CHAPITRE 5

LA FAUNE SAUVAGE PEUT-ELLE CONTRIBUER A LA SECURITE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE? REMARQUES CONCLUSIVES

5.1. POURQUOI S'INTERESSER A LA PRODUCTION DE FAUNE SAUVAGE

Dans les chapitres précédents, il a été montré que la faune sauvage est une importante source d'aliments en Afrique. Toutes les espèces d'animaux sauvages, des larves d'insectes aux rongeurs, aux antilopes et aux singes, sont exploitées à des fins alimentaires et, dans un grand nombre de cas, la faune sauvage représente pour les ruraux la principale, voire la seule, source de protéines animales disponibles. Cependant, l'exploitation et la consommation de la viande de brousse ne s'expliquent pas simplement par le manque d'autres types de viande, mais par un ensemble complexe de facteurs qui comprennent les contraintes financières, les préférences et les valeurs culturelles. Ces facteurs mettent en évidence l'importance fondamentale de cette ressource pour les populations africaines et l'urgence d'investir dans son développement.

Dans les chapitres précédents, il a été montré que la faune sauvage est une importante source d'aliments en Afrique. Toutes les espèces d'animaux sauvages, des larves d'insectes aux rongeurs, aux antilopes et aux singes, sont exploitées à des fins alimentaires et, dans un grand nombre de cas, la faune sauvage représente pour les ruraux la principale, voire la seule, source de protéines animales disponibles. Cependant, l'exploitation et la consommation de la viande de brousse ne s'expliquent pas simplement par le manque d'autres types de viande, mais par un ensemble complexe de facteurs qui comprennent les contraintes financières, les préférences et les valeurs culturelles. Ces facteurs mettent en évidence l'importance fondamentale de cette ressource pour les populations africaines et l'urgence d'investir dans son développement.

Nous avons également présenté des données sur la contribution économique de la faune sauvage aussi bien à l'échelon du ménage que du pays. Dans les collectivités urbaines et rurales la chasse et le commerce de la viande de brousse représentent la principale source de revenu pour un large réseau de personnes allant des chasseurs et leurs aides aux agriculteurs et aux commerçantes. En de nombreux endroits, le prélèvement et la commercialisation de la faune sauvage, y compris des espèces comme les escargots d'une valeur souvent estimée inférieure, font partie intégrante du revenu monétaire des familles et jouent un rôle déterminant dans les dépenses à affecter à la scolarisation des enfants. Les industries axées sur la faune sauvage comme le tourisme, la chasse sportive et le commerce des produits dérivés se sont révélées être des sources importantes de devises dans les pays d'Afrique orientale et australe, contribuant de manière notable à l'économie nationale et assurant des emplois à un grand nombre de personnes.

Dans de nombreuses parties du continent africain, les populations d'animaux sauvages sont décimées par la surexploitation et la destruction de leur habitat qu'entraîne l'accroissement de la pression démographique et, par là, les demandes de nouvelles terres à destiner à l'agriculture et aux établissements humains. Les niveaux actuels d'exploitation ne sont durables nulle part sur le continent et les zones où existent encore de grandes populations d'animaux sauvages sont celles où sont appliquées des mesures de protection.

L'amenuisement des populations animales, en particulier celles des grands mammifères, a abouti en Afrique de l'Ouest, dont la dépendance vis-à-vis de la viande de brousse est très forte, à une situation où les ruraux sont forcés de recourir à des espèces autrefois considérées comme non comestibles. Dans ces zones, bien que la viande de chasse soit encore très appréciée, elle est maintenant hors de la portée de ceux qui jadis s'en nourrissaient. C'est ainsi que dans les enquêtes menées sur la contribution de la viande de brousse à la ration protéique au Ghana (Ntiamoa-Baidu, données non publiées), la plupart des peronnes interrogées ont répondu de façon affirmative à la question: "Mangez-vous de la viande de brousse?" (95,5% des réponses à Doryum; 92,5% à Accra; 86% à Mankesim). Cependant, dans la plupart des cas, la réponse était suivi par cette observation: "mais je n'en ai pas mangé depuis longtemps parce que je ne peux pas en trouver". Il est évident que la diminution des ressources en faune sauvage a entraîné un fléchissement général tant de la quantité de viande disponible que de son rôle dans l'alimentation des ruraux.

L'expérience montre amplement que la production de faune sauvage est une forme réalisable et viable d'utilisation des sols en Afrique, qu'il s'agisse de la gérer à l'état naturel dans des aires protégées, comme populations sauvages dans des élevages extensifs et intensifs ou comme espèces domestiques. En Afrique australe où l'élevage extensif est le plus développé, au cours de la dernière décennie le nombre d'exploitations de gibier et la superficie totale qui leur est consacrée se sont accrus de façon spectaculaire. Ce fait est à attribuer à deux facteurs: i) l'évolution des régimes de propriété qui reconnaissent aux propriétaires fonciers la responsabilité de la gestion des animaux sauvages vivant sur leurs terres et les autorisent à les exploiter et ii) la rentabilité de la production de la faune. D'après Martin (1994) dans les exploitations commerciales du Zimbabwe cette production n'a commencé à se développer que quand les agriculteurs ont été autorisés à utiliser les animaux présents sur leurs terres. Il est même signalé que certains d'entre eux en arrivent à réduire le nombre de leurs animaux domestiques pour permettre l'introduction d'espèces de valeur élevée comme le zèbre (Muir 1989). Les élevages d'autruches et de crocodiles sont de plus en plus répandus et assurent un revenu exceptionnel dans certains pays. En Afrique de l'Ouest, il a été démontré de façon probante que les ruraux peuvent produire de petits animaux sauvages tels que l'aulacode, le rat géant, le cochon d'Inde et l'escargot pour l'alimentation familiale.

A bien des égards, la valeur nutritionnelle de la viande de brousse est comparable à celle de la viande des espèces domestiques et, sous certains aspects, comme la faible teneur en matières grasses, dans bien des cas elle leur est même supérieure. Les animaux sauvages présentent plusieurs autres avantages par rapport au bétail domestique: ils exploitent mieux la végétation des terrains de parcours, ils sont adaptés physiologiquement et écologiquement au milieu africain, ils résistent aux maladies et ils fournissent un bon rendement en viande. Pour les promoteurs de la production de gibier, les espèces indigènes s'étant développées dans le milieu africain elles sont mieux à même d'en supporter les conditions. Certes, il ne s'agit pas de remplacer les bovins, ovins et caprins par des animaux sauvages mais d'exploiter les espèces indigènes dans les lieux où elles seront le plus productives et complémentaires. En effet, dans de nombreuses régions africaines non seulement il est déconseillé d'élever du bétail domestique mais il existe aussi de vastes étendues d'herbages de savane encore sous-exploitées. Ces terres marginales conviendraient parfaitement à la production de faune sauvage comme forme d'utilisation des sols.

En ce qui concerne le rendement économique, de nombreuses études ont démontré que les recettes tirées de la production de faune sauvage dépassent souvent de très loin celles obtenues de l'élevage extensif de bétail. La possibilité d'accroître ce rendement dans le cas de la faune est également beaucoup plus élevée. Ces avantages économiques découlent du fait que l'on peut accroître la valeur de cette ressource grâce à la commercialisation de produits autres que la viande comme la peau, les cornes, etc. Le rendement le plus élevé par unité de terrain s'obtient lorsque la terre est utilisée pour la production à des fins touristiques. Il a été démontré que, dans les entreprises d'élevage extensif de gibier, le bénéfice principal vient de la vente d'animaux vivants, de la chasse sportive et du tourisme plutôt que du commerce de la viande.

Dans nombreuses zones rurales d'Afrique sévissent des problèmes chroniques de pénuries alimentaires et de malnutrition, bien que cette dernière dépende moins de l'absence d'aliments riches en glucides que du manque de protéines de bonne qualité dans l'alimentation. Le kwashiorkor (un état résultant d'un déséquilibre protéique/calorique) est extrêmement répandu en Afrique et en beaucoup d'endroits les disponibilités protéiques d'origine animale sont de très loin en deçà des niveaux recommandés. Malgré les importants capitaux investis dans l'agriculture traditionnelle par les gouvernements, les institutions d'aide et les organisations multilatérales, la production de bétail domestique ne peut encore satisfaire les besoins en protéines de l'Afrique. A cela s'ajoute la pression démographique croissante. Dans une telle situation tous les types d'aliments acquièrent de l'importance et les populations rurales africaines exploitent aujourd'hui presque toutes les ressources naturelles considérées depuis toujours comme comestibles. Il est évident que dans ces conditions les formes traditionnelles d'agriculture ne pourront à elles seules résoudre le problème de l'insécurité alimentaire croissante; il est dès lors impératif de mettre au point des stratégies globales et novatrices pour y remédier. C'est là que les ressources naturelles du continent ont un rôle a jouer. La faune sauvage contribue déjà à la sécurité alimentaire en Afrique et pourra le faire encore davantage si les capitaux nécessaires sont investis dans la production, la commercialisation, la recherche et l'appui technique.

Les populations africaines ont de tout temps reconnu l'importance de la faune sauvage en tant que ressource et, depuis quelques décennies, elles prennent conscience de la valeur de sa production comme forme d'utilisation des sols. Son intégration dans les stratégies de production vivrière fait désormais partie des politiques poursuivies par les gouvernements africains et les organisations internationales comme la FAO (Riney, 1964; 1967; 1979, par exemple). Malheureusement les statistiques qui permettraient d'évaluer avec précision le niveau de dépendance alimentaire des ruraux vis-à-vis de la viande de brousse ou la contribution de la faune sauvage à l'économie africaine présentent de graves lacunes.

Il faudrait connaître la raison de ces lacunes. Il faudrait savoir pourquoi les arguments en faveur du développement de la faune sauvage en complément de la production vivrière traditionnelle n'ont pas été concrétisés avec plus de vigueur. Est-ce par manque de volonté politique, par faute des ressources nécessaires ou simplement par absence de conviction dans la capacité de la faune sauvage de contribuer efficacement à la sécurité alimentaire? Dans les parties conclusives du présent ouvrage nous analyserons le potentiel des trois grands systèmes de production de faune sauvage (gestion des aires protégées, élevages extensif et intensif de gibier et domestication des animaux sauvages) appliqués dans différentes parties du continent. Nous mettrons aussi en évidence les facteurs qui déterminent la capacité de la faune sauvage de contribuer de façon concrète à la sécurité alimentaire en Afrique.

5.2. LA PRODUCTION A PARTIR DU MILIEU NATUREL

McNeely et al. (1994) estiment qu'en Afrique subsaharienne 240 millions d'hectares sont soumis à un régime de protection. Ce chiffre, qui comprend les réserves forestières ayant des fonctions de protection de la nature, n'inclut pas les nombreuses réserves et autres terres domaniales dont l'objectif principal sans être nécessairement la conservation de la faune sauvage est sans aucun doute la sauvegarde de la diversité biologique, et qui renferment souvent un grand nombre d'animaux sauvages. Cela signifie qu'une portion considérable de l'Afrique subsaharienne est soumise à une forme ou une autre de protection et peut être aménagée pour la production de faune sauvage. Le système préconisé prévoit le renforcement de la gestion des aires protégées pour qu'elles réalisent pleinement leur capacité de conserver la diversité biologique et de satisfaire les besoins des populations africaines.

L'établissement en Afrique pendant l'ère coloniale de différentes catégories d'aires protégées avait pour objectif la protection des ressources en flore et en faune sauvages à des fins tant de conservation que de sauvegarde d'espèces sauvages d'une grande valeur esthétique. Certaines autres réserves forestières visaient la production de bois industriel alors que d'autres encore avaient pour objectif la protection de processus écologiques comme l'hydrologie et le climat local. On n'attribuait guère d'importance aux besoins des populations, qui vivaient à proximité de la faune sauvage et dont les moyens d'existence étaient liés étroitement aux ressources de leur milieu naturel, et les stratégies de protection appliquées cherchaient souvent activement à les en éloigner. Les chasseurs-cueilleurs sont devenus du jour au lendemain des braconniers et on leur a nié l'accès à des terres qui leur appartenaient de droit et sur lesquelles ils vivaient depuis des générations. Cette situation ne pouvait que susciter des antagonismes et dans certains cas des conflits très graves ont éclaté entre les collectivités locales et les fonctionnaires du gouvernement chargés de la faune sauvage. Dans certaines zones, on avait inculqué à ces populations l'idée que la consommation de viande de brousse traduisait un état de sous-développement. Grâce à cette stratégie, d'importantes sources alimentaires ont été mises en défens dans de nombreuses parties de l'Afrique, notamment dans les pays de l'Afrique orientale et australe. Malheureusement, pour de nombreux ruraux vivant dans ces zones, le système n'offrait aucune autre solution adéquate si bien que ces collectivités ont été privées d'une nourriture de base qui, autrefois, assurait l'équilibre de leur régime alimentaire. En revanche dans d'autres zones, en particulier en Afrique de l'Ouest, le système a échoué totalement dans ses efforts d'interdire l'exploitation par les ruraux des ressources protégées et, en certains endroits, la chasse a même connu un essor précisément dans les zones à peine mises en défens. Les populations de ces zones sont encore fortement tributaire de la faune sauvage qui continue à être exploitée à un rythme alarmant. S'il est maintenu, le niveau actuel d'exploitation et d'utilisation des ressources entraînera la perte non seulement d'espèces, d'habitats et de diversité biologique mais aussi de systèmes productifs et de ressources vitales pour la survie des communautés rurales africaines.

Un pourcentage élevé des aires protégées d'Afrique n'existent que sur le papier et ne donnent lieu à aucune activité réelle de gestion ou de protection. Les ressources disponibles sont nettement inférieures aux besoins; leur exiguïté et les nombreux autres problèmes intérieurs pressants d'ordre socioéconomique qui assaillent les gouvernements africains font qu'il leur est pratiquement impossible de donner à la conservation de la faune sauvage et à la gestion des aires protégées l'attention qu'elles méritent. Pourtant, cette gestion pourrait acquérir une plus haute priorité dans les allocations budgétaires si la production de faune était reconnue comme une forme valable d'utilisation des sols et comme une activité propre à contribuer au développement du pays et à l'amélioration de la qualité de la vie de ses habitants.

La valeur des ressources naturelles dans une aire protégée bien aménagée a été amplement démontrée grâce à des projets réalisés au Kenya, en Afrique du Sud et au Zimbabwe. Ces projets ont prouvé que la faune sauvage est à même de s'autofinancer, de contribuer de façon déterminante à l'économie nationale et de fournir aux collectivités rurales les moyens d'améliorer leur condition. Cependant les projets ont eu tendance à encourager les activités productrices de revenus élevés comme l'utilisation de la faune à des fins récréatives et le tourisme. Certes on ne peut nier la validité de ces objectifs. Mais il serait intéressant de connaître le nombre de villages qui bénéficient de fait directement du revenu dégagé de ces activités. Dans les aires protégées de ces pays les populations de maintes espèces sauvages supporteraient un certain niveau d'exploitation. Un exemple typique est celui des éléphants du parc national de Kruger en Afrique du Sud dont l'élimination envisagée a suscité l'an dernier un tollé général de la part de mouvements écologistes internationaux. II est intéressant de noter que la plupart de ces activitistes agissent sous l'effet de leur attachement sentimental aux animaux. Certains n'ont jamais vu l'Afrique, ignorent et continueront à ignorer ce que signifie, lorsqu'on a tout juste de quoi manger, voir des animaux sauvages détruire ses cultures et sa terre, ou provoquer la mort d'un membre de sa famille.

C'est pourquoi il est indispensable de mettre au point une politique de l'environnement appropriée et des structures techniques et institutionnelles qui permettent aux gens de gérer et d'utiliser de façon durable les ressources en faune sauvage dans les aires protégées, autrement dit un système qui consente à ces aires de contribuer à l'affirmation de la sécurité alimentaire en Afrique. Le défi majeur consiste à se servir de la protection de la faune sauvage et de la gestion des aires protégées comme un moyen pour satisfaire les besoins des populations rurales tout en sauvegardant la diversité biologique. Il faudra toutefois accepter que les ruraux exploiteront ces ressources maintenant et à l'avenir. On devra donc en tenir compte lorsque l'on tente de réconcilier la conservation de la diversité biologique et le développement durable. Ci-après figurent certaines mesures essentielles à prendre à cette fin:

  1. Reconnaissance par les planificateurs et les décideurs africains de la gestion de la faune sauvage et des aires protégées comme forme valable d'utilisation des sols.

  2. Engagement à long terme des gouvernements africains et des institutions donatrices à gérer les aires protégées et à fournir les ressources nécessaires pour un aménagement performant.

  3. Réorientation des objectifs et des buts de la gestion pour y inclure la prise en compte des besoins des collectivités locales, et formulation de stratégies aptes à garantir la répartition des avantages.

  4. Révision des politiques relatives à la gestion des aires protégées afin de créer des catégories appropriées où est autorisée l'utilisation durable de populations animales en mesure de supporter un certain niveau d'exploitation, à savoir le prélèvement durable des ressources à partir d'un système entièrement sauvage.

  5. Elaboration de politiques et création d'environnements propices à la participation des collectivités locales à la gestion de leurs ressources en faune sauvage. Un certain nombre de projets en Afrique tentent déjà d'instaurer en matière de gestion de la faune des partenariats entre la population et le gouvernement où les ruraux assument la responsabilité de la ressource et bénéficient des avantages directs de sa gestion.

  6. Mise au point de techniques appropriées de prélèvement, traitement et commercialisation. II faudra que les populations africaines retournent à leurs racines et redécouvrent les techniques et les systèmes de prélèvement traditionnels, y compris les techniques de chasse de subsistance qui ne compromettent pas la durabilité.

Certes le système préconisé ici n'est pas facile à mettre en oeuvre et les problèmes sont multiples. Il est évident, s'ils en ont la possibilité, que les gens continueront à chasser et à prélever des animaux dans les aires protégées, et qu'ils exploiteront ces dernières pour leurs propres exigences sans penser aux générations futures ou aux questions de pérennité. Il faudra donc exercer des contrôles sévères sur le prélèvement et établir des quotas et des systèmes de surveillance efficaces. En Afrique de l'Ouest, où la reconstitution des effectifs décimés est lente, le prélèvement durable dans les aires protégées restera longtemps un rêve. D'importants investissements dans la protection et la gestion seront nécessaires avant que ce rêve ne devienne réalité mais l'exploitation de gibier de Nazinga montre que le projet est réalisable.

5.3. LA PRODUCTION DANS LES ELEVAGES EXTENSIFS ET INTENSIFS

Il a été largement démontré que les élevages extensifs et intensifs de gibier sont réalisables, viables et rentables et qu'ils peuvent accroître considérablement les rendements dans de nombreuses zones d'Afrique. Grâce à de fortes subventions à la production, à la commercialisation, voire à la consommation (comme dans les pays où le prix du boeuf est subventionné par le gouvernement central), dans la plupart des pays l'élevage du bétail attire davantage l'agriculteur que celui de la faune sauvage. Pourtant, avec les investissements nécessaires, l'élevage de cette dernière peut supporter favorablement la concurrence avec le bétail. Dans le long terme, les avantages biologiques, écologiques et physiologiques inhérents à la faune, et la valeur ajoutée dont elle jouit grâce à des produits autres que la viande, pourraient faire de sa production une entreprise plus lucrative que celle du bétail dans de nombreuses partes de l'Afrique.

Pour réaliser pleinement le potentiel des élevages extensifs de gibier il faut:

Pour obtenir des produits de bonne qualité (viande, peaux, etc.) qui peuvent être vendus et assurer des recettes élevées il est indispensable de disposer de capitaux importants et d'un appui technique spécialisé. Les revenus qui peuvent être dégagés de produits de qualité commercialisables à l'étranger et les disponibilités accrues en protéines produites sur place justifient amplement les investissements nécessaires. Il est donc proposé que les organisations chargées de la promotion de la sécurité alimentaire mondiale orientent davantage leurs efforts de recherche et de développement vers la production durable de la faune sauvage.

5.4. LA DOMESTICATION DE LA FAUNE SAUVAGE

Dans la sous-région d'Afrique de l'Ouest, la consommation de viande de brousse est une tradition bien établie et ce type de viande est demandé par un grand nombre de personnes. On sait que, dans la plupart des zones, les prix de la viande de brousse sont plus élevés que ceux de la viande d'animaux domestiques et qu'il s'agit d'un marché apparemment illimité. La gestion de petites espèces prolifiques d'animaux sauvages pour la production de viande paraît donc prometteuse et pourrait être plus rémunératrice que celle du bétail conventionnel. On a largement démontré la possibilité d'élever des espèces comme l'aulacode et l'escargot géant ainsi que la viabilité économique de cet élevage. Il serait donc justifié de promouvoir l'élevage en captivité pour produire une viande bon marché et rapidement disponible non seulement pour l'autoconsommation mais aussi pour la vente. L'avantage de ce système d'élevage est qu'il peut être réalisé dans l'arrière-cour des maisons et fournir une source immédiate d'aliments; en outre la petite taille des animaux permet de les consommer en un seul repas et d'éviter ainsi les problèmes d'entreposage. Les questions qui appellent l'attention dans ce domaine sont les suivantes:

La question qui se pose est de savoir comment créer des systèmes dont les coûts et les efforts de production seront réellement inférieurs à ceux de la chasse et du prélèvement tout en assurant des rendements comparables, voire supérieurs, à ceux tirés de l'industrie traditionnelle du bétail. Il pourrait aussi être nécessaire, malgré le faible coût de production, de fournir le capital d'investissement initial aux collectivités rurales en tant qu'incitation/encouragement à entreprendre de tels projets. Les aspects de cette production sur lesquels devrait s'orienter la recherche sont les maladies, l'alimentation en saison sèche, et dans le cas d'espèces destinées à la domestication, la multiplication des reproducteurs afin de se soustraire à la nécessité de prélever des animaux sauvages pour reconstituer les effectifs.

Pour conclure, comment pouvons-nous répondre à la question posée dans le titre de ce chapitre: la faune sauvage peut-elle contribuer à la sécurité alimentaire en Afrique? Les animaux sauvages ont toujours participé intensément à la vie socio-culturelle et économique des collectivités rurales africaines, soit comme source d'aliments soit comme source d'emplois et de revenu soit encore comme source de médicaments, et il en sera toujours ainsi. La faune contribue réellement au bien-être nutritionnel des populations africaines et peut le faire encore mieux pour garantir la sécurité alimentaire si on réalise les investissements nécessaires dans les domaines suivants: recherche et développement technique, établissement de structures institutionnelles et d'un environnement politique approprié et mise au point de systèmes de prélèvement et de commercialisation adéquats.

Certains systèmes de production de la faune sauvage peuvent être réalisés plus facilement ou convenir mieux dans des zones déterminées du continent africain et nous ne devons pas nous attendre à ce qu'une approche particulière fournisse la réponse au problème alimentaire de l'Afrique. Cependant, il existe un certain nombre de questions clés qu'il faudra affronter pour que se réalise pleinement le rôle de la faune sauvage dans la recherche de la sécurité alimentaire en Afrique. Parmi ces questions sont les suivantes:

Outre la recherche en matière de techniques appropriées et durables de production, de prélèvement et de commercialisation, il existe d'autres domaines qui imposent un effort urgent. Il faudra, par exemple, pouvoir évaluer l'utilisation actuelle de la faune par les populations et la dépendance de ces derniers vis-à-vis d'elle pour leur alimentation, la contribution de la faune sauvage à l'économie nationale, les niveaux estimés durables de chasse de subsistance et les niveaux potentiels de production à partir des sources naturelles.

Ce sont là certains des domaines où l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a un rôle à jouer en incitant et en appuyant l'établissement de systèmes de production de la faune sauvage dans le contexte du développement rural, en encourageant la recherche en matière de production et en mobilisant les gouvernements africains et les institutions donatrices afin qu'ils prennent un engagement à long terme et fournissent les ressources financières nécessaires.