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CHAPITRE 6:
Le stockage des aliments, leur transformation et la sécurité alimentaire des ménages


Le système agro-alimentaire après la récolte

Ce chapitre traite du stockage, de la transformation et de la distribution ou commercialisation des aliments en Afrique subsaharienne. Il souligne l’importance de ces fonctions et suggère quelques moyens de les rendre plus efficaces en vue d’ouvrir aux consommateurs un meilleur accès physique à des approvisionnements suffisants et variés et de renforcer ainsi la sécurité alimentaire des ménages. Pour que la filière alimentaire fonctionne efficacement après la récolte, notamment au stade de la commercialisation, il faut qu’elle favorise une production et une distribution ajustées aux besoins des consommateurs et qu’elle maintienne au niveau minimal le coût des transferts du producteur au consommateur.

La production vivrière accuse un caractère saisonnier dans un grand nombre de zones écologiques, tandis que la sécurité alimentaire des ménages dépend d’un approvisionnement alimentaire régulier et continu tout au long de l’année. Un système convenable de stockage des récoltes est donc nécessaire, ainsi qu’un système efficace de transformation et de distribution des denrées alimentaires, si l’on veut que la distribution des disponibilités soit équitable et suffisante au niveau du pays, des communes et des ménages.

S’agissant des céréales, le système agro-alimentaire après la récolte comporte les étapes suivantes (UNIFEM,1988):

Les interventions visant à améliorer l’entreposage des récoltes et la distribution des denrées alimentaires sont indiquées de façon précise dans l’encadré 25.

La plupart des technologies susceptibles d’augmenter l’efficacité des étapes après la récolte ont déjà été identifiées. A l’avenir, les efforts d’innovation concernant le traitement des céréales après la récolte devront privilégier l’ajustement des nouvelles technologies aux particularités de l’environnement, ainsi que leur viabilité économique et sociale. En revanche, des développements technologiques majeurs sont encore attendus pour les autres produits vivriers, surtout dans le cadre des petites et moyennes entreprises. Par exemple, des cultures traditionnelles comme celle de la patate douce peuvent encore déboucher sur la mise au point de nouveaux produits aux perspectives commerciales intéressantes.

Le traitement des produits de la récolte dans les ménages

Les ménages font leurs choix des quantités à stocker ou à vendre selon les prix du marché, leurs propres besoins de consommation, leur capacité de stockage et leurs nécessités immédiates d’argent liquide. Si le système local de distribution et de commercialisation est efficace, les ménages peuvent tabler sur une disponibilité constante des denrées alimentaires tout au long de l’année, mais si le mauvais état des routes et la précarité des moyens de transport les confinent dans l’isolement pendant une partie de l’année, leur sécurité alimentaire est plus aléatoire; dans ces conditions, les ménages accordent probablement au stockage familial une plus haute priorité. La qualité de l’infrastructure de commercialisation, du réseau routier et des services ruraux influencent profondément la disponibilité alimentaire, les prix du marché et l’accès physique des communautés à la nourriture.

Le niveau de la production peut varier selon les perspectives d’écoulement des récoltes et selon la qualité des services commerciaux et de l’information sur les conditions du marché. Parfois, certains produits périssables tels que les racines et les tubercules ne sont pas stockés, mais récoltés à la demande. D’autres cultures sont récoltées et transportées immédiatement sur les marchés à l’état frais. S’il est vrai qu’en général la planification centralisée de la production n’est plus qu’un souvenir du passé, il est encore nécessaire d’éclairer les producteurs sur les besoins des consommateurs. Les inexactitudes de l’information sur la demande, et plus particulièrement sur les sites demandeurs et sur les denrées et les quantités demandées, conduisent souvent à une distribution inappropriée des disponibilités et, finalement, à la perte des marchés. Du temps de la planification centrale et des systèmes d’achat d’Etat, le gouvernement prenait en charge le coût de ces erreurs, mais dans un système libéral, c’est le producteur qui pâtit. Une meilleure information commerciale permettrait aux producteurs de décider avec plus de pertinence ce qu’il faut planter, et quand le faire.

ENCADRÉ 25
AMÉLIORER LA DISTRIBUTION ET L’ENTREPOSAGE
DES ALIMENTS POUR RENFORCER LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DES MÉNAGES

Améliorer la distribution des denrées alimentaires

Les denrées alimentaires doivent être équitablement distribuées, ce qui n’est pas toujours le cas. Voici les moyens de parvenir à une distribution plus équitable:

  • améliorer les moyens de communication, afin que les stocks excédentaires disponibles dans une zone puissent être transférés dans une autre zone accusant un déficit;

  • améliorer les dispositifs de commercialisation, et pour cela: accroître le nombre des marchés et des magasins d’alimentation; mieux approvisionner les boutiques de village en produits manufacturés et conservés, de bonne valeur nutritive et de prix raisonnable; améliorer les marchés; créer des magasins d’alimentation coopératifs;

  • répartir équitablement les vivres au sein des familles, afin que les enfants aient leur juste part d’aliments protéiques et autres et que les femmes soient mieux nourries;

  • distribuer un repas de midi dans les écoles; encourager les enfants à s’alimenter à l’école; distribuer du lait à l’école; améliorer les repas dans les internats;

  • mettre à disposition des aliments spéciaux pour les enfants; faire connaître des préparations culinaires spéciales pour les très jeunes enfants;

  • payer les salaires chaque semaine plutôt que chaque mois; encourager une meilleure gestion du budget familial;

  • veiller à ce que les travailleurs puissent recevoir un repas de midi (cantines subventionnées; rations de travailleurs manuels).

Améliorer l’entreposage des vivres et des récoltes

Environ 25 pour cent de toutes les denrées alimentaires produites en Afrique ne sont jamais consommées par l’homme. Ces quantités se détériorent ou sont mangées par les insectes, les rats et autres ravageurs. Des mesures peuvent être prises pour remédier à cet état de choses. On peut citer notamment:

  • la lutte contre les rats (pièges, poison, défense des greniers, etc.);

  • la lutte contre les insectes (insecticides, amélioration du stockage, récipients hermétiques);

  • la lutte contre les moisissures et la pourriture des denrées (entreposage des denrées après un séchage aussi poussé que possible, emploi de meilleurs récipients);

  • la lutte contre les oiseaux, surtout dans les zones à mil et à blé;

  • les mesures de protection contre les singes, babouins, porcs-épics, sangliers et autres animaux destructeurs - y compris les éléphants;

  • l’éducation de la population en matière de sécurité et d’hygiène en vue d’un meilleur entreposage au foyer.

Source: FAO, 1997b.

Les fluctuations climatiques influencent l’efficacité des cultures vivrières à tel point que les variations de production ne sauraient être entièrement évitées. Il est donc essentiel que les exploitations agricoles soient dotées d’un bon système de stockage, non seulement pour que les surplus soient mis à l’abri, mais encore et surtout pour que les producteurs disposent après les récoltes d’une réserve de vivres suffisante pour couvrir, l’année durant, les besoins de la consommation familiale.

La manutention et le stockage des récoltes

Le stockage des racines, tubercules, bananes et plantains

Les racines, tubercules, bananes et plantains représentent à peu près 40 pour cent des disponibilités vivrières, exprimées en énergie alimentaire, des populations de l’Afrique subsaharienne, dont les disponibilités alimentaires totales se situent d’ailleurs à un niveau très faible. On pourrait à l’avenir augmenter la production pour satisfaire les besoins, mais il faut constater que la consommation tend plutôt à décliner. Ce déclin s’associe à l’urbanisation croissante, peu favorable aux produits traditionnels hautement périssables et qui demandent beaucoup de travail. Toutefois, les recherches sur la conversion des produits primaires amylacés en produits alimentaires moins périssables et plus commodes pour les consommateurs urbains pourraient contribuer à retourner cette tendance (voir aussi la section sur l’urbanisation au chapitre 4).

La plupart des familles agricoles ajustent leur production d’aliments périssables, par exemple les racines et les tubercules, de manière à minimiser les risques après la récolte. Certaines exploitantes de la province du Nord-Ouest du Cameroun produisaient des pommes de terre comme culture de rapport, mais limitaient leur production aux quantités qu’elles pouvaient écouler sur les marchés tant que les routes n’étaient pas fermées à cause des pluies. Ces productrices présumaient qu’elles ne pourraient pas garder de pommes de terre en stock durant la saison des pluies qui empêchait tout transport. Lorsqu’une récolte exceptionnelle faisait chuter les prix ou qu’elles n’arrivaient pas à transporter toute leur récolte sur les marchés, elles laissaient pourrir le surplus dans le champ. L’amélioration du stockage a permis, dans une certaine mesure, de surmonter ce problème de transport (encadré 26).

Une fois récoltés, les tubercules frais de manioc se détériorent rapidement, de sorte qu’il vaut mieux les laisser en terre et ne les arracher qu’à la demande. Les patates douces et les ignames, par contre, sont caractérisées par une période de sommeil et supportent une période plus longue de stockage une fois traitées (encadré 27). Par ailleurs, les ignames, le taro et le manioc, une fois récoltés, peuvent être enfouis dans la terre pour y être conservés. Une étude menée dans le sud-est du Ghana (encadré 28 et tableau 32) a indiqué que 91 pour cent des exploitants observés pratiquaient le stockage dans la terre du manioc non récolté, mais 5 pour cent seulement des ménages utilisaient cette technique pour l’igname.

ENCADRÉ 26
RÉDUCTION DES PERTES DE CÉRÉALES ET DE TUBERCULES APRÈS LA RÉCOLTE,
DANS LES VILLAGES DU CAMEROUN (SEPTEMBRE 1979 - JANVIER 1982)

Dans les régions les plus élevées du nord-ouest du Cameroun, des exploitantes cultivaient des pommes de terre comme culture commerciale. La récolte principale avait lieu en juillet et était suivie par deux mois de fortes pluies, durant lesquels les négociants ne pouvaient pas se rendre dans les villages pour acheter la récolte car les pistes et les routes étaient impraticables. Ces exploitantes, qui n’avaient pas d’expérience en matière de stockage des pommes de terre, ne pouvaient pas attendre septembre ou octobre pour vendre leur récolte; elles récoltaient et vendaient leurs pommes de terre en juillet, à des prix très bas en raison de la surabondance. Le surplus pourrissait dans le champ.

Un projet pilote de deux ans, exécuté dans le cadre du Programme d’action spéciale pour la prévention des pertes de produits alimentaires, a donc alloué des ressources pour mettre en place des moyens de stockage. Un entrepôt d’une capacité de 7 tonnes a été construit avec des matériaux locaux. Il utilisait la ventilation naturelle nocturne comme système de régulation thermique. Les premiers résultats ont été encourageants; les pommes de terre se conservaient bien et ont été vendues à de meilleurs prix après les pluies.

Une analyse préliminaire judicieuse a montré que ce projet s’écartait quelque peu de l’approche classique du stockage. L’entreposage était considéré comme un maillon de la chaîne production-stockage-commercialisation et permettait de résoudre le problème du transport. Le projet a aussi démontré qu’on pouvait tripler les rendements de la variété locale de pomme de terre en plantant des variétés améliorées, produites localement par le centre de recherche de Bamui. Les encouragements à la production avaient vraisemblablement été freinés par la situation après récolte, à laquelle de meilleures conditions de stockage et de commercialisation ont pu remédier.

Source: D’après FAO, 1987.


ENCADRÉ 27
STOCKAGE DU MANIOC ET DES PATATES DOUCES À L’ÉTAT FRAIS

Manioc

Les tubercules frais de manioc se détériorent rapidement, c’est pourquoi les villageois le laissent souvent en terre qu’au jour où ils en ont besoin. C’est une stratégie de stockage simple et peu coûteuse, mais qui diminue l’aptitude du manioc au traitement; d’autre part, elle empêche d’utiliser rationnellement le sol puisque, tant que le manioc reste en terre, on ne peut pas pratiquer d’autres cultures. L’idéal serait de traiter le manioc dans les 24 à 48 heures après la récolte.

Si un traitement rapide est impossible, mieux vaut entreposer pour peu de temps le manioc frais et intact en l’enfouissant dans un tas de terre humide. Les essais réalisés dans l’état du Kerala, qui produit à lui seul 85 pour cent du manioc de l’Inde, ont montré que les racines de manioc disposées en couches alternées (10 kg à la fois) avec des feuilles de manioc restaient intactes pendant quatre semaines. Les feuilles permettent de conserver une température optimale de 35 à 40 °C et une humidité de 85 à 90 pour cent; elles libèrent aussi en séchant de petites quantités d’acide cyanhydrique qui réduit l’activité microbienne dans les tubercules.

Patates douces

Dans la plupart des pays tropicaux, les patates douces sont récoltées selon les règles. Comme tous les autres tubercules, elles passent par une période de dormance, ce qui permet de les entreposer pour de courtes durées. Les traiter permet de prolonger considérablement la durée de leur entreposage.

Pour traiter la patate douce dans des conditions optimales, l’idéal est de pouvoir la soumettre à une humidité relative de 80 à 90 pour cent et à une température de 30 à 32 °C pendant quatre à sept jours; ce traitement permet la cautérisation des plaies et la subérisation.

Les patates douces endommagées risquent une infection par moisissures; on rapporte sporadiquement des cas d’empoisonnement de bétail ayant consommé des variétés grossières. On pense que les toxines responsables, l’isoméamaranol et l’ipoméamarone, sont des métabolites produites par la prolifération de moisissures sur les tubercules après que leur surface a été légèrement endommagée.

Source: FAO, 1990c.


ENCADRÉ 28
CONSERVATION ET STOCKAGE DES ALIMENTS DE BASE
DANS LE SUD-EST DU GHANA

On a tendance à considérer que la conservation et le stockage des denrées récoltées sont du ressort des femmes. En fait, il s’agit de tâches complémentaires accomplies aussi bien par les hommes que par les femmes. En général, ces dernières sont responsables du traitement des denrées alimentaires à stocker, et en particulier des légumes, alors que les hommes se chargent de construire les magasins pour stocker les récoltes des aliments de base. Les agriculteurs ayirebi conditionnent de diverses manières les produits alimentaires qu’ils veulent stocker, la plus courante étant le séchage. L’objectif du séchage est d’enlever à l’aliment un maximum d’eau afin de le conserver le plus longtemps possible. Le processus peut être direct, par exemple le séchage au soleil où l’énergie solaire et le vent font évaporer l’eau de l’aliment, ou indirect, comme le séchage au-dessus d’un feu de bois.

A l’exception du maïs, du taro et du riz, il n’existe pas de structures locales spéciales pour stocker les récoltes de la communauté. Les aliments de base comme le manioc, le taro et quelques variétés d’ignames sont récoltés au fur et à mesure des besoins, ou bien conservés en terre dans des fosses. Le tableau 32 présente les techniques de conservation et de stockage pour quelques aliments de base, observées auprès de 412 ménages ayant fait l’objet d’une enquête en 1983.

Source: Dei, 1990.

Manutention et stockage des céréales et des légumineuses

La manutention des céréales et des légumineuses récoltées présente certains problèmes. La phase de séchage de ces grains est d’une importance cruciale pour réduire l’attaque des insectes et des champignons. Une étude menée au Swaziland sur les pertes de maïs a montré que les pertes les plus importantes, d’environ 15 pour cent, étaient causées par la pourriture des grains pendant le séchage au champ (encadré 29). Une des recommandations faites en vue de résoudre ce problème consistait à changer la date des vacances scolaires pour permettre aux enfants d’aider les femmes à récolter le maïs au bon moment. Cette étude démontre qu’avant d’introduire des changements il est nécessaire d’apprécier à leur juste valeur les contraintes et les stratégies des systèmes d’exploitation en vigueur, ainsi que l’importance de l’implication des communautés concernées dans la sélection et l’introduction des interventions proposées.

TABLEAU 32

Techniques de conservation et de stockage des aliments de base utilisées par 412 ménages ayirebi au cours de la saison agricole 1983

Technique ménages de stockage technique

Nombre de ménages ayant adopté la technique

Pourcentage de ayant adopté la

Maïs



Dans la grange

280

68

Au-dessus de la cuisine

370

90

Dans une pièce

50

12

Pas de stockage

19

5

Igames



En terre (non récoltées)

20

5

Dans des fosses sous terre (récoltées)

70

17

Dans des paniers tressés

16

4

Pas de stockage

279

68

Manioc



Séchage au soleil/blanchiment dans des récipients de cuisine

172

42

En terre (non récolté)

375

91

Dans des fosses sous terre (récolté)

208

51

Dans de l’eau (au foyer)

52

13

Taro



En terre (non récolté)

250

61

Dans des fosses sous terre (récolté)

298

72

Pas de stockage

41

10

Source: Dei, 1990.

Le stockage à la ferme prend une importance croissante maintenant que le rôle des offices de commercialisation a été réduit et que les exploitants sont amenés à stocker une bonne part de leur production excédentaire dans l’exploitation pendant de longs mois.

ENCADRÉ 29
RENFORCEMENT DU SECTEUR DE LA CONSERVATION DES ALIMENTS ET DE
L’ENTREPOSAGE DES RÉCOLTES AU SWAZILAND
(SEPTEMBRE 1980 - SEPTEMBRE 1982)

Au Swaziland, 94 pour cent des agriculteurs cultivent du maïs, et ce dernier occupe 70 pour cent de la superficie des terres emblavées. Les fermiers swazi produisent du maïs surtout pour leur propre consommation. Lorsqu’ils ont un excédent, ils le vendent aux familles voisines qui en manquent. C’est seulement quand les années sont bonnes qu’il existe un excédent important de production destiné à être vendu dans un circuit organisé. Le Swaziland avait déjà au Ministère de l’agriculture une Section pour la conservation des aliments et le stockage des récoltes (FCCS), ce qui prouve que le gouvernement avait pris conscience de la gravité du problème des pertes après récolte et s’était engagé à le résoudre. Tout en encourageant l’amélioration de l’entreposage des céréales au niveau des exploitations et des coopératives, la FCCS, avec une assistance extérieure, a mis au point un grenier pour le séchage du maïs et s’est efforcée d’en introduire l’usage auprès des agriculteurs. La FAO, par le biais de son Programme d’action spécial pour la prévention des pertes de produits alimentaires, a apporté son aide à ces programmes et a entrepris une évaluation minutieuse des interventions proposées.

L’enquête sur l’évaluation des pertes de maïs a montré qu’en moyenne 23 pour cent des pertes se produisaient pendant le séchage et le stockage, notamment à cause de la pourriture du grain pendant le séchage au champ (environ 15 pour cent), avant qu’on ne mette les épis dans des greniers pour poursuivre leur séchage puis les stocker. Les pertes auraient pu être fortement réduites avec une récolte et à un séchage plus précoces, mais le manque de main-d’œvre familiale empêchait de le faire. L’enquête a jeté des doutes sérieux sur l’utilité des greniers à céréales dès lors que la récolte ne pouvait pas avoir lieu plus tôt.

L’enquête socio-économique du projet, menée auprès de 866 ménages a révélé que les femmes étaient lourdement impliquées dans toutes les étapes de la manipulation du maïs et que la récolte était souvent retardée pour permettre aux enfants d’aider pendant les vacances scolaires. La recommandation suivante a donc été formulée: «Pour diminuer les pertes après récolte, il est important que la récolte soit précoce. Comme la récolte est surtout faite par les femmes et les enfants, la FCCS devrait réorienter ses efforts de vulgarisation vers ce groupe cible. On pourrait encourager une récolte plus précoce en mettant les vacances scolaires en avril, c’est-à-dire en commençant le premier trimestre au début de janvier, afin d’avoir les 62 à 65 jours d’école requis. Le trimestre pourrait se terminer au début d’avril, ce qui permettrait aux enfants d’aider leurs mères à récolter et stocker le maïs. Une récolte précoce permettrait également une seconde culture». Ainsi, grâce à une meilleure connaissance des pertes après récolte, par le biais d’enquêtes sur l’ensemble du processus après récolte, une solution originale a pu être trouvée.

Source: FAO, 1987.

La figure 23 présente certains types traditionnels de greniers à maïs et autres grains, y compris les fèves de légumineuses. Dans les régions humides, les greniers à grains traditionnels sont des structures ventilées, qui servent aussi bien au séchage qu’au stockage des grains. Pour un bon séchage, il faut que les parois comportent de 40 à 50 pour cent d’ouvertures, selon le degré d’humidité de l’espace de séchage. Le diamètre maximal des greniers dépend du degré moyen d’humidité journalière et sera moindre si l’humidité est plus élevée (tableau 33). Un stockage correct n’est possible que si la teneur en eau des céréales et des légumineuses n’excède pas 7 pour cent pour les arachides décortiquées, 15 pour cent pour les haricots, et en moyenne 13 pour cent pour les céréales (tableau 34). En zone humide, il est souvent impossible de respecter ces limites. Dans les greniers ventilés, les pertes dues aux moisissures, aux rats et aux insectes varient de 3 à 10 pour cent.

Dans un Ebli-Va, structure traditionnelle de stockage du maïs au Togo, présenté à la figure 23, les épis de maïs sont empilés les uns sur les autres sur une plateforme pour former une paroi circulaire. Dans l’idéal, il faut que les épis soient de taille uniforme. Quelquefois, les épis sont légèrement humectés d’eau pour renforcer leur adhésion. Une fois cette paroi complétée, le maïs est accumulé en vrac au milieu, et l’ensemble de la structure est recouvert d’un toit de chaume. Si la plateforme est située à une hauteur suffisante, il est possible d’allumer un feu sous la structure pour tuer les insectes par fumigation naturelle. La fumée pénètre par les trous de la plateforme et s’échappe par le toit. La paroi doit donc comporter peu d’ouvertures, de sorte que la structure fonctionne comme une cheminée.

En zone aride, les grains peuvent être mis à sécher au champ, soit sur tige, soit sur des nattes ou de la toile de sac au bord de la route, ou sur des matelas de paille étalés exprès. Une fois sec, le grain est généralement stocké dans des silos en dur, ou dans des bacs en ciment ou autre matériau local. Si le grain est destiné à la consommation journalière et qu’il est sec et exempt d’insectes dès le départ, l’emploi d’insecticides n’est le plus souvent ni rentable ni nécessaire, puisque le stockage ne dépassera probablement pas une durée de six mois. La bouse de vache mêlée à la glaise, utilisée dans des silos traditionnels, a des propriétés insectifuges. Dans certaines régions, les feuilles de neem (Azadirachta indica) ou de petites quantités d’huile de palme ou d’arachide sont ajoutées au grain stocké pour mieux le protéger. Bien entretenus, les silos offrent une excellente défense contre les rongeurs, les oiseaux et les insectes.

FIGURE 23
Greniers à grains traditionnels

Source: FAO, 1985a.


TABLEAU 33

Conseils pour le choix d’un grenier, sur la base d’un taux moyen d’humidité

Moyenne journalière d’humidité relative
(%)

Largeur du grenier recommandée
(m)

>80

0,6

75-80

1,0

65-75

1,5

Source: FAO, 1993c.

TABLEAU 34

Teneur en eau maximale pour un stockage correct des céréales et des légumineuses

Produit

Teneur en eau
(% base humide)

Céréales


Maïs (grain)

13,0

Maïs, blanc

13,5

Tourteau de maïs

11,5

Riz paddy

14,0

Riz usiné

12,0

Mil

15,0

Sorgho

13,5

Blé

13,5

Blé boulgour

13,5

Farine de blé

12,0

Légumineuses


Haricots et fèves

15,0

Lentilles

14,0

Doliques

14,0

Pois cajan

14,0

Pois fourragers

14,0

Haricot doré

14,0

Soja

11,0

Arachides (sans coque)

9,0

Arachides (avec coque)

7,0

Source: FAO, 1993c.

L’introduction de variétés nouvelles à haut rendement entraîne quelquefois des problèmes de stockage. Les variétés céréalières traditionnelles sont souvent plus résistantes aux ravageurs, au cours du stockage, que les variétés améliorées. Introduit dans l’est et le sud du continent africain comme culture céréalière, le maïs a rapidement reçu un bon accueil. Dans des conditions climatiques favorables et grâce à l’utilisation de techniques de culture intensive, on a pu obtenir des rendements de maïs bien supérieurs à ceux des céréales traditionnelles, comme les mils et le sorgho. Dans les champs, le maïs résiste bien au pillage des oiseaux, mais certaines variétés posent des problèmes de conservation pendant le stockage. Quelques variétés à haut rendement ont un épi plus grand mais moins bien serré dans son enveloppe que celui des variétés introduites à l’origine. Or, le maïs est stocké en épi dans les greniers traditionnels. Comme les variétés hybrides à haut rendement sont beaucoup plus vulnérables aux attaques des insectes, elles subissent des pertes au stockage beaucoup plus importantes dans ces structures traditionnelles. Une étude menée en Zambie a montré que la fabrication de nouveaux greniers à parois solides ne débouche pas nécessairement sur une meilleure conservation des nouvelles variétés de maïs (encadré 30). En somme, la capacité des variétés nouvelles à procurer aux consommateurs défavorisés des bénéfices nutritionnels n’est pas seulement une affaire de rendements améliorés.

Pour les céréales, plus le grain est dur et mieux il est susceptible de résister aux insectes. Les méthodes traditionnelles de stockage de grains non battus offrent un supplément de protection. S’agissant du riz, par exemple, le paddy résiste mieux aux infestations que le riz blanchi; de même, dans les villages où la fumigation et le stockage en récipients hermétiques seraient difficiles à réaliser, les pois chiches se conservent mieux sans être décortiqués, car les cosses intactes et sèches offrent une certaine protection contre les ravageurs.

L’amélioration des méthodes de stockage

Dans la mesure du possible, toute amélioration du traitement du produit des récoltes que l’on propose aux pays en développement devrait être simple et peu coûteuse. En ce qui concerne les petits greniers à céréales, de légères améliorations rendant les structures existantes à la fois plus sûres contre les rats et la vermine et d’usage plus commode pour l’application des insecticides seront probablement plus intéressantes que l’aménagement de nouvelles constructions trop sophistiquées.

ENCADRÉ 30
INTRODUCTION EN ZAMBIE DE GRENIERS FAMILIAUX À PAROIS SOLIDES (NOVEMBRE 1978-OCTOBRE 1981) ET EXTENSION DU STOCKAGE DES CÉRÉALES AU NIVEAU DES VILLAGES (OCTOBRE 1981-OCTOBRE 1982)

En Zambie, le maïs cultivé en sec était récolté une fois par an et devait donc être stocké de 9 à 12 mois pour les besoins de la famille. De 65 à 70 pour cent de la récolte (soit 1 million de tonnes) étaient gardés à la ferme; le reste était du ressort de l’Office national de la commercialisation agricole. A la ferme, le maïs était stocké en épis dans des greniers. Chaque foyer en stockait de 1 à 2 tonnes pour la consommation familiale. Aucune enquête à grande échelle n’avait été entreprise sur les pertes au cours du stockage, mais une petite étude menée auprès d’un nombre limité d’agriculteurs avançait le chiffre de 13 pour cent. On pensait que ce pourcentage s’était accru avec l’introduction de variétés de maïs hybrides très vulnérables aux attaques des insectes pendant le stockage. La FAO, avec son Programme d’action spéciale pour la prévention des pertes de produits alimentaires, a organisé des cours de formation pour les vulgarisateurs et des démonstrations sur la façon de construire et d’utiliser des greniers familiaux à parois solides (ferrumbu). Ces derniers avaient été mis au point dans la région et testés d’un point de vue technique, mais principalement dans le cadre de la recherche.

En 1983 et 1984, une étude technique d’estimation des pertes et une enquête socio-économique ont été entreprises, afin d’évaluer l’efficacité des greniers qu’on avait installés dans des bâtiments de ferme pour les démonstrations. La diminution des pertes dans ces nouvelles constructions n’était pas très convaincante. L’analyse coût-bénéfice a indiqué que les bénéfices financiers ne seraient importants à court terme que pour les paysans qui pourraient éviter l’achat de l’équivalent de deux sacs de maïs suite à ces pratiques de stockage amélioré. Cela équivalait à 10 pour cent de réduction des pertes au cours du stockage.

Une innovation peut être qualifiée d’appropriée lorsqu’elle résout, pour un coût raisonnable, ce qui est considéré comme un problème crucial dans un système traditionnel et qu’elle permet des bénéfices appréciables sans entraîner de changements inacceptables dans les pratiques habituelles. Sur la base de cette définition, le bien-fondé des nouveaux greniers à parois solides n’a pas pu être globalement démontré.

Source: FAO, 1987.

Les greniers améliorés qu’illustre la figure 24 sont bien ventilés, ce qui est compatible avec un taux d’humidité plus élevé des récoltes. (Les récoltes précoces se caractérisent aussi par de moindres pertes). Des déflecteurs métalliques ajustés aux pieds des greniers offrent une certaine protection contre les rongeurs en les empêchant de grimper. La ventilation écarte plus ou moins bien le problème des moisissures, mais ne pourra pas empêcher une germination superficielle si l’humidité est très élevée. Il faut ôter les enveloppes en raison de leur forte teneur en eau, mais on expose ainsi le grain à l’attaque des insectes. Sur la plupart des sites, l’application d’insecticide par saupoudrage ou par vaporisation est donc indispensable. Les insecticides incorporés d’emblée ont tendance à se décomposer rapidement, mais on peut les appliquer à nouveau, du moins sur l’extérieur des greniers. La pénétration est donc améliorée. Les frais d’investissement dans ces greniers améliorés sont faibles ou tout au plus modestes, selon les matériaux que l’on choisit; mais la durabilité des greniers dépend aussi de ce choix. Les frais récurrents sont ceux qui couvrent l’achat d’insecticides.

La promotion du stockage des céréales en greniers à parois solides doit aller de pair avec l’introduction de techniques améliorées de décortiquage et de battage, puisque les céréales sont stockées en vrac dans ces récipients. Les décortiqueuses à main sont trop lentes pour traiter le grain en grande quantité. Dans un projet de la FAO en République-Unie de Tanzanie, deux égreneuses à maïs entraînées à la force du bras ont été testées. En pressant les épis de maïs contre un disque rotatif couvert de pointes sur ses deux faces, il était possible d’égrener deux épis à la fois. Une roue dentelée conique faisait tourner les épis en détachant presque tous les grains. Cependant, les égreneuses manuelles ne se sont pas révélées assez efficaces dans les villages. Les petits fermiers préféraient louer de la main-d’oeuvre pour égrener les épis directement à la main, à bien moindre coût.

Ces études montrent qu’il est important d’analyser l’effet des changements sur l’ensemble du système alimentaire, tant du point de vue du producteur que du consommateur. Il faut examiner aussi le coût de la main-d’oeuvre à chaque étape du processus.

En dépit de la sévérité des règlements de quarantaine, l’introduction de nouvelles variétés peut amener de nouveaux ennemis des greniers, contre lesquels les structures traditionnelles de stockage sont insuffisantes. Un exemple en est donné en République-Unie de Tanzanie par le grand capucin des grains (encadré 31). Il peut se révéler nécessaire de modifier les procédés traditionnels de traitement et de stockage des grains pour limiter les dommages dus à ces espèces nuisibles.

L’encadré 32 donne un résumé des procédés corrects de stockage.

FIGURE 24
Greniers à grains améliorés

Source: FAO, 1985a.


ENCADRÉ 31
PROGRAMME DE FORMATION SUR LA LUTTE CONTRE LE GRAND CAPUCIN DES GRAINS EN RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE (MAI 1984-AVRIL 1987)

Le grand capucin des grains, Prostephanus truncatus (Horn) est un ennemi des greniers originaire du sud des Etats-Unis et d’Amérique centrale, qui a été introduit accidentellement en Tanzanie à la fin des années 70. Au milieu des années 80, il avait envahi 17 des 20 régions du pays. Il peut causer de lourdes pertes dans le maïs stocké à la ferme et dans le manioc séché. Après cinq mois de stockage, des pertes de poids de 9 pour cent en moyenne ont été constatées dans le maïs, soit un taux bien supérieur au 1 pour cent que l’on aurait pu trouver dans les régions de l’Afrique de l’Est et du Centre, où cet insecte n’existe pas.

Une campagne coordonnée par la FAO et financée par des fonds multilatéraux pour lutter contre ce fléau, avec une aide en nature fournie par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Communauté économique européenne, a recommandé d’égrainer les épis de maïs dès que possible après récolte, puis de les traiter avec des insecticides spécifiques et de les stocker dans des conteneurs à l’abri des attaques de rongeurs et d’insectes. Ces recommandations étaient nouvelles pour beaucoup de petits agriculteurs tanzaniens qui, habituellement, séchaient et stockaient leur maïs en épis dans des structures adaptées à leurs coutumes et aux conditions locales. Pour suivre ces recommandations, les petits agriculteurs ont dû non seulement accepter des changements sur le plan socio-économiques, mais aussi adopter des techniques qu’ils n’avaient encore jamais utilisées, comme l’égrainage immédiat des épis, et utiliser des structures de stockage modifiées. La réponse des cultivateurs au message de vulgarisation a été très variable, mais l’impact a été sensiblement plus important dans les communautés où le travail de vulgarisation avait été plus intense.

Une étude sur l’effet des recommandations concernant les pertes de maïs lors du stockage a montré que si on prenait en compte les quantités consommées par les ménages ou vendues durant l’année, les pertes réelles d’aliment pendant une saison n’arrivaient pas à 2 pour cent. Comparées à la moyenne de 8,9 pour cent de pertes de poids relevées en 1984, ces pertes étaient très faibles.

Grâce au programme, la gravité du problème causé par le capucin des grains a été mieux comprise à tous les niveaux. Le soutien et la participation du gouvernement se sont accrus. Dans la plupart des régions, les responsables administratifs et politiques ont apporté leur soutien, et les aspects législatifs introduits pour faciliter la lutte contre l’insecte ont largement contribué aux résultats. Un système de distribution d’insecticides a été mis en place. Des inspecteurs de la fonction publique, des agents de vulgarisation et des représentants des villages ont également été formés aux bonnes méthodes de contrôle.

Source: D’après FAO, 1987.


ENCADRÉ 32
COMMENT BIEN STOCKER LE GRAIN

Les points suivants pourraient figurer dans un code de bons procédés de stockage. Ils constituent un ensemble de directives à suivre pour adopter un système correct de stockage.

  • Bien sécher le grain avant de le stocker. Le grain doit être gardé sec.

  • Ne garder que du grain propre dans les conteneurs. On aura auparavant enlevé et brûlé tous les vieux grains, les poussières, les insectes et les morceaux de paille, afin qu’ils ne contaminent pas la nouvelle récolte.

  • Conserver le grain au frais, en évitant les changements importants de température avec l’extérieur. On y arrive de diverses façons - grâce aux matériaux de construction (par exemple, briques, boue, argile, bois) qui ne laissent pas facilement passer les températures extérieures, et en utilisant ou en construisant des conteneurs à l’abri de la lumière directe du soleil, ou en appliquant sur l’extérieur des conteneurs une couche de plâtre blanc.

  • Protéger le grain des insectes en suivant les règles de propreté, en le séchant et en le mettant dans un magasin hermétiquement clos.

  • Une fois le bâtiment et les conteneurs terminés, en assurer le plus possible l’étanchéité. S’efforcer de placer les structures de stockage sur des sites bien drainés et hors de portée des inondations en période de fortes pluies. On peut y arriver en surélevant le plancher du bâtiment.

  • S’assurer que les conteneurs résistent à toute attaque de rongeurs.

  • Vérifier régulièrement que le grain stocké n’est pas infesté. L’agriculteur doit plonger sa main dans le grain pour se rendre compte s’il ne chauffe pas; il doit aussi en sentir l’odeur et chercher les grains foncés, qui indiquent que le degré d’humidité augmente. Si ces signes sont observés, il faut étaler le grain et le faire sécher de nouveau.

  • Avant le stockage, on peut mélanger des insecticides au grain, à condition de suivre les recommandations du fabricant et de respecter les réglementations gouvernementales en vigueur dans la région.

Source: UNIFEM, 1988.

Le stockage communautaire peut se révéler très efficace pour améliorer la sécurité alimentaire des ménages (encadré 33), spécialement dans les régions reculées où la population ne dispose pas d’accès facile aux marchés, dans les régions où les marchés fonctionnent mal ou dans les régions que menacent périodiquement les disettes provoquées par la sécheresse. Bien gérées, les banques de céréales peuvent fournir un filet de sécurité aux exploitants agricoles et spécialement aux exploitants pauvres. Ces derniers peuvent alors vendre leurs surplus tout de suite après la récolte pour acheter des articles utiles au ménage, payer les frais de scolarité des enfants ou rembourser les emprunts qui ont servi à l’achat de semences et d’engrais. Ils peuvent également acheter des aliments au prix le plus bas possible avant la récolte, quand les aliments sont rares sur les marchés et les prix élevés.

ENCADRÉ 33
UN SYSTÈME DE STOCKAGE COMMUNAUTAIRE FAVORABLE À LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE AU BURKINA FASO

La sécurité alimentaire est parfois menacée par une commercialisation et une distribution mal organisées. Bien souvent, les autorités céréalières semi-publiques ne servent que l’intérêt des consommateurs urbains et, en période de pénurie, il leur est quelquefois presque impossible de procéder à des distributions de grain dans des villages reculés où les routes et les installations de stockage laissent à désirer. Au Burkina Faso, quelques organisations non gouvernementales ont pris l’initiative de créer des mécanismes d’approvisionnement alimentaires à niveau du village. Plus connues sous le nom de «banques de céréales», il s’agit surtout d’organisations de stockage dirigées par de petits agriculteurs responsables de l’achat de céréales tout de suite après la moisson, de leur stockage et de leur revente aux villageois au plus bas prix possible en période de pénurie. Bien que ces banques de céréales aient été mises en place dans des régions marginales ou déficitaires, les villageois - ou tout au moins certains d’entre eux - disposaient, en année de production normale, d’un certain excédent, tandis que d’autres vendaient immédiatement une partie de leur maigre récolte pour répondre à un besoin urgent d’argent liquide. Les banques de céréales s’assuraient que les céréales mises en vente ne sortaient pas du village, et des économies étaient ainsi réalisées sur le coût du transport. Naturellement, une certaine organisation était indispensable, ainsi que quelques installations de stockage (petits entrepôts) et des ressources financières pour l’achat de stocks; des villageois devaient également être formés pour assumer les nouvelles responsabilités. Le Programme FAO d’action spéciale pour la prévention des pertes de produits alimentaires a été étroitement associé à ces activités et a encouragé la prévention des pertes dans les banques de céréales, grâce à l’amélioration du stockage et des techniques de manipulation du grain. Les coopératives aussi peuvent faire passer des informations sur les pertes après récolte auprès de leurs clients, et des particuliers verront vraisemblablement leur intérêt à améliorer leurs propres méthodes de stockage.

Source: FAO, 1987.

Les mycotoxines et la disponibilité alimentaire

Les mycotoxines sont des substances chimiques qui contaminent divers produits agricoles avant ou après la récolte. Les aflatoxines, par exemple, sont produites par les moisissures Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus et contaminent dans les champs le maïs et les arachides affaiblis par la sécheresse. Elles peuvent aussi contaminer plus tard ces végétaux et d’autres, comme le coprah, la graine de coton, le poivre, diverses céréales, les noix, les graines oléagineuses, les légumineuses et les fruits secs, si les récoltes sont manipulées et stockées dans des conditions impropres. L’aflatoxine M1 peut passer dans le lait de vaches nourries avec des aliments contaminés.

Il est prouvé que les aflatoxines provoquent un cancer du foie chez l’animal de laboratoire et on considère qu’elles constituent, tout comme le virus de l’hépatite B, des cofacteurs de l’incidence élevée du cancer primaire du foie en Afrique tropicale. Une exposition chronique de faible intensité aux mycotoxines peut entraîner des effets débilitants marqués, spécialement chez les personnes sous-alimentées. Les études sur l’animal indiquent que le jeune âge et la malnutrition augmentent la susceptibilité aux aflatoxines, comme c’est aussi le cas des carences en certains minéraux et vitamines. La supplémentation protéique du régime alimentaire d’animaux exposés aux aflatoxines réduit la toxicité de celles-ci. L’hypothèse d’une relation causale entre l’ingestion d’aflatoxines et l’apparition des symptômes du kwashiorkor chez les enfants malnourris n’a pas encore été démontrée, malgré l’abondance d’informations convergentes (Hendrickse, 1988).

Le commerce mondial des produits agricoles, comme le blé, le riz, l’orge, le maïs, le sorgho, le soja, les arachides et autres oléagineux, mobilise des centaines de millions de tonnes par an. La plupart de ces produits sont très sensibles aux contaminations par les mycotoxines. En ce qui concerne les taux de mycotoxines admissibles dans les aliments, la Commission du Codex Alimentarius a défini des normes auxquelles adhèrent la plupart des pays importateurs. Les pertes économiques résultant de l’exportation d’aliments - pour la consommation humaine ou animale - contaminés par les mycotoxines sont souvent très élevées. Sur les marchés intérieurs, les pertes économiques affectent la chaîne alimentaire à différents niveaux, depuis les producteurs jusqu’aux grossistes, aux industriels et aux éleveurs.

Le respect de pratiques agricoles correctes au cours des manipulations qui précèdent et suivent les récoltes contribue à réduire les pertes. Les mesures préventives, telles que le contrôle des apports d’eau, la lutte contre les insectes et la réduction du potentiel d’inoculation, sont efficaces, mais trop souvent hors de portée d’exploitants trop démunis pour les mettre en pratique. L’adoption de techniques de séchage appropriées, l’entretien de structures de stockage convenables et la protection du grain contre l’humidité au cours du transport et de la commercialisation contribuent aussi à réduire les risques de contamination (encadré 34). La contamination et les pertes qui s’ensuivent sont souvent les plus sévères à l’échelle nationale quand la capacité de transport et de stockage en vrac des céréales de base révèle son inaptitude à satisfaire les besoins d’un système centralisé de distribution.


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