotus
|
668
|
160
|
150
|
220
|
15
|
Table 2.8 Composition approximative (g/100 g)
de la viande de certaines espèces animales sauvages et domestiques
désignées. (Sources: Tewe et Ajayi, 1978;
Ajayi, 1979; Ajayi et Tewe, 1979; Malaisse et Parent, 1981)
Espèces
|
Humidité
|
Protéines
|
Matières grasses
|
Cendres
|
Rongeurs
|
Paraxerus cepapi
|
74.3
|
21.0
|
3.2
|
1.5
|
Aethomys kaiseri
|
73.1
|
19.1
|
3.0
|
2.0
|
Cricetomys gambianus
|
49.1
|
42.6
|
4.7
|
2.6
|
Dasysmys sp.
|
71.7
|
21.0
|
4.0
|
2.0
|
Lophuromys flavopunctatus
|
66.7
|
27.5
|
2.9
|
2.6
|
Praomys sp.
|
70.0
|
19.8
|
7.0
|
2.0
|
Saccostomus campestris
|
68.4
|
19.0
|
10.2
|
2.2
|
Thamnomys sp.
|
70.7
|
16.3
|
3.4
|
2.0
|
Pelomys fallax
|
75.1
|
19.9
|
2.8
|
1.8
|
Hystrix africae-australis
|
48.0
|
45.8
|
41
|
1.7
|
Thryonomys swinderianus
|
52.0
|
28.0
|
16.8
|
2.9
|
Cryptomys hottentotus
|
69.2
|
16.6
|
9.9
|
1.8
|
Carnivores
|
Mangouste à long museau Herpestes naso
|
72.7
|
18.8
|
1.9
|
3.3
|
Genette Genetta pardina
|
31.8
|
55.4
|
9.3
|
6.0
|
Suidés
|
|
|
|
|
Potamochère de l'Afrique Potamochoerus aethiopicus
|
70.1
|
23.8
|
1.6
|
1.1
|
Artiodactyles
|
Antilope royale Neotragus pygmaeus
|
74.5
|
23.4
|
0.9
|
1.2
|
Céphalope couronné Cephalophus sp.
|
74.6
|
20.8
|
3.4
|
1.2
|
Céphalophe de Grimm Sylvicapra grimmia
|
59.5
|
33.4
|
2.0
|
4.0
|
Guib Tragelaphus scriptus
|
47.6
|
50.9
|
12.2
|
3.7
|
Animaux domestiques
|
Boeuf
|
73.8
|
19.6
|
12.0
|
1.0
|
Mouton
|
78.5
|
17.2
|
2.9
|
1.0
|
Porc
|
64.8
|
19.4
|
13.4
|
0.8
|
|