Le compostage est un processus naturel de «dégradation» ou de décomposition de la matière organique par les micro-organismes dans des conditions bien définies. Les matières premières organiques, telles que les résidus de culture, les déchets animaux, les restes alimentaires, certains déchets urbains et les déchets industriels appropriés, peuvent être appliquées aux sols en tant que fertilisant, une fois le processus de compostage terminé.
Le compost est une source importante de matière organique. La matière organique du sol joue un rôle important dans la durabilité de la fertilité, et donc pour une production agricole durable. En plus dêtre une source déléments nutritifs pour les cultures, la matière organique améliore les propriétés biologiques et physico-chimiques du sol. Suite à ces améliorations, le sol: (i) devient plus résistant aux agressions telles que la sécheresse, les maladies et la toxicité, (ii) aide la culture à mieux prélever les éléments nutritifs, (iii) présente un cycle nutritif de bonne qualité en raison dune activité microbienne vigoureuse. Ces avantages se manifestent par une réduction des risques pour les cultures, des rendements plus élevés et une réduction des dépenses des agriculteurs pour lachat dengrais minéraux.
Le compostage peut être divisé en deux catégories selon la nature du processus de décomposition. Lors du compostage anaérobie, la décomposition se produit quand loxygène (O) est absent ou présent en quantité limitée. Dans ce processus, les microorganismes anaérobies dominent et élaborent des composés intermédiaires comme du méthane, des acides organiques, du sulfure dhydrogène et dautres substances. En labsence doxygène, ces composés saccumulent et ne sont pas métabolisés. Un grand nombre de ces composés ont des odeurs fortes et certains dentre eux présentent une phytotoxicité. Comme le compostage anaérobie est un processus seffectuant à basse température, les graines dadventices et les pathogènes ne sont pas affectés. De plus, le processus nécessite souvent plus de temps que le compostage aérobie. Ces inconvénients contrebalancent les avantages de ce processus, à savoir le peu de travail nécessaire et la perte limitée déléments nutritifs au cours du processus.
Le compostage aérobie a lieu en présence dune grande quantité doxygène. Au cours de ce processus, les micro-organismes aérobies décomposent la matière organique et produisent du gaz carbonique (CO2), de lammoniac, de leau, de la chaleur et de lhumus, qui est le produit organique final relativement stable. Bien que le compostage aérobie puisse produire des composés organiques intermédiaires comme certains acides organiques, ceux-ci sont ensuite décomposés par des micro-organismes aérobies. Le compost ainsi obtenu, qui a une forme relativement instable de matière organique, ne comporte que très peu de risque de phytotoxicité. La chaleur générée accélère la décomposition des protéines, des graisses et des sucres complexes tels que la cellulose et lhémicellulose et réduit la durée du processus. De plus, ce processus détruit de nombreux micro-organismes, qui sont des pathogènes pour les humains ou les plantes, ainsi que les graines dadventices, dans la mesure où la température atteinte est suffisamment élevée. Bien que les éléments nutritifs soient perdus en quantité plus importante lors du compostage aérobie, celui-ci est considéré plus efficace et utile que le compostage anaérobie pour la production agricole. La présente publication traite dailleurs majoritairement du compostage aérobie.
Un effet de compostage peut aussi être obtenu par dégradation enzymatique des matières organiques qui passent à travers le système digestif des vers de terre. Ce processus est appelé vermicompostage.
Le processus de compostage aérobie débute par la formation du tas. Dans de nombreux cas, la température atteint rapidement 70 à 80°C au cours des deux premiers jours. Tout dabord, des organismes mésophiles (dont la température de croissance optimale est comprise entre 20 et 45°C) se multiplient rapidement grâce aux sucres et acides aminés facilement disponibles (figure 1). Ils produisent de la chaleur par leur propre métabolisme et élèvent la température à un point tel que leurs propres activités sont inhibées. Alors, quelques champignons ainsi que de nombreuses bactéries thermophiles (dont la température de croissance optimale est comprise entre 50 et 70°C) poursuivent le processus, en augmentant la température du compost à 65°C, voire même plus. Cette hausse de température est cruciale pour la qualité du compost car la chaleur tue les pathogènes et les graines dadventices.
La phase active de compostage est suivie par une période de maturation, pendant laquelle la température du tas diminue graduellement. Le début de cette phase est identifiable lorsque le retournement ne provoque plus daugmentation de la température du mélange. A ce stade, un autre groupe de champignons thermophiles apparaît, responsables dune étape importante de décomposition des matériaux composant les membranes cellulaires végétales comme la cellulose et lhémicellulose. La maturation du compost permet déviter les risques entraînés par lutilisation dun compost immature: faim dazote (N) et déficience en oxygène, et effets toxiques des acides organiques sur les plantes.
Finalement, la température diminue jusquà la température ambiante. Quand le compost est prêt, le tas devient plus homogène et moins biologiquement actif bien que des organismes mésophiles recolonisent le compost. Le matériau devient brun foncé à noir. Les particules sont plus petites et homogènes, et la texture ressemble à celle dun sol. Au cours du processus, la quantité dhumus augmente, le rapport entre le carbone et lazote (C/N) diminue, le pH devient neutre, et la capacité déchange du matériau augmente.
FIGURE 1 |
Note: Ligne continue = température; ligne en tiret = population de champignons mésophiles; ligne en pointillée = population de champignons thermophiles; axe des Y (gauche) = populations fongiques (logarithme du nombre dunités formant des colonies (ufc) par gramme de compost placé dans une boîte de gélose); axe des Y (droit) = température au cur du compost. a, b, c et d = différentes phases de la courbe de température.
Source: http://helios.bto.ed.ac.uk/bto/microbes/thermo.htm
Le compostage aérobie nécessite dimportantes quantités doxygène, tout particulièrement lors du stade initial. Laération est la source doxygène, et se trouve être ainsi un facteur indispensable pour le compostage aérobie. Quand lapprovisionnement en oxygène nest pas suffisant, la croissance des micro-organismes aérobies se trouve limitée, ce qui ralentit la décomposition. De plus, laération permet de diminuer lexcès de chaleur et déliminer la vapeur deau et les autres gaz piégés dans le tas. Lévacuation de la chaleur est particulièrement importante dans les climats chauds, compte tenu des risques plus élevés de surchauffe et dincendie. Par conséquent, une bonne aération est indispensable pour un compostage efficace. Celle-ci pourra être atteinte si la qualité physique des matériaux (taille des particules et teneur en eau), la taille du tas et la ventilation sont contrôlées et si le mélange est fréquemment retourné.
Lhumidité est nécessaire pour assurer lactivité métabolique des micro-organismes. Le compost devrait avoir une teneur en eau de 40 à 65 pour cent. Si le tas est trop sec, le processus de compostage est plus lent, alors quau-dessus de 65 pour cent dhumidité, des conditions anaérobies se rencontrent. En pratique, il est conseillé de commencer le tas avec une teneur en eau de 50 à 60 pour cent, pour atteindre à la fin du processus, une humidité de 30 pour cent.
Les micro-organismes ont besoin de C, N, phosphore (P) et potassium (K) comme éléments nutritifs principaux. Le rapport C/N est un facteur particulièrement important. Le rapport optimal C/N se situe entre 25 et 30 bien que des rapports situés entre 20 et 40 soient aussi acceptables. Quand le C/N est supérieur à 40, la croissance des micro-organismes est limitée, et implique une durée de compostage plus longue. Un rapport C/N inférieur à 20 entraîne une sous-utilisation de lazote et le surplus dazote pourra alors être perdu dans latmosphère sous forme dammoniac ou doxyde nitreux, et lodeur pourra devenir un problème. Le rapport final C/N devrait se situer entre 10/1 et 15/1.
Le processus de compostage met en uvre deux gammes de température: mésophile et thermophile. Alors que la température idéale pour la phase initiale de compostage est de 20 à 45°C, par la suite, les organismes thermophiles ayant pris le contrôle des étapes ultérieures, une température située entre 50 et 70°C est idéale. Les températures élevées caractérisent les processus de compostage aérobie et sont les indicateurs dune activité microbienne importante. Les pathogènes sont en général détruits à 55°C et plus, alors que le point critique délimination des graines dadventices est de 62°C. Le retournement et laération peuvent être utilisés pour réguler la température.
La lignine est un des principaux constituants des parois cellulaires des plantes, et sa structure chimique complexe la rend hautement résistante à la dégradation microbienne (Richard, 1996). La nature de la lignine a deux implications. Premièrement, la lignine réduit la biodisponibilité des autres constituants des parois cellulaires, ce qui se traduit par un rapport réel C/N (rapport entre C biodégradable et N) plus faible que celui généralement mentionné. Deuxièmement, la lignine sert damplificateur de porosité, ce qui crée des conditions favorables pour le compostage aérobie. Par conséquent, alors que lapport de champignons décomposeurs de lignine peut dans certains cas augmenter le carbone disponible, accélérer le compostage et réduire les pertes azotées, dans dautres cas, cela risque dentraîner un rapport réel C/N plus élevé et une porosité médiocre, deux facteurs responsables dun allongement de la durée de compostage.
Les polyphénols comprennent les tannins hydrolysables et condensés (Schorth, 2003). Les tannins insolubles condensés lient les parois cellulaires et les protéines et les rendent physiquement et chimiquement moins accessibles aux décomposeurs. Les tannins solubles condensés et hydrolysables réagissent avec les protéines et réduisent leur dégradation microbienne et donc les rejets azotés. Les polyphénols et la lignine attirent plus lattention en tant que facteurs inhibiteurs. Palm et al. (2001) ont suggéré que les teneurs de ces deux substances soient utilisées pour classer les matières organiques afin dobtenir une meilleure utilisation des ressources naturelles au sein de lexploitation agricole, y compris le compostage.
Bien que leffet tampon naturel du compostage permette lutilisation de substances dans une large gamme de pH, celui-ci ne devrait pas être supérieur à 8. A des pH plus élevés, une plus grande quantité dammoniac est générée et risque dêtre perdue dans latmosphère.
Une simple reproduction des pratiques de compostage ne donne pas toujours le meilleur résultat. En effet, le compostage a lieu dans diverses régions, sous des climats différents et utilise des matières différentes dotées de propriétés physiques, chimiques et biologiques variées. La compréhension des principes, des options techniques et de leurs applications pourra être précieuse pour offrir un environnement optimal au tas de compost.
Afin dobtenir un produit final de qualité homogène, lensemble du tas devrait recevoir une quantité suffisante doxygène pour que les micro-organismes aérobies prospèrent de manière uniforme. Les méthodologies présentées dans cette publication ont utilisé les techniques décrites ci-dessous.
Taille du tas et porosité du compost
La taille du tas est dimportance capitale et est évoquée dans les sections relatives au compostage passif des tas de fumier (chapitre 2) et au retournement des andains (chapitre 3). Quand le tas ou landain est trop grand, des zones anaérobies peuvent se former à proximité du centre, ce qui ralentit le processus dans ces zones. Par contre, les tas ou les andains qui sont de trop petite taille perdent rapidement leur chaleur et ne vont pas atteindre une température suffisamment élevée pour permettre lévaporation de leau et lélimination des pathogènes et des graines dadventices. Les paramètres tels que certaines propriétés physiques (porosité) du compost et la façon de former le tas devraient être pris en compte pour définir la taille optimale des tas et des andains. Alors que les matières plus poreuses permettent de créer des tas plus grands, des poids importants ne devraient pas être placés au sommet du tas et les matières devraient être gardées aussi foisonnantes que possible. Le climat est aussi un facteur à prendre en compte. Afin de minimiser les pertes de chaleur, les tas de grande dimension sont appropriés pour les climats froids. Cependant, dans les climats plus chauds, ces tas peuvent surchauffer, voire même dans certains cas extrêmes (75°C et plus) prendre feu.
Ventilation
La possibilité de ventiler complète les efforts visant à optimiser la taille du tas. Les méthodes de ventilation sont variées. La méthode la plus simple est de faire des trous dans le tas à plusieurs endroits. La méthode chinoise de compostage à température élevée (chapitre 2) implique linsertion de tiges de bambou dans le tas, tiges qui sont enlevées un jour plus tard, laissant ainsi des trous daération. Laération est améliorée en apportant davantage dair à la base du tas, où linsuffisance en oxygène est fréquente. En plus des tronçons verticaux de bambous mentionnés ci-dessus, le compostage dans une exploitation agricole en Équateur utilise un treillage de branches mortes à la base afin de permettre à une plus grande surface du tas de rester en contact avec lair. La durée de compostage est ainsi réduite de deux à trois mois pendant les saisons chaudes. Cette technique est aussi utilisée par la méthode de compostage rapide élaborée par lInstitut des sciences biologiques (IBS) aux Philippines (chapitre 2), où la plate-forme devrait se trouver à 30 cm au-dessus du sol. La méthode des andains aérés passivement (chapitre 3) utilise une méthode plus sophistiquée, exigeant un enfouissement de tuyaux perforés dans le tas. Compte tenu de louverture à lextrémité des tuyaux, un flux dair apparaît et loxygène est ainsi apporté continuellement au tas. Le système daération utilisé dans la méthode du tas aéré statique (chapitre 3) va encore plus loin car un ventilateur produit un flux dair afin de créer une dépression (aspiration) dans le tas et de lair frais est ainsi apporté de lextérieur.
Retournement
Une fois le tas formé et la décomposition débutée, la seule technique permettant daméliorer laération est le retournement. Comme le montre le tableau 1, la fréquence de retournement est cruciale pour la durée de compostage. Alors que la méthode indienne Bangalore (chapitre 2) demande entre six et huit mois pour arriver à maturation, la méthode indienne Coimbatore (chapitre 2), avec un seul retournement, ne nécessite que quatre mois, et trois mois sont exigés pour la méthode rurale chinoise de compostage en fosses (tas retourné trois fois). Un exemple extrême est celui de la méthode de compostage rapide Berkley (chapitre 2), où le retournement se fait quotidiennement, et le produit final est obtenu au bout de deux semaines. Dans certains cas, non seulement le retournement répartit lair dans tout le tas, mais il permet déviter la surchauffe en éliminant les micro-organismes dans le tas et met fin à la décomposition. Cependant, un retournement trop fréquent peut savérer être un facteur de diminution de la température.
Alors quune aération améliorée peut suffire pour augmenter les activités microbiennes, linoculation de micro-organismes peut parfois savérer nécessaire. Les microorganismes utilisés pour le compostage sont principalement des champignons tels que Trichoderma sp. (compostage rapide IBS et compostage des adventices - chapitre 2) et Pleurotus sp. (compostage Coir Pith (chapitre 2) et compostage des adventices). Cette publication sintéresse également aux «micro-organismes efficaces» (processus de production rapide de compost basé sur les ME, chapitre 2). Les inoculums sont économiquement abordables pour les agriculteurs qui ont accès au marché et ceux qui nont que très peu de ressources. Le coût de production peut être réduit dans la mesure où les inoculums utilisés sont prélevés dans les fosses à compost (méthode indienne Indore, chapitre 2), en achetant le produit commercial et en le multipliant au niveau de lexploitation (processus de production rapide de compost basé sur les ME), et en utilisant des inoculums naturels issus des sols et des feuilles de plantes.
TABLEAU 1
Principales caractéristiques de techniques de compostage aérobie à petite échelle
Méthode |
Caractéristiques principales |
Durée |
||||
Réduction de la taille du substrat |
Intervalle entre les retournements (jours) |
Apport dun surplus daération |
Inoculation microbienne |
Amélioration de la nutrition microbienne |
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Fosses Indore |
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+15, +30, +60 |
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Inoculum des anciennes fosses |
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4 mois |
Tas Indore |
Hachage |
+42, +84 |
|
|
|
4 mois |
Fosse chinoise |
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+30, +60, +75 |
|
|
Superphosphate |
3 mois |
Compost chinois à haute température |
Hachage |
+15 |
Trous daération dans le tas grâce à des tiges de bambous / tiges de maïs |
|
Superphosphate |
2 mois |
Compostage à la ferme en Équateur |
|
+21 |
Treillage de branches mortes / bâtons à la base du tas |
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2-3 mois en été; 5-6 mois en hiver |
Compostage rapide Berkley |
Broyage |
Retournement quotidien ou un jour sur deux |
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|
2 semaines avec retournement quotidien et 3 semaines avec retournement un jour sur deux |
Compostage à chaud de luniversité de létat du Nord Dakota |
Hachage |
+3 ou +4 |
4-5 trous au centre du tas |
|
0,12 kg N pour 90 cm de matière sèche |
4-6 semaines |
Compostage rapide basé sur les microorganismes efficaces |
Hachage |
+14, +21 |
|
ME |
Mélasses |
4-5 semaines |
Compostage rapide de lIBS |
|
+7, +14, et ensuite chaque deux semaines |
Plate-forme surélevée / tiges de bambous perforées |
Trichoderma sp |
|
3-7 semaines |
Les techniques mentionnées ci-dessus ont souvent besoin dêtre associées à un apport déléments nutritifs. Une des pratiques les plus courantes est dajouter des engrais minéraux, tout particulièrement de lazote, afin de diminuer un rapport C/N élevé. De la même manière, du phosphate est quelquefois appliqué car le rapport C/P du mélange est également un facteur important (ce rapport devrait se situer entre 75 et 150). Lorsque des micro-organismes sont inoculés, ils ont besoin de sucres et dacides aminés afin de stimuler leurs premières activités, aussi des mélasses sont souvent ajoutées à cet effet.
Déchiquetage/hachage/broyage
La réduction de la taille ou le déchiquetage/broyage des matières, est une technique très utilisée qui augmente la surface disponible pour laction des micro-organismes et offre une meilleure aération. Cette technique est dailleurs particulièrement efficace et nécessaire pour des matières dures comme le bois.
Autres mesures
Laddition de chaux est aussi présentée dans cette publication. La chaux est supposée affaiblir la structure ligneuse des plantes et augmenter la population microbienne. Cependant, dans certains cas, le chaulage nest pas recommandé car le tas risque de devenir trop alcalin ce qui pourrait ainsi provoquer une importante perte dazote.