CHAPITRE 3
CONTRIBUTION INDIRECTE DE LA FAUNE SAUVAGE A LA SECURITE ALIMENTAIRE
3.1 LA FAUNE SAUVAGE ET LA CREATION DE REVENUS
Le commerce de la faune sauvage et des produits dérivés,
ainsi que les industries connexes, contribuent de façon considérable
à la sécurité alimentaire familiale et nationale
en créant des ressources financières utilisables directement
pour se procurer de la nourriture ou pour développer et améliorer
les systèmes de production alimentaire (encadrés 5 et 6).
La principale contribution aux macroéconomies africaines vient
du tourisme et des activités récréatives axées
sur la faune, et des industries qui lui sont associées. S'il est
estimé qu'en Afrique la majorité des revenus tirés
du tourisme vont à des compagnies d'aviation et à des hôtels
étrangers, il n'en demeure pas moins que cette industrie offre
des emplois à un très grand nombre d'africains et contribue
ainsi au revenu du ménage et à l'accès aux aliments.
Outre ces revenus dégagés de l'emploi dans des entreprises
basées sur la faune sauvage, les ménages bénéficient
aussi directement des recettes tirées de la chasse, du commerce
de la viande de brousse, des trophées, des cuirs et des peaux ainsi
que de la vente d'animaux sur pied et de l'artisanat axé sur les
produits des animaux prélevés. La viande de brousse est
souvent échangée contre des aliments riches en glucides
et des articles ménagers de première nécessité.
Les marchés de la viande de brousse et d'autres produits tirés
de la faune sauvage contribuent à stimuler les économies
rurales et assurent des sources de revenu en espèces aux collectivités
qui, souvent, n'ont guère d'autres moyens d'en réaliser
et qui bénéficient de ces recettes pour satisfaire leurs
besoins quotidiens. A la chasse et au commerce de la viande de brousse
interviennent plusieurs niveaux de participants qui vont des chasseurs
aux intermédiaires et aux industries de la viande, et les revenus
qui en sont tirés profitent non seulement aux chasseurs mais à
une large gamme représentative de collectivités rurales
et urbaines. Même parmi celles dont la principale occupation est
l'agriculture, les recettes provenant de la chasse ou du prélèvement
d'animaux sauvages ou de leurs produits absorbent souvent un pourcentage
notable du revenu du ménage qui ne saurait en être privé
sans subir de graves dommages. En Afrique de nombreuses populations rurales
ne dépassent guère le seuil de la pauvreté et doivent
lutter pour survivre. Dans ces conditions, même les maigres revenus
tirés de la récolte saisonnière d'escargots par les
femmes peuvent représenter un apport d'argent déterminant
aux fins de la scolarisation des enfants. Il n'est pas rare en Afrique
de rencontrer des personnes instruites qui occupent des postes de haut
niveau et dont l'éducation a été financée
grâce à la récolte régulière et continue
et à la vente des produits tirés de la faune sauvage par
des mères illettrées.
3.1.1 Tourisme et récréation
Le tourisme axé sur la faune sauvage
est particulièrement bien développé en Afrique orientale
et australe où cette industrie contribue notablement au revenu
national et représente dans un grand nombre de pays une source
fondamentale de devises. On estime que le Kenya est le pays africain où
l'industrie du tourisme est le mieux développé rapportant
environ 600 millions de dollars EU par an, revenu qui n'est dépassé
que par celui tiré du café (tableau 3.1). A l'aide d'un
modèle informatisé fondé sur une prévision
du nombre de touristes visitant le parc national d'Amboseli au Kenya sur
une période de 15 ans, Thresher (1991) a soutenu de façon
probante qu'il est plus avantageux pour le pays et les ménages
individuels de laisser le gibier dans les parcs à des fins touristiques
que de le consommer. D'après le modèle de Thresher, un seul
lion à crinière dans le parc d'Amboseli valait 515 000 dollars
EU comme sujet d'observation contre 8 500 dollars comme objet de chasse
sportive et entre 960 et 1 325 dollars seulement s'il était exploité
à des fins commerciales (à savoir la valeur marchande d'une
peau de lion traitée correctement). Pour les propriétaires
fonciers participant à un programme collectif d'élevage
extensif et bénéficiant d'une aide de l'Etat, le revenu
dégagé, après déduction des coûts, d'un
lion élevé sur leur exploitation comme ressource touristique
pouvait atteindre 91 000 dollars, contre 600 dollars en droits de chasse
si le lion était vendu pour la chasse sportive et 250 dollars s'il
est chassé pour sa peau.
Encadré 5 CONTRIBUTION DES INDUSTRIES
AXEES SUR LA FAUNE SAUVAGE A L'ECONOMIE DE CERTAINS PAYS AFRICAINS
Pays
|
La faune sauvage dans l'économie nationale
|
Kenya
|
Le tourisme est la deuxième principale source
de devises rapportant environ 600 millions de dollars par an (Eltringham,
1994).
|
RCA
|
La viande de brousse contribue pour 37 milliards
de FCFA au revenu annuel et représente un peu plus de 10%
du PIB (Keita, 1993).
|
Zimbabwe
|
Le tourisme et les industries axées sur
la faune sauvage ont rapporté entre 300 millions et un milliard
de $Z ces dernières années contribuant pour 2 à
5% au PIB (Muir, 1994).
|
Namibie
|
La Namibian Professional Hunting Association organise
chaque année des safaris comprenant environ 1 500 clients
accompagnés chacun par 1,75 observateur en moyenne. En 1991
il était estimé que 44 millions de R ont été
encaissés au total sous forme de redevances sur les trophées,
frais d'hôtel, billets d'avion et taxes sur l'exportation
de trophées (Yaron et al., 1994).
|
Afrique du Sud
|
Le tourisme, qui se base en très grande
partie sur la nature, représente la cinquième principale
source de devises; en 1992 il a rapporté environ 2,5 milliards
de rAS, soit quelque 800 millions de dollars, et assuré des
emplois à 300 000 personnes (Koch, 1994).
|
Les activités fondées sur la faune sauvage,
y compris le tourisme et la vente de trophées, de viande et d'animaux
vivants, ont contribué pour environ 90% aux recettes en devises
de la Tanzanie en 1989-91, le tourisme représentant le plus haut
pourcentage du revenu national. Au total 9,6 millions de shT ont été
tirés en 1991 de la viande de gibier et des trophées grâce
aux opérations de la Tanzanian Wildlife Corporation (Chihongo,
1992). Le tourisme est la troisième source la plus importante de
devises pour le Zimbabwe après l'exploitation minière et
l'agriculture, et le pays dégage également un revenu considérable
des safaris et de la vente d'animaux vivants et de trophées (tableau
3.2). Il est estimé que la flore et la faune sauvages ainsi que
les panoramas sont le pivot de l'industrie touristique et que cette industrie
est axée à 95% sur la nature (Campbell et Brigham, 1993).
Le revenu brut tiré de la chasse sportive s'est accru régulièrement
passant d'un peu plus de 2 millions de dollars EU en 1984 à 9,3
millions en 1990 quand il était estimé que les concessions
de safaris sur les terres communautaires rapportaient à elles seules
3,8 millions de dollars (Cumming, 1990). Les familles locales bénéficient
de ce revenu soit sous forme de dividendes payés directement aux
ménages individuels (ce qui contribue au revenu familial et à
l'accès aux aliments), soit grâce aux installations communautaires
qui favorisent le développement et le bien-être général
de la collectivité. En outre, les ménages bénéficient
aussi directement de la viande obtenue par le biais des opérations
d'élimination.
En 1990 le tourisme était la cinquième
source la plus importante de devises pour l'Afrique du Sud (Koch, 1994).
D'après une communication du gouvernement, plus de 90% des touristes
étrangers se rendent dans ce pays en premier lieu pour jouir des
panoramas, de la flore et de la faune. On estime que le tourisme étranger
rapporte quelque 2,5 milliards de rAS (soit environ 800 millions de dollars
EU) et assure des emplois à 300 000 personnes; autrement dit, par
rapport aux autres secteurs, une personne sur 14 activement employées
en Afrique du Sud travaille dans l'industrie du tourisme.
Encadré 6 LA FAUNE SAUVAGE, SOURCE
DE REVENU FAMILIAL
Pays
|
La faune sauvage, source de revenu
|
Tanzanie
|
Les ailés de termites Macrotermes bellicosus
et M. natalensis sont vendus rôtis sur les
marchés ruraux de la Tanzanie et représentent une
source de revenu pour les ménages (Chihongo 1992).
|
Zimbabwe
|
Les activités fondées sur la faune
sauvage contribuent pour 60% au revenu familial à Angwa dans
la vallée du Zambèze (Muir, 1994).
|
Cameroun
|
Le revenu annuel tiré de la chasse et des
pièges aux alentours du parc national de Korup s'élève
à environ 425 000 FCFA par chasseur et 56% du revenu villageois
total lui sont imputables (Infield, 1988).
|
Tableau 3.1 Recettes en devises rapportées
par le tourisme au Kenya (1977 - 1991) (Adapté de Byrne
et al., 1993)
Année
|
Nbre total de visiteurs
|
Recettes par visiteur
|
Recettes totales
|
('000)
|
($EU)
|
(m de $EU)
|
1977
|
344
|
375
|
129
|
1985
|
477
|
501
|
239
|
1986
|
542
|
564
|
306
|
1987
|
587
|
605
|
355
|
1988
|
616
|
640
|
394
|
1989
|
696
|
603
|
420
|
1990
|
740
|
600
|
444
|
1991
|
727
|
458
|
333
|
Tableau 3.2 Valeur de la faune sauvage par rapport
à celle du bétail au Zimbabwe (données relatives
à 1991) (Sources Campbell et Bringham, 1993, Jansen et
al.. 1992)
Produit*
|
Valeur (millions de $Z par an)**
|
Totale
|
Exportations
|
Bétail (grand secteur)
|
353
|
-
|
Bétail (petit secteur)
|
881
|
-
|
Boeuf (tous secteurs)
|
226
|
19
|
Peaux (tous secteurs)
|
-
|
16
|
Cuirs (tous secteurs)
|
|
15
|
Faune sauvage:
|
|
|
Chasse
|
45
|
45
|
Tourisme
|
500
|
300
|
Animaux vivants
|
6.2
|
petits
|
Viande, peaux
|
1
|
?
|
Autruches
|
20
|
20
|
* Chiffres pour le bétail, 1990; chiffres pour la faune sauvage,
1991.
** 1$EU = 0,40 $Z en 1990 and 0,29 $Z en 1991.
Plusieurs mesures novatrices ont été prises, notamment
en Afrique australe et orientale, pour faire profiter les collectivités
vivant aux alentours des parcs nationaux et d'autres aires protégées
de certains avantages tirés du tourisme axé sur la faune
sauvage. Ces mesures qui les encouragent à protéger les
animaux consistent en taxes (par nuit et par lit) sur les hôtels,
entreprises collectives de logement/campement touristiques, mise en
valeur de terres communautaires et création d'exploitations collectives
d'élevage extensif destinées au tourisme. Les recettes
tirées de ces entreprises sont soit partagées entre les
ménages soit investies dans des infrastructures communautaires
telles qu'écoles, puits, dispensaires, etc. Tout comme dans de
nombreuses parties d'Afrique, pendant longtemps le revenu tiré
des ressources en faune sauvage de la zone d'aménagement de la
faune sauvage du Bas Lupande (vallée de Luangwa, Zambie) était
versé à la caisse centrale. Désormais, grâce
à la création d'un fonds de roulement, les populations
locales peuvent profiter du revenu dégagé de ces activités.
En 1987, le revenu total tiré des safaris, de l'exploitation
des hippopotames et d'autres activités connexes s'est élevé
à 48 620 dollars EU dont 4 596 dollars ont été
à des projets communautaires locaux. Les avantages pour les collectivités
locales ont augmenté atteignant presque 40% en 1988-89. Sur le
revenu total de 240 500 dollars réalisé au cours de cette
période, 96 000 ont été affectés au développement
local (Balakrishnan et Ndhlovu, 1992). Un certain nombre de ruraux ont
également trouvé un emploi comme guides et dans des activités
liées à la faune sauvage telles que les opérations
d'élimination, les safaris et le tourisme.
3.1.2. Revenu provenant de la chasse
Autrefois les chasseurs africains chassaient pour nourrir leur famille.
Aujourd'hui la plupart d'entre eux sont des chasseurs commerciaux et beaucoup
préfèrent vendre leur gibier et acheter pour leur famille
des denrées riches en protéines mais moins chères
comme le poisson, utilisant l'argent restant pour satisfaire d'autres
nécessités de base du ménage. La chasse se pratique
librement dans les pays qui n'interdisent pas rigoureusement l'exploitation
de la faune. Dans ceux qui imposent des restrictions, l'activité
se fait clandestine et on n'a pas de statistiques sur les chasseurs ou
les quantités de viande prélevées. Dans la plupart
des pays africains, les données sur le nombre total de chasseurs
sont absentes ou dépassées. En 1963 on signalait la présence
de 26 770 chasseurs au Nigéria (Afolayan, 1980). Rares sont les
personnes en Afrique aujourd'hui dont l'occupation se limite à
la chasse; la plupart des chasseurs consacrent tout leur temps à
des activités comme l'agriculture et l'artisanat, ne pratiquant
la chasse qu'occasionnellement.
Les pygmées Kola du Sud du Cameroun sont un exemple
de population qui tire tout son revenu en espèces de la faune sauvage.
La principale occupation des pygmées est la chasse et, d'après
l'étude, ils obtenaient de la vente de gibier un revenu similaire
à celui des cultivateurs de cacao de la zone. L'argent servait
à acheter des aliments, des boissons alcooliques et des articles
manufacturés. Les Kolas étaient disposés à
échanger avec leurs voisins de la viande de brousse contre des
aliments riches en glucides (Wilkie, 1989; Garine, 1993). Même si
l'échange lésait souvent les chasseurs (dans une étude
réalisée sur le Cameroun, par exemple, un rat géant
Cricetomys gambianus qui pouvait se vendre à 300 FCFA était
échangé contre quatre baguettes de gâteau de manioc
ne coûtant que 100 FCFA), il permettait d'échapper aux dangers
de l'inflation (voir les études sur les Mbutis du Zaïre, Ichikawa,
1991, par exemple).
Infield (1988) a observé que la chasse était
la seule source principale de revenu monétaire de la majorité
des ménages villageois vivant aux alentours du parc national de
Korup au Cameroun. Un chasseur moyen opérant pendant 16 jours par
mois gagnait en moyenne 350 000 FCFA par an, chiffre qui représentait
38% du revenu total du village. Les recettes tirées de la pose
de pièges étaient estimées à 75 000 FCFA et
absorbaient environ 18% du revenu total du village.
D'après une enquête menée pendant
27 jours (du 7 janvier au 3 février 1976) sur les activités
de chasse des agriculteurs de Sunyani dans la région de Brong-Ahafo
au Ghana, 80 agriculteurs avaient vendu 2 840 kg de gibier à 3
849,40 cédis*. Il s'agissait d'un revenu journalier moyen tiré
de la chasse à temps partiel de 1,78 cédi, somme comparable
au salaire quotidien d'un employé du gouvernement (2,00 cédis)
à l'époque (Asibey, 1977). La chasse est encore une occupation
lucrative au Ghana et des marchés de viande de brousse sont actifs
dans la plupart des grandes villes du pays. Au cours d'une étude
menée récemment sur les aspects économiques d'une
existence vécue auprès de la faune sauvage au Ghana, on
a interrogé des chasseurs fournisseurs de viande au marché
d'Atwemonom à Kumasi, région Ashanti, pour obtenir des informations
sur leurs activités. Tous les chasseurs interviewés ont
déclaré que la chasse n'était qu'une activité
à temps partiel et qu'ils étaient principalement des agriculteurs,
chauffeurs ou artisans. Ils consacraient à la chasse quelques heures
par jour et en fin de semaine jusqu'à 11 heures, agissaient individuellement,
chassaient au fusil ou posaient des pièges. Les coûts directs
de chaque expédition de chasse étaient représentés
par le fusil de chasse (appartenant souvent à une autre personne
avec laquelle ils partageaient le gibier capturé), les munitions
(de 180 à 200 cédis ** par cartouche), la lampe de chasse
et le permis de chasse (ce chiffre variait entre 300,00 cédis pour
un aulacode et 12 000,00 cédis pour le gros gibier). Les animaux
chassés le plus fréquemment étaient les céphalophes
de Maxwell, les guibs, les céphalophes noirs, les antilopes royales
et les aulacodes, et le revenu moyen tiré de la chasse s'élevait
à 9 850 cédis par semaine (tableau 3.3). Ce résultat
dépassait de 40% les salaires d'employés du gouvernement
travaillant à des niveaux comparables aux activités à
temps plein des chasseurs interrogés. Outre le revenu direct tiré
de la viande de brousse, la chasse assurait aussi un emploi et un revenu
à tout un réseau d'autres personnes comprenant les aides,
les porteurs et une chaîne de commerçants.
* 0,88 $EU = 1,00 ¢ en 1974
** 1 $EU = environ 700 ¢ en 1993
Tableau 3.3 Prélèvement
et revenu moyens de chasseurs fournisseurs de viande au marché
d'Atwemonom à Kumasi, Ghana (Source: Tutu et al. 1993)
|
Moyenne
|
Fourchette
|
Age du chasseur
|
33.75
|
23-70
|
Nombre d'expéditions par semaine
|
2.08
|
1-7
|
Durée des expéditions de chasse (heures)
|
4.42
|
1-11
|
Temps consacré à la chasse chaque semaine (heures)
|
8.69
|
1-35
|
Prélèvement moyen par expédition
|
1.29
|
1-4
|
Revenu tiré chaque semaine de la chasse (cédis)
|
9,850
|
1,500-27,000
|
Prix de vente des animaux prélevés (cédis)
|
|
|
Céphalophe de Maxwell
|
4,075
|
1,600-5,000
|
Céphalophe noir
|
9,167
|
8,500-10,000
|
Aulacode
|
2,750
|
1,500-4,000
|
Antilope royale
|
2,750
|
1,500-4,000
|
Guib
|
16,220
|
9,000-27,000
|
Autres
|
1,924
|
700-3,000
|
3.1.3 Commerce de la viande de brousse
Les animaux sauvages prélevés peuvent être consommés,
vendus localement ou transportés jusqu'aux marchés urbains
où ils sont écoulés à des prix plus élevés.
Parmi les facteurs qui déterminent le choix des espèces
vendues ou consommées figurent la taille de l'animal, les préjugés
culturels, les préférences des consommateurs et la demande.
Le tableau 3.4 donne le pourcentage de groupes d'animaux vendus ou utilisés
d'après une étude sur le gibier menée dans le Nord-Est
du Gabon (Lahm, 1993). Les rongeurs et les autres petits mammifères
tendaient à être consommés sur place alors que le
gibier plus intéressant et remunératif était vendu.
On signale des pratiques similaires au Zaïre où on vendait
77,5% des ongulés tués par les chasseurs alors que 55,1
% des rongeurs et 57,1 % des primates étaient consommés
dans les villages (Colyn et al., 1987).
On tendait dans le passé à utiliser sur
place les petites espèces et à vendre le gros gibier. Toutefois,
la conjugaison de divers facteurs incluant l'accroissement de la demande,
la raréfaction des espèces et le besoin de revenus monétaires
a fait infléchir cette tendance. C'est pourquoi des espèces
comme les pangolins, les reptiles et les rongeurs consommés jadis
par les familles des chasseurs, voire seulement par les enfants, empruntent
désormais le chemin du marché.
Tableau 3.4 Pourcentage des groupes
d'animaux sauvages vendus ou consommés dans les villages forestiers
du Nord-Est du Gabon (Source Lahm, 1993)
Groupe d'animaux sauvages
|
Captures totales
|
Vente
|
Consommation
|
%
|
%
|
Pangolins
|
9
|
11
|
89
|
Reptiles
|
5
|
100
|
0
|
Rongeurs
|
35
|
63
|
37
|
Primates
|
47
|
40
|
60
|
Carnivores
|
12
|
67
|
33
|
Ongulés
|
146
|
66
|
34
|
Hormis des pays comme le Kenya et l'Afrique du Sud où
la chasse est rigoureusement contrôlée, la viande de brousse
se vend sur de nombreux marchés urbains et ruraux dans toute l'Afrique.
Le commerce de la viande de brousse est particulièrement actif
en Afrique de l'Ouest qui est aussi la zone où ce commerce est
bien documenté (Asibey, 1977; Jeffery, 1977; Martin, 1983; Ntiamoa-Baidu,
1987). La viande de brousse coûte cher dans toute la région
et dans de nombreuses zones elle est plus onéreuse que la viande
d'animaux domestiques.
Depuis les années 1970, des études ont
été réalisées en différentes périodes
sur un grand nombre de marchés de viande de brousse au Ghana, notamment
le marché de Kantamanto à Accra et celui d'Atwemonom à
Kumasi (Asibey, 1977, Ntiamoa-Baidu, 1987, Falconer, 1992; Tutu et
al, 1993, par exemple). A Kumasi, un commerce de viande de brousse
bien organisé est souvent la principale source de revenu d'une
chaîne de commerçants (des femmes, en particulier) comprenant
des vendeurs de gros et des détaillants (Falconer, 1992; Tutu et
al. 1993). Le commerce de la viande de brousse au marché d'Atwemonom
est extrêmement bien structuré comme petite entreprise familiale
transmise d'une génération à une autre; on trouve
ici des commerçantes de la quatrième génération,
c'est-à-dire que leurs mères, grand-mères et bisaïeules
avaient elles aussi vendu de la viande de brousse (voir encadré
7). Le nom d'"Atwemonom" (Atwe = pluriel de céphalophe;
mono = frais) signifie dans le langage Akan un endroit
où l'on trouve de la viande de céphalophe fraîche.
Entre 1971 et 1986, auraient eu lieu sur le marché
de Kantamanto des échanges annuels de l'ordre de 68 797 kg (de
19 750 à 105 003 kg) de carcasses fraîches provenant de 10
à 25 espèces d'animaux sauvages (tableau 3.5). Le tableau
3.6 fournit des données plus récentes sur le volume de viande
de brousse fraîche et fumée entrant dans les marchés
de Kumasi. En 1991 ont été enregistrés 13 884,6 kg
de viande de brousse évalués à 9 251,759 cédis*
sur une période de 27 jours. Ce chiffre comprenait 3 682 carcasses
d'animaux appartenant à 31 espèces. Cependant les poids
totaux signalés étaient des minima car a) les enquêteurs
n'étaient pas tous au marché chaque jour ou pendant toute
la Journée, et b) on ne connaissait pas les poids de certaines
viandes séchées.
Tableau 3.5 Volume du commerce de la
viande de brousse au marché de Kantamanto, Accra (1971 -
1986) (Sources: Asibey, 1974, 1982; Ntiamoa-Baidu, 1987; et données
inédites)
Année
|
Nbre d'espèces
|
Poids total des carcasses (kg)
|
Valeur (cédis)*
|
1971
|
11
|
105,002.70
|
114,124.22
|
1972
|
11
|
73,364.05
|
87,477.48
|
1973
|
25
|
67,720.09
|
106,881.31
|
1974
|
23
|
77,633.03
|
147,861.91
|
1975
|
18
|
86,773.00
|
197,891.69
|
1976
|
16
|
73,525.07
|
264,869.80
|
1977
|
15
|
55,691.04
|
305,417.48
|
1978
|
16
|
67,539.06
|
710,900.74
|
1979
|
21
|
87,081.70
|
1,205,624.00
|
1980
|
10
|
19,750.00
|
448,897.00
|
1981
|
12
|
85,390.70
|
3,661,688.00
|
1982
|
12
|
75,666.09
|
5,312,492.00
|
1983
|
16
|
85,144.02
|
8,520,381.00
|
1984
|
15
|
51,872.07
|
10,057,385.00
|
1985
|
19
|
52,469.06
|
12,098,701.00
|
1986
|
17
|
36,130.05
|
50,558,521.00
|
* 1 $EU = ... cédis en 1991
* 1,02 $ EU = 1,00 ¢ en 1971; 1 $EU = 60 ¢ en
1986.
Tableau 3.6 Volume et valeur de la viande de brousse
présente sur trois marchés à Kumasi * (sur
une période de 27 jours entre avril et juin 1990) (Source Falconer,
1992).
Espèces
|
Nbre total
|
Poids total (kg)**
|
Valeur totale (cédis)
|
Oryctérope
|
18
|
32.4
|
41,004
|
Guib
|
211
|
3281.1
|
1,133,702
|
Buffle
|
135
|
284.4
|
241,492
|
Bubale
|
61
|
55.0
|
92,995
|
Cobe
|
108
|
274.1
|
247,480
|
Potamochère de l'Afrique
|
109
|
239.2
|
204,200
|
Cobe defassa
|
40
|
16.0
|
72,000
|
Phacochère
|
712
|
1654.5
|
1,894,278
|
Céphalophe noir
|
137
|
2379.7
|
862,800
|
Céphalophe couronné
|
76
|
176.7
|
203,905
|
Céphalophe de Grimm
|
9
|
23.5
|
20,700
|
Céphalophe de Maxwell
|
282
|
1744.1
|
826,718
|
Ourébie
|
99
|
282.0
|
270,235
|
Céphalophe aux flancs rouges
|
80
|
329.1
|
232,900
|
Antilope rouanne
|
205
|
192.0
|
353,297
|
Antilope royale
|
108
|
226.7
|
114,400
|
Papion
|
73
|
247.2
|
231,305
|
Guérézas
|
12
|
0.0
|
16,000
|
Cercopithèque mone
|
33
|
53.4
|
27,400
|
Pétauriste
|
3
|
12.4
|
5,400
|
Patas
|
22
|
49.1
|
32,300
|
Porc-épic à crête
|
13
|
48.8
|
50,645
|
Athérure à longue queue
|
74
|
237.4
|
135,300
|
Aulacode
|
961
|
1957.3
|
1,900,104
|
Rat géant
|
76
|
59.4
|
33,900
|
Ecureuil géant des forêts
|
6
|
6.8
|
1,500
|
Mangouste de Gambie
|
2
|
3.1
|
500
|
Ecureuil terrestre
|
8
|
9.1
|
2,800
|
Mangouste des marais
|
3
|
5.9
|
400
|
Lièvre du Togo
|
1
|
0.5
|
400
|
Francolin
|
5
|
3.7
|
1,700
|
TOTAL
|
3682
|
13884.6
|
9,251,759
|
* Marchés: Atwemonom, marché central et parc de
camions de Kejetia
** Comprend aussi bien la viande fraîche que la viande fumée.
Les chiffres sont des minima vu l'impossibilité de calculer certains
poids pour la viande fumée.
Encadré 7 COMMERCE DE LA VIANDE DE BROUSSE, AU
MARCHE D'ATWEMONOM A KUMASI, GHANA
Il existe à Kumasi trois marchés
pour la viande de brousse: Atwemonom, Kejetia et le marché
central. Le marché d'Atwemonom, ou ce commerce est particulièrement
bien organisé, représentait d'après l'enquête
le principal débouché pour la-viande de brousse fraîche
alors que la majorité de la viande fumée était
écoulée sur le marché central. On y traitait
de 100 á 150 carcasses par jour pendant la période
d'ouverture de la chasse (la période de fermeture allait
du 1er août au 1er décembre pour la plupart des espèces
d'animaux sauvages exploitées au Ghana). Le commerce de la
viande de brousse dans ce marché avait été
surveillé depuis les années 1970 sur différentes
périodes. Il était dominé par les femmes qui
opéraient en qualité soit de marchandes de gros approvisionnées
directement par lés chasseurs soit de détaillants
qui achetaient la viande auprès des marchandes de gros pour
la revendre au détail aux consommateurs. Les quelques commerçants
de sexe masculin étaient des gestionnaires de petits restaurants
traditionnels qui achetaient aussi feux viande auprès des
marchandes de gros. En revanche, tous les chasseurs qui fournissaient
la viande au marché étaient des hommes.
Les marchandes de gros contrôlaient aussi
bien les prix demandés par les chasseurs que les prix de
détail. Chacune était approvisionnée régulièrement
en viandé par un groupe de chasseurs. Souvent les femmes
finançaient au préalable ces derniers qui étaient
ainsi forcés de rembourser le prêt par de la viande
et elles offraient également des conditions de crédit
favorables aux détaillantes. Grâce à ce système,
la marchande de gros était assurée d'avoir des disponibilités
et des débouchés réguliers pour sa viande.
Les chasseurs au leurs émissaires remettaient
normalement les carcasses aux marchandes de gros au marché
mais, dans le passé, lorsque la chasse communautaire était
légale et généralisée, les femmes suivaient
les chasseurs en fin de semaine au cours d'expéditions collectives
et achetaient le gibier directement dans la brousse. Si le chasseur
apportait la viande au marché le coût du transport
incombait à la marchande de gros. Les carcasses étaient
vendues entières aux détaillantes et aux gestionnaires
des restaurants traditionnels qui payaient pour la préparation
puis découpaient la bête en morceaux de plus petite
taille destinés à la vente au détail ou à
la cuisson. Parfois, il était permis aux particuliers d'acheter
de petits animaux, de la taille par exemple d'un céphalophe
de Maxwell ou d'une taille inférieure, directement auprès
de la marchande de gros pour l'autoconsommation, mais normalement
la filière était la suivante: chasseur, marchande
de gros, détaillante et consommateur. Les carcasses invendues
à la fin de la journée étaient congelées
et écoulées le lendemain ou fumées et vendues
aux marchandes de viande fumée du marché central.
L'un des secteurs de ce commerce où prédominaient
les hommes était la préparation de la viande. A Atwemonom,
toutes les carcasses achetées étaient préparées
en un point du marché par un groupe d'hommes spécialisés.
La préparation comportait l'élimination de la peau
(normalement par le feu), le nettoyage et l'éviscération.
En 1992, le coût de la préparation des carcasses, qui
variait en fonction de l'espèce ou selon que la carcasse
était achetée par un détaillant régulier
ou par un client pour l'autoconsommation, variait entre 400-800
cédis pour un guib, 200-500 cédis pour un céphalophe
noir et 200 cédis pour un céphalophe de Maxwell, un
aulacode, un athérure et d'autres petits animaux. Pour les
carcasses achetées à titre individuel on payait de
100 à 200 cédis de plus pour cette opération.
Le commerce dé la viande de brousse à
Kumasi met en évidence l'effet multiplicateur du revenu et
de l'emploi dégagés des industries de la chasse. Le
commerce était transmis aux générations successives
et il était courant d'avoir affaire à des représentantes
de deux ou trois générations de marchandes de viande
de brousse. Le commerce représentait le principal moyen d'existence
des commerçantes et de leurs familles qui se groupaient pour
former une entreprise familiale ayant pour chef une femme aidée
par ses enfants et ses petits-enfants.
|
En 1993, on a été tenté d'obtenir des statistiques
plus complètes sur le volume du commerce de la faune sauvage passant
au travers des marchés de Kantamanto et d'Atwemonom. Les observateurs
se postaient dans les marchés tous les jours, de l'aube au crépuscule,
pendant une semaine en mars et en mai pour prendre note des espèces,
des poids et des prix d'achat et de vente au détail dé chaque
animal arrivant sur le marché. On a enregistré la présence
de 1 276 carcasses (742 à Kantamanto et 534 à Atwemonom)
pesant approximativement 9 470 kg. Elles étaient achetées
auprès des chasseurs aux prix de 3 177 164,00 et 2 891 250,00 cédis
respectivement sur les deux marchés (tableaux 3.7 et 3.8). L'analyse
des données a montré que la marge de profit des commerçants
de viande de brousse de Kumasi variait entre 30 et 250% suivant les espèces
et la taille des animaux concernés (figure 4).
A l'exclusion de la période de fermeture de la
chasse (du 1er août au 1er décembre) où l'exploitation
de la plupart des espèces est interdite et où les ventes
se font dans la clandestinité, les chiffres relevés pendant
la période d'une semaine en 1993 révélaient une production
minimale de 331 261 kg/an de viande de brousse, estimée à
212 394,490 cédis et écoulée sur les deux marchés
seulement. Une comparaison entre le volume, les poids et les prix des
animaux passant habituellement par le marché de Kantamanto en 1974,
1985 et 1993 a montré ce qui suit:
- la composition et le volume des différentes des espèces
commercialisées variaient d'une année à l'autre;
- le prix par animal de toutes les espèces s'était multiplié
à plusieurs reprises;
- aucune diminution n'était observée dans la taille des
animaux prélevés;
- le niveau général d'exploitation restait pratiquement
inchangé.
Il en ressort que même si les populations d'animaux
paraissent décroître dans la sous-région d'Afrique
de l'Ouest, les chasseurs continuent à maintenir leurs niveaux
d'approvisionnement et à satisfaire une demande de viande de brousse
qui ne cesse de croître.
Fig. 4 Marge de profit réalisée
par des marchandes de viande de brousse au marché d'Atwemonom,
Kumasi (période de l'enquête: mai-juin 1993)
Tableau 3.7 Commerce de la viande de brousse au marché
de Kantamanto, Accra, Ghana (pendant une semaine en mai 1993)
Espèce
|
Nbre. total
|
Poids total
|
Prix d'achat
|
Prix/Kg
|
Prix de détail
|
Prix/Kg
|
(Kg)
|
(¢)
|
(¢)
|
Aulacode
|
413
|
1,658
|
1,718,119
|
1,036
|
2,434,275
|
1,468
|
Céphalophe de Maxwell
|
129
|
790
|
579,188
|
733
|
804,204
|
1,018
|
Antilope royale
|
90
|
160
|
147,272
|
920
|
225,900
|
1,412
|
Guib
|
27
|
815
|
402,616
|
494
|
585,469
|
719
|
Céphalophe noir
|
23
|
358
|
249,869
|
698
|
325,403
|
908
|
Rat géant
|
19
|
22
|
9,100
|
587
|
27,600
|
1,238
|
Genette commune
|
10
|
18
|
5,100
|
345
|
15,500
|
861
|
Athérure à longue queue
|
7
|
20
|
16,200
|
814
|
23,800
|
1,196
|
Pétauriste
|
6
|
14
|
7,500
|
521
|
13,700
|
951
|
Civette
|
5
|
42
|
11,000
|
470
|
30,000
|
708
|
Céphalophe à flancs roux
|
5
|
34
|
26,000
|
769
|
34,900
|
1,033
|
Rat palmiste
|
3
|
2
|
1,200
|
667
|
3,000
|
1,667
|
Francolin
|
2
|
1
|
700
|
1,000
|
1,400
|
2,000
|
Genette pardine
|
1
|
1
|
1,000
|
833
|
1,500
|
1,250
|
Cercopithèque mone
|
1
|
4
|
2,000
|
571
|
3,000
|
857
|
Ecureuil des palmiers
|
1
|
1
|
300
|
300
|
1,000
|
1,000
|
Total
|
742
|
3,940
|
3,177,164
|
|
4,530,651
|
|
Tableau 3.8 Commerce de la viande de brousse au marché
d'Atwemonom, Kumasi, Ghana (pendant une semaine en mars 1993)
Espèce
|
Nbre. total
|
Poids total
|
Prix d'achat
|
Prix/Kg
|
Prix de détail
|
Prix/Kg
|
(Kg)
|
(¢)
|
(¢)
|
Aulacode
|
140
|
588
|
476,822
|
554
|
747,703
|
1,271
|
Céphalophe de Maxwell
|
118
|
869
|
537,100
|
642
|
745,000
|
1,045
|
Guib
|
66
|
2,636
|
1,038,500
|
401
|
861,000
|
563
|
Athérure à longue queue
|
61
|
193
|
138,900
|
732
|
252,000
|
1,459
|
Céphalophe noir
|
59
|
1,097
|
600,000
|
547
|
588,500
|
802
|
Antilope royale
|
42
|
96
|
67,628
|
707
|
130,524
|
1,365
|
Rat géant
|
23
|
24
|
12,200
|
504
|
17,000
|
983
|
Francolin
|
14
|
7
|
5,900
|
843
|
13,000
|
1,857
|
Cercopithèque mone
|
2
|
5
|
3,500
|
700
|
6,500
|
1,300
|
Genette pardine
|
1
|
2
|
1,000
|
625
|
2,000
|
1,250
|
Pangolin d'arbre
|
2
|
2
|
1,500
|
937
|
-
|
-
|
Mangouste naine
|
3
|
3
|
1,200
|
461
|
-
|
-
|
Civette
|
1
|
|
5,500
|
|
-
|
-
|
Ecureuil volant de Pel
|
2
|
3
|
1,500
|
937
|
-
|
-
|
Total
|
534
|
5,525
|
2,891,250
|
|
3,363,227
|
|
3.1.4 Trophées, cuirs et peaux
Si l'on exclut la viande de brousse, les animaux contribuent aux économies
locales grâce aux recettes tirées de la vente de leurs sous-produits
tels que cuirs, peaux, os, coquilles et cornes, encore qu'on ne possède
pour aucun pays africain d'informations exactes sur le revenu qui revient
aux collectivités locales de la commercialisation de ces produits.
Une valeur plus élevée est attribuée à certaines
espèces d'animaux sauvages à cause des trophées qu'ils
produisent (éléphants et rhinocéros) ou de leurs
peaux (carnivores, reptiles). Des produits comme l'ivoire et la corne
de rhinocéros ont une valeur intrinsèque et les gens continueront
à rechercher ces articles et à payer des prix élevés
pour les ornements qui en sont tirés même quand il existe
des produits de substitution. Le prix de l'ivoire est passé de
5$ le kg dans les années 1960 à 70$ au milieu des années
1970 et à 150$ au début des années 1980 (PNUE, 1989).
Grâce à cette forte augmentation, l'ivoire est devenu une
forme de monnaie à laquelle recourent les gros industriels pour
exporter leur argent hors d'Afrique. La baisse draconienne des populations
d'éléphants a été attribuée principalement
au braconnage et au commerce illégal de l'ivoire. Jusqu'à
ce qu'on ait frappé d'interdit le commerce international de l'ivoire
africain, l'essentiel de sa production sur le continent était le
fait du Zaïre, du Kenya, de l'Ouganda, de la Tanzanie, du Soudan,
du Congo et de l'Afrique du Sud.
Les cuirs et les peaux peuvent être utilisés
localement pour la fabrication d'articles d'habillement comme les chaussures,
les sacs, les ceintures et les chapeaux ou être vendus sur les marchés
citadins, ou encore exportés pour la manufacture de produits en
cuir plus raffinés. Les peaux d'autruche et de crocodile ont une
valeur élevée et servent à fabriquer des articles
de fantaisie en cuir de haute qualité. Les peaux d'autres reptiles
comme les pythons et les lézards sont aussi très recherchées.
Avec les os et les cornes d'animaux sauvages, les artisans locaux fabriquent
divers objets qu'ils vendent pour accroître le revenu familial.
3.1.5 Commerce d'animaux vivants
La demande d'animaux sauvages vivants vient de l'industrie des animaux
familiers, des jardins zoologiques et des programmes de recherche biomédicale.
Diverses espèces d'oiseaux, comprenant des perroquets, des touracos
et des roselins, ainsi que des reptiles et des singes sont vendus comme
animaux familiers localement ou sur les marchés d'exportation.
On trouve des données dans plusieurs pays africains sur les exportations
d'animaux sauvages du fait des permis exigés pour leur exportation.
Il s'agit, cependant, de sous-estimations car elles ne tiennent compte
que des animaux exportés légalement. Les statistiques sur
les exportations d'animaux sauvages du Ghana entre 1989 et 1994 montrent
que les reptiles constituent l'essentiel du commerce d'exportation, avec
le python royal en tête de liste suivi du varan de terre, des tortues
et des agames (tableau 3.9). Le nombre total d'animaux exportés
et leur valeur variaient d'une année à l'autre, atteignant
en moyenne 50 500 spécimens estimés à environ 140
000 $EU. Par rapport aux statistiques sur les exportations d'animaux sauvages
des années précédentes, le volume a fléchi
considérablement au cours des 10 dernières années.
Ce fait est imputable à l'interdiction nationale qui frappe l'exploitation
du perroquet gris du Gabon Psittacus erithacus depuis 1986. Avant
l'interdiction, les perroquets gris représentaient la majorité
des animaux vivants exportés hors du pays. C'est ainsi qu'en 1985,
9 580 perroquets gris du Gabon ont été vendus à l'étranger
pour une valeur de 287 400 $EU, soit environ 46% de l'ensemble des animaux
exportés et 84% du revenu total dégagé des exportations
(Ntiamoa-Baidu, 1987). L'expérience prouve qu'il s'agit là
d'un commerce lucratif mais que l'essentiel des gains vont aux intermédiaires
et aux agents de commerce internationaux et très peu à la
population locale qui prélève les animaux.
Tableau 3.9 Nombre et valeur ($EU) d'importantes
espèces animales sauvages exportées vivantes par le Ghana
(Source: Statistiques du Département de la faune sauvage)
Espèce
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
Nombre
|
Valeur
|
Nombre
|
Valeur
|
Nombre
|
Valeur
|
Nombre
|
Valeur
|
Nombre
|
Valeur
|
Nombre
|
Valeur
|
Touraco vert
|
190
|
1,425
|
194
|
1,552
|
|
|
|
|
15
|
113
|
110
|
825
|
Musophage violet
|
7
|
53
|
18
|
144
|
4
|
32
|
|
|
10
|
75
|
25
|
188
|
Colombes
|
200
|
200
|
1,230
|
2,214
|
190
|
342
|
|
|
|
|
865
|
1,557
|
Roselins et canaris
|
751
|
263
|
1,380
|
701
|
640
|
412
|
4
|
1
|
0
|
0
|
334
|
189
|
Python royal
|
13,418
|
67,090
|
12,647
|
63,235
|
21,863
|
109,315
|
28,723
|
143,615
|
18,614
|
93,070
|
22,669
|
113,345
|
Python de Seba
|
1,990
|
9,950
|
629
|
3,145
|
1,306
|
6,530
|
658
|
|
665
|
3,325
|
385
|
1,925
|
Calabaria
|
115
|
431
|
348
|
1,305
|
486
|
1,944
|
100
|
160
|
161
|
258
|
333
|
533
|
Agames
|
3,519
|
6,334
|
71,332
|
12,838
|
7,861
|
14,150
|
6,900
|
12,420
|
8,153
|
275
|
11,992
|
21,586
|
Vipères
|
15
|
105
|
16
|
150
|
24
|
226
|
46
|
368
|
71
|
568
|
12
|
96
|
Vipère rhinocéros
|
23
|
230
|
46
|
460
|
73
|
1,022
|
223
|
1,784
|
239
|
1,912
|
110
|
880
|
Cobra noir
|
11
|
77
|
5
|
55
|
37
|
407
|
112
|
|
|
|
|
|
Vipère du Gabon
|
27
|
270
|
236
|
2,360
|
156
|
|
353
|
2,824
|
356
|
2,848
|
204
|
1,632
|
Agames
|
3,567
|
3,924
|
4,490
|
4,939
|
3,640
|
4,004
|
5,815
|
6,397
|
3,970
|
4,367
|
4,305
|
4,736
|
Scinques
|
2,265
|
2,492
|
4,007
|
4,408
|
4,215
|
4,637
|
5,240
|
5,764
|
6,565
|
7,221
|
8,560
|
9,416
|
Tarente de Mauritanie
|
530
|
292
|
2,355
|
2,120
|
1,051
|
946
|
1,250
|
1,125
|
790
|
711
|
1,160
|
1,044
|
Oedura marmorata
|
1,004
|
904
|
902
|
722
|
729
|
583
|
1,891
|
1,702
|
1,406
|
1,265
|
1,259
|
1,133
|
Caméléon
|
2,442
|
2,686
|
2,689
|
2,958
|
2,213
|
24,343
|
2,144
|
2,358
|
1,406
|
1,547
|
1,577
|
1,735
|
Tortues
|
3,071
|
11,363
|
2,515
|
9,305
|
1,370
|
5,069
|
969
|
3,682
|
1,257
|
4,777
|
1,157
|
4,397
|
Tortues pélomédusides
|
1,490
|
4,172
|
1,108
|
3,102
|
3,656
|
10,237
|
1,775
|
1,775
|
605
|
605
|
1,326
|
1,326
|
Tortue du Gabon
|
420
|
1,176
|
260
|
728
|
245
|
686
|
235
|
235
|
515
|
515
|
745
|
745
|
Hylidé arboricole
|
490
|
137
|
895
|
251
|
670
|
188
|
990
|
2,772
|
580
|
162
|
1,150
|
322
|
Scorpions
|
6,139
|
6,752
|
9,647
|
10,612
|
14,205
|
15,625
|
7,845
|
8,630
|
13,367
|
14,704
|
20,626
|
22,689
|
Mille-pieds
|
1,139
|
626
|
1,870
|
1,029
|
2,076
|
1,142
|
1,570
|
785
|
1,340
|
670
|
840
|
420
|
Patas
|
141
|
2,538
|
36
|
648
|
20
|
360
|
12
|
216
|
59
|
1,062
|
31
|
558
|
Singe vert
|
1
|
18
|
22
|
396
|
20
|
360
|
|
|
|
|
|
|
Pétauriste
|
109
|
1,962
|
41
|
738
|
163
|
2,934
|
86
|
1,548
|
120
|
2,160
|
101
|
1,818
|
Myriapodes
|
38
|
684
|
31
|
558
|
78
|
1,404
|
29
|
522
|
51
|
918
|
73
|
1,314
|
Tryonichidés
|
50
|
140
|
225
|
714
|
25
|
70
|
4
|
112
|
|
|
34
|
95
|
Crapaud
|
705
|
197
|
770
|
216
|
530
|
148
|
1,500
|
420
|
250
|
70
|
550
|
154
|
Hémidactyle
|
1,150
|
1,035
|
300
|
270
|
750
|
|
150
|
|
|
|
|
|
Mante religieuse
|
250
|
50
|
1,300
|
260
|
1,120
|
224
|
1,249
|
625
|
1,310
|
655
|
1,030
|
515
|
Grenouilles
|
1,100
|
308
|
1,100
|
308
|
2,544
|
713
|
2,505
|
701
|
2,305
|
645
|
2,115
|
5,103
|
Valeur totale
|
|
127,884
|
|
132,441
|
|
208,053
|
|
|
|
144,497
|
|
200,274
|
3.2 LA FAUNE SAUVAGE ET LA SANTE
La capacité d'un individu d'accéder aux aliments lorsqu'ils
sont disponibles et de les consommer pour que son organisme puisse les
métaboliser et les assimiler en vue de leur utilisation dans divers
processus physiologiques dépend de son état de santé
physique, spirituelle et mentale. Le rôle que jouent les animaux
sauvages et les produits dérivés dans la santé humaine
en Afrique est, dès lors, une composante importante de l'ensemble
des. questions touchant la sécurité alimentaire des ménages
africains. A part la contribution directe des ressources en faune au bien-être
nutritionnel, l'utilisation rationnelle des médicaments traditionnels
permet de réduire les dépenses affectées aux soins
médicaux et consent à la famille de destiner l'argent économisé
à l'achat d'aliments et d'articles de première nécessité.
3.2.1 Santé spirituelle
En Afrique, on attribue à de nombreux animaux sauvages
des valeurs spirituelles et culturelles (de Vos 1978, Ntiamoa-Baidu, 1987;
1992; 1995; Sanagho, 1991; Adeola 1992). Ces animaux sont souvent considérés
comme sacrés et inspirent du respect ou de la crainte, et il pourrait
être défendu de les toucher ou de les tuer en raison d'interdits
religieux ou culturels. Les animaux sauvages ayant une importance spirituelle
et culturelle peuvent être groupés en trois grandes catégories
(Ntiamoa-Baidu, 1995):
Espèces totem: animaux/plantes considérés
comme des symboles d'une relation existante, intime et invisible; on leur
témoigne du respect et on leur attribue un caractère sacré.
Ils ne peuvent être tués ni consommés.
Espèces taboues: a) animaux/plantes considérés
comme sacrés parce qu'ils auraient dans le passé protégé,
guidé et aidé les ancêtres; et b) animaux considérés
comme impurs et abhorrés pour avoir été associés
dans le passé à quelque infortune. Dans les deux cas il
pourrait être interdit de les abattre, de les consommer, voire de
les toucher. Chez les Akans du Ghana, la tradition est transmise par la
branche masculine de la famille.
Espèces utilisées lors de rites et/ou de cérémonies:
ces animaux jouent un rôle dans certains rites et festivals
culturels spécifiques soit au cours des cérémonies
soit dans la préparation des mets qui les accompagnent.
Les animaux sauvages associés au Ghana à des croyances
spirituelles ou culturelles comprennent le léopard (totem du clan
Bretuo des Akans), le buffle (totem du clan Ekoona), le perroquet gris
(totem du clan Agona) et le grand calibé (totem du clan Asona).
Dans de nombreux cas, ces croyances sont si fortes que leurs effets sur
un individu qui brise un tabou et n'est pas en mesure d'accomplir les
rites de purification/pacification imposés peuvent se traduire
en une maladie mentale ou physique.
3.2.2 Santé physique et mentale
Le secteur des soins de santé représente aujourd'hui en
Afrique un domaine prioritaire mais grevé de problèmes.
Les structures sanitaires sont rarement adéquates et un nombre
considérable de personnes vivant en zone rurale se soignent à
l'aide de médicaments traditionnels. Ces médicaments et
les principaux ingrédients utilisés par les guérisseurs
sont tirés d'espèces animales et végétales
sauvages. Il s'agit d'une pratique très répandue et nombreux
sont les éventaires offrant des plantes et des parties d'animal
comme médicaments dans les marchés ruraux et urbains de
maintes villes africaines. Un grand nombre d'espèces animales sauvages
ainsi que les produits qui en dérivent, utilisés séparément
ou en combinaison avec des herbes, sont à la base des médicaments
dont se servent les guérisseurs traditionnels. Les parties d'animaux
consistent en viande, poils, peau, queue, os, dents, graisse, glandes
et excréments vendus sous forme de granulés et servent à
traiter une vaste panoplie de maladies physiques et mentales ainsi que
de troubles propres aux femmes enceintes.
La liste des animaux sauvages que l'on estime avoir des vertus thérapeutiques
est longue. Maliehe (1993) mentionne le lièvre d'Afrique du Sud
Lepus saxatilis; le lièvre du Cap L. capensis,
le porc-épic Hystrix africae australis, le putois et le
pangolin Manis temminckii parmi les animaux dont certaines parties
du corps entrent dans la composition des médicaments traditionnels
en Afrique du Sud. Le pangolin est jugé particulièrement
efficace par la tribu Lobedu dans le Nord-Est du Transvaal. Adeola (1992)
a relevé au Nigéria 23 espèces d'animaux sauvages,
dont 16 mammifères, six reptiles et un oiseau, aux vertus curatives
et préventives (tableau 3.10). Trente-quatre autres espèces
étaient utilisées dans le traitement de la stérilité
et 33 de l'impuissance ou comme substances aphrodisiaques. Les médicaments
traditionnels auxquels recouraient les collectivités vivant aux
alentours des parcs nationaux forestiers du Ghana consistaient soit en
animaux entiers soit en parties d'animaux, sans compter les excréments
de 26 espèces sauvages (Ntiamoa-Baidu, 1992; tableau 3.11).
Il est parfois estimé qu'une certaine espèce ou ses parties
spécifiques ont le pouvoir de guérir plusieurs maladies;
c'est ainsi que la graisse extraite du python et du lamantin sert à
soigner les rhumatismes, les furoncles et les douleurs lombaires, que
les huiles tirées de la tortue luth sont indiquées dans
le traitement de l'infarctus, de la fièvre, des douleurs corporelles
en général, des maladies de la peau et de la constipation
alors que les déjections d'éléphant contribueraient
à guérir au moins cinq différents troubles. Dans
le cas de l'escargot géant, toutes les parties du corps y compris
la coquille, la chair et les humeurs servent à soigner un grand
nombre de maladies parmi lesquelles l'hypertension, l'anémie et
les convulsions infantiles (tableau 3.12).
Tableau 3.10 Animaux sauvages utilisés dans la
médecine curative et préventive par les agriculteurs nigériens.
(Adapté d'Adeola, 1992)
Espèce
|
Partie exploitée
|
Utilisation
|
MAMMIFERES
|
Céphalophe de Grimm
|
Intestin
|
Traitement des maux d’estomac
|
Buffle
|
Os
|
Traitement préventif des vomissements
|
Guib
|
Tête
|
Composante de remèdes contre la lèpre
|
Cobe defassa
|
Peau et placenta
|
Traitement préventif de la maladie du sommeil
|
Léopard
|
Peau
|
Substance antivenimeuse contre les morsures de serpent
|
Civette
|
Anus
|
Traitement préventif des convulsions
|
Hyène
|
Os
|
Préparations pour invoquer les sorcières
|
Mangouste
|
Anus
|
Préparations contre le mauvais oeil et les sorcières
|
Gorille
|
Pénis
|
Substance antivenimeuse
|
Patas
|
Crâne
|
Traitement de la coqueluche
|
Ecureuil
|
Poils
|
Substance antivenimeuse
|
Animal entier
|
Traitement préventif des convulsions
|
Porc-épic
|
Intestin
|
Traitement des maux d’estomac
|
Pangolin
|
Tête
|
Arrêt des hémorragies
|
Oryctérope
|
Os
|
Traitement des douleurs lombaires
|
Phacochère
|
Pattes
|
Traitement préventif de la claudication
|
OISEAUX
|
Francolin
|
Os
|
Traitement de la déambulation retardée chez les enfants
|
REPTILES
|
Tortue
|
Animal entier
|
Traitement des douleurs de la poitrine
|
Crocodile
|
Intestin
|
Substance antivenimeuse
|
Vipère hébraïque
|
Intestin
|
Traitement préventif de l’adultère chez la femme
|
Python
|
Os
|
Traitement des douleurs lombaires et des troubles de la colonne
vertébrale
|
Graisse
|
Traitement des rhumatismes
|
Graisse
|
Traitement des fractures d’os et d’articulations
|
Tableau 3.11 Utilisation d'animaux sauvages à
des fins thérapeutiques par les collectivités vivant dans
les parcs forestiers nationaux du Sud-Ouest du Ghana. (Source:
Ntiamoa-Baidu, 1992)
Espèce
|
Partie utilisée
|
Maladie/condition
|
Mode d’application
|
Civette
|
Fèces
|
Gonorrhée
|
Utilisées avec du poivre comme lavement
|
|
Chéloïdes
|
Enduites sur la partie malade
|
|
Mauvaise odeur corporelle
|
Mélangées au beurre de karité et enduites sur le corps
|
Glande anale
|
Acquisition de pouvoirs spirituels
|
Enduite sur le corps pour chasser les mauvais esprits
|
Léopard
|
Peau
|
Convulsions
|
Portée ecomme talisman autour de la taille
|
|
Kwashiorkor
|
Portée comme talisman autour du cou
|
|
Faiblesse physique générale
|
Utilisée avec des herbes comme onguent pour le corps
|
Os
|
Faiblesse infantile
|
Ajouté à l’eau du bain
|
Lion
|
Peau
|
Convulsions
|
Portée comme talisman autour de la taille
|
|
Faiblesse infantile
|
Ajoutée à l’eau du bain
|
|
Acquisition de la capacité de disparaître
|
Portée comme talisman
|
Ratel
|
Os, peau et poils
|
Acquisition de pouvoirs spirituels
|
Brûlés, mélangés à des herbes et enduits sur le corps pour fortifier
les chasseurs
|
Os
|
Faiblesse infantile
|
Ajoutés à l’eau du bain
|
Mangouste
|
Fèces
|
Stérilité
|
Mélangées à des herbes et utilisées comme onguent pour le corps
|
|
Acquisition de pouvoirs spirituels
|
Mélangées à des herbes et utilisées comme onguent pour le corps
|
Chimpanzé
|
Os
|
Douleurs abdominales
|
Moulus et saupoudrés sur les aliments
|
Guérézas
|
Viande
|
Purification et fortification des veufs/veuves
|
Mélangée à la nourriture
|
Fèces
|
Renforcement spirituel après la naissance du dixième enfant
|
Mélangées à des herbes et utilisées comme onguent pour le corps
|
|
Fausse couche
|
Mélangées à des herbes et utilisées comme lavement
|
Colobe de van Beneden
|
Poils
|
Maladies infantiles associées à la fréquence des couches
|
Utilisés comme talisman
|
Colobe bai
|
Peau
|
Contusions et irritations de la peau chez les nouveaux-nés
|
Utilisée comme enveloppe de médicaments servant de talisman
|
Potto de Bosman
|
Poils
|
Brûlures
|
Mélangés à du miel et enduits sur les brûlures
|
Céphalophe de Maxwell
|
Sabots
|
Soins destinés aux femmes enceintes
|
Mélangés à des herbes dans la soupe de noix de palme
|
Viande
|
Purification et fortification
|
Utilisée dans l’alimentation
|
Peau et cornes
|
Acquisition de pouvoirs magiques favorisant la capture des voleurs
|
Utilisés dans l’alimentation
|
Céphalophe noir
|
Corne
|
Acquisition de pouvoirs magiques favorisant la capture des voleurs
|
Associée à des incantations pour capturer les voleurs
|
Antilope royale
|
Cervelle
|
Acquisition de pouvoirs magiques favorisant la capture des voleurs
|
Utilisée avec des herbes
|
|
Maladies provoquées par les mauvais esprits
|
Utilisée avec des herbes
|
Cornes
|
Maladies infantiles associées à la fréquence des couches
|
Utilisées comme talisman
|
Guib
|
Peau
|
Douleurs corporelles
|
Utilisée dans les onguents
|
Eléphant
|
Excréments
|
Maladies infantiles associées à la fréquence des couches
|
Utilisés comme lavement ou enduits sur le corps de l’enfant malade
|
|
Fractures, oedèmes, éléphantiasis
|
Mélangés à des herbes et enduits sur la partie malade
|
Molaires
|
Maux de dent
|
Bouillies dans de l'eau utilisée ensuite comme eau dentifrice
|
Rat géant
|
Tête
|
Amélioration de la fertilité
|
Ajoutée avec des herbes aux aliments pour stimuler la grossesse
|
Rat palmiste
|
Fèces
|
Elimination d'épines
|
Appliquées sur la piqûre
|
Pangolin d'arbre
|
Ecailles
|
Toux
|
Brûlées, moulues et ajoutées aux ragoûts/potages
|
Athérure à longue queue
|
Contenu de l'estomac
|
Abcès du sein
|
Séché , mélangé à de l'écorce d'arbre moulue et enduit sur le sein
|
Aulacode
|
Fèces
|
Amaigrissement chez les enfants
|
Utilisées comme lavement
|
Tortues
|
Testicules
|
Bégaiement chez les enfants
|
-
|
Crocodile
|
Bile
|
Intoxication
|
-
|
Serpent (vipères)
|
Tête
|
Morsures de serpent
|
Moulue avec des herbes et appliquée sur la morsure
|
Python de Seba
|
Graisse
|
Enflures
|
Enduite sur la partie malade
|
|
Rhumatismes
|
Enduite sur la partie malade
|
Os
|
Elimination d'épines
|
Frottés sur la piqûre
|
Caméléon
|
Animal entier
|
Soins à donner aux femmes enceintes
|
Utilisé avec des herbes comme lavement
|
|
Maladies des nouveaux-nés
|
Porté comme talisman autour du poignet
|
|
Convulsions
|
Mélangé à des herbe et enduit sur le cops
|
Poissons du genre Clarias sp.
|
Tête
|
Amélioration de la fertilité
|
Ajoutés avec des herbes aux aliments pour stimuler la grossesse
|
Tableau 3.12 Utilisation médicinale de l'escargot
géant par les collectivités rurales du Nigéria
(Adapté d'Osemeobo, 1992)
Partie de l’escargot utilisée
|
Nombre de personnes enquêtées
|
Préparation
|
Utilisation
|
Viande
|
180
|
Potage
|
Traitement de l’hypertension
|
|
|
Neutralisation de l’agression
|
|
|
Malformation de la structure osseuse
|
|
|
Aide à l’accouchement
|
|
|
Alimentation des mères allaitantes
|
|
|
Traitement de l’anémie
|
|
|
Traitement des convulsions
|
Humeurs
|
179
|
Potage
|
Arrêt des hémorragies consécutives à des coupures
|
|
|
Traitement de l’amputation des doigts
|
|
|
Traitement des troubles oculaires
|
|
|
Circoncision des jeunes garçons
|
|
|
Guérison de la petite vérole
|
Coquille
|
150
|
|
Traitement des rhumatismes
|
|
|
Enveloppe pour talismans contre les douleurs corporelles
|
|
|
Enveloppe pour talismans servant à forcer les gens à agir contre
leur gré
|
La médecine traditionnelle se fonde sur des années d'expérience
acquise par la pratique et le savoir local transmis d'une génération
à l'autre. On ne sait pas à l'heure actuelle quel pourcentage
de la population africaine fait appel à cette forme de soins de
santé et aucun essai n'a été mené pour quantifier
au plan monétaire la valeur et les vertus thérapeutiques
de la faune sauvage et des produits dérivés. La popularité
des guérisseurs et des médicaments traditionnels peut être
motivée par un certain nombre de facteurs parmi lesquels:
a) La confiance dans le système: la croyance dans la médecine
traditionnelle est encore très ancrée dans les zones rurales
de l'Afrique et certaines personnes sont convaincues que, pour traiter
certaines maladies, ces médicaments sont meilleurs et plus efficaces
que les produits modernes.
b) Les contraintes financières: les guérisseurs et les
médicaments traditionnels coûtent beaucoup moins cher que
les médecins et les produits pharmaceutiques modernes et, dans
de nombreux cas, les vertus curatives de certaines espèces sauvages
sont bien connues et permettent de pratiquer régulièrement
l'autotraitement.
c) Accessibilité: il est facile de faire appel aux guérisseurs
traditionnels et on les trouve dans des zones reculées dépourvues
de structures hospitalières. Au Zimbabwe il est estimé
que le rapport entre guérisseurs traditionnels et population
est de 1:234 dans les zones urbaines et de 1:956 en zone rurale. Le
rapport estimé pour l'ensemble du continent est de 1:200 contre
1:100 000 pour les médecins formés à l'étranger
(Makombe, 1994).
N'ayant pas été étudiée et prouvée
scientifiquement, l'efficacité de la plupart des médicaments
tirés d'animaux sauvages ou de leurs parties prêterait, dans
de nombreux cas, à contestation. Dans certaines situations il est
facile de comprendre pourquoi les gens croient dans les vertus thérapeutiques
de certaines préparations, telles que les granulés de matières
fécales d'animaux qui se nourrissent d'espèces végétales
connues pour leurs propriétés médicinales. Dans d'autres
(les pouvoirs spirituels et la vigueur conférés par les
os de maintes espèces carnivoires et du caméléon,
par exemple) il est difficile d'attribuer à ces croyances une base
scientifique. On pourrait peut-être les relier aux mythes et à
la crainte qui entourent ces animaux en Afrique rurale où le lion
est associé à la force et à la férocité
alors que l'aptitude du caméléon à changer de couleur
est imputée à des pouvoirs magiques. Ce qui importe c'est
que ceux qui utilisent les médicaments traditionnels par goût
ou par nécessité croient en leur efficacité et continuent
à s'en servir pendant encore longtemps. Grâce à ces
médicaments bon marché et accessibles, l'argent qui aurait
été autrement servi à financer des soins médicaux
peut être destiné à l'achat d'aliments et d'autres
articles domestiques indispensables. La croyance bien ancrée dans
l'efficacité des médicaments traditionnels tirés
de la faune sauvage est un encouragement à la conserver et à
en accroître la production.
Certaines espèces d'animaux sauvages tels que les primates contribuent
aussi aux soins de santé grâce à leur utilisation
dans la recherche biomédicale. Les gorilles ont été
intensément exploités dans certaines parties d'Afrique pour
obtenir des spécimens à destiner aux centres de recherche
à l'étranger ainsi qu'au peuplement des jardins zoologiques
(Pi, 1981, par exemple). D'autres animaux sauvages fournissent des ingrédients
précieux qui entrent dans la composition de médicaments
modernes. Le venin de serpent est très recherché pour ses
vertus thérapeutiques: les substances antocoagulantes qu'il renferne
servent à traiter l'hémophilie et avec la neurotoxine on
fabrique des sédatifs et analgésiques.
3.3 LA FAUNE SAUVAGE, LA FORESTERIE ET L'AGRICULTURE
Les animaux sauvages exercent des influences notables sur les systèmes
de production alimentaire, influences qui pourraient se révéler
aussi bien bénéfiques que nocives. Parmi les premières
on peut citer leur rôle de disséminateurs de graines et d'agents
de pollinisation ainsi que le pouvoir fertilisant de leurs déjections.
Les excréments de nombreux oiseaux et de mammifères comme
les chauves-souris, les singes, les papions et les écureuils qui
se nourrissent de fruits contribuent à la multiplication des arbres
fruitiers. D'après une étude. réalisée en
Côte d'Ivoire, dans les lieux où les éléphants
avaient disparu depuis longtemps on ne trouvait plus de plants de certaines
espèces forestières qu'ils ont coutume de disséminer
(Alexandre, 1978).
Du côté des aspects négatifs, certaines espèces
d'animaux sauvages sont connues pour leur rôle de réservoir
ou d'hôte de passage de parasites et d'agents pathogènes
transmissibles à l'homme et à son bétail. D'autres
espèces d'animaux sauvages comprenant aussi bien des vertébrés
que des invertébrés causent la destruction des cultures
vivrières et de cultures de rapport aussi bien durant la période
de végétation que pendant l'entreposage des récoltes.
Les dommages causés par les vertébrés sont le fait
d'une large gamme d'espèces sauvages et affectent un grand nombre
de cultures (tableau 3.13). Les activités des ravageurs résultent
souvent en pertes directes, à savoir la destruction proprement
dite de la plante due à la voracité du ravageur ou à
la contamination, ou en pertes indirectes déterminées par
les dommages causés aux systèmes et au matériel de
production. Parmi les principaux ravageurs vertébrés responsables
de dégâts provoqués aux cultures en Afrique figure
une gamme étendue de rongeurs et d'oiseaux (voir Ward, 1979; Elliot,
1979; Taylor, 1984; Ntiamoa-Baidu, 1988; 1989 (a); (b); Elias, 1988).
Les oiseaux, souvent au nombre de millions, peuvent nuire gravement aux
cultures céréalières. Les espèces qui causent
le plus de dommages à l'agriculture en Afrique sont les tisserins
(Ploceidae), les oiseaux d'eau (Anatidae), les perroquets (Psittacidae)
et les oiseaux granivoires (Fringillidae), et les cultures les plus menacées
sont le riz, le maïs, le sorgho et le palmier à huile. S'il
est vrai que les principales pertes sont dues aux espèces qui se
nourrissent de ces cultures en période de végétation,
les entrepôts sont aussi victimes d'oiseaux granivores et des infections
qu'ils propagent quand ils sont au repos. Le travailleur à bec
rouge Quelea quelea est le plus important des oiseaux granivores
d'Afrique. L'aire de distribution de l'espèce s'étend sur
20% des terres émergées du continent et son activité
compromet la production alimentaire de quelque 25 pays.
Il est estimé que les pertes céréalières
annuelles imputables au travailleur à bec rouge vont d'un million
de dollars en Somalie à 6,3 millions au Soudan (Elias, 1988). Parmi
les autres tisserins qui causent souvent aux céréales des
dégâts saisonniers mais graves on peut citer le travailleur
à tête rouge Quelea erythops, l'ignicolore Euplectes
orix et le tisserin taha E. afra. Ntiamoa-Baidu (1989) signale
la destruction de rizières entières due essentiellement
à ces trois espèces au Nord du Ghana. Une fois que les oiseaux
ont trouvé un lieu où la nourriture est abondante, leur
nombre atteint très vite plusieurs milliers d'individus et des
champs entiers sont rapidement ravagés. La population d'oiseaux
étudiée dans un dortoir au Nord du Ghana était passée
de 85 000 individus fin avril au moment de leur arrivée dans la
zone à plus de 400 000 en un seul mois.
Tableau 3.13 Principaux ravageurs vertébrés
d'Afrique. (Adapté de Taylor, 1984; Ntiamoa-Baidu, 1988)
Espèce
|
Dommage
|
Habitat
|
Zones touchées
|
Ravageurs habituels des céréales
|
Travailleur à tête rouge Quelea quelea
|
Céréales a petits grains
|
Savane
|
O,E,S
|
Mastomys natalensis
|
Toutes les céréales, le coton, l’arachide
|
Savane, forêt
|
O,E, S
|
Arvicanthis niloticus
|
La plupart des céréales, le coton, la canne à sucre
|
Savane
|
O, E, Vallée du Nil jusqu’en Egypte
|
Ravageurs agricoles locaux
|
Tisserin gendarme Ploceus cucullatus
|
Céréales
|
Forêt, savane
|
O,S
|
Passer hispaniolensis
|
Céréales
|
Zones cultivées
|
N
|
Travailleur à tête rouge Quelea erythrops
|
Céréales
|
Zones humides, savane, herbages
|
O
|
Meriones spp.
|
Céréales, arachides
|
Zones sablonneuses
|
N
|
Rat géant Cricetomys sp.
|
Cacaoyer, palmier à huile
|
Forêt
|
O
|
Ecureuils Oenomys, Stochomys, Funisciurus spp.
|
Cacaoyer, palmier à huile
|
Forêt
|
O
|
Gerbils Gerbillus, Tatera, Taterillus spp.
|
Céréales, arachides
|
Semi-désert, savane
|
O,N,E,S
|
Mulot rayé Rhabdomys pumilio
|
Céréales, résineux
|
Montagnes
|
E,S
|
Aulacode Thryonomys swinderianus
|
Riz, maïs, canne à sucre, manioc
|
Forêt
|
O,E,S
|
Ravageurs urbains et péri-domestiques
|
Moineau domestique Passer domesticus
|
Céréales
|
Zones construites et agricoles
|
N,O,E,S
|
Rat commun Rattus rattus
|
Récoltes engrangées et cultures en croissance
|
Ports, villes, fermes, champs irrigués
|
N,O,E,S
|
Rat surmulot Rattus norvegicus
|
Récoltes engrangées et produits manufacturés
|
Ports, villes
|
N,O,E,S
|
Les cultures détruites par les rongeurs comprennent le riz, le
maïs, le sorgho, le mil, le blé, le cacaoyer, le palmier à
huile et le cocotier. Le rongeur entame la tige et la fermentation qui
s'ensuit en réduit la teneur en sucre au point de la rendre souvent
entièrement inutilisable. L'action des rongeurs ne s'arrête
pas aux cultures de plein champ; ils peuvent causer des dégâts
considérables aussi aux produits emmagasinés.
Une large gamme de mammifères tels que les chauves-souris, les
papions, les singes et les éléphants peuvent aussi occasionner
localement d'importants dommages aux cultures vivrières telles
que plantains, bananes et taros ainsi qu'aux plantations de cacaoyers
et de palmiers à huile. Bell (1984) signale que dans la zone de
Lilongwe au Malawi, les ravages étaient le fait principalement
des éléphants, des potamochères, des papions, des
vervets Cercopithecus aethiops, des élands Taurotragus
oryx et des koudous Tragelaphus strepsiceros, les éléphants
et les potamochères étant responsables de 80% de l'ensemble
des dommages. En Zambie, les principaux ravageurs sauvages étaient
les potamochères, les singes, les papions, les éléphants,
les hippopotames et les porcs-épics Hystrix cristata (tableau
3.14).
Tableau 3.14 Animaux sauvages nuisibles dans la zone
d'aménagement de la faune du Haut Lupande, Zambie (Source:
Balakrishnan et Ndhlovu, 1992)
Espèce
|
Fréquence des dommages mentionnés
(n=135)
|
Cultures touchées
|
Potamochère Potamochoerus porcus
|
127
|
maïs
|
Vervet Cercopithecus pygerythrus/ Chamca Papio ursinus
|
126
|
maïs, sorgho, riz
|
Eléphant Loxodonta africana
|
121
|
maïs,sorgho, fruits
|
Hippopotame Hippopotamus amphibius
|
98
|
maïs,riz, légumes
|
Porc-épic Hystrix cristata
|
49
|
maïs,riz
|
Phacochère Phacochoerus aethiopicus
|
8
|
maïs,riz
|
Koudou Tragelaphus strepseceros
|
3
|
maïs
|
|