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Les tendances de l’enseignement forestier
en Grande-Bretagne et en Allemagne, 1992 à 2001

H. Miller

Hugh Miller est professeur à l’Université d’Aberdeen (Royaume-Uni).

Les résultats d’une enquête dans deux pays européens font état d’un fléchissement dans le nombre des étudiants qui décident de poursuivre leurs études de sciences forestières, ce qui pourrait avoir de fortes


Diplômés de l’Université d’Aberdeen, Royaume-Uni

J.M. McIntosh




Dans de nombreux pays européens, le nombre d’étudiants qui décident d’étudier les sciences forestières à l’université ou dans un collège a fait l’objet d’un fléchissement. Des preuves anecdotiques montrent que vers la fin des années 70 – lorsque les universités et les collèges cherchaient à accroître le nombre des inscriptions, et de nouveaux programmes forestiers étaient établis dans des institutions qui ne les avaient pas fournis auparavant – la demande de places dans les programmes d’enseignement forestier allait peut-être déjà en s’affaiblissant.

Les établissements d’enseignement forestier en compétition hésitaient à admettre trop ouvertement leurs problèmes de recrutement. Cependant, au cours des années 90, le problème dans certains pays est apparu si évident que l’on a craint qu’à l’avenir le nombre de diplômés en sciences forestières pourrait se révéler insuffisant.

Le présent article résume les résultats d’une enquête parrainée par la FAO qui vise à éclaircir la situation en Allemagne et en Grande-Bretagne. Des réponses sont parvenues de quatre universités établies de longue date en Grande-Bretagne et des quatre en Allemagne qui avaient traditionnellement décerné des diplômes universitaires en sciences forestières. On a également obtenu de bonnes informations sur les diplômes et les qualifications techniques offerts par quatre universités ou collèges établis plus récemment en Grande-Bretagne (désignés dans cet article sous le nom de «nouvelles universités») assurant ainsi une couverture quasi complète. Toutefois, trois seulement des cinq Fachhochschule ou collèges allemands similaires interpellés ont répondu à l’enquête.

COMPARABILITÉ DES QUALIFICATIONS

Les universités allemandes ont envoyé des données concernant leur Diplom traditionnel qui est décerné après quatre ans et demi d’études. Ces dernières années, conformément à l’Accord de Bologne – un engagement visant à harmoniser l’enseignement universitaire en Europe – le Diplom est remplacé ou augmenté par une licence de trois ans suivie d’une maîtrise de deux ans (dont six mois pourraient être consacrés à des travaux pratiques).

En Ecosse prévaut une licence ordinaire de trois ans ou une licence ès sciences avec distinction. En Grande-Bretagne et au Pays de Galles, le grade universitaire de premier cycle s’obtient après deux ans plus un an pour la distinction. En Grande-Bretagne, il est aussi possible, dans les nouvelles universités et certains collèges, de passer d’une qualification technique à une licence ès sciences avec une année supplémentaire d’études.

Pour les besoins de la présente enquête, le Diplom allemand, la maîtrise allemande et la licence anglaise avec distinction sont considérés comme des qualifications équivalentes et désignés sous le nom de «diplômes».

En Allemagne et en Grande-Bretagne, on peut obtenir une qualification ou certificat technique de haut niveau qui renforce les études pratiques; en Grande-Bretagne il s’agit d’un diplôme qu’il ne faut pas confondre avec le Diplom allemand. Dans la présente enquête ces différentes qualifications sont regroupées et désignées par l’expression «qualifications techniques».

Certaines universités établies de longue date en Grande-Bretagne et en Allemagne offrent des programmes post-universitaires (M.Sc.) de deux ans destinés soit à obtenir une spécialisation plus poussée que celle du diplôme général de sciences forestières soit à permettre aux universitaires titulaires de diplômes connexes (botanique ou écologie) d’entrer dans la profession forestière. Du fait que, pour trouver un emploi, les diplômés de ces cours concurrencent normalement ceux dont le premier diplôme est en sciences forestières, les données concernant tous les diplômes, quelle que soit la terminologie, ont été groupées dans l’analyse qui suit. Toutefois, dans certains cas, les données relatives à la maîtrise sont analysées séparément sous le terme «maîtrise post-universitaire».

LES ÉTUDES UNIVERSITAIRES DE PREMIER CYCLE EN GRANDE-BRETAGNE

La Grande-Bretagne a connu un fléchissement régulier du nombre d’étudiants s’inscrivant aux programmes menant à un diplôme de sciences forestières dans des universités établies au cours de la décennie 1992-2001 (figure 1). Ce fléchissement a été compensé, dans une certaine mesure, par les candidats aux diplômes des nouvelles universités. Cependant, il ne faudrait pas en conclure que les nouveaux programmes dérobaient tout simplement les candidats aux anciens, car sans nul doute un grand nombre de diplômés sortant des nouveaux programmes n’auraient obtenu autrement que des qualifications techniques.

Les admissions aux études visant l’obtention de qualifications techniques ont, en fait, augmenté au cours de la première moitié de la décennie et n’ont baissé que la dernière année. Toutefois, ces chiffres masquaient un recul dans le nombre de candidats aux qualifications techniques de niveau supérieur (Higher National Diploma) à partir de 1998 environ. Ce recul a été compensé par les demandes d’inscription aux nouveaux programmes de niveau inférieur menant à un certificat dans des collèges qui, auparavant, n’offraient pas de telles occasions d’apprentissage.

Pris isolément, les chiffres relatifs aux admissions peuvent masquer une baisse d’intérêt, si davantage d’étudiants médiocrement qualifiés sont admis. Les données sur le nombre de candidats peuvent indiquer la demande totale, mais rares sont les institutions qui ont envoyé de telles informations. Quoi qu’il en soit, le fait de totaliser le nombre des candidats de toutes les institutions pourrait se révéler trompeur car les étudiants intéressés envoient invariablement leur demande d’inscription à plus d’une institution. Des données complètes sur le nombre de candidats ont été fournies pour au moins un programme sanctionné par une maîtrise, un autre par une licence, et deux autres par un diplôme et un certificat (tableau 1). Dans tous les programmes à l’exception du celui menant à un certificat, à partir de 1994, s’est manifestée une baisse lente qui s’est accentuée depuis 1998. Dans les deux programmes aboutissant à une licence, le pourcentage des candidats admis a accusé une légère hausse, mais l’accroissement n’était pas assez marqué pour indiquer une importante chute de niveau. En ce qui concerne le diplôme de qualification, cependant, la hausse de pourcentage des candidats admis a été très prononcée.

1
Nombres d’étudiants admis aux programmes sanctionnés par un diplôme
ou aux études techniques en Grande-Bretagne

LES ÉTUDES UNIVERSITAIRES DE PREMIER CYCLE EN ALLEMAGNE

Il y a eu un fléchissement régulier et inquiétant dans le nombre total d’étudiants admis aux programmes de premier cycle aux quatre universités de sciences forestières traditionnelles en Allemagne pendant la première moitié de la décennie (figure 2). Ensuite, alors qu’en Grande-Bretagne les nombres commençaient à reculer rapidement, en Allemagne ils faisaient preuve d’une forte amélioration, s’accroissant de 40 pour cent entre 1996 et 2000, bien qu’ils aient baissé par la suite. Ce modèle de fléchissement suivi d’un redressement était remarquablement similaire dans toutes les quatre institutions.

Deux institutions ont fourni des chiffres intéressants quant au nombre d’étudiants admis aspirant à obtenir des qualifications techniques, bien qu’ils ne concernent que 1995 dans la figure 2, car les données envoyées par une des institutions partaient de cette année-là. On n’observe aucun signe de recul sensible dans ces chiffres.

Une série incomplète de données sur les demandes d’inscription et les pourcentages d’admissions a été fournie par une université en Allemagne et une série complète par une Fachhochschule (tableau 2). Dans les deux institutions, en particulier la seconde, le nombre de candidats a baissé de façon marquée au cours de la période objet de l’enquête. Les niveaux d’inscription ont été maintenus, en partie du moins, en augmentant la proportion des candidats admis.

2
Nombre de candidats admis à des programmes sanctionnés par un diplôme et aux études techniques en Allemagne

ÉTUDES POST-UNIVERSITAIRES

Les détails d’un des programmes post-universitaires sanctionnés par une maîtrise en Grande-Bretagne et un autre en Allemagne sont donnés au tableau 3. Le recul dans les inscriptions était beaucoup plus marqué pour le programme britannique que pour le programme allemand, bien que dans une autre université britannique, comme le montre le tableau 1, le fléchissement ait été beaucoup moins prononcé que dans les deux universités figurant au tableau 3. Le fléchissement est probablement dû aux occasions décroissantes de financement pour les étudiants, notamment ceux venant de l’étranger.

TAUX D’ABANDON

En Allemagne, de nombreux étudiants prennent souvent plus de temps pour compléter leurs études que la période minimale établie, et en Grande-Bretagne un nombre variable dans chaque cohorte opte pour une année volontaire hors de l’établissement afin d’acquérir de l’expérience pratique. Il est donc difficile de comparer les chiffres relatifs à la remise de diplômes à ceux relatifs aux admissions pour établir le nombre d’étudiants qui abandonnent, c’est-à-dire qui ne poursuivent pas leurs études jusqu’à l’obtention de la qualification pour laquelle ils se sont inscrits. Toutefois, les chiffres relatifs aux institutions britanniques montrent qu’il est rare que plus de trois étudiants abandonnent leurs études la première année. On observe une exception: parmi les élèves qui étudient à temps partiel dans les nouvelles universités les taux d’abandon sont souvent élevés. En Allemagne, ils paraissent plus importants, allant de 10 à plus de 40 pour cent. Toutefois, une amélioration s’est manifestée apparemment ces dernières années.

RÉPERCUSSIONS SUR LA CONCEPTION DU PROGRAMME D’ÉTUDES

L’histoire de l’enseignement forestier dans les deux pays examinés a été influencée par le désengagement progressif du service forestier de l’Etat, qui n’est plus l’employeur dominant, et la création de nouveaux marchés pour les diplômés en sciences forestières. Bien qu’il ne soit jamais facile de trouver un premier emploi dans la profession forestière, la plupart des établissements interrogés dans les deux pays ont suggéré qu’un an ou deux après l’achèvement de leurs études, tous les diplômés avaient obtenu un emploi conforme à leur formation. L’éventail des emplois, toutefois, s’est notablement élargi créant par là des problèmes tant de recrutement que de conception du programme d’études.

Presque sans exception, les universités allemandes ont répondu à l’évolution de la situation en introduisant des programmes d’études nouveaux et plus souples qui, selon l’un des enquêtés, visent à donner «une chance de réagir de façon plus dynamique aux changements survenant dans le marché du travail» et «à offrir des créneaux aux individus». L’accent est mis plus fortement sur les compétences personnelles, sociales, interdisciplinaires et pratiques. Ces changements sont certainement souhaitables au plan éducationnel, mais il n’est pas clair s’ils ont influencé le recrutement. L’Université de Fribourg, par exemple, a inauguré un programme totalement neuf en 1994. Celle de Munich ne l’a fait qu’en 2000, mais les chiffres pour les demandes d’inscription et les admissions n’indiquent pas si la première a bénéficié plus que l’autre de l’apport antérieur de changements.

En Grande-Bretagne, comme en Allemagne, la nouvelle demande d’élargir la base de l’enseignement forestier entraîne des tensions concernant l’importance relative des matières traditionnelles (sylviculture et économie, par exemple) vis-à-vis des nouvelles, comme celles qui mettent l’accent sur les questions sociales et environnementales. Les programmes d’études ont été diversifiés et de nouvelles possibilités de spécialisation se présentent. Du fait que les départements universitaires de sciences forestières en Grande-Bretagne sont plus petits que les facultés équivalentes en Allemagne, la possibilité d’introduire de nouveaux cours est forcément limitée; pour s’étoffer, les programmes de sciences forestières menant à un diplôme ou à des qualifications techniques comprennent de plus en plus souvent des cours donnés dans des départements autres que ceux des sciences forestières. La plupart des universités et des collèges approuvent ces changements sur la base de leur efficacité et, par voie de conséquence, le nombre des forestiers spécialisés diminue. Cependant, en raison de ces réductions de personnel, la teneur forestière de nombreux programmes de sciences forestières est fortement diluée.

TABLEAU 1. Nombre de candidats et pourcentage admis à des programmes particuliers dans quatre différentes institutions
en Grande-Bretagne

Année

Maîtrise/études post-universitaires

Licence

Diplôme

Certificat

 

Nbre de candidats

% admis

Nbre de candidats

% admis

Nbre de candidats

% admis

No. of applicants

% admis

1992

86

24

179

26

236

12

40

83

1993

87

26

218

19

221

14

32

75

1994

94

27

263

18

178

21

30

70

1995

80

25

176

18

156

29

28

82

1996

83

22

155

21

118

36

30

80

1997

71

30

162

28

112

38

34

82

1998

56

29

116

25

63

46

34

50

1999

48

38

81

27

51

68

26

35

2000

44

39

66

23

40

63

25

80

2001

45

31

53

26

27

48

29

45

TABLEAU 2.Nombre de candidats et pourcentage admis à des programmes particuliers dans deux institutions en Allemagne

Année

Programmes sanctionnés par un diplôme

Qualifications techniques

 

Nbre de candidats

% admis

Nbre de candidats

% admis

1992

136

54

810

16

1993

145

57

1134

12

1994

119

71

799

17

1995

98

56

527

26

1996

407

25

1997

293

39

1998

 

252

39

1999

227

44

2000

99

69

255

38

2001

94

70

253

43

TABLEAU 3. Nombre de candidats admis au diplôme de maîtrise dans une université allemande et une université britannique

Année

Allemagne

Grande-Bretagne

1992

-

26

1993

-

17

1994

93

19

1995

91

10

1996

82

13

1997

*

10

1998

9

9

1999

33

11

2000

28

8

2001

24

3

2002

20

0

* Aucun étudiant inscrit en 1997 en raison de changements dans la structure du programme.

L’AVENIR

Le fléchissement des admissions aux cours de sciences forestières aura sans doute de fortes répercussions si la tendance n’est pas inversée. Déjà en Grande-Bretagne, l’Université d’Oxford a cessé de dispenser un enseignement forestier sauf au niveau de la recherche. Les réductions du personnel spécialisé dans certaines universités portent à s’interroger sur l’aptitude de ces universités à dispenser une formation forestière dans le long terme. En Allemagne, le recul dans le nombre d’admissions est moins radical, mais les chiffres paraissent masquer une lente baisse dans le nombre de personnes cherchant une éducation forestière. A une époque où le nombre d’étudiants entrant dans les universités et les collèges va en général en s’accroissant, le nombre de candidats aux programmes de sciences forestières diminue. La profession paraît avoir perdu son attrait pour les jeunes à la recherche d’un enseignement universitaire ou de collège.

Reste à savoir quelle importance cela peut avoir. D’aucuns pourraient estimer que les sciences forestières ne devraient pas occuper la place d’une matière distincte, mais sont plutôt un moyen de revendiquer une exclusivité professionnelle au détriment d’autres matières académiques comme l’écologie ou les sciences pures. S’il est vrai qu’un botaniste étudiant la foresterie en cours d’emploi fera sans doute moins de dégâts qu’un zoologiste étudiant la pratique médicale sur le tas, l’analogie reste pertinente. Lorsqu’un recyclage peut être dispensé, soit par des programmes d’études post-universitaires soit par des cours de formation en cours de service, l’entrée dans la profession forestière de diplômés provenant d’autres disciplines, y compris les sciences sociales, pourrait ajouter une nouvelle importante dimension. Malheureusement, l’enquête tend à montrer que les possibilités de recyclage (jadis un grand atout du cours désormais clos de l’Université d’Oxford) vont en diminuant aussi.

On pourrait arguer que la réduction du nombre d’étudiants est un moyen d’adapter l’offre à la demande. Il est significatif à cet égard que cette réduction et, partant, les changements dans le programme d’études et les diminutions de personnel, a lieu dans un grand pourcentage d’institutions dont chacune devient progressivement moins apte à fournir l’enseignement professionnel approfondi auquel on s’attendait dans le passé. Tant que les établissements objet de l’enquête doivent déployer des efforts pour assurer leur existence, on risque de perdre une masse critique d’enseignants, ce qui à son tour rend moins attrayants les diplômes pour les étudiants potentiels.

Le défi consiste à la fois à rehausser l’image des sciences forestières pour ceux qui pourraient étudier la matière et à faire en sorte, au besoin par des fusions ou des clôtures, qu’au moins certaines institutions à chaque niveau puissent continuer à enseigner les sciences forestières comme une matière complète, plutôt que de les reléguer au rang de spécialité secondaire dans un diplôme de biologie ou un autre diplôme scientifique. usur la disponibilité et la qualité futures de l’enseignement forestier professionnel.

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