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4. COLLECTE ET ÉVALUATION DES DONNÉES

Les caractérisations des dangers se font normalement en compilant des informations provenant de diverses sources, à l'aide de multiples protocoles de test. Chacune de ces sources de données aide à des degrés divers à comprendre les interactions entre le pathogène, l'hôte et la matrice qui ont une incidence sur les risques potentiels pour la santé publique attribuables à différents agents pathogènes. Il est indispensable de définir les atouts et les limitations des diverses sources de données pour sélectionner celles qu'il convient d'utiliser et pour déterminer l'incertitude associée aux modèles dose-réponse élaborés à partir des différents ensembles de données et protocoles de test.

La collecte des données doit être active car si l'on compte sur la soumission passive de données ou sur des données publiées on n'obtient généralement pas assez d'informations suffisamment détaillées pour construire des modèles dose-réponse. Les données pertinentes proviennent de préférence de bulletins d'experts. Compte tenu de l'insuffisance des données disponibles pour la caractérisation des dangers, il est également conseillé d'évaluer la disponibilité de sources de données de bonne qualité non publiées. Les évaluateurs des risques devraient communiquer avec des expérimentateurs, des épidémiologistes, des responsables de la réglementation de la sécurité sanitaire des aliments ou de l'eau et d'autres personnes susceptibles d'avoir des données intéressantes et potentiellement utiles pour l'analyse. À titre d'exemple on peut citer les informations épidémiologiques rassemblées par le Ministère de la santé japonais, qui ont été utilisées pour la construction des modèles dose-réponse de Salmonella (FAO/OMS, 2002a). Lorsque l'on utilise des données de ce type, les critères et les résultats de l'évaluation doivent être documentés avec soin. Si l'on se sert de matériel publié sur Internet, on veillera à établir la provenance, la validité et la fiabilité des données, ainsi que la source originelle, si elle est connue.

Il importe de comprendre les caractéristiques des sources de données pour sélectionner et interpréter les données. Les évaluateurs des risques se servent souvent des données dans un autre but que celui auquel elles étaient initialement destinées. Les évaluateurs des risques et les modélisateurs doivent savoir comment les données qu'ils utilisent ont été collectées et dans quel but. Les propriétés des données disponibles dépendront de la perspective dans laquelle se placent les chercheurs qui génèrent les données (par exemple: expérimentateur / épidémiologiste). C'est pourquoi il est important de connaître la source et la vocation originelle des séries de données disponibles pour élaborer des modèles dose-réponse. Nous allons tenter dans les sections qui suivent de définir brièvement les atouts et les limitations des diverses catégories de sources de données.

4.1   ÉTUDES RÉALISÉES SUR DES HUMAINS

4.1.1  Enquêtes épidémiologiques

Lorsqu'il existe un foyer de maladie d'origine alimentaire ou hydrique qui a une ampleur suffisante et provient d'une source commune, une enquête épidémiologique est généralement effectuée pour identifier la cause du problème, limiter sa propagation ultérieure et formuler des recommandations concernant la prévention future. Un foyer d'étiologie confirmée qui touche un groupe bien défini peut fournir des informations remarquablement complètes sur la gamme de maladies que peut causer un pathogène, sur le comportement particulier ou sur d'autres caractéristiques de l'hôte qui peuvent augmenter ou diminuer le risque et – s'il y a un suivi clinique – sur le risque de séquelles. Lorsque le foyer est attribué à une source alimentaire ou hydrique qui peut faire l'objet d'une culture quantitative dans des circonstances qui permettent d'estimer la dose originelle, il est possible de mesurer la dose-réponse effective. Même lorsque ce n'est pas possible, on observe souvent des relations dose-effet qui révèlent une variation de la réponse clinique en fonction de la dose relative et font partie de l'approche classique d'une enquête épidémiologique. Une telle étude peut comprendre une recherche de taux d'attaque plus élevés parmi les personnes qui ont consommé une plus grande quantité du vecteur impliqué, mais aussi une variation de la prévalence des symptômes et des complications. Il est tout à fait justifié sur le plan de la santé publique de rassembler des informations sur la quantité qui a été consommée de l'aliment ou de l'eau incriminés. Un foyer caractérisé par un faible taux d'attaque dans une population très nombreuse peut offrir une occasion de définir la réponse de l'hôte à de très faibles doses d'un pathogène, si le niveau de contamination réel dans l'aliment peut être mesuré. En outre, les données provenant des foyers épidémiques représentent le point d'ancrage des modèles dose-réponse et elles sont importantes pour valider les évaluations des risques.

Atouts

Une enquête épidémiologique peut montrer la diversité des réponses d'un hôte à une souche pathogène unique. Cette enquête peut comprendre la définition du spectre clinique complet d'une maladie et d'une infection, si une cohorte d'individus exposés peut être examinée et testée pour détecter une infection ou une maladie, indépendamment du fait que ces individus soient ou non suffisamment malades pour avoir reçu un traitement médical ou faire eux-mêmes le diagnostic. Elle englobe également une définition des sous-groupes les plus à risque et du comportement ou d'autres caractéristiques de l'hôte qui peuvent augmenter ou diminuer ce risque, pour une exposition donnée. La réunion d'informations sur les maladies sous-jacentes ou les traitements préexistants fait généralement partie des opérations de routine.

Il est souvent possible d'obtenir des détails très spécifiques sur la source alimentaire et sa préparation dans le cadre du foyer épidémique, car l'enquête est centrée sur un seul aliment ou repas et peut suggérer des corrélations spécifiques avec le risque normalement impossibles à déterminer dans une évaluation portant sur un cas unique. Souvent les observations faites dans des foyers épidémiques suggèrent d'entreprendre des recherches appliquées spécifiques plus poussées pour déterminer le comportement du pathogène dans cette matrice spécifique, manipulée d'une certaine manière. Par exemple, après l'apparition d'un vaste foyer épidémique de shigellose attribué à du persil haché, il a été établi que Shigella sonnei avait une croissance rapide sur du persil laissé à température ambiante, s'il était haché, mais ne se multipliait pas sur du persil intact. Ces observations sont bien entendu importantes pour construire un modèle de la portée d'une contamination à faible niveau du persil.

Lorsque des échantillons du vecteur alimentaire ou hydrique concerné peuvent être soumis à des tests de détection quantitatifs du pathogène, dans des circonstances où il est possible d'estimer la dose originelle, une enquête épidémiologique a été utile pour déterminer la réponse clinique effective à une dose déterminée, dans la population générale.

Des enquêtes complémentaires sur une cohorte (nombreuse) de cas identifiés dans un foyer peuvent permettre d'identifier et de quantifier la fréquence des séquelles, et l'association des séquelles avec des souches ou des sous-types spécifiques d'un pathogène.

Si les travaux de préparation ont été faits à l'avance, le foyer épidémique peut servir de contexte pour évaluer les méthodes de diagnostic de l'infection, d'évaluation de l'exposition ou de traitement de l'infection.

Limitations

La principale limitation des enquêtes épidémiologiques tient au fait qu'elles ont pour objet et pour orientation principale d'identifier la source de l'infection afin de prévenir l'apparition de nouveaux cas, et non de rassembler une vaste gamme d'informations. Les définitions de cas et les méthodes d'enquête sont choisies pour des raisons d'efficacité et, bien souvent, elles ne comprennent pas les données qui seraient les plus utiles pour une caractérisation des dangers, et elles peuvent varier considérablement d'une enquête à l'autre. Le but premier de l'enquête est d'identifier rapidement la (les) source (s) spécifique (s) d'infection, et non de quantifier avec précision l'ampleur de ce risque, d'où l'absence ou le caractère souvent incomplet d'informations clés qui permettraient d'utiliser les données rassemblées dans le cadre d'une enquête pour les évaluations des risques. Les estimations de la dose ou de l'exposition dans les foyers épidémiques peuvent être inexactes pour plusieurs raisons:

Dans des cas de ce genre, lorsque l'on utilise des données épidémiologiques pour construire des modèles dose-réponse il faut établir des hypothèses au sujet des informations qui manquent. Des modèles d'exposition assez élaborés peuvent être nécessaires pour reconstituer l'exposition dans les conditions du foyer épidémique. Si les évaluateurs des risques microbiologiques collaborent avec des épidémiologistes pour mettre au point des protocoles d'enquête épidémiologique plus complets et détaillés, les informations réunies devraient être plus pertinentes. Cela pourrait aussi faciliter l'identification d'informations détaillées qui ont été obtenues durant l'enquête épidémiologique, mais n'ont pas été signalées.

Même quand toutes les informations requises sont disponibles, leur utilisation peut fausser la caractérisation des dangers, si les caractéristiques des souches du pathogène associées aux foyers épidémiques ne sont pas les mêmes que celles associées à des cas sporadiques. L'ampleur potentielle de ce biais peut être évaluée par des études microbiologiques plus détaillées sur la distribution de la croissance, de la survie et des caractéristiques de virulence dans des souches épidémiologiques et endémiques.

Les taux d'attaque peuvent être surévalués s'ils sont estimés sur la base de signes ou de symptômes plutôt que de cas confirmés en laboratoire. En revanche, dans une étude cas témoins visant à identifier une exposition alimentaire ou hydrique spécifique dans la population générale, il peut arriver que le taux d'attaque soit difficile à estimer, et sous-estimé, suivant la rigueur du dépistage.

Les conclusions signalées dépendent dans une large mesure de la définition de cas retenue. Les définitions de cas peuvent être basées sur des symptômes cliniques, sur des données de laboratoire ou sur les deux à la fois. L'approche la plus efficace pourrait être de choisir une définition de cas clinique et de la valider avec un échantillon de cas confirmés par des tests de laboratoire. Quelques maladies non spécifiques pourraient être incluses parmi les cas. Dans les enquêtes limitées à des cas confirmés par culture, ou à des cas infectés par un sous-type spécifique du pathogène, il arrive qu'un grand nombre de maladies plus bénignes ou non diagnostiquées échappent à l'enquêteur, ce qui le conduit à sous-estimer le risque. L'objet de l'enquête épidémiologique peut conduire ceux qui la réalisent à faire des choix qui ne sont pas nécessairement les meilleurs pour caractériser les dangers.

4.1.2  Surveillance et statistiques sanitaires annuelles

Les pays et plusieurs organisations internationales établissent des statistiques sanitaires sur les maladies infectieuses, notamment sur celles qui sont transmises par les aliments et par l'eau. Ces données sont cruciales pour caractériser comme il convient les dangers microbiologiques. En outre, des données de la surveillance ont été utilisées en combinaison avec des données provenant d'enquêtes alimentaires pour estimer les relations dose-réponse. On notera que, pour analyser ces données agrégées, il faut généralement formuler un grand nombre d'hypothèses, ce qui accroît l'incertitude des résultats.

Atouts

Les statistiques sanitaires annuelles permettent à la fois d'« ancrer » et de valider les modèles dose-réponse. En général, on évalue l'efficacité de ces modèles en les combinant avec des estimations de l'exposition et en déterminant si leurs valeurs sont proches des statistiques annuelles sur les maladies liées au danger.

Le recours à des statistiques annuelles sur les maladies pour établir des modèles dose-réponse a l'avantage de prendre implicitement en considération la totalité de la population et le large éventail de facteurs susceptibles d'influencer la réponse biologique. En outre, la maladie résulte de l'exposition à une gamme de souches différentes. Ces données permettent aussi une estimation initiale relativement rapide de la relation dose-réponse. Cette approche est très efficace par rapport au coût car les données sont générées et rassemblées à d'autres fins. Les bases de données disponibles sont souvent suffisamment détaillées pour permettre l'étude de sous-populations spécifiques.

Limitations

La principale limitation des données est qu'elles dépendent dans une très large mesure de l'adéquation et de la sophistication du système de surveillance utilisé pour recueillir les informations. En général, la surveillance de la santé publique concernant les maladies d'origine alimentaire repose sur des diagnostics de laboratoire, de sorte qu'elle ne touche que les personnes qui sont suffisamment malades pour demander des soins (et qui sont en mesure de les payer) et qui ont fourni des échantillons pour les examens de laboratoire. Ceci peut conduire à un biais dans la caractérisation des dangers en faveur des conséquences sanitaires associées aux pays développés qui ont une importante infrastructure de surveillance des maladies. Au sein des pays développés, le biais peut être en faveur de maladies relativement graves, qui font plus souvent l'objet d'un diagnostic médical que les maladies bénignes autolimitantes. Il est difficile de faire des comparaisons internationales, car il n'existe pas d'ensemble de critères défini pour l'établissement des rapports, à l'échelle internationale. L'autre inconvénient majeur est que les données de la surveillance comprennent rarement des informations précises sur l'attribution d'une maladie aux différents produits alimentaires, sur les niveaux de l'agent pathogène dans les aliments et sur le nombre d'individus exposés. L'utilisation de ces données pour établir des relations dose-réponse dépend aussi de l'adéquation de l'évaluation de l'exposition, de l'identification des portions de la population qui consomment effectivement l'aliment ou l'eau et de l'estimation du segment de population soumis à un risque accru.

4.1.3  Études alimentaires sur des volontaires

Le moyen le plus direct d'acquérir des informations sur les relations dose-réponse liées aux micro-organismes pathogènes d'origine alimentaire ou hydrique est d'exposer des humains au pathogène, en contrôlant leur réaction. Ce type d'études auprès de volontaires n'a été réalisé que pour un nombre limité de pathogènes. La plupart ont été effectuées en concomitance avec des essais de vaccins.

Atout

L'utilisation de volontaires est le moyen le plus direct d'obtenir des données établissant une corrélation entre une exposition à un danger microbien et une réponse adverse dans des populations humaines. Si elles sont bien planifiées, ces études peuvent être conduites en concomitance avec d'autres tests cliniques, comme des essais de vaccins. Les résultats des essais permettent d'observer directement les effets de la dose d'épreuve sur la réaction de défense intégrée de l'hôte. Il est possible de varier la matrice ingérée et la souche du pathogène pour évaluer les effets de la matrice alimentaire et de la virulence du pathogène.

Limitations

L'utilisation de volontaires humains comporte de graves limitations d'ordre éthique et économique. Ces études sont généralement conduites uniquement auprès d'individus généralement en bonne santé, âgés de 18 à 50 ans, alors que les segments de la population qui sont normalement les plus à risque sont ignorés. Les pathogènes qui mettent la vie en danger ou qui causent une maladie uniquement dans des sous-populations à haut risque ne se prêtent pas à des études sur des volontaires. En principe, les études portent sur un nombre limité de doses et de volontaires par dose. Les gammes de doses sont généralement élevées car on doit s'assurer qu'une portion significative de la population soumise au test réagira; or ce type de dose n'est pas celui qui intéresse le plus les évaluateurs des risques.

Le processus d'(auto) sélection des volontaires peut être à l'origine de biais qui peuvent fausser l'interprétation des résultats. Avec les études réalisées à partir de vecteurs alimentaires il est difficile d'analyser la variation de la virulence des souches, de sorte que le choix de la souche est une variable critique. Dans la majorité de ces études, on pratique uniquement des tests immunologiques rudimentaires avant l'exposition. Des tests plus étendus pourraient être utiles pour la mise au point de biomarqueurs de la sensibilité.

Ordinairement, les études effectuées sur des aliments n'englobent qu'un petit nombre de souches, et il s'agit souvent de souches domestiquées en laboratoire ou de souches de collection, qui ne sont pas forcément représentatives des souches sauvages. En outre, les conditions de propagation et de préparation immédiatement avant l'administration ne sont généralement pas normalisées ou signalées, bien qu'elles puissent avoir une incidence sur la tolérance à l'acidité, à la chaleur ou au séchage, ou altérer la virulence. Par exemple, le passage de Vibrio cholerae à travers le tube digestif provoque un état hyper-infectieux du germe, qui perdure chez celui-ci même une fois éliminé vers des réservoirs aquatiques naturels. Ce phénotype est exprimé de manière transitoire et perdu après une croissance in vitro (Merrel et al., 2002). Dans de nombreux essais avec des germes entériques, les pathogènes sont administrés par voie orale avec un tampon, pour neutraliser l'effet de l'acidité gastrique, qui fausse la réponse vis-à-vis de la dose que l'on obtiendrait si ces germes étaient ingérés dans des aliments ou de l'eau.

Considérations particulières

Lors de l'élaboration du plan expérimental, les points suivants méritent d'être étudiés:

4.1.4  Biomarqueurs

Les biomarqueurs sont des mesures des caractéristiques de l'hôte qui indiquent l'exposition d'une population à un danger ou l'ampleur d'un effet adverse causé par le danger. Il s'agit généralement de techniques très peu invasives qui ont été mises au point pour évaluer l'état de l'hôte. La United States National Academy of Science distingue trois catégories de biomarqueurs, à savoir:

Bien que cette classification ait été établie dans le contexte de l'évaluation des risques liés aux produits chimiques toxiques, ces principes peuvent être utiles pour interpréter les données sur les pathogènes.

Atouts

Ces techniques permettent d'obtenir des données significatives sur le plan biologique tout en minimisant certaines limitations associées aux diverses techniques testées dans le cadre d'études sur des humains. En général, les biomarqueurs sont des mesures qui peuvent être acquises dans des conditions très peu invasives, tout en fournissant simultanément une mesure quantitative d'une réponse qui a été associée à l'état pathologique. De ce fait, ils peuvent permettre d'envisager un plus grand nombre de répétitions ou de doses, ou de fournir un moyen d'améliorer l'objectivité et d'obtenir une précision et une reproductibilité accrues des données épidémiologiques ou cliniques. Les biomarqueurs peuvent aider à comprendre les facteurs sous-jacents utilisés dans une caractérisation des dangers. Une réponse de biomarqueur peut être observée après une exposition à des doses qui ne provoquent pas nécessairement une maladie (ou une infection). Les biomarqueurs peuvent être utilisés soit pour identifier des populations sensibles, soit pour évaluer la réponse différentielle dans divers sous-groupes de population.

On notera également que les biomarqueurs les plus utiles sont liés à une maladie par un mécanisme défini, ce qui signifie que la réponse biologique est en relation avec le processus morbide ou le symptôme clinique. Dans la mesure où l'on sait qu'un biomarqueur est en corrélation avec une maladie ou une exposition, cette information peut être utile pour mesurer les relations dose-réponse même si les sujets ne développent pas de symptômes cliniques. Des biomarqueurs de ce type peuvent être utilisés pour mettre en corrélation des études sur des animaux et des études sur des humains pour construire des modèles de dose-réponse. Ceci peut être utile car les modèles animaux ne produisent pas toujours les mêmes symptômes cliniques que les humains. Dans ce cas, un biomarqueur peut faire office d'évènement-cible de substitution chez l'animal.

Limitations

Les biomarqueurs sont souvent des indicateurs d'infection, de maladie, de sévérité, de durée, etc., ce qui oblige à établir une corrélation entre l'ampleur de la réponse du biomarqueur et le degré de la maladie. Les biomarqueurs fournissent essentiellement des informations sur l'état de l'hôte, sauf si les protocoles sont spécifiquement conçus pour évaluer les effets des différents isolats pathogènes ou des diverses matrices.

Les seuls biomarqueurs actuellement disponibles pour les pathogènes d'origine alimentaire ou hydrique sont des essais sérologiques. Or la principale limitation de ces tests est qu'en général, la réponse immunitaire humorale aux infections bactériennes et parasitaires est limitée, transitoire et non spécifique. Par exemple, les efforts déployés pour mettre au point un test immunologique pour les infections à Escherichia coli 0157 ont montré qu'une réponse sérologique spécifique à l'antigène 0 se voit normalement dans les cas les plus graves, mais est souvent absente dans les cas de diarrhée non sanguinolente confirmés par culture. En revanche, les essais sérologiques donnent souvent d'assez bons résultats pour les virus. D'autres biomarqueurs, comme les numérations de sous-ensembles de globules blancs ou la production d'oxydes d'azote gazeux sont possibles, mais n'ont pas été testés à grande échelle dans des populations humaines.

4.1.5  Études d'intervention

Les études d'intervention sont des essais pratiqués sur des humains, dans lesquels l'impact d'un danger est évalué en réduisant l'exposition d'un échantillon déterminé d'une population. L'incidence de la maladie ou la fréquence d'un biomarqueur associé est ensuite comparée à une population témoin pour évaluer l'ampleur de la réponse différentielle pour les deux niveaux d'exposition.

Atouts

Les études d'intervention ont l'avantage d'étudier une population réelle dans des conditions identiques ou très proches de celles de la population générale. La fourchette de variabilité de l'hôte est prise en compte. Ces études sont particulièrement utiles pour évaluer les expositions à long terme à des niveaux de pathogènes auxquels le consommateur sera probablement soumis. Étant donné que ces études d'intervention examinent la diminution d'un effet sur le groupe expérimental, les paramètres identifiés incluent implicitement les facteurs du pathogène, de l'hôte et de la matrice alimentaire qui influencent les groupes témoins. Théoriquement, on pourrait manipuler le degré d'exposition (dose) en jouant sur la rigueur de l'intervention.

Limitations

Étant donné que l'exposition du groupe témoin correspond à une exposition normale, les effets du pathogène, de l'hôte et de la matrice alimentaire ne se prêtent pas à une manipulation. On prendra grand soin de mettre en place des contrôles appropriés et de diagnostiquer activement les réponses biologiques visées dans les populations soumises au test et dans la population témoin. Les études d'intervention débouchent souvent sur des diminutions de la réponse inférieures à celles prévues par l'exposition initiale. Cela est souvent dû à l'identification d'une deuxième source d'exposition ou à une surestimation de l'efficacité de l'intervention. Toutefois, ces données sont souvent intéressantes en elles-mêmes.

Considérations particulières

Les interventions qui peuvent faire l'objet de tests - c'est-à-dire qui sont techniquement, culturellement et socialement réalisables - sont « prudentes », en raison de limitations d'ordre éthique. Ainsi, elles doivent être mises en œuvre au sein d'une population donnée et être non seulement techniquement réalisables mais aussi socialement acceptables et compatibles avec les préférences et les aptitudes techniques de cette population.

4.2  ÉTUDES SUR DES ANIMAUX

Les études sur des animaux permettent de surmonter bon nombre de limitations d'ordre logistique et éthique associées aux études alimentaires sur des volontaires humains. Il existe une grande diversité de modèles animaux qui sont largement utilisés pour comprendre les facteurs liés au pathogène, à l'hôte et à la matrice qui ont une incidence sur les caractéristiques d'une maladie d'origine alimentaire ou hydrique, notamment sur l'établissement des relations dose-réponse.

Atouts

L'utilisation d'animaux de substitution pour caractériser des dangers microbiologiques et établir des relations dose-réponse permet d'éliminer un certain nombre de limitations inhérentes aux études sur des volontaires humains, mais là aussi on utilise des animaux sains pour examiner les processus morbides. Un certain nombre de modèles animaux sont relativement peu coûteux, ce qui permet de tester diverses souches et un plus grand nombre de répétitions et de doses. Les animaux sont généralement soumis à un contrôle beaucoup plus étroit que les sujets humains. Des lignées animales immunodéprimées et des techniques de suppression du système immunitaire et d'autres défenses de l'hôte sont disponibles et permettent de caractériser la réponse dans des sous-populations spécifiques. Les tests peuvent être effectués directement sur des sous-populations animales, telles que nouveaux-nés, populations âgées ou femelles pleines. Différents vecteurs alimentaires peuvent être étudiés facilement.

Limitations

L'inconvénient majeur est que la réponse observée dans le modèle animal doit être mise en corrélation avec la réponse chez les humains. Il existe rarement une corrélation directe entre la réponse humaine et animale. Souvent, les différences anatomiques et physiologiques entre les humains et les espèces animales font que les relations dose-réponse et la réponse de l'animal à la maladie sont très différentes. Pour bon nombre de maladies, il n'existe pas de bon modèle animal. Plusieurs modèles d'une grande efficacité (par exemple les primates ou les cochons) sont coûteux et ont parfois une applicabilité limitée, du point de vue du nombre d'animaux pouvant être utilisés par groupe de dose. Quelques animaux utilisés comme substituts sont étroitement consanguins et par conséquent pauvres en diversité génétique. De plus, ils sont en bonne santé et appartiennent ordinairement à une tranche d'âge et de poids spécifique, de sorte qu'ils ne reflètent pas la population générale d'animaux de cette espèce, encore moins la population humaine. Dans de nombreux pays, des considérations d'ordre éthique limitent la gamme d'événements biologiques qui peuvent être étudiés.

Considérations particulières

4.3  ÉTUDES IN VITRO

Les études in vitro impliquent l'utilisation de cultures de cellules, de tissus ou d'organes et des échantillons biologiques correspondants pour caractériser l'impact du pathogène sur l'hôte. Elles sont surtout utiles pour les enquêtes quantitatives de la virulence du pathogène, mais elles peuvent aussi l'être pour des évaluations détaillées des effets de certains facteurs sur le processus morbide.

Atouts

Les techniques in vitro permettent de relier directement les caractéristiques d'une réponse biologique avec des facteurs de virulence spécifiques (marqueurs génétiques, caractéristiques de surface et potentiel de croissance) dans des conditions contrôlées. Elles impliquent l'utilisation de différentes cellules hôtes ou cultures tissulaires pour représenter différents groupes de population, et une manipulation du milieu dans lequel les cellules ou les tissus hôtes sont exposés au pathogène, afin de caractériser les différences des relations dose-réponse de la population générale et des populations spécifiques. On peut avoir recours à des techniques in vitro pour étudier les relations entre les effets de la matrice et l'expression des marqueurs de la virulence. Un grand nombre de répétitions et de doses peut être étudié, sous contrôle étroit. Ces techniques permettent de comparer facilement de multiples espèces et types de cellules pour valider les relations entre les humains et les animaux de substitution. Elles sont particulièrement utiles pour fournir des informations sur le fondement mécaniste des relations dose-réponse.

Limitations

Le principal inconvénient tient au caractère indirect des informations concernant les relations dose-réponse. Il est impossible d'établir une corrélation directe entre les effets observés sur des cellules ou des tissus isolés, et les états pathologiques observés chez des humains sains, comme l'impact des défenses intégrées de l'hôte. Pour faire une comparaison avec des humains, il faut établir un lien entre les relations quantitatives observées dans le système in vitro et celles observées chez l'hôte. Les études de ce type se limitent ordinairement à fournir des informations détaillées sur les facteurs affectant l'interaction dose-réponse et à compléter la caractérisation des dangers, mais elles peuvent difficilement être considérées comme un moyen direct d'établir des modèles dose-réponse pertinents pour les évaluations des risques. Pour de nombreux organismes, les mécanismes et les marqueurs spécifiques de la virulence qui entrent en jeu sont inconnus et peuvent varier selon les souches d'une même espèce.

4.4   ÉLICITATION DES CONNAISSANCES

L'élicitation des connaissances est une approche officielle qui consiste à acquérir des avis d'experts et à s'en servir, pour pallier à un manque de données ou compléter les données disponibles.

Atouts

Dans le cas où l'on n'a pas les données spécifiques nécessaires pour établir des relations dose-réponse, mais où il existe des scientifiques qui ont les connaissances et l'expérience voulues pour élucider les problèmes, la technique d'élicitation des connaissances permet d'acquérir et d'utiliser les informations requises pour pouvoir entamer une étude des relations dose-réponse. Il peut être nécessaire d'élaborer une distribution pour un paramètre d'un modèle pour lequel on ne dispose d'aucune donnée numérique ou de données insuffisantes ou incohérentes, à l'aide de procédés acceptés décrivant les lignes ou le poids de la preuve pour la génération de l'opinion et l'utilisation des résultats. Cette approche est généralement peu coûteuse, en particulier pour les besoins à court terme.

Limitations

Les résultats obtenus dépendent de la méthodologie employée et sont, par nature, subjectifs, et par conséquent contestables. Les résultats dépendent également des experts choisis et peuvent avoir une applicabilité restreinte s'ils dépendent d'une science émergente.

4.5  ÉVALUTION DES DONNÉES

Les évaluateurs des risques doivent estimer à la fois la qualité des sources de données disponibles aux fins de l'analyse et les méthodes permettant de caractériser l'incertitude de toutes les données utilisées. Il est recommandé de procéder à un contrôle formel de la qualité des données brutes, et dans un deuxième temps de les traiter, mais cette possibilité sera fortement subordonnée à la disponibilité des données et à l'utilisation à laquelle elles sont destinées. Il n'existe pas de système formel pour l'évaluation des données intéressant la caractérisation des dangers. Il est difficile de généraliser, mais les moyens adoptés pour collecter et interpréter les données doivent être transparents. Les « bonnes » données sont complètes, pertinentes et valables: les données complètes sont objectives; les données pertinentes sont spécifiques au cas étudié, et la validation est spécifique au contexte.

Des données complètes comprennent des éléments comme la source des données et les informations provenant d'enquêtes connexes, telles que la taille de l'échantillon, l'espèce étudiée et l'état immunitaire. Les caractéristiques des données pertinentes incluent l'âge des données; la région ou le pays d'origine; l'objet de l'étude, l'espèce du micro-organisme considéré; la sensibilité, la spécificité et la précision des méthodes microbiologiques employées; et les méthodes de collecte des données. Les observations contenues dans une base de données ne doivent pas être liées à l'interprétation d'un modèle particulier – car les données doivent pouvoir être utilisées à d'autres fins que celle pour laquelle elles ont initialement été rassemblées. Cela peut nécessiter un accès à des données brutes, parfois difficilement réalisable dans la pratique. L'utilisation d'Internet à cette fin devrait être encouragée, si possible en créant un site web avec des ensembles de données associées à des études publiées.

Les données valables sont celles qui concordent avec d'autres données comparables, du point de vue des méthodes et des tests mis au point. En général, les données relatives à des populations humaines nécessitent moins d'extrapolation et sont préférées aux données sur les animaux, qui sont elles-mêmes privilégiées par rapport aux données des études in vitro. Les données sur le pathogène étudié sont préférées à celles sur des organismes de substitution, qui ne devraient utilisées que sur la base de preuves biologiques solides (par exemple, facteurs de virulence communs).

Actuellement, on conseille d'étudier toutes les données disponibles dans la mesure où elles peuvent être une source d'information pour la caractérisation des dangers. Les données qui peuvent être éliminées de l'évaluation des risques dépendent de l'objet et du stade de l'évaluation. Aux premiers stades d'une évaluation des risques, les petits ensembles de données ou ceux qui ont une valeur qualitative peuvent être utiles, alors qu'aux derniers stades, on peut se limiter à prendre en considération les données dont la haute qualité a été établie. Pour exclure des données de l'analyse, on se basera sur des critères préétablis, pas seulement de type statistique. Si l'analyse est compliquée par une extrême hétérogénéité ou par des valeurs aberrantes, il est conseillé de stratifier les données en fonction des caractéristiques de la population affectée, de l'espèce microbienne, du type de matrice ou de tout autre critère approprié. Cette pratique aura pour effet d'approfondir les connaissances, et non de limiter l'acquisition des informations.

Les sources de données peuvent être ou non des documents revus par des pairs. Les données revues par des pairs sont généralement préférables pour les études scientifiques, mais elles ont aussi d'importants inconvénients si elles doivent être utilisées pour la modélisation de la relation dose-réponse. Avant tout, elles sont disponibles en quantité limitée. En outre, il peut manquer des informations cruciales sur les méthodes employées pour obtenir les données concernant les doses et les réponses, comme nous allons le voir plus loin. Dans les études revues par des pairs, les données sont ordinairement présentées sous forme agrégée, de sorte que le niveau de détail n'est pas suffisant pour permettre une analyse de l'incertitude. Dans les documents plus anciens, le contrôle de la qualité des méthodes de mesure peut être mal documenté. Ceci peut inciter l'analyste à ajouter des informations provenant d'autres sources. Dans ce cas, la qualité des données devrait être explicitement examinée, de préférence par des experts indépendants.

En ce qui concerne l'information sur les doses, les caractéristiques d'efficacité de la méthode analytique sont fondamentales. En théorie, une mesure reflète, avec un degré d'exactitude élevé, le nombre réel de pathogènes présents dans l'inoculum. On entend par exactitude l'absence d'erreur systématique (justesse) et d'erreur aléatoire (fidélité). La justesse d'une méthode microbiologique est définie par le taux de récupération des organismes cibles, le pouvoir inhibiteur contre les organismes non visés et les caractéristiques différentielles de la méthode, exprimées en termes de sensibilité et de spécificité. La fidélité est liée au type de test (ensemencement/enrichissement), au nombre de colonies comptées ou au nombre de sous-cultures positives, et à la dispersion de l'inoculum dans l'échantillon (voir Havelaar et al., 1993). Il importe également de connaître la variation de la dose ingérée d'un individu à l'autre, par rapport à la dispersion des pathogènes dans l'inoculum, mais aussi par rapport aux différentes quantités d'inoculum ingérées. Ces caractéristiques sont particulièrement pertinentes lorsque l'on utilise des données d'observation sur des infections non provoquées. L'infectivité d'un pathogène peut être affectée à la fois par la matrice et par les antécédents du pathogène, et ces aspects doivent être pris en compte.

En ce qui concerne les informations sur les réponses, il est important de noter si l'événement a été représenté comme un événement binaire ou continu. Les modèles dose-réponse actuels (voir chapitre 6) sont applicables à des événements continus, ce qui oblige l'enquêteur à définir les critères relatifs aux réponses positives et négatives. Les critères adoptés pour cette différenciation peuvent varier d'une étude à l'autre, mais devraient être explicitement pris en compte. Les caractéristiques de la population exposée (âge, immunocompétence, expositions antérieures, etc.) sont un autre aspect pertinent.

Si nous avons recensé ces aspects dans cette section, c'est moins pour établir une distinction entre les « bonnes » et les « mauvaises » données concernant la caractérisation des dangers, que pour guider l'analyse qui en sera faite et l'utilisation des informations sur les doses et les réponses, dans un modèle d'évaluation des risques.


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