Le Programme de participation populaire de la FAO est issu de la CMRADR, qui appelait à «une participation et une organisation actives des populations rurales au ras de terre». Le PPP se caractérise essentiellement par un principe: constituer de petits groupes, non structurés et autodépendants, de ruraux pauvres dans le cadre d'une stratégie de longue haleine visant à édifier des institutions au service de leurs intérêts. Ces groupes sont l'occasion pour leurs membres de travailler ensemble, ils servent de mécanisme de réception pour les services de développement, et permettent à leurs membres de faire entendre leur voix auprès des autorités locales. Dans ce processus, les «facilitateurs» sont les comités de coordination du projet, les pouvoirs publics et les ONG, ainsi que les promoteurs de groupes.
Le premier projet PPP a été lancé en Sierra Leone en 1982. Depuis lors, d'autres projets ont été mis en œuvre dans les pays suivants: Ghana, Kenya, Lesotho, Nicaragua, Pakistan, Sri Lanka, Swaziland, Tanzanie, Thaïlande, Zambie et Zimbabwe. En 1989, environ 13 200 personnes avaient activement pris part au PPP. Le nombre total des bénéficiaires se chiffrait à environ 80 000 personnes.
Les principes actifs du PPP
Un examen du PPP a révélé de nombreuses similitudes, mais aussi des différences marquées, dans la mise en pratique des principaux éléments de l'approche participative. Ces éléments sont les suivants:
Focalisation sur les ruraux pauvres. Le PPP a notamment eu pour bénéficiaires des groupes d'agriculteurs immigrés au Zimbabwe, des communautés de pêcheurs artisanaux en Tanzanie, et des agriculteurs de subsistance au Ghana, au Nicaragua et en Thaïlande.
Promotion de l'intégration des femmes dans le développement. Environ 5 000 femmes — soit 37 pour cent du total des participants — prennent activement part à des projets PPP. Si leur représentation reste faible dans certains pays, au Lesotho, au Swaziland et en Zambie on en compte sept pour 10 participants, voire plus.
Petits groupes. Le principe fondamental du PPP est la constitution de petits groupes homogènes autodépendants. Environ 1080 groupes de ce type, comptant en moyenne 12 membres, ont été constitués. Dans d'autres pays, le nombre des groupes va de 18 à 90. Ces groupes fonctionnent démocratiquement, leurs membres tiennent des réunions régulières et élisent leurs responsables.
Organes d'exécution. Les ministères ou les institutions paragouvernementales sont chargés de l'exécution des projets au Pakistan, en Sierra Leone, à Sri Lanka, au Swaziland, en Tanzanie, en Thaïlande, en Zambie et au Zimbabwe. Avec l'accord des pouvoirs publics, des ONG ont été désignées comme organes d'exécution au Ghana, au Kenya, au Lesotho et au Nicaragua.
Comités de coordination. Pour porter au maximum l'efficacité de l'utilisation des ressources et promouvoir une meilleure compréhension du PPP, la FAO encourage la constitution de comités de coordination. Sur le terrain, ces comités se composent de bénéficiaires, d'agents et d'administrateurs de projets, qui gouvernent donc la mise en œuvre du projet. A l'échelon national, des représentants des ministères, des ONG et de la FAO en suivent les résultats.
Personnel national de projet. Tous les coordinateurs de projets sont des nationaux formés par la FAO. Chaque coordinateur de projet est recruté directement par l'organe d'exécution, en général dans les rangs des fonctionnaires de l'administration. Les coordinateurs de projets peuvent être des cadres des services de vulgarisation, des économistes, ou encore des travailleurs sociaux.
Promoteurs de groupes (PG). Environ 130 PG ont été choisis et formés pour appuyer le développement des groupes PPP et assurer la liaison entre ces groupes et les services gouvernementaux. Quoique la plupart des PG soient des agents de vulgarisation agricole, des enseignants ou des diplômés de l'enseignement secondaire, le PPP encourage le recrutement de PG de la «deuxième génération» parmi les membres de groupes.
Génération de revenus. Encouragés par leur PG et avec le concours des services gouvernementaux, les membres de groupes PPP entreprennent des activités génératrices de revenus supplémentaires pour étoffer et diversifier leur base économique. La majorité des groupes sont actifs dans le domaine de la production vivrière de base et de la production animale, et se rendent ensemble sur les parcelles individuelles de leurs membres ou sur des exploitations collectives pour préparer la terre, semer et récolter.
Epargne de groupe. L'un des objectifs importants du PPP est de mobiliser une épargne collective qui permette d'obtenir des crédits additionnels, de couvrir les manques à rembourser, et de constituer puis de grossir le capital de base de leurs membres. En 1989, les participants au PPP avaient économisé au total 68 000 dollars. L'épargne individuelle dépassait 5,10 dollars en moyenne.
Crédit collectif. Pour faciliter l'obtention de prêts par les groupes PPP, la FAO couvre le risque de non-recouvrement pris par les banques au moyen d'un Fonds de garantie des prêts constitué auprès d'institutions de prêt dans les huit pays concernés. Les groupes PPP ont reçu en 1989, au total, 350 000 dollars de prêts, soit en moyenne 324 dollars par groupe.
Formation. L'amélioration des capacités d'organisation et de production des membres des groupes PPP est un facteur hautement prioritaire. La formation est en général apportée par des vulgarisateurs du service public à la demande du personnel du projet ou des groupes. Elle porte sur une vaste gamme de sujets, qui vont de la planification de projets à la comptabilité, de l'entreposage des vivres à l'élevage et à la conservation des sols.
Suivi et évaluation en participation. Les membres des groupes participent pleinement aux activités de recherche-action liées au projet, ainsi qu'au suivi et à l'évaluation des activités de projet.
Autodépendance. Les groupes sont vivement incités à accroître leur autodépendance pour se préparer au retrait progressif du PG et de l'assistance de la FAO. L'autodépendance est induite et préparée par la formation, la mobilisation de l'épargne et l'organisation horizontale des groupes PPP en organismes autogérés de type fédératif chargés de servir leurs intérêts plus généraux. Environ 121 fédérations de groupes ont été constituées.
Faire des émules
La FAO estime que l'hypothèse de travail du PPP — à savoir inscrire la participation populaire dans la pratique en constituant de petits groupes — repose sur un concept prometteur et une méthode valable. La tâche à entreprendre maintenant est de reproduire cette approche à plus grande échelle. Reproduire, ou plutôt faire des émules: diffuser les concepts, la méthodologie et les pratiques du PPP auprès des gouvernements, des donateurs et des autres organismes de développement, en cherchant à les adapter aux conditions locales.
Pour stimuler davantage ce processus, des spécialistes du développement de 14 pays se sont réunis à Arusha (Tanzanie) en 1989 dans le cadre d'un atelier international qui a permis d'établir les orientations ci-après en vue de la diffusion de l'approche PPP. Avec la publication des présentes orientations, le Programme de participation populaire entame une nouvelle phase. Les concepts et les pratiques de participation élaborés au cours de la décennie passée sont ainsi proposés pour être incorporés dans les programmes de développement rural et agricole du monde en développement tout entier.
Les origines du PPP
La collaboration qui s'exerce entre la FAO et les organisations de petits agriculteurs en Asie a nourri en grande partie la réflexion théorique et l'expérience de terrain à partir desquelles a été élaboré le PPP.
Au début des années 70, la FAO a lancé son Programme d'action en faveur des organisations rurales (PAOR), s'efforçant ainsi d'identifier quelles étaient les institutions rurales qui facilitaient la participation des agriculteurs. La principale constatation a été que les groupes informels étaient de meilleurs véhicules de la participation à la prise de décisions et à l'apprentissage collectif que les organisations plus structurées, de plus grande envergure et plus hétérogènes.
Le PAOR a encouragé la FAO à définir son Programme de développement en faveur des petits agriculteurs, lancé en 1976. Le Programme a organisé des milliers de groupes participatifs au Bangladesh, en Indonésie, en République démocratique populaire Lao, au Népal, aux Philippines, à Sri Lanka et en Thaïlande. Le projet mené au Népal (à gauche) a été une grande réussite: en 1989, il avait organisé 100 000 agriculteurs et prévoyait de toucher 325 000 ménages pauvres à l'horizon 1995. Les projets à Sri Lanka et en Thaïlande ont été regroupés en projets PPP.
Les projets PPP
Afrique subsaharienne
Asie et Pacifique
Amérique latine et Caraïbes
1. Sierra Leone 2. Ghana 3. Kenya 4. Tanzanie 5. Zambie 6. Zimbabwe 7. Swaziland 8. Lesotho 9. Pakistan 10. Sri Lanka 11. Thaïlande 12. Nicaragua
Le rôle de la FAO
Chaque projet PPP est mis en œuvre par du personnel de projet national employé par l'organe d'exécution désigné. La FAO exerce un rôle de conseil technique global. Elle participe étroitement à la définition, à la formulation et au lancement de chaque projet, et conclut les accords juridiques nécessaires avec les organes d'exécution et les établissements de crédit. Au cours de la mise en œuvre du projet, elle dépêche ses propres spécialistes ou des consultants recrutés sur place en missions d'appui technique, de formation, et de suivi et d'évaluation, et assure l'administration générale du projet (y compris contrôle budgétaire, achat des principaux intrants et établissement de rapports adressés aux donateurs).
Le PPP étant une opération pilote, le rôle de la FAO y a été intensif, surtout en ce qui concerne le suivi, l'orientation et l'élaboration de manuels et de programmes de formation. Il est toutefois escompté que la deuxième génération de projets PPP exigera un soutien moins intense de la part de la FAO.