Introduction
La participation active des “démunis” au développement ne peut se réaliser que dans la mesure où les organisations locales d'auto-assistance gérées par les adhérents eux-mêmes et pour leur propre compte cherchent à atteindre les objectifs socio-économiques de chacun des adhérents. Ce principe, qui fait partie intégrante du plan d'action relatif à la participation populaire, sert de fil conducteur à la FAO dans ses activités de promotion des coopératives et autres associations communautaires auprès des pauvres en milieu rural. Le présent document a été élaboré en tenant compte du principe évoqué plus haut et en s'appuyant sur l'expérience de la FAO et des autres organismes et experts de développement. Ce document, destiné au personnel technique de la FAO, aux cadres et employés du secteur public, aux ONG et autres institutions s'intéressant au développement rural, a pour objectif de familiariser le lecteur aux méthodes de la FAO en matière de promotion des organisations d'auto-assistance. Il met en exergue la théorie qui soustend la stratégie de la FAO en matière de promotion d'organisations destinées aux populations rurales, explique les concepts fondamentaux et donne les grandes lignes d'une méthode pratique fonctionnant étape par étape. L'approche de la FAO tient compte de tous les aspects de développement des organisations d'auto-assistance, de la viabilité financière à la valorisation des ressources humaines, évitant ainsi le piège qui consiste à créer des institutions qui sont tributaires de l'assistance extérieure.
Initiative personnelle et organisations d'auto-assistance
Les organisations d'auto-assistance (OAA) sont des organisations dans lesquelles des individus se regroupent en raison de leurs intérêts communs et unissent leurs efforts pour améliorer leurs propres conditions de vie. Indépendamment de leur statut juridique ou de leur caractère officiel, les organisations d'auto-assistance doivent répondre aux critères suivants:
un groupe de personnes ayant au moins un objectif commun;
actions conjointes du groupe afin d'atteindre l'objectif du groupe;
promotion du bien-être des adhérents par les efforts conjoints des adhérents eux-mêmes.
Selon cette définition, au sens large, il existe une diversité d'organisations d'auto-assistance, allant des groupes autochtones d'entraides familiales, des conseils communautaires traditionnels aux associations de femmes, organisations de travailleurs ruraux ou syndicats de paysans, aux sociétés coopératives agréées.
Pour soutenir le développement des structures d'auto-assistance viables, au sens socio-économique, il est convenable d'établir une différence au point de vue fonctionnelle entre les organisations d'auto-assistance.
Une distinction doit être établie entre:
les organisations d'auto-assistance autonomes en vue de la promotion des intérêts socio-économiques des membres grâce à leurs efforts personnels et leurs propres moyens (organisations d'auto-assistance au sens premier du terme), et
les organisations d'auto-assistance créées pour l'acquisition et la distribution des aides extérieures.
Ces dernières, en tant qu'organisations de bénéficiaires, sont faciles à promouvoir mais ne favorisent pas le développement autonome des organisations d'auto-assistance.
Pour la promotion des organisations d'auto-assistance autonomes, gérées pour le compte des bénéficiaires, les conditions de base pour l'émergence de telles organisations sont les suivantes: volonté et capacité des membres à s'entraider et autonomie pour créer des organisations d'auto-assistance.
En outre, un promoteur de structures d'auto-assistance doit tenir compte des conditions nécessaires pour une viabilité soutenue des organisations d'auto-assistance. Le Test-OAA est une méthode permettant d'analyser les conditions de viabilité (future) d'une organisation d'auto-assistance (programmée).
Cette méthode s'appuie sur l'hypothèse qui veut qu'un individu n'adhère pas automatiquement à une organisation d'auto-assistance (exception faite des groupes autochtones d'entraide familiale ou communautaire), mais compare ses services et ses produits à d'autres possibilités existantes (exemples: services publics, entreprises privées). Par conséquent, une organisation d'auto-assistance est confrontée à deux tests lorsqu'elle tente d'attirer des membres en leur fournissant des avantages nets: premièrement, elle doit avoir un éventuel avantage comparatif par rapport aux autres institutions (Test de Marché) et deuxièmement, elle doit mettre en oeuvre ou transformer ces avantages au bénéfice de ses membres (Test de Participation). Ces deux méthodes d'évaluation constituent le Test-OAA.
Le test de participation met en lumière les aspects importants pour la viabilité d'une organisation d'auto-assistance: promotion effective des membres par l'organisation d'auto-assistance, et participation dans le même temps des membres aux activités de l'organisation. Par conséquent, la participation des membres dans ce contexte doit être traduite par:
les apports (apports personnels);
la participation aux processus de prise de décision, et
la participation aux bénéfices (participation au produit final).
Promotion des structures d'auto-assistance
L'objectif final d'une organisation d'auto-promotion est de soutenir la création et la viabilité des structures d'auto-assistance auto-centrées et autonomes. En vue d'atteindre ces objectifs trois stratégies différentes sont appliquées:
pour initier des nouvelles organisations d'auto-assistance ou nouveaux mouvements d'auto-assistance (stratégies de création d'organisation d'auto-assistance),
pour renforcer la viabilité des organisations d'auto-assistance existantes (stratégies de diversification des organisations d'auto-assistance), ou
pour transformer les organisations existantes sous contrôle de l'Etat en organisations d'auto-assistance autonomes (stratégies de désengagement de l'Etat et autres institutions de promotion des organisations d'auto-assistance).
Ces stratégies sont énoncées dans le concept GACOPEA (Gestion Appropriée des Coopératives de Petits Exploitants Agricoles)*. Les cinq éléments de base de cette approche sont: la participation, la gestion, la diversification, l'intégration et la formation. (voir Chapitre 5).
Les stratégies pour l'institution de nouvelles organisations d'auto-assistance devront tenir compte des conditions de développement pour la réussite d'une coopérative d'auto-assistance au niveau de la base (expériences antérieures, environnement actuel, avantages attendus, disponibilité des ressources, etc..). Afin de promouvoir des organisations qui ne seront pas en permanence tributaires de l'extérieur, il est, en outre, nécessaire de voir si l'organisation d'auto-assistance nouvellement créée pourra promouvoir ses membres sur une base durable et autonome.
En général, cet objectif peut être atteint plus facilement par un groupe d'organisations d'auto-assistance que par des organisations isolées. Pour réussir la création d'un tel réseau de structures d'auto-assistance les principaux facteurs suivants sont à prendre en considération:
l'existence d'un environnement politique et juridique favorable ou du reste non contraignant,
l'existence d'un concept clair et réaliste relatif à la coopérative d'auto-assistance,
une stratégie claire pour la formation des organisations d'auto-assistance, y compris une série d'instructions pratiques,
l'existence d'une institution capable de mettre en oeuvre la stratégie prévue sur une longue période, et
la disponibilité de promoteurs qualifiés en matière de structures d'auto-assistance.
La diversification intervient lorsqu'une organisation d'auto-assistance étend ses objectifs et offre de nouveaux produits ou prestations de services à ses membres ou leur donne accès à de nouveaux marchés. L'expérience a prouvé que la diversification peut apporter des avantages supplémentaires aux membres des organisations d'auto-assistance et en même temps venir en complément au potentiel interne des organisations d'auto-assistance pour la diversification (les capacités des membres et de la direction). La diversification pourrait toutefois impliquer une organisation et une gestion plus complexes. Dans le contexte d'une promotion des structures d'auto-assistance, l'apport des membres est un élément décisif pour le succès durable de la diversification. La surestimation par les promoteurs extérieurs du potentiel d'une organisation d'auto-assistance à diversifier ses activités pourra entraîner un recul des initiatives personnelles et conduire à la transformation d'une organisation d'auto-assistance autonome en une organisation d'acquisition et de distribution de l'aide extérieure et à “officialiser” cette OAA.
Promouvoir le désengagement des organisations d'auto-assistance consiste à transformer celles sous tutelle ou sous influence de l'Etat ou d'un projet de développement ou d'une ONG en organisations autonomes, gérées par ses propres membres. Dans le cadre de ce processus il faut tenir compte des différents objectifs, intérêts et potentialités qui sont quelquefois divergents. Le temps nécessaire pour réussir le désengagement varie d'une organisation à l'autre et des déconvenues peuvent être constatées. En conséquence, le développement des stratégies visant à se désengager des organisations ne peut se faire que par étape et l'assistance extérieure devrait donc s'attacher à faciliter un dialogue permanent entre tous les partenaires. La promotion des structures d'auto-assistance nécessite un cadre souple où les stratégies et projets doivent être considérés comme des processus dynamiques que les participants doivent eux-mêmes adapter en permanence aux situations changeantes. Ce projet dynamique nécessite:
un dialogue permanent entre les partenaires,
une analyse permanente de l'environnement présent et futur prévisible,
l'identification conjointe des objectifs réalisables, et
la planification et la mise en oeuvre progressive des mesures d'auto-promotion.
La formation mutuelle dans le cadre des projets d'auto-promotion exige, de plus, des nouveaux procédés et instruments axés sur la pratique pour le suivi et l'évaluation, qui:
peuvent facilement être appliqués par la majorité des participants aux projets sans nécessairement avoir une expérience préalable,
réduire les coûts en terme de travail et de temps pour tous les participants, et par conséquent,
permettre la participation de tous les participants aux projets.
Au lieu de consentir des subventions aux organisations d'auto-assistance ou aux institutions d'auto-promotion, il faudrait plutôt mettre l'accent sur les instruments d'assistance indirecte visant à renforcer la viabilité et à développer les capacités des organisations d'auto-assistance et des institutions d'auto-promotion. La formation des membres, de leurs leaders et des directeurs d'organisations d'auto-assistance, et la sensibilisation des décideurs, tant au niveau politique qu'au niveau administratif, aux concepts et activités, se classe dans la catégorie de l'assistance indirecte.
Pour réorienter les programmes de promotion, qui à présent portent plus sur la formation technique, vers le renforcement de l'esprit d'entreprise des promoteurs d'organisations d'auto-assistance, il sera nécessaire d'introduire des méthodes de formation et d'auto-évaluation participatives et d'employer des formateurs-animateurs capables d'utiliser ces approches.
La sélection d'une institution de coopération éventuelle pour la mise en oeuvre du programme d'auto-promotion doit reposer sur une analyse minutieuse de l'efficacité et de la capacité de cette institution à mener des activités d'auto-promotion en examinant sa performance antérieure.
De plus, les promoteurs d'organisations d'auto-assistance (entreprises de développement en qui les groupes cibles ont confiance) devront travailler dans la même zone du projet pendant quelques temps. Afin d'éviter la démobilisation et la migration du personnel local, des mesures incitatives consistant à proposer des emplois de longue durée, des salaires adéquats, des perspectives de carrière réalistes et des couvertures sociales doivent leur être offertes.
La période accordée à l'assistance extérieure pour la mise en place d'organisations d'auto-assistance doit, d'une part, être assez longue pour permettre le processus d'apprentissage et de transfert des compétences et d'autre part, elle doit être limitée et bien programmée pour éviter de créer des organisations destinées à la distribution de l'aide extérieure.
* AMSAC (Appropriate Management Systems for Agricultural Cooperatives).
Plan de l'étude
Cette étude, d'une manière progressive:
définit le concept d'auto-assistance et les différents types d'organisations d'auto-assistance (Chapitre 1),
analyse les conditions essentielles pour la création d'organisations d'auto-assistance viables et autonomes (Chapitre 2),
explique le processus de prise de décision stratégique suivi par un éventuel membre avant d'adhérer à une organisation d'auto-assistance (Test-OAA) (Chapitre 3),
présente les principales conditions nécessaires à la survie des organisations d'auto-assistance (Chapitre 4),
présente les éléments de base de trois stratégies efficaces pour la création, la diversification et la promotion du désengagement des organisations d'auto-assistance (Chapitre 5),
identifie une approche appropriée pour la planification, le suivi et l'évaluation de programmes et projets effectifs d'auto-promotion (Chapitre 6–8),
évalue les outils actuels pour l'auto-promotion (Chapitre 9), et
résume l'expérience générale en ce qui concerne la sélection des institutions de coopération et du personnel ainsi que la durée des projets d'auto-promotion (Chapitres 10–12).