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Chapitre 10. Facteurs économiques intervenant dans l'adoption et l'utilisation des phosphates naturels


L'accroissement de la pression démographique, la réduction de la durée de la jachère, le déboisement et les pratiques agricoles inadaptées ont entraîné une dégradation des sols dans de nombreuses régions du monde en voie de développement. Une importante manifestation de ces dommages environnementaux est représentée par les éléments nutritifs et la matière organique qui ne sont plus rapportés au sol de manière satisfaisante. En particulier, la déficience en phosphore (P) devient critique dans beaucoup de sols. De plus, en raison des complémentarités dans l'absorption des éléments nutritifs de plante, cette insuffisance menace de diminuer la rentabilité des apports d'autres éléments nutritifs. Afin de préserver la durabilité de l'agriculture et sauvegarder les moyens d'existence de la population rurale, il y a un besoin pressant de reconstruire la fertilité du sol et d'ainsi maintenir et améliorer les niveaux courants de productivité et le revenu des exploitations agricoles (Heerink et al., 2001).

L'intensification durable et les changements vers des cultures à forte valeur exigent une application soigneuse d'intrants extérieurs tels que les engrais inorganiques. Un certain nombre de facteurs ont limité l'utilisation d'engrais, particulièrement en Afrique subsaharienne et dans les pays d'Asie à faibles revenus. Les plus importants facteurs sont: les moyens financiers limités et la capacité à prendre des risques des agriculteurs, les mauvais systèmes de distribution, onéreux pour les engrais (et les excédents de productions commercialisables), le manque de connaissance sur le potentiel d'utilisation du phosphate naturel local (PN) et l'absence de techniques non industrielles visant à augmenter la solubilité des PN (Appleton, 2001).

Dans beaucoup de pays, le manque de devises étrangères a restreint l'utilisation des engrais en limitant les importations. Par ailleurs, l'approvisionnement domestique a souffert des interventions et des règlements gouvernementaux qui ont entravé l'apparition d'un commerce privé des engrais. En conséquence, ces pays sont devenus excessivement dépendants de l'aide en matière d'engrais. Comme la plupart des donateurs bilatéraux sont peu disposés à prendre des engagements à long terme pour l'aide en engrais, la dépendance à l'égard de l'aide présente un degré élevé d'incertitude et empêche le développement de systèmes efficaces de fourniture d'intrants et de réseaux de commercialisation. Elle décourage également l'utilisation d'engrais parce que les agriculteurs ne se sentent pas enclins à adopter des pratiques de cultures intensives en matière d'engrais quand l'accès à l'engrais est incertain. Un autre inconvénient de cette assistance en matière d'engrais bon marché et subventionné: cela réduit les incitations à développer les ressources nationales, particulièrement les PN pour l'application directe.

Après la mise en place des programmes d'ajustement structurel, le prix réel de l'engrais importé a augmenté sensiblement, créant une autre contrainte pour son utilisation. Cependant, en même temps, un engrais importé plus cher est une incitation pour développer des produits de remplacement locaux.Couplée à la lassitude généralisée des donateurs envers les projets d'aide en nature, la restauration de la fertilité du sol par des programmes d'aide est considérée de plus en plus comme un substitut plus durable et rentable que l'aide alimentaire. Du fait de rendements plus élevés, l'amélioration de la fertilité du sol constitue une contribution à long terme pour l'augmentation de la sécurité alimentaire.

Les dépenses liées à l'application des sources de phosphore, particulièrement celles ayant une teneur significative en phosphore moins soluble telles que les PN, peuvent être considérées comme une restauration des ressources naturelles de base, du fait que cela augmente et maintient le stock du capital naturel incorporé dans les ressources du sol. A cet égard, le PN doit être vu comme un amendement qui améliore le sol, rendant plus efficace l'utilisation des intrants courants tels que les engrais pour la nutrition des cultures, l'eau et le travail. Les agriculteurs et la société tirent bénéfice de cette augmentation de la production agricole et de la diminution de l'épuisement des éléments nutritifs pour la production agricole (Gerner et Baanante 1995). Définie en ces termes, l'application de PN peut être considérée comme un investissement en capital.

La distinction entre l'application de PN comme amendement du sol et comme engrais pour les cultures est importante. Des engrais phosphatés peuvent être produits par un enrichissement relativement simple du PN aussi bien que par un traitement industriel. Le PN et les phosphates hydrosolubles, comme le superphosphate simple (SSP), le superphosphate triple (TSP) et le phosphate di-ammonique (DAP), sont alors des intrants en concurrence que les agriculteurs choisiront sur la base du prix, de la disponibilité, de la qualité et d'autres caractéristiques. La question appropriée est «dans quelles circonstances, le PN local l'emporte-t-il sur les engrais industriels?». De plus, les agriculteurs peuvent combiner le PN comme amendement de base pour le sol avec des applications régulières d'engrais industriels.

Le PN en tant qu'investissement en capital soulève diverses questions concernant le financement de tels amendements de sol. En premier lieu, l'investissement est lourd et exige un premier apport de grandes doses de PN que les productions valorisent sur une longue période. Les agriculteurs pauvres n'ont souvent pas les ressources financières adéquates pour investir; les banques commerciales ne veulent pas prêter en raison du risque important et de la faible garantie. En second lieu, cela relève la fertilité naturelle des sols épuisés. L'investissement dans les sols est comparable aux projets de réhabilitation des terres ou d'amélioration foncière. Ils exigent tous des investissements publics, qui augmentent la rentabilité privée à long terme et changent les avantages comparatifs dans la production.

ADOPTION ET EMPLOI POSSIBLES DE PHOSPHATE NATUREL PAR LES UTILISATEURS FINAUX

Des études de cas d'application de PN au Burkina Faso, à Madagascar, au Mali et au Zimbabwe (World Bank, 1997, NEI, 1998, Kuyvenhoven et al., 1998b, Henao et Baanante, 1999) ont montré que les taux de rendement au niveau des exploitations agricoles peuvent être fortement attrayants pour différentes cultures, et encore plus quand les incidences sur l'environnement pour la société dans son ensemble sont prises en compte. En dépit de ces résultats, l'adoption demeure limitée dans la pratique. Contrairement aux PN locaux, les engrais phosphatés dérivés, habituellement importés, ont des performances souvent meilleures (Appleton, 2001). Cependant, on n'observe pas non plus une utilisation répandue de telles sources importées de phosphore, sauf pour un certain nombre de cultures commerciales. Une analyse coûts-bénéfices de l'application d'engrais appréhende seulement une partie du comportement d'adoption des agriculteurs. Afin de comprendre les facteurs qui restreignent une adoption plus importante, une analyse plus complète des stratégies des ménages d'exploitants agricoles est nécessaire.

En général, les ménages d'exploitants agricoles adoptent les pratiques, technologies et activités (agricoles et non agricoles) qui s'adaptent le mieux à leurs objectifs en tenant compte de leurs dotations en ressources propres, des contraintes et de l'environnement socio-économique dans lequel ils fonctionnent. Ceci implique que des interventions particulières telles que l'application de PN ne devraient pas être analysées isolément mais être considérées en même temps que des options en concurrence (en termes de temps, de main d'œuvre, de financement, de revenus, etc.).pour le ménage ou la société d'exploitation agricole. C'est dans ce sens que la rentabilité est seulement une condition nécessaire pour l'adoption.

Les facteurs principaux qui sont considérés comme déterminants pour l'adoption, et celle des PN en particulier, sont: les droits de propriété (ou de possession continue) afin d'assurer l'accès aux flux de revenus, la taille de l'exploitation agricole, la part de terre en culture et le pourcentage des terres en réserve (indicateur de la pression sur les ressources), l'accession au crédit, les revenus hors exploitation agricole disponibles pour un investissement sur l'exploitation, le système de production, l'accès aux approvisionnements opportuns et adéquats en engrais et autres intrants et leurs prix ainsi que la connaissance et l'accès aux informations sur l'utilisation des engrais et la technologie de production agricole en général. Ces facteurs influent sur la durée limite (et implicitement le taux d'escompte) pour des décisions d'investissement et sur le degré d'aversion des ménages d'exploitants agricoles par rapport aux risques impliqués.

Souvent les agriculteurs ne possèdent pas la terre qu'ils travaillent. Par conséquent, ils sont souvent peu disposés à investir dans l'amélioration foncière à long terme. Les agriculteurs ayant des droits d'accès bien établis à la terre recueilleront tous les revenus supplémentaires à court et à long terme liés à l'application de PN. Les agriculteurs qui ont un droit d'usufruit de la terre sur une base à long terme grâce à des arrangements de location de terres, tels que le métayage, partageront ces avantages avec les propriétaires fonciers qui peuvent être des propriétaires privés ou la communauté dans son ensemble. Les agriculteurs locataires qui sont des métayers sur une terre pendant seulement une saison de culture n'obtiendront aucun des bénéfices à long terme et seulement une partie des bénéfices à court terme (Gerner et Baanante, 1995). Le système des droits fonciers - accès à la terre - dans beaucoup de pays les moins avancés (PMA) peut être caractérisé comme un type communautaire traditionnel de droit foncier et d'utilisation de la terre avec les caractéristiques suivantes: (i) faible concentration de la propriété (droits de souveraineté acquis pour la communauté), (ii) culture décentralisée (droit d'usufruit pour les membres du groupe) et (iii) production pour la subsistance. Par conséquent, l'investissement dans le PN est plus susceptible d'être mis en application comme un investissement public. Par conséquent, la communauté dans son ensemble devrait financer cet investissement et non les agriculteurs individuellement.

Un investissement en capital pour le sol grâce à l'application de PN a un coût élevé au départ et des retours sur investissements sur une longue période. L'accès au crédit est généralement limité. Cependant, des revenus hors exploitation agricole peuvent aider à surmonter une contrainte de capital ou financer l'achat d'un type d'innovation à investissement fixe (Feder et al., 1985). La taille de l'exploitation agricole peut avoir différents effets sur le taux d'adoption des nouvelles technologies, telles que l'utilisation de PN, selon les caractéristiques de la technologie et de l'arrangement institutionnel. Le rapport entre la taille de l'exploitation agricole et l'adoption dépend de facteurs tels que les coûts fixes d'adoption, les préférences en matière de risque, le capital humain, les contraintes de crédit, les besoins de main-d'œuvre et les arrangements fonciers. Une contrainte souvent mentionnée pour l'adoption d'une technologie par de petites exploitations agricoles est liée aux coûts fixes de mise en place. Dans le cas de l'application de PN, ces coûts sont considérables. Des coûts fixes importants réduisent la capacité à adopter et diminuent le taux d'adoption pour les plus petites exploitations agricoles (Feder et al., 1985).

La plupart des agriculteurs voulant investir dans l'apport de PN ont un système de culture relativement intensif. Dans de tels systèmes de culture, la traction animale est déjà disponible et du fumier est appliqué. Le PN à appliquer pour reconstituer la fertilité à long terme devrait être à la disposition des agriculteurs en temps utile, étant donné que l'application après la période optimale réduit la possibilité d'obtenir une augmentation immédiate du rendement. La disponibilité de main-d'œuvre est une autre variable qui affecte la décision des agriculteurs par rapport à l'adoption de nouvelles pratiques ou intrants agricoles. C'est un facteur particulièrement important en Afrique (Helleiner, 1975). Les nouvelles technologies, telles que l'application de PN, augmentent la demande saisonnière de main-d'œuvre. Par conséquent, l'adoption est moins intéressante pour des ménages d'exploitants agricoles ayant une main-d'œuvre familiale limitée ou ceux qui sont dans des zones avec un moindre accès au marché du travail. Les pénuries de main-d'œuvre surgissent principalement en raison de la migration des ouvriers, du fardeau excessif pesant sur les femmes et d'un manque de traction animale. Les conséquences sont des labours en retard, un semis en retard, des sarclages en retard, une récolte tardive et de faibles rendements.

Le délai existant entre l'application du produit et les effets visibles sur les cultures est une contrainte liée spécifiquement à l'application d'engrais phosphaté. Selon la réactivité du PN, les effets observables peuvent se produire pendant la même saison de culture que l'application ou trois années ou plus après l'application. Le manque de connaissances et de services de vulgarisation peut être une autre contrainte pour l'utilisation des PN. L'impossibilité de lire et de comprendre les emballages et les instructions d'utilisation des engrais limite l'efficacité de l'information écrite comme moyen de disséminer la connaissance au sujet des engrais. L'expérience des recherches au champ a montré au moins une contrainte pour l'utilisation du PN. En Afrique occidentale, les agriculteurs se sont plaints qu'en épandant le PN finement broyé, le vent leur a envoyé du produit dans les yeux et cela leur a causé une sensation de brûlure.

Les facteurs mentionnés ici correspondent bien à ceux donnés par Henao et Baanante (1999) dans leur étude de cas au Mali. Ils soulignent «l'étendue et l'importance relative pour les ménages ruraux des excédents commercialisables de leur production, en particulier les rendements et les prix des productions agricoles et animales. Un développement durable des excédents commercialisables des agriculteurs devrait être associé à l'expansion de l'adoption du PN et d'autres intrants extérieurs. Le manque d'excédent commercialisable lié à l'agriculture de subsistance est une sérieuse contrainte pour l'adoption du PN et des autres intrants extérieurs. Il est important de noter que la croissance durable des excédents commercialisables des agriculteurs dépend également de l'existence de débouchés sur le marché et de la demande pour leurs produits qui peuvent assurer des prix stables et adaptés» (Henao et Baanante, 1999). Appleton (2001) a rapporté des conclusions semblables concernant le comportement des agriculteurs.

Enyong et al. (1999) ont analysé les perceptions et attitudes des agriculteurs envers les technologies augmentant la fertilité du sol (= SFET: Soil-Fertility Enhancing Technologies) introduites en Afrique de l'Ouest. Ils en ont conclu que les agriculteurs sont bien informés et pratiquent des SFET qui incluent l'application de PN, des résidus de récolte et de fumier, des engrais chimiques et la rotation de cultures pour combattre le déclin de la fertilité du sol. Un certain nombre de facteurs influencent leur attitude et les raisons sous-tendant ces décisions d'adoption. Ces facteurs incluent les politiques d'utilisation de la terre, les ressources en main-d'œuvre, les soucis de sécurité alimentaire, la perception de la rentabilité, la contribution à la durabilité et l'accès à l'information. Enyong et al. (1999) ont observé que certains de ces facteurs sont hors de contrôle des agriculteurs et exigent un large effort intégré des services de la recherche, de la vulgarisation et du gouvernement pour favoriser l'utilisation des SFET (PN y compris) dans la région.

COÛT DE PRODUCTION, DE TRANSPORT ET DE DISTRIBUTION

Divers pays dans le monde en voie de développement possèdent des réserves de PN, mais peu de ces ressources sont exploitées commercialement à une échelle conséquente. Appleton (2001) a fourni un aperçu complet des réserves et des conditions de production et d'infrastructure en Afrique subsaharienne, mais avertit que les données de coûts pour la production, le transport et la distribution de PN varient considérablement, selon les caractéristiques du site et l'infrastructure disponible. Chaque cas est susceptible d'être substantiellement différent et empêche une quelconque conclusion générale sur la viabilité des mines et des usines de traitement si une évaluation détaillée technique, économique et institutionnelle/organisationnelle n'est pas fournie. Une fois que de telles études de préfaisabilité ont justifié des recherches complémentaires, une étude complète de faisabilité peut être lancée.

En raison des circonstances extrêmement variables d'extraction, de production et de distribution, cette première section est limitée à une brève vue d'ensemble. Les sections suivantes fournissent quelques informations générales sur la commercialisation du PN dans diverses régions du monde, alors que les sections finales présentent une étude de cas sur la production à grande échelle de PN au Venezuela pour illustrer certaines caractéristiques de la chaîne de production. Le reste de cette section traite des aspects de production de PN en Afrique subsaharienne.

Le Sénégal et le Togo produisent du PN, mais la majeure partie de leur phosphate est destinée à la production d'engrais chimique. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont également des PN, mais leur exploitation est faite sur une petite échelle. La qualité est insuffisante pour un usage dans l'industrie chimique. Par ailleurs, les frais de transport sont prohibitifs. Plusieurs tentatives ont été faites de favoriser l'utilisation à grande échelle du PN, mais le succès a été limité. Une des raisons principales est le prix relativement élevé du produit.

L'équipement de broyage est assez onéreux et les investissements sont seulement rentables pour de grandes quantités. L'équipement est techniquement simple et les coûts de production par tonne sont relativement bas. Augmenter les quantités permettrait de faire des économies d'échelle considérables. Alors que l'usine existant au Burkina Faso produit 2 000 tonnes de PN par an à un prix départ usine d'environ 97 dollars EU la tonne, l'investissement pour une nouvelle usine passant la production à 30 000 tonnes par an aurait comme conséquence un prix de moins de 24,25 dollars EU par tonne, comparable aux prix départ usine du PN du Togo et du Sénégal (NEI, 1998).

Le PN est un produit volumineux. Sa nature encombrante, combinée aux longues distances de la mine au champ et à l'état souvent mauvais des routes, implique des frais de transport très élevés à l'unité. Quand les coûts de production du PN sont considérablement inférieurs à ceux des engrais chimiques, cet avantage de coût est en partie compensé par les frais de transport plus élevés. En effet, la teneur en phosphore efficace du PN est inférieure par comparaison avec les engrais phosphatés hydrosolubles et, en conséquence, les quantités requises pour obtenir les mêmes résultats sont plus importantes, de même pour les PN d'origine différente. Le PN produit localement est meilleur marché que le PN importé, mais le bénéfice diminue rapidement avec la distance géographique. En conséquence, l'application de PN demeurera limitée géographiquement, mais dans de telles zones, elle pourrait être intéressante.

A la différence des phosphates chimiques, le PN n'est pas un produit homogène. Tout d'abord, la teneur en P2O5 diffère. Les PN du Sénégal et du Togo ont une teneur d'environ 38 pour cent, le PN de Tilemsi (Mali) a une teneur de 32 pour cent et celui du Burkina Faso d'environ 27 pour cent. Une autre différence est la solubilité. Tandis que le TSP est hydrosoluble, le PN est insoluble dans l'eau. En particulier, la réactivité du PN du Burkina Faso est relativement basse. En conséquence, une plus grande quantité de PN que de TSP est nécessaire afin de réaliser le même effet de fertilisation. En moyenne, il est nécessaire d'appliquer trois à quatre fois autant de PN du Sénégal que de TSP et six fois autant de PN du Burkina Faso afin d'obtenir le même effet fertilisant, au moins à court terme. Ceci est compensé en partie par le fait que les produits moins solubles ont un effet plus durable, jusqu'à 7-10 ans, mais les données exactes ne sont pas disponibles. De plus, une telle durée excède la période de temps concevable pour la plupart des petits paysans d'Afrique de l'Ouest.

Les différences de qualité des PN réduisent la zone géographique au sein de laquelle un PN d'une certaine qualité peut être appliqué de manière rentable. Au Burkina Faso, les prix unitaires du PN du Burkina Faso sont inférieurs à ceux du PN importé. Cependant, l'importation de PN du Sénégal pourrait être plus intéressante dans le sud-ouest du pays quand les différences de qualité sont prises en considération. Néanmoins, la production locale de PN demeure prometteuse pour les régions centrales, où les besoins de conservation et de restauration de la fertilité du sol sont les plus importants.

Appleton (2001) récapitule ces considérations: «le phosphate naturel est un produit volumineux, de faible valeur, avec des frais de transport élevés, aussi le potentiel économique d'un gisement de phosphate naturel sera déterminé largement par son emplacement par rapport aux marchés locaux et internationaux. La plupart des gisements commerciaux de phosphate naturel sont situés près de la côte et dans des pays ayant des équipements portuaires efficaces en eau profonde. Si l'infrastructure de transport d'un pays est mal développée et particulièrement si les chemins de fer ou des canalisations de transport de produit pâteux ne sont pas disponibles pour transporter le phosphate naturel, il peut être plus rentable d'importer des engrais à forte teneur comme le DAP, plutôt que de développer les ressources locales. Les ressources en phosphates naturels situées dans des endroits isolés géographiquement et/ou dans un site défavorable à une grande distance des marchés ou des équipements efficaces de transport sont peu susceptibles d'être économiques pour l'utilisation sur les marchés internationaux, alors que l'utilisation au niveau local ou même régional peut être une option économiquement viable. Ainsi, pour des zones agricoles situées à une grande distance de la côte, particulièrement dans les pays enclavés, il peut être plus rentable de développer les ressources locales en phosphate naturel pour l'usage en tant qu'engrais en application directe plutôt que d'importer des engrais manufacturés. Les frais de transport élevés peuvent être de moindre importance si le phosphate naturel peut être converti en engrais manufacturé de valeur élevée, bien que la quantité et la qualité des ressources en phosphate naturel puissent contrecarrer cela.»

CONSIDÉRATIONS ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES POUR SOUTENIR L'ADOPTION DU PN

Au niveau macroéconomique, les effets sont habituellement mesurés par des changements dans les revenus des secteurs public ou privé, c'est à dire excédents au niveau des consommateurs et des producteurs, et effets sur le budget du gouvernement. En plus de ces buts relatifs à l'efficacité, des critères environnementaux et de redistribution sont habituellement introduits. L'application de PN entraîne des emplois supplémentaires dans le secteur des mines et du traitement ainsi que dans le secteur des infrastructures. Par conséquent, elle peut atténuer l'émigration. Ces secteurs ont besoin d'investissements complémentaires de la part du gouvernement. Pour beaucoup de gouvernements, l'impact global sur les finances publiques (au-delà des effets directs des projets), l'emploi, la migration, et la balance des paiements doit être pris en considération.

L'intensification, les nouvelles variétés, les meilleurs engrais et les frais de transport réduits décalent la courbe des approvisionnements agricoles vers la droite, entraînant des augmentations de rendement et/ou des baisses de prix. Les gains diffèrent nettement quand le bien est un produit non commercialisable (sorgho, mil) par opposition à une production commercialisable (coton) ou à un produit soumis au soutien des prix de la part du gouvernement. Dans le cas d'un produit non commercialisable, une production accrue a comme conséquence des diminutions de prix, et les consommateurs en sont les principaux bénéficiaires. Avec une production commercialisable, il est possible qu'aucun changement de prix ne se produise. Par conséquent, les agriculteurs y gagneront, ayant comme conséquence une augmentation du loyer de la terre, alors que le gain pour les consommateurs est faible ou négligeable. En l'absence d'une analyse plus complète, les effets suivants de l'application de PN ont un intérêt plus large.

En premier lieu, dans la mesure où l'investissement dans les PN affecte les cultures vivrières, il est susceptible d'augmenter la sécurité alimentaire globale. Avec des services d'assistance en place, des rendements moyens plus élevés par hectare augmenteront la disponibilité totale de nourriture, faisant diminuer les prix locaux dans l'hypothèse d'une économie fermée. Un tel développement allégera au moins en partie le problème de l'accès à la nourriture pour les urbains pauvres. Dans le cas d'une année avec des précipitations inférieures à la moyenne, l'influence du PN sur la production se fera toujours sentir, et le niveau de production plus bas est susceptible d'excéder celui d'une année normale sans application de PN. Ainsi, l'utilisation soutenue de PN peut réduire les fluctuations de rendement et stabiliser les prix. Dans la mesure où le PN remplace des importations de TSP, le PN a un effet positif sur la balance des paiements. Comme l'utilisation de PN augmente également la production agricole, les importations de nourriture n'auront pas besoin d'être aussi élevées.

En second lieu, l'application de PN est l'une des nombreuses manières d'améliorer la fertilité du sol. C'est la rentabilité qui décidera de la méthode à préférer dans un lieu particulier. La discussion pour déterminer quelle est la meilleure manière d'améliorer la fertilité du sol ne devrait pas détourner l'attention de son rôle comme instrument puissant pour déclencher une intensification durable, une amélioration de la productivité et une augmentation des revenus. Comme Sissoko (1998) l'a montré, parmi 12 moyens de stimuler l'agriculture durable au Mali, la valorisation/bonification des terres apparaît comme un des plus efficaces, avec entre autres: appui des prix à la production, coût inférieur des transactions et subventions aux engrais.

Troisièmement, une analyse élargie des politiques pour favoriser l'intensification durable au Mali (Kuyvenhoven et al., 1998c) montre que le fait de rendre plus disponibles les conditions durables de production par la recherche et la vulgarisation augmente l'efficacité des ressources. Cependant, sans incitations spéciales pour l'adoption, les coûts d'ajustement peuvent très bien être supérieurs aux bénéfices marginaux. L'impact de ces politiques d'incitation diffère parmi les types d'exploitations agricoles. Les subventions aux engrais encouragent des technologies moins épuisantes pour le sol dans les cultures de rente (coton), mais entraînent plus d'activités épuisantes pour le sol en matière de culture céréalière. Dans ce sens, les subventions aux engrais sont inefficaces en termes d'utilisation de ressources et réduisent les excédents locaux de nourriture. En conséquence, les prix des denrées alimentaires augmenteront, et les agriculteurs seront stimulés pour retourner à des méthodes moins épuisantes pour le sol. Cependant, la sécurité alimentaire des acheteurs obligés de denrées alimentaires (ménages urbains) diminuera en raison des prix plus élevés, causant un dilemme relatif aux politiques.

Comme les études de cas l'illustrent ci-dessous, les bénéfices environnementaux de l'application de PN peuvent être considérables, justifiant une certaine forme d'appui public ou de la part de donateurs pour permettre des taux plus élevés et plus rapides d'adoption là où cela paraît souhaitable. Les considérations économiques mentionnées ci-dessus permettent d'identifier les décisions politiques pouvant favoriser l'adoption des PN par l'agriculteur. Une distinction sera faite entre les politiques des prix et les développements institutionnels qui contribuent à créer un prétendu «environnement opportun» pour l'adoption, et les programmes de vulgarisation qui assistent les agriculteurs dans la connaissance et l'information sur les PN.

Politique de prix

Peu de PMA ont pu (i) mettre en application et soutenir des politiques de prix pour les cultures et les engrais destinées à créer une stabilité et une incitation dans l'environnement de fixation des prix et (ii) fournir des incitations pour l'adoption des techniques culturales utilisant des engrais. La stabilité des prix devrait être assurée dans les pays qui choisissent de développer leurs ressources en PN. La stabilité des prix et la rentabilité sont nécessaires pour que les agriculteurs adoptent l'utilisation d'engrais en général et de phosphore en particulier en tant qu'investissement en capital. La fixation de prix incitatifs est nécessaire pour encourager les agriculteurs à employer des quantités adéquates d'éléments nutritifs adaptés, soutenant de ce fait la production agricole par l'investissement dans l'entretien de la fertilité du sol. La politique de fixation des prix devrait être telle qu'elle maintienne des rapports coûts/bénéfices favorables aux activités de culture pour les agriculteurs par comparaison avec leurs activités hors exploitation agricole (Teboh, 1995, World Bank, 1994).

Dans ce contexte,deux raisons peuvent être avancées pour considérer des subventions aux engrais. D'abord, seule la production à grande échelle peut réaliser des économies d'échelle. Au prix actuel, la demande ne grimpera jamais jusqu'au niveau nécessaire pour obtenir des prix de production bas, alors que ceux-ci ne diminuent pas par manque de demande. Les subventions peuvent casser ce cercle vicieux. D'ailleurs, cela permet aux innovateurs d'appliquer un produit nouveau, politiquement et techniquement désirable, à un prix accessible. Il est relativement facile de contrôler une subvention qui établit un lien entre le prix normal et le prix inférieur dû à une production à grande échelle. En outre, elle disparaît automatiquement quand la production de PN augmente. La deuxième raison de subventionner le PN est l'intérêt de la communauté à préserver la fertilité de ses sols, ce qui dépasse l'intérêt individuel de l'agriculteur.

Politique organisationnelle

Une organisation efficace et adéquate est essentielle pour que les approvisionnements en engrais et autres intrants se fassent en temps utile, avec les qualités et quantités adéquates, et ce, au meilleur prix. L'incapacité à créer des organisations adéquates a ainsi limité la croissance de l'utilisation d'engrais dans beaucoup de pays africains. En plus de la distribution des engrais, la distribution de PN comme capital de phosphore impose des contraintes supplémentaires au système de commercialisation et de distribution parce qu'un tonnage additionnel de produit doit être transporté du site minier vers les zones de consommation. La gestion de si grandes quantités exige une organisation à tous les niveaux, à savoir: extraction, traitement, transport, stockage et commercialisation.

Marchés de produits agricoles

L'augmentation de la fertilité du sol est censée entraîner une production plus élevée. Pour l'agriculteur individuel, c'est la principale raison qui pousse à l'application des PN. Cependant, une partie -ou la totalité - de la production additionnelle doit être commercialisée. Dans beaucoup de pays, les marchés des produits agricoles sont fragmentés. En Afrique de l'Ouest, le marché du coton est mieux organisé en termes de commercialisation et de distribution, y compris celle des engrais. Par ailleurs, l'application de technologies et d'intrants modernes pour les céréales traditionnelles demeure limitée car les agriculteurs sont souvent incapables de vendre la production excédentaire à des prix raisonnables. La promotion des PN dans l'intérêt de conserver et de reconstituer la fertilité des sols pourrait exiger des mesures gouvernementales afin d'assurer un débouché pour les produits traditionnels des exploitations agricoles. Cependant, le piège de réinstaller les anciens comités de commercialisation devrait être évité. Une solution pourrait être d'établir des prix minimums bien en dessous des niveaux normaux du marché mais de garantir chaque vente. Si ces problèmes de commercialisation ne sont pas traités, les innovations technologiques demeureront confinées aux cultures de rente prometteuses telles que le coton, le riz, certains légumes et produits faisant l'objet d'une demande institutionnalisée de l'agro-industrie (par exemple les arachides).

Protection contre le risque

L'agriculture dépend considérablement des conditions climatiques. En particulier, les risques sont élevés pour les cultures dans les zones arides et semi-arides. Beaucoup d'agriculteurs sont peu disposés à investir dans l'agriculture ou à contracter des prêts face à une telle incertitude. Les établissements de crédit sont souvent hésitants pour accorder des prêts parce qu'ils craignent des problèmes de remboursement. Ceci entrave l'introduction de ces nouvelles technologies qui exigent des investissements en capital.

Un certain type d'assurance contre les risques pourrait aider les agriculteurs et les banques à atténuer ce problème. Alors que les coûts prohibitifs excluent une assurance complète du risque sur les revenus, des systèmes d'assurance limitée pourraient être possibles, par exemple à travers un rééchelonnement des conditions de remboursement en cas d'échec de la culture, et un paiement provisoire des intérêts à partir d'un fonds spécial. Les interventions des gouvernements pour soutenir les agriculteurs et les établissements de crédit pourraient être souhaitables afin de maintenir les risques de financement à des niveaux acceptables.

Politiques de recherche et de vulgarisation

En dépit des recherches considérables et de l'attention apportée aux questions d'adoption des technologies, un consensus ne s'est pas développé concernant les conditions sociales et économiques qui amènent des agriculteurs à adopter de nouvelles pratiques en matière de production. Pourquoi certains agriculteurs adoptent-ils de nouvelles technologies et les autres pas? Comme l'ont montré Rauniyar et Goode (1992), l'adoption de pratiques technologiques tend à être effectuée de manière corrélée. Ainsi, les programmes devraient mettre en valeur l'adoption des paquets de technologies plutôt que l'adoption de différentes pratiques ou d'un paquet contenant toutes les pratiques.

Les pays dans des zones comme le Sahel ont toujours un déficit en équipements nécessaires à la recherche et à la vulgarisation pour favoriser l'utilisation d'engrais et des technologies associées. La recherche est nécessaire pour développer des recommandations d'engrais spécifiques à une zone, y compris l'utilisation des amendements à base de PN, et pour permettre aux services de vulgarisation de former des agriculteurs et des producteurs sur l'emploi des engrais et d'améliorer les services rendus. Puisque les PN diffèrent dans leurs niveaux de réactivité et les cultures diffèrent dans leurs besoins en phosphore (demande et période), il est nécessaire d'identifier les doses appropriées d'application de PN pour différents systèmes de culture dans diverses zones agroclimatiques. Les services de recherche agricole appliquée et de vulgarisation devraient être équipés pour exécuter efficacement leurs différents rôles. En plus d'assister les agriculteurs pour l'application des pratiques agricoles recommandées, basées sur les résultats de la recherche, les services de vulgarisation devraient aider les agriculteurs à comprendre les dommages environnementaux liés à diverses pratiques agricoles. Plus particulièrement, les ruraux pauvres devraient être mis au courant des implications réelles liées à l'usage de la technologie fournie par les organismes extérieurs (Teboh, 1995, World Bank, 1994).

La perspective de marché et d'infrastructure conceptualise la diffusion des innovations comme un processus impliquant trois activités principales: (i) établissement d'une agence de diffusion pour rendre l'innovation disponible pour le client, (ii) choix et exécution des stratégies qui incluent la fixation des prix et la communication promotionnelle afin d'induire l'adoption et (iii) adoption de l'innovation par le client. Cette perspective est complémentaire de la perspective traditionnelle d'adoption. L'attitude des agriculteurs et leurs bases de ressources, de même que les environnements socio-politiques et physiques dans lesquels ils effectuent leurs activités quotidiennes, sont des déterminants potentiels de leur comportement d'adoption.

En général, les agriculteurs adoptent plus rapidement des innovations quand: (i) ils comprennent que les innovations ont un avantage relatif par rapport aux pratiques existantes, (ii) les innovations sont compatibles ou conformes à leurs propres valeurs, (iii) les innovations sont faciles à comprendre et à employer, (iv) les innovations peuvent être expérimentées sur une base limitée et (v) les innovations sont capables de produire des résultats évidents (Rogers, 1983).

ÉTUDES DE CAS CONCERNANT L'EXPLOITATION ET L'UTILISATION DE PN

Le Centre international de développement des engrais (IFDC) et la Banque mondiale ont conduit diverses études de cas d'utilisation de PN dans la deuxième moitié des années 90 suivant des initiatives internationales. Le tableau 30 présente un sommaire des résultats d'une étude par la Banque mondiale (World Bank, 1997) pour le Burkina Faso, Madagascar et le Zimbabwe. Le tableau 31 donne les résultats pour le Mali d'une étude de l'IFDC, basée sur la même méthodologie (pour différentes régions et cultures) (Henao et Baanante, 1999). Les deux études font état de substantiels taux de retour par rapport au coût supposé des PN, des bénéfices environnementaux importants, mais également de meilleurs résultats au niveau des exploitations agricoles quand des sources alternatives aux engrais phosphatés industriels sont appliquées.

TABLEAU 30
Matrice des coûts et des bénéfices associés aux investissements en PN

Description

Burkina Faso

Madagascar

Zimbabwe

Réserves de PN




Quantité (million de tonnes)

63,0

0,6

47,4

Type

Sédimentaire

Guano

Igné

Réactivité

Modérée

Forte

Faible

Augmentation de rendement cumulé (kg/ha)1




Maïs

3 262

25 000

4 050

Sorgho

3 249



Mil

1 801



Riz non décortiqué


5 020


Coûts des PN




Départ usine ($EU/tonne)

152,6

103,4

37,3

Niveau exploitation agricole ($EU/ha)

78-110

92-372

35-45

Bénéfices des PN (VNA, $EU/ha)2




Privé - total

131-137

3 878-7 492

500-517

Effets sur le rendement

122-128

3 878-7 492

500-517

FBA

9

854-938


Environnemental - total

317


210

Prévention de la dégradation des terres

208


147

Séquestration de carbone

99



Prévention de la pollution par le phosphogypse

10


63

Autres (non mesurés)




Sécurité alimentaire

Fort

Fort

Moyen

Gains sur le change.

Moyen

Fort

Faible

Equité inter génération

Fort

Moyen

Moyen

Impact sur les femmes agricultrices

Positif

Inconnu

Inconnu

Prévention érosion du sol/sédimentation

Moyen

Moyen

Faible

Conservation de la biodiversité et des forêts

Faible

Fort

Moyen

Autres incidences globales défavorables pour l'environnement:

Minimal

Maniable

Minimal

Dommages écologiques

Minimal

Modéré

Minimal

Coût de réhabilitation des terres ($EU/tonne)

Insignifiant

2.2

1.0

Eutrophisation

Minimal

Minimal

Minimal

Partage des bénéfices (VNA, $EU/ha) (%)3




Privé/local

270 (46)

2 775 (43)

867 (81)

National

208 (35)

3 534 (55)

147 (14)

Global

109 (19)

129 (2)

63 (5)

VNA des produits alternatifs ($EU/ha)4




Privé




TSP importé

360



DSP(Superphosphate double)



1 302-1 313

Environnemental




TSP importé

307



DSP (Superphosphate double)



216

Analyse de sensibilité (VNA, $EU/ha)5




Avantages privés

90-219


381-731

Avantages totaux

482-725

8 561-6 750

906-1 299

Demande potentielle (tonnes) P2O5 (PN) par an

21 400 (79 300)

21 300 (106 500)

20 500 (58 600)6

Contraintes sur les investissements en PN




Droits fonciers

Possible

Possible

Possible

Crédit

Grave

Grave

Grave

Ecologie (production de PN)

Aucune

Incertaine

Aucune

Vulgarisation

Modérée

Modérée

Faible

Concurrence des industries existantes

Aucune

Aucune

Forte

Environnement pro Fixation du prix

Peu probable

Peu probable

Peu probable

Conditions nécessaires pour le succès




Engagement politique

Essentiel et disponible

Essentiel et disponible

Essentiel et inconnu

Elimination des contraintes

Nécessaire

Nécessaire

Nécessaire

Investissement dans des boîtes à outils détaillées

Essentiel

Essentiel

Essentiel

1 à partir d'une seule application de PN de base.

2 les bénéfices privés et environnementaux sont escomptés de 10 et de 3%, respectivement.

3 basé sur un taux d'escompte de 3%.

4 le produit alternatif le plus profitable est indiqué ici

5 taux d'escompte s'étendant entre 5 et 15% pour les bénéfices privés et entre 1 et 5% pour les bénéfices totaux.

6 Phosphates naturels concentrés.

Source: Banque Mondiale, 1997.

Des contraintes du même type que ci-dessus sont identifiées en tant que limitation d'une demande potentielle. Leur élimination, ainsi qu'un engagement politique fort et une approche complète de l'exploitation des PN, seraient nécessaires afin de faire de l'application de PN une proposition réussie.

Dans l'étude de l'IFDC au Mali, le risque et les contraintes de crédit sont soulignés comme facteurs qui réduisent l'incitation à appliquer de l'engrais. Une autre étude au Mali basée sur les données de la Banque mondiale (Kuyvenhoven et al., 1998a, 1998b) analyse les revenus des agriculteurs adoptant le PN avec le financement des prêts, dans l'hypothèse de précipitations limitées qui réduisent les rendements de 50 pour cent chaque trois ans. Dans de telles circonstances, les agriculteurs ne pourraient pas faire face à leurs engagements financiers lors des mauvaises années, et auraient besoin d'un rééchelonnement de leurs prêts. Ce facteur limiterait la volonté des agriculteurs d'appliquer des PN ou d'autres solutions alternatives et la bonne volonté des institutions financières d'augmenter le crédit.

Dans une étude au Burkina Faso, Hien et al. (1997) ont constaté que les agriculteurs confrontés au risque peuvent renoncer aux retours plus élevés du PN par rapport à l'engrais commercial et choisir ce dernier produit, plus soluble. Les agriculteurs préféreraient le PN, particulièrement du type partiellement acidulé, seulement dans le cas d'un approvisionnement limité en engrais commercial.

TABLEAU 31
Répartition des bénéfices pour des stratégies choisies d'engrais.

Région

Système de culture

Engrais

Bénéfices *

Base (kg/ha)

Annuel

Privé

Environnement ($EU/ha)

Total

Environnement %

Sikasso

MC

TPR:120


647,8

403,5

1 051,3

38,4

TPR:120

TSP:15

1 021,3

403,5

1 414,9

28,5

MM

TPR:120


325,6

344,2

669,8

51,4

TPR:120

TSP:15

633,5

344,2

967,8

35,6

CC

TPR:120


600,1

412,8

1 012,9

40,8

TPR:120

TSP:15

1 200,3

412,8

1 603,2

25,7

Segou

MIG

TPR:120


605,7

351,0

956,7

36,7

TPR:120

TSP:15

793,7

351,0

1 134,8

30,9

MiMi

TPR:120


380,4

345,2

725,6

47,6

TPR:120

TSP:15

599,8

345,2

925,1

37,3

Kayes

GMa

TPR:120


390,3

377,8

768,1

49,2

TPR:120

TSP:15

672,9

377,8

1 040,8

36,3

GG

TPR:120


386,1

399,0

785,1

50,8

TPR:120

TSP:15

672,9

377,8

1 040,8

36,3

Koulikoro

SG

TPR:120


788,6

370,9

1 159,5

32,0

TPR:120

TSP:15

1 032,3

370,9

1 393,4

26,6

SS

TPR:120


582,7

365,6

948,3

38,6

TPR:120

TSP:15

728,9

365,3

1 084,6

33,7

Mopti

Riz

TPR:120


836,9

433,0

1 269,9

34,1

TPR:120

TSP:15

1 111,9

433,0

1 545,0

28,0

Mil

TPR:120


311,8

356,2

667,9

53,3

TPR:120

TSP:15

499,8

356,2

846,1

42,1

TPR = Phosphate Naturel de Tilemsi (Mali)
* Taux d'escompte: bénéfices privés = 10 %; bénéfices environnementaux = 3 %.
Source: Henao et Baanante, 1999.

Dans une revue sur l'utilisation des engrais en Afrique de l'Ouest semi-aride, Shapiro et Sanders (1998) ont conclu que, dans les conditions de culture existantes, «les engrais inorganiques importés sont les seuls moyens techniquement efficaces et économiquement profitables de surmonter les contraintes existantes de fertilité des sols et les mesures alternatives d'entretien de la fertilité des sols, telles que les engrais organiques et le phosphate naturel, devraient être vus comme compléments plutôt que produits de remplacement pour les engrais inorganiques importés, jusqu'à ce qu'une expérimentation plus large les rende plus fructueux.»

Comme la plupart des études de cas le montrent, l'application de PN semble intéressante et bénéficiaire car elle améliore la qualité du sol et augmente les rendements. Malgré cela, un projet basé sur les PN rencontrerait également de nombreux problèmes. Beaucoup d'agriculteurs dans les PMA n'ont pas les intrants complémentaires et ne peuvent pas, en conséquence, appliquer le PN de manière adéquate. Pendant les périodes de crise en saison, la main-d'œuvre est rare. L'application du PN augmenterait la quantité de travail à fournir, en particulier pendant ces périodes. Avec cette difficulté à obtenir de la main-d'œuvre, il pourrait se faire que l'agriculteur ne puisse pas profiter des avantages de l'application de PN en raison de semis - ou de plantation - retardé ou de l'incapacité de récolter entièrement les productions en excédent. D'autres problèmes surviennent avec l'application de PN. Le développement de PN est un investissement lourd. Comme les agriculteurs ne peuvent pas obtenir le crédit d'une banque en raison d'une faible garantie, ils ne peuvent pas financer facilement les achats de PN. Un autre problème concerne la volonté des agriculteurs d'adopter l'application de PN comme une technique pour améliorer la fertilité du sol. La recherche a prouvé que l'utilisation d'engrais dans les pays à faible revenu est extrêmement limitée. La plupart des techniques connues d'amélioration du sol pour les cultures vivrières ont été répandues par les agriculteurs eux-mêmes plutôt que par des vulgarisateurs. De plus, le manque d'infrastructure peut empêcher l'approvisionnement en PN des agriculteurs en temps opportun et en qualité adéquate, ce qui est l'une des conditions nécessaires pour les convaincre d'adopter cette technologie.

Avant qu'un projet d'investissement pour l'application de PN puisse être présenté avec succès, d'autres mesures et activités sont indispensables. Celles-ci incluent: (i) la prise en compte des problèmes de crédit et des droits fonciers, (ii) l'amélioration et l'extension des infrastructures rurales, (iii) l'amélioration des réseaux de commercialisation et de distribution et (iv) l'augmentation de l'efficacité des services de vulgarisation. La sécurisation des droits fonciers pour les agriculteurs augmentera leur capacité à demander un crédit et leur volonté d'investir dans leur terre. Les infrastructures rurales doivent être améliorées et étendues afin de garantir aux agriculteurs un approvisionnement opportun et adéquat en PN. Une infrastructure rurale améliorée aura également un impact favorable sur la distribution des productions agricoles vers les zones urbaines. Les agriculteurs et les urbains pauvres profiteront alors de frais de transport réduits. Des contacts efficaces entre les agriculteurs et les vulgarisateurs doivent être développés de sorte que des services de vulgarisation puissent être fournis de manière efficace.

COMMERCIALISATION DES PHOSPHATES NATURELS LOCAUX POUR L'APPLICATION DIRECTE

Plusieurs pays ont importé de grandes quantités de PN pour une application directe. En 2000, la Malaisie en a importé 500 000 tonnes, le Brésil 320 000 tonnes, la NouvelleZélande 130 000 tonnes, et l'Indonésie environ 230 000 tonnes en 1998. Dans d'autres pays, des PN locaux ont été broyés et commercialisés pour l'usage domestique sur une échelle relativement petite avec des résultats mitigés. Les ventes de PN dépendent de l'approvisionnement et de la demande pour les PN, de la concurrence avec des engrais phosphatés importés, de la politique du gouvernement, etc. Les sections suivantes fournissent des informations sur la commercialisation des PN locaux dans certains pays où les agriculteurs ont utilisé des PN pour la production agricole.

Amérique Latine

En Colombie, il y a plusieurs gisements de PN. La seule source de PN commercialisée pour l'usage agricole est le PN moyennement réactif de Huila (nom du produit: Fosforita Huila). En 1994, une compagnie appelée Fosfacol a vendu 25 000 tonnes de PN de Huila, environ 15 pour cent de la consommation annuelle d'engrais phosphatés de la Colombie. Selon la compagnie, les ventes se développent. Cependant, aucun chiffre récent de ventes n'est disponible.

Au Pérou, il y a un gisement énorme de PN fortement réactif (Sechura ou Bayovar). Cependant, à cause de divers problèmes, il n'y a eu aucun broyage à grande échelle sur ce gisement pour la commercialisation. De petites quantités de PN de Sechura sont commercialisées dans le pays et exportées vers le Chili pour l'application directe.

Au Chili, le PN fortement réactif de Bahia Inglesa a été commercialisé pour les pâturages et des rotations de culture dans les sols dérivés de cendres volcaniques dans le sud du pays. Une compagnie appelée Bifox commercialise le produit sous le nom de Fosfato Natural Chileno. Au cours des 10 dernières années, la consommation moyenne annuelle de PN a été d'environ 10 000 tonnes de Fosfato Natural Chileno.

Au Brésil, les tentatives d'employer les nombreux gisements de PN pour l'application directe ont donné des résultats agronomiques mauvais en raison de la faible réactivité des PN, et l'application directe a été arrêtée. Quelques sources locales de PN sont employées pour produire des thermophosphates par fusion à température élevée de mélanges de PN et de laitiers basiques.

Au Venezuela, les ressources existantes de PN ne sont pas très réactives, excepté un PN. La société Pequiven utilise ce PN de Riecito pour fabriquer des PNPA. La compagnie commercialise les produits sous le nom de Fosfopoder et en vend jusqu'à 150 000 tonnes par an.

Asie

En Inde, plusieurs gisements de PN ont été exploités à grande échelle pour utilisation dans le procédé chimique d'acidulation. Au début des années 80, une compagnie appelée Phosphate, Pyrite and Chemicals Ltd a commencé à promouvoir un PN faiblement réactif de Mussoorie (nom du produit: Mussoorie Phos) pour l'application directe. En 1993-94, les ventes du PN de Mussoorie pour un usage agricole étaient d'environ 107 000 tonnes. Cependant, l'approvisionnement en PN de Mussoorie diminue en raison des réserves limitées en PN et d'une nouvelle politique du gouvernement de réduire l'exploitation des PN. Une compagnie appelée Rajasthan State Mines and Minerals Ltd a lancé le PN faiblement réactif de Jhamarkotra (nom du produit: Raji Phos) pour les cultures pérennes dans les sols acides des zones côtières de la région sud-ouest.

Au Sri Lanka, l'extraction du PN faiblement réactif d'Eppawala a débuté en 1974 avec un niveau de production de 3 à 5 000 tonnes. A ce moment-là, le pays importait environ 50 000 tonnes par an de PN pour l'application directe. Depuis 1992, une compagnie appelée Lanka Phosphate Ltd a augmenté la production du PN d'Eppawala jusqu'à 32 000 tonnes par an alors que les importations de PN ont diminué à 8 000 tonnes. En 1998, la consommation de PN d'Eppawala s'est élevée à 13 000 tonnes de P2O5, représentant environ 43 pour cent du P2O5 total utilisé dans le pays. Le PN d'Eppawala est employé principalement pour des cultures pérennes, par exemple théier, hévéa adulte et cocotier.

Afrique Subsaharienne

En termes d'éléments nutritifs, le phosphore a été un facteur limitant important pour la production agricole en Afrique subsaharienne. Le manque d'une industrie locale développée d'engrais phosphatés et la disponibilité limitée de devises étrangères pour des importations d'engrais ont empêché les agriculteurs pauvres d'employer des engrais onéreux. L'utilisation moyenne d'engrais phosphatés en Afrique subsaharienne est d'environ 1,5 kilogramme de P2O5 par hectare (en Asie et en Amérique latine, les chiffres moyens sont de 34 et 20 kilogrammes de P2O5 par hectare, respectivement). De nombreuses études ont essayé de déterminer si les gisements locaux de PN en Afrique subsaharienne peuvent servir de sources de phosphore afin d'améliorer la fertilité du sol et la production agricole.

Au Mali, un PN moyennement réactif de vallée de Tilemsi a été trouvé approprié pour une application directe aux sols acides pour le coton, le maïs, le riz, le mil et le sorgho. La production entière de PN est employée dans le pays. La production estimée de PN broyé était de 4 529 tonnes en 1981, 8 092 tonnes en 1988, 11 000 tonnes en 1989, et 18 560 tonnes en 1990. Entre 1991 et 1994, l'usine de production a été souvent fermée en raison des troubles politiques dans la région de la mine. Le potentiel de production estimé est de 36 000 tonnes par an.

Au Burkina Faso, le PN faiblement à moyennement réactif de Kodjari a été extrait à petite échelle (environ 1 000 tonnes par an en moyenne). En 1993-94, la production de PN pour l'application directe était d'environ 2 200 tonnes. Le PN broyé a été proposé pour une variété de cultures comprenant le maïs, le riz et la canne à sucre. La capacité potentielle estimée de production de PN de Kodjari est de 3 600 à 10 000 tonnes par an.

Au Nigeria, une grande réserve de PN faiblement à moyennement réactif a été découverte récemment dans l'état de Sokoto dans le Nord du pays. Les études récentes ont montré que l'efficacité agronomique du PN de Sokoto par rapport au SSP était de 40 pour cent sur les Alfisols, 100 pour cent sur les Ultisols, et 160 pour cent sur les Oxisols. Les résultats des essais au champ ont indiqué que dans la première, deuxième et troisième années de culture, l'efficacité agronomique du PN de Sokoto (par rapport au SSP) était de 54, 83 et 107 pour cent, respectivement. Un produit phosphaté récemment développé (nom de produit: Crystal Super), fabriqué en mélangeant du PN de Sokoto et du minerai naturel de talc magnésite, a été commercialisé par une compagnie appelée Crystal Talc Nigeria, Ltd, à Kaduna. La compagnie commercialise environ 5 000 tonnes par an de cet engrais.

En République unie de Tanzanie, le gisement de PN fortement réactif de Minjingu a été mis en exploitation en 1983. La production était d'environ 20 000 tonnes par an jusqu'à ce que l'usine d'acidulation ferme au début des années 90. D'une production enregistrée de 2 500 tonnes en 1994, environ 1 800 à 2 000 tonnes ont été exportées vers le Kenya, où le PN a été employé en application directe et pour la production de SSP, alors que 500 à 700 tonnes étaient vendues pour l'application directe dans le Nord de la République unie de Tanzanie. La mine et l'usine de traitement fonctionneraient maintenant sur une base très limitée.

Récemment, le Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF) a rapporté des résultats prometteurs d'essais agronomiques sur l'utilisation du PN de Minjingu et d'un PN faiblement réactif de Busumbu (Ouganda) pour différents systèmes de culture, y compris l'agroforesterie.

CRITÈRES ÉCONOMIQUES PRIS EN COMPTE DANS L'ADOPTION ET L'UTILISATION DE PN - UNE ÉTUDE DE CAS AU VENEZUELA

Le Venezuela projette de mettre en culture 46 pour cent de plus de terres d'ici 2018. Le succès des efforts faits pour augmenter la part de l'économie agro-industrielle du pays dépendra de nombreux facteurs. Les plus importants sont liés aux grandes quantités d'engrais exigées afin de réaliser des rendements agricoles élevés dans les zones tropicales et subtropicales avec: (i) les cultures permanentes, telles que canne à sucre, caféier, cacaoyer, fruitiers, manioc, pâturages améliorés et sylviculture, couvrant plus de 6 millions d'hectares et (ii) les cultures annuelles, telles que maïs, sorgho, riz, légumineuses, oléagineux et coton sur plus de 700 000 hectares. Les prix des engrais phosphatés hydrosolubles traditionnels, tels que le SSP, le TSP, les engrais NPK, le phosphate mono-ammonique (MAP) et le DAP, sont élevés.

Environ 70 pour cent des sols agricoles du Venezuela sont acides, avec des argiles d'activité réduite et une capacité de fixation élevée pour le P. Cette situation, ainsi que de grandes réserves de PN et l'augmentation du coût des engrais phosphatés importés, a favorisé une diversification dans la production des engrais phosphatés, particulièrement en engrais produit à partir des sources de PN locales (Casanova et al., 1998). Il a été proposé une utilisation plus raisonnable des engrais phosphatés afin de diminuer la dépendance par rapport aux engrais importés (Casanova, 1993).

Évaluation agronomique et marché intérieur potentiel

La recherche des moyens les plus efficaces d'employer les ressources locales de phosphates du pays a commencé par un échantillonnage des trois principaux gisements de PN existant au Venezuela: Monte Fresco et Navay (état de Tachira), et Riecito (état de Falcon). Un PNPA a été produit en usine pilote avec H2SO4 et H3PO4. Le tableau 32 montre les caractéristiques princi-pales des produits obtenus.

Des études ont évalué l'efficacité agronomique des PN et de ces PNPA sur diverses cultures et types de sol. Les investigations se sont concentrées sur un processus pour la production d'engrais phosphatés peu coûteux grâce à l'acidulation partielle des PN locaux. Divers instituts de recherche nationaux, universités, compagnies de coopération technique et des producteurs ont participé à cette recherche. Des organismes internationaux, comme l'IFDC (Etats-Unis), le CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) et Technifert (France), le CIAT (Colombie) et la FAO/AIEA, ont apporté une aide additionnelle. L'efficacité agronomique de ces PNPA (concentrations entre 20 et 30 pour cent de P2O5 et catégories d'acidulation de 40 pour cent et au-dessus) a été évaluée sur diverses cultures et types de sol en employant des techniques conventionnelles et isotopiques. Ces PNPA ont donné d'excellents résultats en comparaison des engrais traditionnels. Par rapport à la moyenne nationale, des augmentations de rendement de 29 à 100 pour cent ont été obtenues pour le sorgho, le maïs, la canne à sucre, le soja et les pâturages (Casanova, 1998, Casanova et al., 1998).

TABLEAU 32
Phosphates naturels partiellement acidulés à partir de divers gisements vénézuéliens

Phosphate naturel

Phosphates naturels partiellement acidulés

Concentration
(% de P2O5)

Pourcentage d'acidulation
(%)

Riecito

25-33

40-60

Monte Fresco

25-34

15-40

Navay

20-24

40

Les résultats des évaluations ci-dessus, dont certaines se sont déroulées sur une période de plus de 10 ans, ont amené aux conclusions suivantes: (i) des rendements agronomiques et des efficacités comparables à ceux obtenus avec du TSP ont été réalisés en employant des PNPA avec des concentrations de 20 à 30 pour cent de P2O5 et des catégories d'acidulation de 40 pour cent et plus sur les cultures annuelles telles que le sorgho, le soja, le maïs et les cultures pérennes telles que les pâturages et les caféiers et (ii) une prévision à moyen terme du marché intérieur potentiel pour les PNPA serait d'environ 490 000 tonnes par an.

Étude économique de la production de PNPA

La prochaine étape était d'établir l'itinéraire le plus économique pour convertir le PN en PNPA de manière rentable. Les facteurs suivants ont été pris en considération: (i) gisements de PN exploitables et économiquement viables, infrastructures d'extraction et capacité de production installée et (ii) procédé de production du PNPA (méthode utilisée pour le process, autres matières premières, synergie de process existante et qualité du produit).

Source de PN

Le PN du gisement de Riecito s'est avéré être l'option la plus intéressante car il était déjà en production commercialisée par une compagnie appelée Pequiven. Les réserves sont importantes et la capacité de production installée à la mine de Riecito est suffisante pour supporter un projet de production qui pourrait satisfaire le marché potentiel estimé pour les PNPA au Venezuela.

La capacité de production pour le projet initial a été placée à 150 000 tonnes par an de PNPA, équivalents à un tiers du marché intérieur potentiel estimé pour les PNPA. Le gisement de Riecito peut satisfaire plus de 20 ans de production de PNPA à cette capacité, en plus des exigences en matière de roche phosphatée pour d'autres usines de production de phosphate (DAP et NPK) du complexe de Moron. Le tableau 33 montre la capacité actuelle de P2O5 installée au complexe.

Procédé de production

Du point de vue du processus, il est possible de produire commercialement des PNPA de plusieurs manières en utilisant les mêmes lignes que le SSP et le TSP. Le processus choisi devrait être celui qui donne le retour sur investissement le plus élevé possible. Gardant ce but à l'esprit, les facteurs suivants ont été pris en considération: la qualité du PN de Riecito, la simplicité du process, l'intégration avec les équipements existants, et la disponibilité d'autres matières premières et services.

La qualité du PN a été un facteur très important pour décider de l'itinéraire de process à employer. En se basant sur l'expertise accumulée en sept ans d'évaluation du PN de Riecito (acidulation, digestion, granulation, etc.) au Petroleos de Venezuela Research and Technological Support Centre et sur une revue des technologies disponibles, il a été déterminé que le processus le plus intéressant pour les conditions spécifiques de Pequiven devrait avoir les caractéristiques suivantes: (i) utiliser des équipements pour l'acidulation combinée avec de l'acide sulfurique et phosphorique afin de fournir la flexibilité de produire des PNPA s'étendant de 20 à 30 pour cent de P2O5, (ii) être capable d'employer H3PO4 dilué avec un éventail de teneurs en solides (26 pour cent de P2O5 et solides de 0 à 30 pour cent) afin de permettre l'utilisation efficace du retour du clarificateur de l'usine d'acide phosphorique de Moron et (iii) pouvoir effectuer les deux opérations d'acidulation et de granulation du PNPA en une seule étape pour la simplicité du process.

TABLEAU 33
Capacité actuelle de production de P2O5 au complexe de Moron

Produit

Tonnes par an

P2O5 (tonnes par an)

PNPA

150 000

37 500

H3PO4

200 000

90 000

Total

350 000

127 500

FIGURE 32
Synergies de production entre le PNPA et l'acide phosphorique

Le process choisi pour l'usine de PNPA de Moron est basé sur la méthode PN- acidulation à l'acide sulfurique en une étape développée par l'IFDC (Schultz, 1986). Cependant, avec l'expertise accumulée de la recherche de Petroleos de Venezuela Research and Technological Support Centre sur l'acidulation de PN de Riecito, il a été possible de simplifier le process en enlevant l'étape de refroidissement du PNPA. La figure 32 montre comment l'acide pour la production de PNPA est pris de l'usine d'acide phosphorique. L'étape de digestion du PN dans le réacteur de déshydratation a été optimisée pour la teneur réduite en solides de l'acide phosphorique réutilisé dans le réacteur, provenant du retrait des fonds de clarificateur et du filtre à acide pour préparer le PNPA avant d'entrer dans l'étape d'évaporation. On estime que cette augmentation peut représenter jusqu'à 10 pour cent de la capacité de production de l'usine d'acide phosphorique. Ceci a un impact significatif sur l'économie de la production d'engrais phosphaté (DAP, NPK, PNPA) du complexe de Moron et augure bien de la rentabilité de l'investissement dans la production de PNPA en ce lieu.

Essai d'évaluation de l'usine pilote

Une évaluation en usine pilote (500 kg/h de PNPA) a été mise en place dans les locaux de l'IFDC aux Etats-Unis pour examiner le procédé de production proposé (IFDC, 1996). Les résultats de l'évaluation ont confirmé la faisabilité de la production de PNPA par l'intermédiaire du process en une étape d'acidulation/granulation, en utilisant une combinaison des acidulants comprenant H2SO4, H3PO4 et H3PO4 dilué avec un éventail de teneurs en solides (26 pour cent P2O5, solides de 0-30 pour cent). Il a été également confirmé que l'utilisation d'un refroidisseur de produit n'était pas nécessaire, car le PNPA de Riecito fabriqué dans ces conditions a d'excellentes propriétés physiques. Le tableau 34 fournit un résumé des résultats obtenus pendant l'évaluation de l'usine pilote. Ces résultats ont aidé à développer la base de conception pour une usine commerciale de 150 000 tonnes par an de PNPA au complexe de Moron.

TABLEAU 34
Résultats d'évaluation de l'usine pilote

Process en une étape de granulation/acidulation

Faisable

Process régulier

Utilisation combinée: H3PO4 (26% P2O5, 0-30% solides) et H2SO4 (90-98%)

Faisable


Efficacité de la granulation

90%


Catégorie d'acidulation

40-60%

Prévisible/calculable

Concentration de PNPA (% de P2O5)

25-30%

Calculable/calculable

Qualité du produit



CRH (à 30°C)

85-90%

Fort (excellent) CRH

Dureté

4 kilogrammes

Engrais typique 2 kilogrammes

Résistance aux chocs

< 1,5%

Typique MAP/DAP < 1,5%

Résistance à l'abrasion

< 1,5%

Typique MAP/DAP < 2%

Hygroscopicité (à 30°C) (mg/cm3)

< 60

Aucun engrais typique hygroscopique < 150

Qualité du PNPA

Tenant compte de l'évaluation agronomique de divers PNPAs (de Riecito et d'autres sources) et du désir d'avoir un PNPA avec une teneur en P2O5 proche de la catégorie moyenne du PN de Riecito in situ, il a été décidé que le PNPA produit au complexe de Moron devrait avoir une teneur en P2O5 de 25 pour cent et une catégorie d'acidulation de 50 pour cent. Cependant, on a également considéré comme souhaitable que l'usine puisse avoir la flexibilité de produire du PNPA dans la gamme de 20 à 30 pour cent de teneur en P2O5 et la catégorie d'acidulation de 40 à 60 pour cent.

Afin d'établir et prévoir les proportions exigées d'acide sulfurique, d'acide phosphorique et de PN qui peuvent être nécessaires pour produire une certaine qualité de PNPA (teneur en P2O5, catégorie d'acidulation), un programme de calcul a été développé, basé sur la stœchiométrie de la réaction du PN de Riecito lors de l'acidulation combinée. Le programme prévoit le rapport optimum requis entre les acides et permet d'établir les conditions de process et les coûts variables associés.

L'usine de PNPA de Moron

La conception du projet de l'usine de PNPA a débuté en 1995, avec l'étape d'ingénierie détaillée, de fourniture d'équipement et de construction commençant en 1997. La capacité de production de 150 000 tonnes par an (19 tonnes par heure, sur une base de 24 heures par jour avec un facteur de service de 330 jours par an) a déterminé la taille de l'équipement nécessaire au process. Depuis la fin de l'essai de garantie d'installation en novembre 1998, le PNPA produit a respecté les normes de qualités physiques et chimiques exigées. L'engrais PNPA est commercialisé au Venezuela sous le nom de Fosfopoder.

La figure 33 montre l'organigramme du process avec les six sections qui composent l'usine. L'usine de PNPA a un système de contrôle réparti (par lequel les usines reçoivent automatiquement des informations). Les panneaux de fonctionnement de ce système sont placés dans la zone de contrôle du phosphate, comme le sont toutes les fonctions de contrôle opérationnel de tout le complexe de Moron (Dominguez et Barreiro, 1998).

Matières premières et produits

L'usine de PNPA de Moron a la flexibilité d'employer un éventail de concentrations de matières premières. L'expertise du personnel d'exploitation et le programme de calcul installé dans le panneau de commande permettent d'ajuster la qualité du produit et la production (Castillo et al., 1998). Le programme de calcul est basé sur les équations chimiques et le bilan de matière pour l'acidulation du PN de Riecito avec de l'acide sulfurique et phosphorique et les équations de transfert thermique se produisant dans le process. De cette façon, il est possible d'estimer les proportions théoriques des matières premières par rapport au produit. La qualité du PNPA produit (catégorie et pourcentage d'acidulation) a validé ces calculs.

FIGURE 33
Organigramme du procédé de production de l'usine de PNPA

En ce qui concerne la qualité du produit, l'utilisation de PN acidulé à 40 à 60 pour cent permet d'atteindre une qualité de PNPA avec des caractéristiques chimiques et des qualités physiques semblables à un autre PNPA avec une acidulation de 40 à 60 pour cent.

En 1999, la première année complète de fonctionnement, les ventes sur le marché intérieur étaient d'environ 15 000 tonnes de PNPA (10 pour cent de la capacité de l'usine). Ceci peut être considéré comme un succès, étant donné que le PNPA est un produit nouveau pour le marché vénézuélien. Dans un proche avenir, l'usine se concentrera sur la production de PNPA à 25 pour cent de P2O5 et 50 pour cent d'acidulation. La production est lancée sur le marché sous le nom de marque générique de Fosfopoder.


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