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CONCLUSION: QUELLES STRATÉGIES D’APPUI A L’AGRICULTURE IRRIGUÊE?


Malgré des performances inégales dans la région, en adoptant de meilleures pratiques, l’agriculture irriguée peut être attractive pour les producteurs, compétitive, financièrement viable et durable. Le projet a démontré à partir de données de terrain que le potentiel d’amélioration des performances est important: en riziculture irriguée l’objectif de sept tonnes par hectare de rendement moyen est réalisable. Par ailleurs de réelles opportunités de diversification des cultures, plus rentables que le riz, ne doivent pas être négligées. Les irrigants témoignent d’une appropriation croissante de leurs aménagements, notamment par le renouvellement autonome de leurs équipements de pompage, alors que l’entretien reste souvent insuffisant. La productivité de l’eau d’irrigation, quoi qu’inférieure à certaines attentes, est relativement satisfaisante au regard de performances obtenues dans d’autres régions du monde. Tant sur les plans économique et financier, agronomique, hydraulique et organisationnel, cette analyse suggère de rompre avec la vision pessimiste de l’irrigation en Afrique sahélienne qui est actuellement répandue.

Des expériences innovantes et encourageantes sont en effet menées par des projets de recherche et développement, des organisations paysannes, des offices d’aménagement, des opérateurs privés. Cependant, on constate d’une part un manque de capitalisation de ces expériences et de suivi des performances, d’autre part un manque de diffusion des connaissances entre les différents acteurs de l’irrigation et aussi vers les agriculteurs.

Une meilleure capitalisation, valorisation et diffusion de ces connaissances donnerait une meilleure cohérence aux actions menées et devrait contribuer à l’amélioration des performances des systèmes irrigués sahéliens. Cela requiert la mise en place de moyens de collecte, capitalisation, diffusion et mise en pratique de connaissances à différents niveaux: régional, national, du périmètre et des producteurs. Le projet propose à cet égard une méthodologie de diagnostic comparatif rapide qui permet une analyse comparée des performances et des pratiques entre aménagements à un niveau régional. Elle pourrait favoriser la diffusion de connaissances par la constitution d’un réseau et d’un observatoire des systèmes irrigués.

L’amélioration des performances serait également plus facile si une nouvelle forme d’appui conseil à la demande existait. Cette structure jouerait un rôle clé d’une part pour combler un maillon faible et parfois manquant de diffusion de connaissances, d’autre part pour répondre aux multiples contraintes actuelles de l’irrigation et appuyer le processus de professionnalisation des producteurs, des coopératives et des filières. Différentes expériences sont menées dans ce sens, privilégiant parfois les aspects techniques et organisationnels (agronomie, hydraulique au Niger et au Sénégal) ou au contraire les aspects de gestion et de finance (comptabilité, appui institutionnel au Mali).

Cependant, à l’heure actuelle, les acteurs nécessaires (cellules de prestation d’appui conseil, organisations paysannes matures) ne sont pas tous en place. La réorganisation et la professionnalisation des filières passent par la définition des rôles et poids respectifs de trois acteurs clé: Etat, organisations paysannes et secteur privé. Dans le cadre de ce «nouveau» partage des rôles, les irrigants d’Afrique de l’Ouest ont à relever le défi de façonner leurs propres institutions et organisations, qui ne soient pas calquées sur un modèle extérieur. Cela implique un engagement fort que tous les irrigants ne seront peut-être pas prêts à fournir et aussi un appui des pouvoirs public aux organisations paysannes sur les plans institutionnel, légal, fiscal et probablement financier dans les premières étapes du transfert. Il convient donc de développer les ressources humaines de ces irrigants pour ce processus, et d’accompagner le changement. C’est la notion de «transfert sans abandon».


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